dimanche 29 septembre 2013

La donne est en train de changer pour les Ibn Saoud


Contrats de ventes d’armes et odeur du pétrole à bas prix, entre autres, contribuent à désactiver la « moralité » des défenseurs des Droits de l’Homme. Forçant le président des USA, Barak Obama lui-même, à une révérence, presque un agenouillement face au monarque saoudien.
Obama faisant la révérence à Ibn Saoud

L’Arabie Saoudite élargit son pouvoir et sa zone d’influence. En plus d’utiliser l’argument du pétrole, elle exporte à grande échelle le wahhabisme, de surcroît takfiri : non seulement il considère comme des ennemis de l’Islam tous les non-musulmans - même les pratiquants des autres religions du Livre - mais il considère comme « infidèles » les autres musulmans et appelle au Jihad, dans son sens guerrier, afin de les guider vers le bon chemin. En utilisant les attraits du fameux « gagner le butin dans ce monde et le Ciel dans l’autre » utilisé par les premiers conquérants arabes, les wahhabites takfiris ignorent l’avertissement du Coran (14 :4) qui affirme : « Et Nous n'avons envoyé de Messager qu'avec la langue de son peuple, afin de les éclairer. » Ainsi Il « envoya » Moïse pour les juifs, Zarathushtra pour les perses et Mahomet pour les arabes. Alors pourquoi Riad envoie-t-il en Afghanistan, en Tchétchénie ou en Europe des wahhabites arabes propager des ordonnances élaborées par et pour des sociétés tribales de la péninsule arabique il y a quatorze siècles ?

Protégés par les pétrodollars et la force militaire des Etats-Unis, les leaders saoudiens, non seulement affirment être les représentants d'Allah sur Terre, mais de surcroît transfèrent leur agenda politique au monde entier, provoquant tensions et chaos en terres lointaines, renversant des gouvernements non-alignés et réprimant des soulèvements populaires : Afghanistan, Tchétchénie, Bahreïn, Irak, Lybie, Egypte et à présent, Syrie.

Ce pays, qui porte le nom de la famille qui le gouverne comme s’il s’agissait de son fief privé, exhibe sur son drapeau l’image d’une arme, une épée. Toute une déclaration d’intentions basée sur certains principes au nom desquels on tranche les têtes des dissidents politiques, assassins, sorciers et autres jeteurs de sorts.

La théocratie octogénaire saoudienne a une vision du monde profondément irrationnelle, un regard moyenâgeux très particulier sur le concept d’Etat, le pouvoir et la sécurité nationale. Elle abuse de l’emploi de la force et de l’arbitraire pour imposer sa volonté. Elle ignore le rôle de la société civile en politique, et elle est incapable d’élaborer un projet régional viable et en accord avec les droits humains.

Obsédés par l’Iran 


Ryad considère l’Iran comme son principal ennemi. Son intervention en Syrie est motivée par la volonté de « rompre le croissant chiite ». Il serait erroné d’exprimer cette poussée de conflits en terme d’arabo-perse ou sunnite-chiite. Les dirigeants religieux iraniens ne sont pas nationalistes mais plutôt « Pan-islamistes » et étendent leur zone d’influence dans le but d’acquérir une sécurité stratégique.

Le scénario actuellement en cours au Proche-Orient infirme totalement la pseudo-théorie du « choc des civilisations » de Samuel Huntington : elle ne saurait expliquer comment une Arabie Saoudite musulmane s’allie à un Israël juif et à des Etats-Unis chrétiens pour détruire les musulmans syriens. Ni comment elle a participé à la destruction de l’Irak, de la Lybie et de la Syrie, trois Etats arabes.

L’Arabie Saoudite et Israël n’ont pas pardonné aux Etats-Unis d’avoir cédé le pouvoir aux chiites pro-iraniens en Irak. Les attentats qui ôtent quotidiennement la vie à une centaine d’Irakiens sont le reflet de la bataille menée par ces trois pays pour s’approprier les ressources de l’Irak.

Ryad est déjà parvenu il y a longtemps à ce que les médias éliminent le terme « persique » du golfe qui porte ce nom depuis 2.500 ans - le substituant par « (guerre du) Golfe » ou encore « golfe arabique » (si le Pakistan était un état riche, il aurait donné son nom à l’Océan indien !). A présent, le gouvernement saoudien tente de réduire le pouvoir de l’Iran en envoyant une partie de son pétrole par la Mer rouge, évitant ainsi le détroit d’Ormuz. Il ne lésine pas non plus sur les efforts pour se rapprocher de la minorité arabe iranienne - discriminée par Téhéran- qui peuple la pétrolifère province du Zhousistan, dans le golfe persique.

L’Arabie Saoudite, qui est en train de perdre en Syrie, bien qu’elle ait gagné au Yémen, en Lybie et en Egypte pourrait avoir à essuyer un coup dur : que la République Islamique parvienne à un accord avec les Etats-Unis : mettre fin à son programme nucléaire et ôter son soutien à Bashar al Assad en échange de garanties de ne pas être attaquée par Israël.

Les angoisses des Etats-Unis

En plus des trois piliers de l’influence saoudienne aux Etats-Unis : le secteur financier, le pétrole et l’industrie militaire, il faut compter des organisations comme la Ligue Musulmane Mondiale, le Conseil des relations Americano-Islamiques, la Société Islamique d’Amérique de Nord, l’Association des Etudiants Musulmans (notamment), qui convergent autour de l’objectif d’affaiblir l’Islam modéré. Mais la Maison Blanche n’en a que faire. Les investissements saoudiens atteignent les six milliards de dollars, sans compter le retour de l’argent de la vente du pétrole aux entreprises d’armement étasuniennes.

