Quand on vous disait que les religions sont des créations humaines, souvent se nourrissant des légendes et autres mythes fondateurs de celles qui les ont précédées ! Des chercheurs en donnent la preuve, en ce qui concerne les religions monothéistes actuelles.
R.B
On a découvert le message caché de la Bible
Les Hébreux étaient des Égyptiens adorateurs du dieu Aton. C'est ce qu'ont découvert deux chercheurs français. Une hypothèse pressentie, au siècle dernier, par Champollion.
CETTE découverte fera du bruit. Elle agace, déjà, le milieu scientifique - historiens et archéologues -, et trouble le monde religieux. Le bruit court que les agents de Steven Spielberg en ont eu vent outre-Atlantique et que le grand cinéaste pourrait porter à l'écran « Les secrets de l'Exode », l'ouvrage de deux chercheurs hébraïsants (1).
Les intuitions de Sigmund Freud
Que nous disent Messod et Roger Sabbah ? Ce que le Lotois Jean-François Champollion avait, bien avant eux, probablement pressenti - il est mort trop tôt pour aller au bout de ses convictions. Ce que le psychanalyste Sigmund Freud avait, il y a soixante ans, géniale intuition, soupçonné en évoquant, dans ses écrits, l'hypothèse d'une transmission aux Hébreux, par Moïse l’Égyptien, de sa propre religion, celle du dieu Aton. Messod et Roger Sabbah vont plus loin encore en soutenant que tous les Hébreux sont des descendants des anciens Égyptiens.
Ils s'appuient d'abord sur un constat : il n'y a aucune preuve archéologique de l'existence de ces Hébreux tels qu'ils sont décrits dans la Bible. Pour la plupart des savants, ils seraient vaguement assimilés, faute de mieux, aux « Apirous », peuple semi-nomade aux contours flous. Aussi s'interroge-t-on depuis des lustres : comment une population ayant vécu près d'un demi-millénaire en Egypte, forte de près de deux millions d'âmes, a-t-elle pu fuir le pays, l'armée du pharaon à ses trousses, puis s'installer en « Terre Promise », alors administrée par l'Egypte, sans qu'aucune trace ne subsiste ni de leur long séjour, ni de leur exode ? Pas de trace non plus d'Abraham. Inconnu au bataillon pour les scientifiques. Pas d'inscription, pas de récit, rien dans les temples, rien sous le sable du désert.
L'obscur pharaon Aï
Nos deux chercheurs fondent ensuite leur hypothèse sur une troublante étude comparative des écritures, l'hébraïque et les hiéroglyphes. Dans le tombeau de Toutankhamon, ouvert en 1923, figuraient des inscriptions rédigées en hiéroglyphes insolites, certaines lettres ressemblant à s'y méprendre - forme, prononciation, valeur symbolique - à l'alphabet hébreu. La coïncidence, à l'époque, n'émut personne. Pas plus que celle-ci : sur un mur du tombeau, le double « cartouche (la signature gravée) d'un obscur pharaon, Aï, dont le nom, en hiéroglyphes, ressemble à celui, dans la Bible araméenne, de Dieu, prononcé Adonaï (Aton-Aï). Et, à l'entrée de la salle du trésor, gardant la tombe, couché sur un coffre, le chien Anubis (ou Anapi): en hébreu, « Nabi » signifie « gardien de la loi ». Chien et coffre étaient recouverts d'un tissu sacré rappelant le châle de prière des Hébreux. Le coffre à brancards, lui, pourrait s'apparenter à l' « Arche d'Alliance » telle qu'elle est décrite dans la Bible.
Arguant de ces similitudes - il y en a bien d'autres -, les frères Sabbah ont relu de fond en comble les textes. Ils en ont déduit que la langue hébraïque était issue des hiéroglyphes, stylisés. Et, dès lors, tout s'est éclairé: les énigmes de la Bible, les noms aux consonances étranges parce qu'étrangères, les personnages, l'Histoire.
Remontons 3350 ans en arrière. Akhet-Aton, capitale de l'empire d'Egypte - connue aujourd'hui sous le nom de Tell El Amarna -, est la ville du pharaon Akhénaton (« Je suis le soleil vivant ») et de la reine Nefertiti. C'est une cité d'or et de lumière, située au nord de l'actuelle Assiout, sur le Nil, c'est la cité sainte du dieu Aton, le « dieu unique », créateur du ciel et de la terre. Akhénaton a rompu, en effet, avec les divinités du panthéon égyptien, il y règne en maître absolu. Quand il meurt, Aï, qui n'est encore que grand prêtre - plus tard, il sera pharaon sous le nom du « Divin Père Aï » -, prend les rênes du pouvoir, assurant la régence en attendant que Toutankhamon (il n'a que huit ans) grandisse.
