mardi 5 mars 2024

Désormais, l'IVG est un droit constitutionnel pour les femmes

Simone de Beauvoir mettait en garde les femmes qu’en cas de crises politiques ou économiques, elles seront les premières dont les droits seront remis en question.

Avec le populisme qui se répand dans les vieilles démocraties comme dans les nouvelles, les prédictions de Simone de Beauvoir se confirment puisque les Américaines comme les Polonaises et les Hongroises, voient leurs droits de disposer de leur corps régresser s'ils n'étaient purement et simplement abrogés.

Ce qui a incité les Françaises à inscrire dans le marbre le droit d'interruption volontaire de grossesse grâce à la pugnacité de Gisèle Halimi et de Simone Veil entre autres.

Le sénateur et médecin Claude Malhuret a raconté devant les parlementaires son expérience d’ancien médecin. Il émeut le Congrès en racontant le « drame » de celles qui ne peuvent avorter. Dans un pays en développement où l’avortement était interdit, il a été confronté au cas d’une adolescente ayant commis un infanticide après une grossesse cachée. Le Congrès, réuni le lundi 4 mars à Versailles pour inscrire l’IVG dans la Constitution, s’est levé pour applaudir longuement le sénateur Claude Malhuret. 

Les Tunisiennes qui avaient obtenu ce droit bien avant les Françaises grâce au progressiste Bourguiba, auront-elles le défendre face aux islamisto-arabistes arrivés au pouvoir depuis leur fumeuse révolution de 2011 et qui cherchent à remettre en question le CSP ? Il faut l’espérer.

R.B

Claude Malhuret 

Âgé de 25 ans, je travaillais au sein d’un petit hôpital dans un coin perdu d’un pays du sud. Un établissement aux moyens limités, où je suis le seul médecin pour une ville de 50 000  habitants. Un jour, je vois débarquer dans mon bureau une jeune fille, dont je me rappellerai toujours le visage

Elle n’avait que 17 ou 18 ans et les joues rondes d’une adolescente, toutes rouges et inondées de larmes, essoufflée, une expression mêlée de terreur et d’incompréhension dans le regard. Les cheveux décoiffés, les vêtements de travers comme si elle venait de se débattre, les bras maintenus par deux gendarmes qui l’encadraient et la poussaient dans la pièce sans ménagement.  

Le matin même, un voisin, intrigué par le manège de chiens errants qui s’acharnaient à gratter la terre près de sa maison, s’était approché et avait découvert le cadavre d’un nouveau-né, à peine enfoui dans le sol. L’enquête n’avait pas été longue et les gendarmes me demandent d'examiner la suspecte afin de savoir si elle vient d’accoucher.

J’étais pétrifié. Il s’agissait d’un infanticide bien sûr et la loi me commandait de m’exécuter. Mais je savais aussi pourquoi cette jeune fille était là. Dans un pays comme tant d’autres où être fille-mère, c’était le mot de l’époque, signifiait bannissement social et déshonneur pour la famille. Un pays où l’avortement était interdit et sévèrement puni.


J’imaginais sa vie au cours des derniers mois, engrossée par un séducteur de barrière, peut-être, ou comme c'est souvent le cas, par un parent découvrant d’abord effrayée son retard de règles puis voyant son ventre s’arrondir et masquant sa grossesse avec de plus en plus de mal; accouchant seule en se cachant, enterrant maladroitement l’enfant sur place, folle de douleur et de culpabilité. 


Face à cette jeune fille, qui se tient désormais devant moi dans mon bureau, je reste longtemps assis, le visage caché dans les mains cherchant désespérément comment éviter l’inévitable. Un infirmier finit par débarquer dans la pièce et se charge d’examiner la jeune fille. Il lui retire son soutien-gorge et appuie sur le teton. Le lait jaillit et la coupable est démasquée. Les gendarmes l’embarquent. Je revois encore cette adolescente redoublant de pleurs entre ces deux gardes, je repense souvent à elle.

Des histoires comme celles-là, je pourrais vous en raconter d’autres si nous en avions le tempsChez nous, ces histoires n’existent plus depuis la loi Veil. 

40 % des femmes au moins dans le monde vivent dans des pays où les drames tels que celui que je vous ai retracé continuent, parce que rien n’a changé.

En inscrivant l’IVG dans la Constitution, les parlementaires français vont susciter des débats, des prises de position et des avancées, pour se rapprocher d’un jour comme ici où les femmes seront libérées de la peur, de la culpabilité et de l’impuissance à maîtriser leur destin.

Ancien secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme du gouvernement Chirac.

Lire aussi : Pourquoi l’inscription de l’IVG dans la Constitution serait un « geste pionnier »

 


 

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