Discours de Macron : La France a reconnu l’État de Palestine ce lundi 22 septembre.
Emmanuel Macron
Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et messieurs les chefs d’État et de
gouvernement,
Mesdames et Messieurs,
Nous sommes là car le temps est venu. Le temps est venu
de libérer les 48 otages détenus par le Hamas. Le temps est venu d’arrêter la
guerre, les bombardements à Gaza, les massacres et les populations en fuite. Le
temps est venu car l’urgence est partout. Le temps de la paix est venu, car
nous sommes à quelques instants de ne plus pouvoir la saisir. C’est pour cela
que nous nous retrouvons aujourd’hui ici. Certains diront trop tard, d’autres
diront trop tôt. Une chose est sûre nous ne pouvons plus attendre.
En 1947, cette Assemblée décidait du partage de la
Palestine mandataire entre deux États, l’un juif et l’autre arabe, et
reconnaissait ainsi le droit de chacun à l’autodétermination. La communauté
internationale consacrait là l’État d’Israël, accomplissant le destin de ce
peuple, enfin, après des millénaires d’errance et de persécution, et qui put
fonder là une si belle démocratie. La promesse d’un État arabe, elle, reste,
jusqu’à ce jour, inachevée.
Depuis lors, c’est un long chemin d’espérance et de
désespoir mêlés qu’Israéliens et Palestiniens ont parcouru chacun à leur
manière. Et nous, nous avons cheminé avec eux, chacun d’entre nous selon son
histoire et sa sensibilité. Mais la vérité est que nous portons la
responsabilité collective d’avoir failli jusqu’ici à bâtir une paix juste et
durable au Proche-Orient. C’est l’évidence même qui s’est imposée à nous le 7
octobre 2023, lorsque le peuple israélien a subi la pire attaque terroriste de
son histoire. 1224 hommes, femmes et enfants tués. 4834 hommes, femmes et
enfants blessés. 251 hommes, femmes et enfants enlevés.
La
barbarie du Hamas et de ceux qui ont collaboré à ce massacre a stupéfait Israël
et le monde. Le 7 octobre est une blessure encore vive pour l’âme israélienne
comme pour la conscience universelle. Nous la condamnons sans aucune nuance car
rien, jamais, nulle part, ne peut justifier de recourir au terrorisme. Nous
pensons en ce jour, aux victimes et à leurs familles. Nous disons notre
compassion aux Israéliens et exigeons avant toute autre chose que tous les
otages encore détenus à Gaza soient libérés sans aucune condition. Nous
Français avons rendu un hommage national à nos 51 compatriotes assassinés ce
jour-là, et à toutes les victimes du 7 octobre 2023. Nous ne les oublierons
pas. Jamais. Comme jamais nous ne cesserons le combat existentiel contre
l’antisémitisme.
Français,
nous savons la morsure du terrorisme. Nous portons au cœur le souvenir du
témoignage de fraternité offert après les attentats commis à Paris le 7 janvier
2015, par des dizaines de dirigeants étrangers manifestant avec eux, au premier
rang desquels le premier ministre israélien et le président de l’Autorité
palestinienne.
Nous
savons qu’aucune faiblesse n’est possible face aux terroristes.
Nous
savons aussi le danger des guerres sans fin. Nous savons que le droit toujours
doit l’emporter sur la force. Nous savons enfin de notre Histoire que
l’attachement à l’universel et à la paix est l’héritage des siècles passés
comme la condition du salut. J’affirme cela au nom de notre amitié avec Israël,
à qui notre engagement n’a jamais fait défaut. Au nom de notre amitié aussi
avec le peuple palestinien pour qui nous voulons que la promesse initiale des
Nations unies, celle de deux États vivant côte à côte en paix et en sécurité
devienne réalité.
Or à cette heure, Israël étend encore ses opérations
militaires à Gaza dans l’objectif déclaré de détruire le Hamas. Mais ce sont
les vies de centaines de milliers de personnes déplacées, blessées, affamées,
traumatisées qui continuent d’être détruites. Alors même que le Hamas a été
considérablement affaibli et que la négociation d’un cessez-le-feu durable
reste le moyen le plus sûr d’obtenir la libération des otages.
