vendredi 8 août 2014

Des intellectuels va-t-en-guerre ?

Le risque que l'islamisme prenne le relais des dictatures en place lors du "printemps arabe", était évident.

L'expérience de l'Iran n'aurait-elle servie à rien ? Pourtant le Shah a été dégagé par les islamistes soutenus par l’intelligentsia occidentale et les hommes politiques d'alors. Ils ont fait le lit de l'actuelle dictature religieuse que subissent les iraniens depuis plus de 30 ans !

Le pire est que certains intellectuels occidentaux "influents" vont jusqu'à distinguer entre les "islamismes" les classant de "modérés" à "extrémistes", alors que ce qui les fonde c'est le wahhabisme; comme s'il était possible de distinguer dans les "communismes", alors que le marxisme les fonde tous.

Quelle clairvoyance, quelle intelligence des situations.
En réalité ils se targuent de réfléchir et ne sont que des apprentis sorciers.

Ils feraient mieux de se taire s'ils sont à ce degré d'ignorance.

A moins qu'ils ne cachent d'autres intentions moins avouables ... tel que le soutien aux sionistes !
R.B

La Libye en plein chaos : 

fallait-il vraiment renverser Kadhafi ?


Face au chaos qui règne en Libye, devenu trois ans après la chute de Mouammar Kadhafi un vaste champ d'affrontements entre milices, certains commencent à douter de l'opportunité de l'intervention occidentale de 2011.
Dans son éditorial du 30 juillet, "Le Monde" dresse le bilan "du naufrage de la révolution" et s'interroge sur la "pertinence" d'une opération que le quotidien avait pourtant approuvée : "Washington, Paris et Londres ont-il eu raison de mener cette campagne de bombardements aériens qui a permis aux rebelles de l'emporter sur Kadhafi ? [...] Questions auxquelles, au regard du chaos qui emporte la Libye, il est difficile d'échapper."
Le 16 mars 2011, le quotidien avait publié un texte d'intellectuels appelant à un engagement urgent des Occidentaux en Libye. Parmi les signataires : Bernard-Henri Lévy, Pascal Bruckner, Nicole Bacharan, Dominique Simonnet ou encore Frédéric Encel. Regrettent-ils d'avoir signé ? Avec le recul, doutent-ils finalement du bien-fondé de l'opération militaire ? Voici leurs réponses.

Dominique Simonnet, écrivain, à l'initiative du texte

"On ne peut pas prôner l'indifférence et la non-intervention au nom d'un futur hypothétique"

"'Le Monde' a raison, il est impossible de ne pas se poser la question. Que fallait-il faire ? Faut-il regarder des crimes abominables commis par un Etat ou un dictateur contre son propre peuple sans bouger ? Faut-il intervenir ? Ces questions n'ont pas de réponse simple, c'est toujours un pari sur l'avenir.
A l'époque, j'étais avec mon ami André Glucksmann, nous discutions de la Libye et nous étions absolument terrifiés par ce qu'il se passait. André m'a poussé à écrire un texte. Nous l'avons rédigé en 2 heures. Je l'ai proposé au "Monde" qui a donné aussitôt son accord. L'intervention ensuite a fait débat, mais pour nous, l'idée était de pousser un cri, d'essayer de mobiliser les politiques, de susciter chez eux, si ce n'est l'envie d'intervenir, mais au moins celle de réfléchir, de prendre leur responsabilité. C'était une prise de position morale.
Kadhafi était en train de massacrer son peuple dans une abomination sans nom. Je pense qu'il était impossible de ne pas dire : "Faisons quelque chose, nous qui avons les moyens d'intervenir".
S'il n'y avait pas eu d'intervention, la Libye ne serait-elle pas déjà dans le chaos ? On ne peut pas se permettre de prôner l'indifférence et la non-intervention au nom d'un futur hypothétique. La Libye résume très bien toute la question des droits de l'homme aujourd'hui et des interventions au nom des principes démocratiques et de la liberté.
Que font les démocraties face à des peuples qui sont en souffrance ? Il ne peut pas y avoir une réponse générale. Parfois, on aide et on avance, parfois c'est un échec. Quelque soit l'option choisie, on est toujours perdant dans cette histoire... Ou je dirai plutôt, on n'est perdant qu'aux yeux de ceux qui restent assis et ne bougent pas.
Peut-on faire mieux ? Là, une autre question se pose, une question de démocrate : jusqu'où intervenir ? Peut-on aller jusqu'à construire une démocratie malgré un peuple ? Non, il faut aussi que le peuple qui réclame de l'aide reprenne son destin en main. Mais malgré tout, c'est vrai qu'il faudrait une mobilisation plus importante, un poids politique plus important, notamment au niveau européen, pour que l'accompagnement du peuple en détresse se fasse au mieux, mais on ne peut vivre à sa place non plus."

