mardi 2 octobre 2012

VOUS AVEZ DIT LÉGITIMITÉ ?


Nous arrivons, très vite maintenant, à une date cruciale qui est un test pour la démocratie en Tunisie. La démocratie est-elle un beau slogan ou une réalité ?

Rappelons brièvement les faits. Avant les dernières élections du 23 octobre 2011, l’ensemble des partis, à l’exception du CPR de M. Marzouki ont signé le protocole du 15 septembre 2011 prévoyant l’élection de la Constituante pour un délai d’un an avec pour mission d’élaborer la Constitution dans ce délai.

Pour diverses raisons, sur lesquelles nous reviendrons, la Constituante n’a pas rempli la tâche pour laquelle elle a été élue et la Constitution n’est pas prête.

La question se pose donc de savoir ce qui doit arriver le 23 octobre. L’Assemblée élue pour un an peut elle se maintenir en place ou doit-on retourner devant les électeurs.
Le débat agite les tunisiens et de nombreuses contributions ont été publiées.

Le pouvoir prétend qu’il a la légitimité de se maintenir car le délai n’aurait été prévu que par un décret, le décret de convocation et que l’Assemblée a un pouvoir supérieur.

C’est complètement faux et cela part d’un raisonnement irrecevable. Le décret indique simplement ce sur quoi les électeurs (et dans une vraie démocratie ce sont eux qui ont le pouvoir) ont voté.
Les électeurs tunisiens ont voté sur la base du décret et ils ont donné à leurs élus un an pour écrire la Constitution. Voilà la réelle décision du peuple.

Passé ce délai voulu expressément par les électeurs, l’Assemblée et le pouvoir qui en découlent n’ont plus de légitimité ni juridique, ni politique, ni morale.
Que penserait-on d’une assemblée dans une démocratie qui se maintiendrait, sans nouvelle élection, au pouvoir au-delà de la mandature pour laquelle elle a été élue ? On dirait, et ce serait tout à fait juste, que l’on est en présence d’un coup d’état.

Mustapha Ben Jaafar Président de l’Assemblée avait d’ailleurs concédé qu’au-delà d’un an il y aurait un problème moral. C’est plus qu’un problème moral c’est une question fortement politique car en admettant un tel comportement la Tunisie peut dire adieu à une réelle démocratie.

J’invite d’ailleurs les instances internationales et notamment l’Europe, qui envisage un statut avancé pour la Tunisie de faire respecter ses valeurs et notamment celles des règles démocratiques.

J’ajoute au surplus que toute l’argumentation d’Ennahdha justifiant son retard et le déplacement du délai est irrécevable.
Cette argumentation est inopérante pour plusieurs raisons :
- Cette assemblée n’avait qu’un rôle de gestion courante et n’avait pas à prendre des décisions qui engagent l’avenir du pays : sa seule mission était de rédiger la Constitution.
Seul le pouvoir définitif, issu de la nouvelle Constitution, aura le pouvoir de prendre des engagements d’avenir. Le pouvoir de la troïka n’est qu’un pouvoir provisoire et de gestion courante.
Elle a outrepassé ses prérogatives.
- Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’Ennahdha a fait traîner les choses en longueur, avec notamment sa volonté de faire référence à la Charia, sa volonté de restreindre le droit des femmes, de s’attaquer à la liberté de la presse et à l’indépendance des juges … que le délai d’un an doit augmenter pour autant. En un mot ce n’est pas parce qu’Ennahdha s’est heurtée à une vive opposition de la population et qu’elle s’est obstinée, que son délai doit augmenter.
- L’incompétence, l’inertie et la désorganisation de cette assemblée présidée par Moustapha Ben Jaâfar, n’est pas non plus une excuse.

Rachid Barnat

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