Rien, rien ne justifie plus la poursuite de la guerre à Gaza. Rien. Tout
commande au contraire d’y mettre un terme définitif maintenant, à défaut de
l’avoir fait plus tôt. Pour sauver des vies. Les vies des otages israéliens
encore détenus dans des conditions atroces. Les vies des centaines de milliers
de civils palestiniens accablés par la faim, la souffrance, la peur de mourir,
le deuil de leurs proches. Sauver toutes les vies. Car depuis désormais près de
deux ans, c’est bien la négation de l’humanité de l’autre et le sacrifice de la
vie humaine qui prévalent. Oui, depuis le 7 octobre, c’est bien la vie de
l’autre qui est niée.
Nous le disons depuis le premier jour de la guerre à
Gaza : une vie vaut une vie. Je le sais pour avoir pris dans mes bras les
familles des otages rencontrées à Tel Aviv puis à Paris. Je pense à cet instant
à la mère d’Eyatar David, otage affamé et montré à la foule par ses bourreaux.
Je pense à Nimrod Cohen, otage de dix-neuf ans, dont je viens de saluer le
père. Je le sais pour être aussi allé au chevet des victimes palestiniennes des
opérations militaires israéliennes, réfugiées à Al-Arish, des femmes, des
enfants, dont je n’oublierai pas le regard. Je le sais, pour avoir rencontré
des jeunes de Gaza accueillis en France et je pense à Rita Baroud qui aurait dû
être avec nous aujourd’hui et qui continue de témoigner de la détresse de ses
proches à Gaza. Une vie vaut une vie. Et notre devoir à tous est de protéger
les uns et les autres, devoir indivisible, comme l’est notre humanité commune.
Une solution existe pour briser le cycle de la guerre et
de la destruction. C’est la reconnaissance de l’autre, de sa légitimité, de son
humanité et de sa dignité. Que les uns et les autres rouvrent les yeux et
voient des visages humains là où la guerre a placé le masque de l’ennemi ou les
traits d’une cible. C’est la reconnaissance qu’Israéliens et Palestiniens
vivent dans une solitude jumelle, solitude des Israéliens après le cauchemar
historique du 7 octobre 2023, solitude des Palestiniens à bout de force dans
cette guerre sans fin.
Le temps est venu. Car le pire peut advenir, qu’il s’agisse du sacrifice
de tant d’autres civils, de l’expulsion de la population de Gaza vers l’Égypte,
de l’annexion de la Cisjordanie, de la mort des otages détenus par le Hamas, ou
des faits accomplis qui changent de manière irréversible la situation sur le
terrain. C’est pour cela, c’est pour cela que nous devons aujourd’hui, ici même
ouvrir ce chemin de paix, car depuis juillet dernier, l’accélération des
évènements est terrible. Au point où nous en sommes, il est à craindre que les
accords d’Abraham ou de Camp David soient remis en cause par l’action d’Israël
et que la paix devienne impossible pour longtemps au Moyen-Orient. Il pèse donc
sur nous une responsabilité historique. Nous devons tout faire pour préserver
la possibilité même d’une solution à deux États, Israël et la Palestine, vivant
côte à côte en paix et en sécurité.
Le temps est venu. C’est pourquoi, fidèle à l’engagement
historique de mon pays au Proche-Orient, pour la paix entre le peuple israélien
et le peuple palestinien, je déclare que la France reconnaît aujourd’hui l’État
de Palestine.
Cette reconnaissance est une manière d’affirmer que le
peuple palestinien n’est pas un peuple en trop. Qu’il est au contraire ce
peuple qui ne dit jamais adieu à rien, pour parler avec Mahmoud Darwich. Un
peuple fort de son Histoire, de son enracinement, de sa dignité.
La reconnaissance des droits légitimes du peuple palestinien
n’enlève rien aux droits du peuple israélien, que la France a soutenus dès le
premier jour et au respect desquels elle n’est pas moins attachée. Précisément
car nous sommes convaincus que cette reconnaissance est la solution qui seule
permettra la paix pour Israël. Jamais la France n’a manqué à Israël quand sa
sécurité était en jeu, y compris face aux frappes iraniennes.
