La
première règle de la démocratie, celle qui en est le fondement même, c’est
celle du respect de la volonté du peuple. C’est cette règle qui fait que la Constituante n’a de
réelle légitimité politique que jusqu’au 23 octobre 2012 et, quelques
soient les arguments de la majorité en place pour se maintenir au-delà du 23
octobre, ils n’ont aucune pertinence face à cette idée très simple : le
peuple tunisien a donné un mandat à cette Constituante : établir une
Constitution dans le délai d’un an.
Il
faut rappeler clairement que la règle a été acceptée par les partis dans le
document ratifié par le Président Fouad Mbazza et le premier ministre Béji Caid Essebsi, et
par leurs chefs de parti.
Sauf
à renier leur parole, les partis qui ont signé, sont engagés par cette date
acceptée.
Le
Président Moustapha Ben Jaâfar lors d’un entretien télévisé a d’ailleurs dit
que cette règle s’imposait et que ce serait une faute morale et politique que de
ne pas la respecter.
Les
Tunisiens doivent imposer le respect de ce délai.
Que
nous disent les parlementaires d’Ennahdha et notamment Habib Khedher, président
de la Commission
de la Constitution
par la volonté de son oncle Ghannouchi ? Ils soutiennent que ce délai serait
trop court en raison de la charge de travail qui s’est imposée à la Constituante :
celle de préparer la
Constitution mais aussi celle de voter des lois et de
contrôler le gouvernement.
Cette
argumentation est inopérante pour plusieurs raisons :
-
Cette assemblée n’avait qu’un rôle de gestion courante et n’avait pas à prendre
des décisions qui engagent l’avenir du pays : sa seule mission était de
rédiger la Constitution.
Seul
le pouvoir définitif, issu de la nouvelle Constitution, aura le pouvoir de
prendre des engagements d’avenir. Le pouvoir de la troïka n’est qu’un pouvoir
provisoire et de gestion courante.
Elle
a outrepassé ses prérogatives.
-
Par ailleurs ce n’est pas parce qu’Ennahdha a fait traîner les choses en
longueur, avec notamment sa volonté de faire référence à la Charia , sa volonté de
restreindre le droit des femmes, de s’attaquer à la liberté de la presse et à
l’indépendance des juges … que le délai d’un an doit augmenter pour autant. En
un mot ce n’est pas parce qu’Ennahdha s’est heurtée à une vive opposition de la
population et qu’elle s’est obstinée, que son délai doit augmenter.
-
L’incompétence, l’inertie et la désorganisation de cette assemblée présidée par Moustapha
Ben Jaâfar, n’est pas non plus une excuse.
-
Enfin, il faut que les Tunisiens ne soient pas dupes : si Ennahdha veut aller
au-delà du terme fixé, c’est pour asseoir davantage son pouvoir, mettre ses
hommes partout, limiter les libertés, acheter certaines consciences, livrer
d’avantage le pays aux prosélytes wahhabites et aux prédicateurs obscurantistes
et vendre le pays à leurs amis qataris. Comme si le gouvernement sorti du rang
de ce parti mais dont les ministres ne demeurent pas moins des élus
constituants, avait mandat pour vendre le patrimoine des tunisiens.
-
Par ailleurs, on comprend assez bien que les élus, grassement payés et dotés
d’avantage choquants dans un pays où la misère s’accroit, veuillent prolonger
au-delà du délai le maintient de ces avantages. Mais comme l’a dit, fort
justement Ben Jaâfar ce serait une faute morale.
Si
les tunisiens ne réussissent pas à imposer le respect de ce délai, alors qu’il
était expressément prévu au moment du vote, ils pourront dire adieu à la
démocratie et à ses règles car le mauvais exemple aura été donné et le pli sera
pris. Pourquoi dans l’avenir respecter ce qu’a dit le suffrage universel ?
Il
ne faut pas cacher que cette position, pourtant parfaitement légitime, est
porteuse de beaucoup d’incertitudes et même de périls.
Si
la Constitution
n’est pas adoptée avant le 23 octobre et si la Constituante ne met
pas en place un calendrier précis et ferme pour de nouvelles élections, il est
clair qu’elle aura perdu toute légitimité politique et que l’on sera en
présence d'une forme de coup d'état.
