mercredi 24 avril 2013

Islam-islamisme, quelle différence ?
















Avocat en droit des affaires internationales

ISLAM - Il y a à peine deux ans, les politiques, les intellectuels et les journalistes faisaient très attentivement la différence entre islam et islamisme, entre être musulman et être islamiste. On disait bien que les islamistes ne représentaient pas les musulmans, aussi bien dans leurs pays d'origine que dans le cas de l'islam de France.
A juste titre, chacun assénait "pas d'amalgame", et tout le monde répétait studieusement que les islamistes sont une minorité extrémiste qui ne doit jamais être confondue avec la majorité des musulmans paisibles et tolérants...
Tel ne semble plus être le cas depuis deux ans. Plus particulièrement depuis les révoltes arabes qui ont chassé les dictatures et consacré les islamistes.
Que le "printemps arabe" rende les islamistes fréquentables et même honorables, cela peut se comprendre d'un point de vue utilitariste et selon la logique bien machiavélienne des fins par rapport aux moyens. Mais que les concepts subissent à leur tour une si rapide altération, cela dénote un cynisme bien dommageable au regard de la raison.
De tels réajustements conceptuels sont non seulement désobligeants à l'égard des sociétés arabo-islamiques qui aspiraient à la liberté et à la démocratie, et non guère à l'islamisme, mais ils sont intrinsèquement porteurs de subversions qui peuvent affecter l'islam de France.
La terminologie, plus exactement son contenu, ne doit pas évoluer au grès des caprices de l'histoire, ni s'adapter aux exigences de la realpolitik. Un scorpion s'appellera toujours un scorpion même lorsque toute cette espèce des arachnides sera apprivoisée au point de partager notre lit. Idem du 1+1 qui feront toujours deux, même après un cataclysme universel.
Il est vrai que, bien avant le "printemps arabe", on parlait déjà d'islamisme modéré, et pas seulement au sujet de l'AKP qui est au pouvoir en Turquie. Quelques mois avant son départ, Madeleine Albright disait vouloir discuter avec les "talibans modérés", ce que fait d'ailleurs actuellement l'administration américaine pour se dégager de ce bourbier.
D'où aujourd'hui la métastase interminable des "istes": l'islamiste n'est pas l'intégriste, lequel n'est pas le fondamentaliste, qui n'est pas salafiste, qui n'est pas forcément le djihadiste, lequel n'est pas toujours un terroriste ... Même si elle traduit une vague réalité, cette division cellulaire entraîne la confusion totale dans l'esprit de l'observé comme dans celui de l'observateur, ce qui rend la restitution des sens premiers une tâche urgente et salutaire.
L'islam, d'où moins dans sa version sunnite ultra majoritaire, nous savons tous ce qu'il est. Une forme de monothéisme rigoriste, qui n'instaure aucun corps ecclésial entre Dieu et l'homme et dont la croyance est basée sur l'unicité absolue de Dieu, la sacralité indiscutable du Coran et l'authenticité de la prophétie mohammadienne.
Etre musulman, c'est tout simplement reconnaître qu'"Il n'y a de Dieu qu'Allah et que Mohamed est son prophète". Etre musulman pratiquant, c'est ajouter à cette profession de foi, la pratique de ces quatre obligations : la prière, le jeûne, l'aumône et le pèlerinage à la Mecque.
L'islamisme, nous savons aussi ce qu'il est doctrinalement et indépendamment des formes extrêmes ou minimales qu'il peut prendre, selon le contexte historique, sociologique, politique et culturel où il s'implante.
Le fondement de la doctrine islamiste, c'est le lien indissociable et irrémédiable du religieux et du politique en vue de réaliser ici-bas la "cité idéale" dont le paradigme reste Médine au temps du prophète. Aux cinq préceptes religieux déjà mentionnés, l'islamiste ajoute un sixième que Dieu aurait oublié : le combat des infidèles, qu'ils soient musulmans ou pas, pour instaurer la souveraineté de Dieu sur terre. C'est d'ailleurs au nom de ce sixième précepte, appelé "l'obligation absente", que les Frères musulmans ont assassiné Sadate.
L'islamisme est donc par essence une utopie messianiste, universaliste, théocratique et totalitaire. Ce n'est pas la religion, mais une "religion séculière" dans le sens que Raymond Aron assignait à ce terme. L'islamiste n'est pas le citoyen d'un pays mais le fidèle à une communauté. Pour lui, la loi de Dieu transcende et ordonne les lois humaines. Entre foi et loi, son choix est vite fait.
Voilà pourquoi il existe une opposition irréductible et un antagonisme radical entre la laïcité et l'islamisme. En revanche, on peut tout à fait être musulman et laïc. A moins de considérer que la sécularisation est impossible en terre d'islam et que les musulmans sont condamnés à la réclusion identitaire à perpétuité, on devrait soutenir ce principe auquel croient beaucoup de musulmans traversés par le "printemps arabe".
A plus forte raison en Europe, et plus particulièrement en France !

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