mercredi 11 juin 2014

L'heure de vérité pour Nidaa Tounès

Nida Tounes dormirait-il sur ses lauriers ? Il ne faut pas que BCE s'endorme lui non plus ! Car les tunisiens ont investi tous leurs espoirs dans l'unique parti qui peut les préserver des Frères musulmans tant que ce parti ne sera pas un jour ou l'autre interdit ...  et ne pardonneraient pas d'être trahis !
Rien n'est jamais totalement acquis ni pour l'un ni pour l'autre !!
R.B


La crise de Nidaa Tounès a été suivie avec beaucoup d’intérêt par les Tunisiens, non seulement parce qu’il s’agissait d’un grand parti, mais aussi parce que Nidaa avait radicalement changé la donne politique alors qu'on commençait à se résigner à la fatalité d’une nouvelle victoire islamiste aux prochaines élections. Il y avait Ennahdha et les autres, Ghannouchi et les autres. Le régime avait une apparence: un pluralisme débridé avec 150 partis et une bonne dizaine à l’intérieur de l’Assemblée constituante. Et une réalité: un parti dominant, des partis croupions lui servant d’alibis démocratiques et une Chambre introuvable. Le 15 juin 2012, Nidaa Tounès est créé. Le succès est immédiat. En quelques mois, il rééquilibre le paysage politique et contribue à la chute du gouvernement Laarayedh. Désormais, on a Nidaa Tounès, Ennahdha et les autres; Caïd Essebsi, Ghannouchi, et les autres. Loin derrière, le Front populaire et Hamma Hammami, bénéficiant de l'effet Belaïd et Brahmi, jouent les trouble-fêtes.

Les parallèles avec le RPF de De Gaulle

La création de Nidaa Tounès rappelle celle du RPF (le Rassemblement du peuple français), créé en 1947 par le général de Gaulle, quelques mois après sa démission de la présidence du Conseil. Leurs parcours respectifs révèlent de saisissants parallèles. Les deux initiatives sont nées de la volonté de deux hommes de contribuer à l'œuvre de redressement national, la lutte contre le régime des partis à l'origine du déclin de la France et de la défaite de 1940 pour le premier, et la sauvegarde du model sociétal tunisien, menacé par les islamistes pour le deuxième. Les deux s’adressent à leurs compatriotes, au-delà de leurs clivages idéologiques. Comme les adhérents du RPF qui pouvaient conserver leur affiliation à leur parti d'origine, ceux de Nidaa Tounès sont autorisés à se réclamer de leur famille politique initiale. Ce sont en définitive deux partis «attrape-tout», qui se sont inscrits dès leur lancement dans une logique de conquête du pouvoir avec une idéologie suffisamment vague pour que tous leurs militants s’y retrouvent. Dès sa première année, le RPF était devenu le second parti de France derrière le parti communiste. Nidaa fera mieux, puisqu'il a réussi à détrôner dans les sondages Ennahdha, en quelques mois. Là s'arrêtent les analogies. Le RPF a été dissous par son fondateur en 1955,  après  des revers électoraux. Nidaa n'en est pas là, mais il est confronté depuis des mois à une grave crise interne qui s'explique essentiellement par la cohabitation en son sein de plusieurs tendances, mais qui est exacerbée par l'interférence de partis amis.

Le contre-exemple "du père Queuille"

Il fut un temps où Béji Caïd Essebsi aimait à rappeler dans ses discours cette exception «nidéenne», poussant la coquetterie jusqu'à cultiver cette diversité. C'est un signe de bonne santé, soutenait-il. Aujourd'hui, Nidaa Tounès n'est plus le club de discussions qu'il était à ses débuts, mais un grand parti structuré, moderne qui compte 110000 adhérents, soit presque le double de ceux que revendique Ennahdha. Comme la plupart d'entre eux ont la double allégeance (en plus des indépendants,ils sont destouriens, syndicalistes et militants de gauche), il arrive les débats internes tournent à la foire d'empoigne. D'où ce climat de tension récurrente qui empoisonne la vie de ce parti depuis des mois et qui a atteint son point culminant après la désignation de Hafedh Caïd Essebsi à la tête des structures régionales et la décision de tenir un congrés électif le 15 juin, contre l'avis de l'aile gauche du parti. Dès lors que le différend était porté sur la place publique, il devenait difficile de continuer à soutenir que cette cacophonie était un signe de vitalité et de bonne santé. Car on est en présence d'un parti déchiré. Il devient évident que Nidaa, avec l’afflux de nouveaux adhérents, vit très mal cette pluralité, quoi qu'en disent ses dirigeants, contrairement aux militants d'Ennahdha qui semblent plutôt, s'en accommoder. Ennahdha a 33 ans, Nidaa n'en a que deux. Ses adhérents n'ont pas eu le temps de se fondre dans le moule de leur nouveau parti, d'autant plus qu'il ressemble beaucoup plus à un front qu'à un parti classique. Les dirigeants de Nidaa ont cru bien faire, tantôt en recherchant à tout prix le consensus, tantôt en jouant la carte du pourrissement pour calmer les esprits. Au fond, ils ont fait rater à leur parti, un débat qui aurait pu être salutaire. Car les problèmes soulevés sont graves et les inquiétudes justifiées : le déficit démocratique au sein du parti, les tentations dynastiques réelles ou  supposées, « l’hégémonisme » de l'aile destourienne. Tout cela aurait mérité explications


Si Béji, qui a fait ses études supérieures en France à la fin des années 40, se souvient certainement d’un certain Henri Queuille. Il a été vingt fois ministre sous la IIIe République et avait tenu pendant treize mois à la tête du gouvernement français sous la IVe alors que l’espérance de vie d’un cabinet était d’à peine trois ou quatre mois La raison de cette longévité exceptionnelle: une méthode de gouvernement qu’il résumait par cette phrase : «Il n’est pas de problème qu’une absence de solution ne  finisse par résoudre». Il restera dans l'histoire comme le symbole de l'immobilisme. La tentation est grande aujourd’hui chez les dirigeants de Nidaa Tounès de persévérer dans cette voie, d’autant plus que  le parti ne donne pas l’impression de s’en ressentir outre-mesure. Il y a eu très peu de démissions pour la simple raison que les contestataires sont conscients, qu'ils n'ont  d'autre alternative que de rester au parti, en l'absence de formations crédibles et capables de tenir la dragée haute à Ennahdha. Malgré toutes ses fragilités, il est remarquable que Nidaa Tounès reste la planche de salut pour la plupart des Tunisiens. Cela ne justifie pas pour autant les tergiversations auxquelles on assiste, aujourd'hui. C'est bien de rechercher le consensus, mais il ne faut pas que cela serve d'alibi à l'immobilisme  et l'indécision.


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