Cette reconnaissance de l’État de Palestine est une
défaite pour le Hamas comme pour tous ceux qui attisent la haine antisémite,
nourrissent des obsessions antisionistes et veulent la destruction de l’État
d’Israël.
Cette reconnaissance de la France est accompagnée par
celles qui seront annoncées aujourd’hui entre autres et je les en remercie,
celles d’Andorre, de l’Australie, de la Belgique, du Canada, du Luxembourg, de
Malte, de Monaco, du Portugal, du Royaume-Uni, de Saint-Marin qui ont attendu
avec nous ce moment et saisissant l’appel de juillet dernier, ont fait le choix
de la responsabilité, de l’exigence et de la paix. Cela, après le choix fait
par l’Espagne, l’Irlande, la Norvège et la Slovénie en 2024, et tant d’autres
auparavant.
Cette reconnaissance ouvre le chemin d’une négociation utile aux
Israéliens comme aux Palestiniens.
Ce chemin est celui du plan de paix et de sécurité pour
tous que l’Arabie saoudite et la France ont soumis au vote de cette assemblée,
qui l’a adopté à une très large majorité. Il porte notre ambition commune de
briser l’engrenage de la violence et de changer la donne sur le terrain. Nous
avons su faire un pas les uns vers les autres, sortir de nos postures
habituelles et nous donner des objectifs concrets. Il nous appartient
maintenant, ensemble, de déclencher une mécanique de paix répondant aux besoins
de chacun.
Le premier temps de ce plan de paix et de sécurité pour
tous, est celui de l’urgence absolue, celle de coupler la libération des 48
otages et la fin des opérations militaires sur tout le territoire de Gaza. Je
salue les efforts du Qatar, de l’Égypte et des États-Unis pour y parvenir et demande
à Israël de ne plus rien faire qui entrave leur aboutissement. Le Hamas a été
vaincu sur le plan militaire par la neutralisation de ses chefs et de ses
décideurs. Il doit l’être sur le plan politique pour être véritablement
démantelé. Dès lors que le cessez-le-feu aura été agréé, c’est un effort massif
que nous devrons produire collectivement pour porter secours à la population de
Gaza. Je remercie l’Égypte et la Jordanie de leur engagement ici et rappelle à
Israël l’obligation absolue qui est la sienne de faciliter l’accès humanitaire
à Gaza pour aider une population aujourd’hui démunie de tout.
Le deuxième temps est celui de la stabilisation et de la
reconstruction à Gaza. Une administration de transition intégrant l’Autorité
palestinienne, la jeunesse palestinienne accompagnée de forces de sécurité dont
nous accélérerons la formation, aura le monopole de la sécurité à Gaza. Elle
mettra en œuvre le démantèlement et le désarmement du Hamas, avec le soutien
des partenaires internationaux et les moyens qui seront nécessaires à cette
mission difficile. La France est prête à contribuer à une mission
internationale de stabilisation et à soutenir, avec ses partenaires européens,
la formation et l’équipement des forces de sécurité palestiniennes. Dès lors
que la négociation le permettra, le Conseil de sécurité pourra décider le
déploiement d’une mission de soutien civil et sécuritaire, en liaison avec les
autorités palestiniennes, avec le consentement des autorités israéliennes.
Il reviendra aussi à l’État de Palestine de rendre espoir
à sa population éprouvée par des années de violence, d’occupation mais aussi de
division et d’incurie. Il lui reviendra donc d’offrir à son peuple un cadre
d’expression démocratique, renouvelé et sécurisé. Le président Mahmoud Abbas en
a pris l’engagement auprès du prince Mohamed bin Salman et de moi-même. Il a
condamné avec force les attaques terroristes du 7 octobre 2023. Il a affirmé
son soutien au désarmement du Hamas et s’est engagé à l’exclure de la
gouvernance à venir de Gaza comme de l’ensemble du territoire palestinien. Il a
affirmé son engagement à lutter contre les discours de haine et a promis une
rénovation en profondeur de la gouvernance palestinienne.