Alors, tout s'effondre : le culte ancestral d'Amon, dieu multiple, est rétabli, c'est le retour à l'orthodoxie. Aï et Toutankhamon vont faire en sorte que soit effacé tout vestige de cet Akhénaton de malheur qui laissait le reste du pays sombrer dans la misère, et de ce dieu Aton qui proclamait que les hommes étaient égaux : les prêtres d'Aton, les « Yadoudaé », qui vont former le royaume de Juda, les scribes, les notables, l'élite et, avec eux, le petit peuple, « la tourbe nombreuse » dont parle la Bible, le futur Israël (en égyptien, « fils de Râ et de Dieu ») qui entrera en conflit avec Juda.
Dans leurs bagages, ils emportent leur foi monothéiste - la première de l'histoire humaine -, leurs traditions. Après des années d'errance et de querelles, ces « Égyptiens » vont adopter leur écriture « hébraïco- hiéroglyphique » et conserver le souvenir de l'âge d'or. Aï a fait d'une pierre deux coups: il s'est débarrassé de ces encombrants monothéistes et les bannis lui servent de « zone tampon » contre les Hittites, l'ennemi du nord !
Chassés du « paradis »
Episode annexe de ce grand départ, la fuite, vers le sud, de la police pharaonique composée de Nubiens, les « Medzaï » (« Fils d'Aï »). Au Kenya, note-t-on, les Masaï se réclament aujourd'hui d'un dieu unique, évoquent leur âge d'or, au nord, et portent des ornements qui ne sont pas sans rappeler les symboles sacrés de l'Egypte ancienne...
Bien des siècles après cette épopée, nous disent Messod et Roger Sabbah, les scribes, lors de l'exil à Babylone, ennemi juré de l'Egypte, vont rédiger un texte, la Bible, maintes fois remanié, où ne figure plus cette lointaine et gênante origine égyptienne, où les noms sont maquillés. Inventé donc, Abraham, inventée sa naissance en Mésopotamie !
Sarah, c'est Nefertiti
Et tout concorde, pour nos deux chercheurs : la chronologie des pharaons, leurs vies, leurs actions, la Bible et l'histoire égyptienne. Abraham (« Ab-Rah-Am », père du dieu Râ et Amon) ? C'est Akhénaton lui-même : d'un côté l'Abraham biblique à qui Dieu parle, qui rejette le polythéisme et égorge le bélier en lieu et place de son fils Isaak (le pharaon Semenkharé, en égyptien Saak- Ka-Râ?); de l'autre Akhénaton, qui converse avec Aton, rompt avec les divinités, sacrifie le bélier (Amon). Sarah, c'est la belle Nefertiti, Agar, c'est Kiya, la seconde épouse. Moïse (« Mésés ») ? C'est Ramsès Ier, homme de guerre, impulsif. Aaron ? C'est Horemheb, général puis pharaon. Joseph ? C'est Aï : l'un et l'autre ont été enterrés en « pharaons d'Egypte » et leurs momies ont disparu...
Pas de peuple réduit en esclavage, pas de « peuple élu », pas de terre promise par Dieu : si elle les a étourdis - on le serait à moins -, cette découverte n'a pas fait chanceler la foi de Messod et Roger Sabbah, issus d'une lignée de rabbins : ils assurent être toujours croyants.
* « Les secrets de l'Exode », Messod et Roger Sabbah, éditions Jean-Cyrille Godefroy, 556 pages.
« Abraham = Akhénaton »
Les auteurs des « Secrets de l'Exode » ne sont ni des farfelus ni des iconoclastes. Messod et Roger Sabbah sont issus d'une lignée de rabbins et de grands rabbins, ils ont effectué des études bibliques et talmudiques poussées. Leur livre est le fruit de vingt ans de recherches. « Si tout ceci était un canular, dit Roger Sabbah, nous nous cacherions... »
LA DEPECHE DU DIMANCHE.- Pensez-vous que Champollion, s'il n'était pas mort prématurément, aurait abouti aux mêmes conclusions que vous?