Bernard-Henry Levy, philosophe

"Kadhafi serait un autre Bachar al-Assad"

"Que se serait-il passé si l'Occident n'était pas intervenu ? La guerre se serait sans doute installée. La Libye serait peut-être devenue une sorte de Syrie. Kadhafi serait, aujourd'hui, un autre Bachar al-Assad. Et le nombre des morts libyens se chiffrerait en dizaine de milliers, pour ne pas dire davantage.
J'ajoute qu’il y a là une vraie question de principe. Un événement ne se juge pas à ses conséquences. Ni ces conséquences à leurs possibles et propres conséquences. On ne juge pas le présent en fonction de son éventuel futur dont, par définition, nous ne savons rien. Ou bien soit : mais alors, personne ne bouge, et cette éventualité d'un présent réinterprété par avenir lourd de péripéties, de drames, de tragédies imprévisibles paralyse toute espèce d'action et d'initiative.
Bref, je n'ai, pour ma part, aucunement changé d’avis. Il fallait sauver Benghazi. Il fallait lever le siège de Misrata bombardée. Il fallait montrer que l'Occident n'était pas l'allié, par principe, des tyrans contre les peuples. Il fallait, pour notre part au moins, casser le mauvais ressort de la guerre des civilisations et montrer que les démocraties ne pariaient pas, a priori, sur je ne sais quelle impossibilité ontologique de la démocratie dans le monde arabe. Et à ceux qui ont donné sa chance à la liberté et au droit, à Sarkozy, à Cameron et, dans une moindre mesure, à Obama, vous verrez que l'Histoire rendra justice."

Nicole Bacharan, historienne et politologue 

"On ne peut pas faire de brouillon de l'Histoire"

"Fallait-il intervenir ? C'est une question à laquelle on ne peut répondre ni par oui ni par non. En 2011, Kadhafi et ses fils promettaient que le sang allait couler dans les rues et il y avaient toutes les raisons de les croire sur parole. Un carnage était annoncé. L'Otan a tenté de l'arrêter. Si l'intervention n'avait pas eu lieu, le carnage aurait eu lieu, et peut-être qu'aujourd'hui, au vu ce qu'on voit en Syrie ou ailleurs, la Libye aurait tout de même plongé dans la guerre civile. On ne peut pas faire de brouillon de l'Histoire.
J'ai signé cet appel, je n'ai pas de regret de l'avoir fait. Nous ne sommes ni des militaires, ni des politiques, nous n'avons pas pris la décision. Nous avons donné notre point de vue qui a été une petite contribution dans une prise de décision. Je pense que même les politiques ne savent pas plus que nous ce qu'il faut faire avec le monde musulman qui est en train d'exploser. J'ai l'impression qu'on est dans des situations où il n'y a que des mauvaises options.
Aurait-on pu faire autrement ? Faire autrement, cela aurait voulu dire envoyer des troupes au sol et rester présent. Est-ce qu'il faut considérer la possibilité que les troupes de l'Otan occupent l'ensemble des pays qui sont en train d'exploser ? Peut-être que ce serait bien, mais c'est juste impossible matériellement et, surtout, les chances de succès ne sont pas réunies. Encore une fois, nous avons réagi à un carnage imminent. Nous n'avons pas de solution à long-terme. Personne n'en a."