La France sera attentive à la pleine mise en œuvre de
chacun des engagements pris auprès d’elle. Cette Autorité palestinienne
renouvelée est une condition nécessaire à la réussite de l’indispensable
négociation qu’il faudra reprendre pour parvenir à un accord sur chacune des
questions relatives au statut final. C’est dans ce cadre, aussi, que je pourrai
décider d’établir une ambassade auprès de l’État de Palestine, dès lors que
tous les otages détenus à Gaza auront été libérés et qu’un cessez-le-feu aura
été établi.
L’exigence de la France à l’égard d’Israël ne sera pas
moins grande. Avec ses partenaires européens, elle indexera le niveau de sa
coopération avec lui sur les dispositions qu’il prendra pour mettre fin à la
guerre et négocier la paix.
C’est bien grâce à ce chemin que nous obtiendrons un État
de Palestine souverain, indépendant et démilitarisé regroupant l’ensemble de
ses territoires, reconnaissant Israël, et étant reconnu par Israël, dans une
région qui connaîtra enfin la paix.
J’attends aussi de nos partenaires arabes et musulmans
qui ne l’ont pas encore fait, qu’ils tiennent leur engagement de reconnaître
l’État d’Israël et d’avoir avec lui des relations normales dès lors que l’État
de Palestine aura été établi. Ainsi ferons-nous la démonstration d’une double
reconnaissance au bénéfice de la paix et de la sécurité de tous au
Proche-Orient.
Voici, Mesdames et Messieurs, quel est notre plan de
paix. Il établit un engrenage exigeant pour sortir de la guerre et entrer dans
une phase décisive de négociation. Il permet que la paix israélo-palestinienne
soit le premier pilier d’une nouvelle architecture de paix et de sécurité au
Proche et Moyen-Orient. Il crédibilise aussi la possibilité d’une plus grande
intégration économique.
Rien ne sera possible sans que les autorités israéliennes
s’approprient pleinement notre ambition renouvelée de parvenir enfin à la
solution des deux États. Je sais leurs réticences et leurs craintes. J’entends
avec beaucoup de respect le peuple israélien, sa tristesse et sa fatigue, et je
veux croire que les autorités israéliennes l’entendront également et sauront
s’engager à leur tour. Je sais que le peuple israélien et ses dirigeants
peuvent en avoir la force.
Je me souviens du jeune homme que j’étais, apprenant
l’assassinat terrible d’Yitzhak Rabin, il y a près de 30 ans, tué pour avoir
voulu la paix. Au moment où la mort allait le ravir, le guerrier héroïque de
l’État d’Israël venait de prononcer ces mots : «
J’ai fait la guerre aussi longtemps qu’il n’y avait aucune chance de faire la
paix ». Cette chance existe là aujourd’hui. 142 États
proposent cette paix, main tendue prête à être serrée.
Alors, oui, le temps est venu d’arrêter la guerre à Gaza,
les massacres, la mort, tout de suite. L’urgence nous le commande. Le temps est
venu pour Israël de vivre en paix et en sécurité, de la Galilée à la mer Rouge,
par la mer Morte, par le lac de Tibériade, et par Jérusalem. Le temps est venu
de ne plus discuter nulle part l’existence d’un État d’Israël et d’en faire une
évidence. Le temps est venu de rendre justice au peuple palestinien et ainsi de
reconnaître un État de Palestine, frère et voisin, à Gaza et en Cisjordanie et
par Jérusalem.
Le temps est venu de chasser de ces terres le visage
hideux du terrorisme et de bâtir la paix. Oui, bâtir la paix, c’est ce qui nous
rassemble ici. Et telle est l’espérance qui peut se construire. Alors que pour
certains commence une année nouvelle, c’est un choix à faire et c’est notre
devoir. La paix est beaucoup plus exigeante, beaucoup plus difficile que toutes
les guerres.
Mais le temps est venu.
De GAULLE FACE & LA CRISE ISRAELO-PALESTINIENNE : toute colonisation engendre le terrorisme chez les colonisés ...
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