ROGER SABBAH.- Certainement. D'ailleurs, dans son dernier ouvrage, il exhorte les chercheurs à la critique de la Bible. C'est son grand message : il a voulu dire que l'Egypte devait servir à appréhender la Bible d'une façon différente. La Bible elle-même nomme 700 fois le mot Egypte, ce sont des clins d’œil pour dire : fouillez là-bas pour approcher la vérité ! Notre recherche à nous va se poursuivre car il y a bien d'autres analogies entre la Bible et l'histoire de l'Egypte ancienne. Par exemple, à propos de la sagesse, 2000 ans avant notre ère, un pharaon écrivait : « Si tu respectes ton père et ta mère, tu vivras longtemps ». Or on retrouve le même rapport dans le troisième commandement. Toutes ces concordances existent, nous ne les avons pas inventées. Maintenant, c'est au lecteur de décider de ce qu'il doit croire ou de ne pas croire. Notre livre ne fait qu'évoquer une hypothèse.
DDD.- Pour vous, le monothéisme est vraiment né en Egypte?
R. S.- C'est une certitude. Les empires assyrien et babylonien étaient tous polythéistes. Le culte d'Aton est vraiment le premier monothéisme de l'Histoire, un pur monothéisme affirmant : il n'y a pas d'autres dieux. Ce qui rejoint le commandement biblique : tu n'auras pas d'autres dieux que moi. Nous nous sommes donc demandé qui pouvait bien être ce personnage fabuleux nommé Abraham. Et, petit à petit, en étudiant isolément le cas Abraham et le cas Akhénaton, nous avons abouti à cette conclusion : l'un est probablement le mythe de l'autre. Abraham n'est pas né en Mésopotamie.
DDD.- Vous parlez du pharaon Moïse, du pharaon Aaron. Mais où et quand auraient-ils régné?
R. S.- Après Akhénaton, Semenkharé, Toutankhamon et Aï, sous les noms d'Horemheb et de Ramsès Ier. Le tout sur une durée de quarante ans, ce qui - hasard ? - correspond aux quarante années des Hébreux dans le désert. Tout cela s'est passé en Egypte, où certains Hébreux étaient revenus. Quand Moïse est parti - « dans la montagne » d'après la Bible - en déléguant son autorité à Aaron, ce dernier en a profité pour prendre le pouvoir. D'où l'histoire du veau d'or, symbole, pour les Égyptiens, de la mise sur le trône d'un nouveau pharaon. Il faut bien comprendre que l'histoire biblique est un transfert.
DDD.- Si on prolonge l'analyse, on en déduit que Jésus est d'origine égyptienne...
R. S.- Certains soutiennent même qu'il n'a pas existé, qu'il est un symbole de l'Egypte ancienne. D'autres disent que c'est en Egypte qu'il a découvert la véritable histoire des Hébreux et qu'à partir de là, révolté, il a justement voulu tout chambouler...
DDD.- Comment est perçue votre découverte ? Elle est tout de même dérangeante pour les égyptologues, et surtout pour les juifs qui verraient, si vous dites vrai, toutes leurs valeurs s'effondrer...
R. S.- Les égyptologues font front commun contre nous. Mais ils ne remettent pas en cause les découvertes principales : il y a trop d'analogies pour qu'il n'y ait pas un fondement. Nous pensons que l'égyptologie a fait une faute de parcours, négligé l'étude des religions. Quant à la symbolique juive, elle garde sa valeur. La mystique juive fait partie d'une certaine forme de fondement de l'être humain. J'espère en tout cas que ce livre rapprochera les trois religions monothéistes qui ont un tronc commun.
DDD.- En quel dieu croyez-vous ? Pas le Yahweh de la Bible mais alors lequel : l'Aton égyptien ?
R. S.- Je reviendrais peut-être davantage à la religion amonienne ! Dans la mesure où Dieu y a une dimension universelle et inconnue. L'Egypte ancienne avait compris l'immense problème que l'humanité d'aujourd'hui n'a toujours pas résolu : celui de la tolérance, mais à la base, aller vers le Bien, considérer le divin comme une universalité et les dieux comme des projections de cette universalité, des morceaux du divin. Le drame, c'est la cassure qu'il y a eu quand un homme a déclaré - c'était Akhénaton - qu'il était lui-même Dieu et qu'il fallait donc l'adorer...
Ph. B.
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