Frédéric Encel, maître de conférences à Sciences-Po Paris, auteur de"Géopolitique du printemps arabe" (à paraître)

"La France a tenu son rang"

"Je me posais cette question avant même de signer. Les conséquences géopolitiques d'un acte de guerre, on ne les connait jamais complètement. On peut les subodorer, on peut imaginer ce qui va se passer, et bien évidemment cela va peser dans la balance. Il y a des variables de prises de décision. Moi, ma variable en soutenant l'intervention à l'époque, c'était de sauver Benghazi. Parce que ça c'était du sûr, de l'immédiat. Pourquoi ? Parce que Kadhafi était l'un des dictateurs les plus violents et des plus déstabilisateurs du monde arabe. Aussi, on était en plein dans les révolutions arabes. D'autre part, Kadhafi avait menacé de faire couler des rivières de sang et d'anéantir la rébellion.
Pour toutes ces raisons, je pensais, et je pense toujours, qu'il fallait tout faire pour l'en empêcher. Il y avait ce qu'on peut appeler une fenêtre d'opportunité. Je considère que rares sont les moments dans l'Histoire où l'on peut intervenir, où la faisabilité est là et où l'immédiateté du crime à venir s'impose, et donc il faut y aller. D'autant que nous avons obtenu une résolution au Conseil de sécurité de manière parfaitement loyale.
Au regard de la porosité des frontières, du caractère très tribal et très clanique de l'opposition, du nombre d'armes individuelles et de missiles dont disposait l'armée libyenne, on risquait d'aboutir à une déstabilisation de la région. C'est en partie ce qui s'est produit, certes. C'était un risque. Il a fallu se battre au Mali, mais c'est la France qui y a été. J'assume d'autant plus à posteriori que nous avons, nous Français, à la fois sauvé Benghazi et d'autres endroits de Cyrénaïque d'un massacre, et que nous avons ensuite "contribué" à réparer les conséquences induites par cette intervention en sauvant Bamako, avec l'aval du Conseil de sécurité, de toute la région et même de l'Algérie, une fois n'est pas coutume. La France a tenu son rang.
En ce qui concerne les conséquences géopolitiques, je pense qu'il faut assumer ses choix et éventuellement être prêt à sacrifier des moyens et peut-être des hommes pour contribuer à colmater les brèches qui auront été ouvertes du fait de notre action.
Mais la France n'a pas de marge de manœuvre pour aider davantage. Les puissances occidentales sont aujourd'hui capables d'écourter la longévité du pouvoir d'un dictateur -pas partout-, de temps en temps nous avons les moyens d'imposer des sanctions économiques, des sanctions logistiques comme avec l'Iran, mais nous ne pouvons pas construire un Etat. Ce qui est triste, c'est que nous ne pouvons même pas proposer une espèce de plan Marshall parce que les Occidentaux sont désargentés. Et à qui donnerait-on les fonds ? A quel Etat ?"

Pascal Bruckner, écrivain

"Nous ne sommes pas comptable de ce que les Libyens font de leur liberté"

"L'intervention était parfaitement légitime à l'époque, nous n'avons pas à rougir. Nous ne sommes pas comptable de ce que les Libyens font de leur liberté une fois qu'ils ont été affranchis de Mouammar Kadhafi. Par conséquent, je pense que nous avons sauvé les Libyens d'un massacre et ce qui se passe aujourd'hui est de la seule responsabilité des Libyens eux-mêmes. On n'aurait pas pu faire autrement dans le cas de la Libye.
L'intervention a été très bien menée et a été exemplaire. Il n'y a pas eu d'intervention terrestre, on a permis aux Libyen de se débarrasser de leur dictateur. Qu'ils s'entretuent aujourd'hui, c'est malheureux mais ce n'est plus de notre ressort.
Quand on accompagne, on est accusé d'ingérence, d'impérialisme, c'est toute la difficulté de ce genre de démarche. C'est aux Libyens de se débrouiller avec ce qu'ils ont. La France peut intervenir de manière diplomatique ou politique, elle peut soutenir un des deux camps. En Libye, c'est le chaos tribal, c'est le chaos des régions, mais tout cela était déjà en germe au moment de la guerre contre Kadhafi. On connaissait le contexte, mais il faut rappeler que c'est une intervention qui a été décidée presque en une nuit, dans l'urgence.
Il n'y a pas que la Libye, le monde arabo-musulman est dans un chaos absolu. Donc cela dépasse le cas libyen. La question aujourd'hui est de savoir si nous préférons un dictateur aux islamistes. Et beaucoup de gens préfèrent la dictature."
Propos recueillis par Sarah Diffalah 

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