S’ouvrira
alors une période d’extrême danger car il n’y aura plus, en place, aucun
pouvoir légitime et la porte sera ouverte pour toutes les aventures et tous les désordres.
Les
Tunisiens n’auront plus que le recours à la révolte, aux manifestations
permanentes et à la grève générale pour imposer au pouvoir encore en place mais
sans légitimité, d’organiser sans délai des élections libres.
Il
faut souhaiter que tous les partis y compris ceux du pouvoir actuel, aient suffisamment
le sens de l’état et de l’intérêt du pays pour que l’on n’en arrive pas
là.
Cependant,
ces périls qu’il ne faut pas se cacher et qu’il faut analyser lucidement, ne
doivent pas conduire à renoncer et à admettre que le pouvoir en place puisse
continuer à garder sa légitimité après le 23 octobre car ce serait, pour éviter
un désordre, accepter la naissance d’une nouvelle dictature.
Y
a-t-il une solution ? Oui, bien qu’elle puisse paraître à premier abord
utopique pour beaucoup mais elle n’est pas invraisemblable. Elle est peut-être même,
la seule qui puisse préserver le pays de graves remous.
Cette
solution doit impérativement intervenir maintenant, au moment où la Constituante a sa
pleine légitimité. Il est encore possible de
renverser la vapeur.
Si les constituants, membres d'Ettakatol et du CPR, au vu de l'échec de la troïka et de la grande impopularité de leur parti et de leur chef, faisaient leur examen de conscience pour comprendre qu'il y a péril dans la maison Tunisie et désertent leurs partis pour rejoindre l'opposition dans l’intérêt suprême dela Tunisie , à coup sûr la Constitution sera
sauvée de la main mise d'Ennahdha qui ne cesse de souffler le chaud et le froid
pour faire durer son règne et distiller son wahhabisme rampant dans la société
tunisienne !
Dans cet élan républicain, les élus indépendants feront de même, et feront bloc avec l’opposition. L'union faisant toujours la force, c'est le parti obscurantiste qui se retrouvera en minorité !
Si les constituants, membres d'Ettakatol et du CPR, au vu de l'échec de la troïka et de la grande impopularité de leur parti et de leur chef, faisaient leur examen de conscience pour comprendre qu'il y a péril dans la maison Tunisie et désertent leurs partis pour rejoindre l'opposition dans l’intérêt suprême de
Dans cet élan républicain, les élus indépendants feront de même, et feront bloc avec l’opposition. L'union faisant toujours la force, c'est le parti obscurantiste qui se retrouvera en minorité !
Les
élus du CPR et d’Ettakatol qui ne partagent plus la ligne
politique choisie par leurs chefs respectifs, devraient donc rejoindre l’opposition à Ennahdha.
Ainsi l’opposition deviendrait la majorité. Elle pourrait alors établir une
Constitution réellement démocratique, respectueuse des libertés et des
aspirations des tunisiens et décider d’un calendrier rapide et ferme pour des
élections libres.
Ces
parlementaires dont on peut comprendre qu’ils ont espérés beaucoup de leur
alliance avec le parti Ennahdha qui se prétendait « modéré », doivent
avoir constaté - et probablement avec amertume - que la modération de ce parti
n’est qu’un paravent et que tout démontre depuis le début sa volonté d’hégémonie
pour supprimer les libertés, se maintenir seul au pouvoir en laissant
éventuellement des miettes à ses alliés, d’utiliser la violence de sa base
salafistes pour islamiser le pays à la manière des pétromonarchies.
Est-ce
vraiment ce qu’ils veulent pour leur pays ? Est-ce que cela correspond
vraiment aux valeurs qu’ils ont toujours défendues ?
Si
ces parlementaires, en leur âme et conscience, s’allient à l’opposition pour la
faire devenir majorité, ils s’attireront le respect et la reconnaissance des
tunisiens et ils permettront ainsi d’éviter au pays une très grave crise qui ne
peut que nuire à tous. N’est-ce pas, dans le fond, le sens du discours de Marzouki devant son congrès ? Bien
que les congressistes semblent une fois de plus le désavouer en réaffirmant
leur suivisme à Ennahdha ! Mais que valent les discours de Moncef Marzouki ?
Il
y a des moments dans la vie d’un pays où il faut agir avec courage et
honnêteté.
Ce
moment est arrivé, chacun est devant ses responsabilités.
Rachid
Barnat
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