L’OTAN a invité l’Arabie Saoudite à intégrer sa structure. Dans le même temps, Obama a signé avec Al Saud une vente d’arme d’une valeur de 67 milliards de dollars, le plus important accord de vente d’arme entre deux états de l’histoire.

Bien que le vieux pacte « pétrole à bas prix contre protection militaire » soit toujours en vigueur entre les deux parties, il se pourrait que la convergence d’intérêts touche à sa fin. La Maison Blanche est inquiète de la situation interne de son seul allié stable dans la région pour plusieurs raisons :

1. Le poids croissant de la faction pan-arabiste au sein de la maison Saoud, une fraction qui considère les Etats-Unis, Israël et l’Iran comme ses principaux ennemis. Cette faction était déjà parvenue à faire expulser les troupes nord-américaines de la terre de Mahomet. De même, la révélation de l’existence d’une base secrète de drones dans ce pays, filtrée par la presse US, bien qu’ayant pour but d’intimider l’Iran, a mis Ryad dans une situation délicate.

2. L’appui d’un certain secteur de la maison Saud au terrorisme anti-USA.

3. Le fait que le régime ait refusé de dissocier l’Etat et la famille royale et de prendre ses distances avec le wahhabisme.

4. Que le régime ignore l’urgence de mettre en place des réformes politiques, comme d’introduire le suffrage universel, créer des partis politiques tout en restant une dictature. La pauvreté touche des millions de personnes, obtenir un crédit immobilier implique des années sur une liste d’attente et l’atmosphère de terreur asphyxie toute tentative de progrès. 

5. L’incertitude du résultat de la lutte pour la succession du roi Abdallah de 89 ans, malade, dont l’héritier, le prince Salman, de 78, souffre également d’ennuis de santé propres à son âge. Les quarante fils mâles du monarque sont à l’affût.

6. Une opposition faible et fragmentée qui complique la situation, ainsi que le manque d’expérience du peuple pour se mobiliser. Les dix fondateurs du parti politique islamiste Umma, qui en ont réclamé la légalisation ont été arrêtés : ils exigeaient la fin de la monarchie absolue. Il en fût de même, il y a quelques années, pour les dirigeants du parti communiste.

La mort de la poule aux œufs d’or ?

Au ralentissement de la croissance économique de 5,1% généré par les prix élevés de l’or noir en 2012, il faut ajouter la diminution de la capacité du pays en production de pétrole brut. De plus, la population est passée de 6 millions de personnes en 1970 à 29 millions actuellement, augmentant donc considérablement la demande en énergie. Il est à craindre qu’à partir de 2028, l’Arabie Saoudite soit contrainte d’importer du pétrole. Ryad a maintenu jusqu’à présent des prix bas dans le but d’empêcher les investissements publics en énergies alternatives dans les pays consommateurs. Mais à présent elle n’a plus d’autre choix que de les augmenter.

Il s’agit d’une économie fragile, mono-productrice et d’un pays soumis à la corruption où l’on manque d’eau potable et d’électricité même dans la capitale. Un pays qui, malgré les gains pétroliers - quelques 300 milliards de dollars en 2011, sans compter les bénéfices du « tourisme religieux » de millions de musulmans à La Mecque -, doit faire soigner son propre chef d’Etat dans un hôpital du Maroc. Pendant qu’on planifie la construction d’une station de métro aux murs d’or et d’argent...

Il faut aussi relever qu’alors que Kadhafi convertissait le désert libyen en verger en construisant un fleuve artificiel de 4.000 kilomètres de long, le régime saoudien spoliait les terres fertiles et les eaux africaines : Egypte, Sénégal et delta du Mali, afin de s’approvisionner en aliments.

Les cheiks ont à présent affaire à une société jeune, qui commence à être contestataire, qui souhaite en finir avec les vêtements « blanc et noir ». Les femmes surtout veulent se libérer du vêtement de deuil obligatoire et cesser d’être considérées comme des mineures toute leur vie, constamment dépendantes d’un tuteur mâle.

Les Saoudiens, malgré le fait de financer le « dialogue des civilisations » : réunion de leaders religieux pour consolider leurs alliances dans le but de faire obstacle à la laïcisation et au progrès dans leurs sociétés, malgré le fait d’interdire sur leur territoire toute activité religieuse non wahhabite, ont obtenu du gouvernement espagnol l’ouverture d’une succursale du Centre Roi Abdallah Ban Abdulaziz pour le Dialogue Interreligieux et interculturel.
« Cela n’a rien de personnel, c’est du business » dirait le Parrain.



PS : Lire Wahhabisme et Donmeh 
Si cette thèse  est vraie … alors cela expliquerait beaucoup de choses ! 
Et surtout elle démontre le réel danger qu’est le wahhabisme pour les musulmans dans le monde : les diviser pour mieux les asservir !! 
Et l'ambition des Ibn Saoud de dominer le monde occidental, après l'avoir servi !!!  

* Nazanin Armanian est une écrivaine d’origine iranienne qui habite en Espagne depuis 1983. 
Elle donne des cours en ligne sur le monde arabe à l'Université de Barcelone depuis 2008 et publie un article tous les dimanches sur blogs.publico.es/puntoyseguido/. 
Armanian a publié 15 livres en espagnol, dont « Iran : la revolucion constante » (2012), « El Islam sin velo » (2010) et « Al gusto persa : tradiciones y ritos iranies » (2007). 

DIALOGUE NATIONAL ou PAS DE DIALOGUE ?


Ou quand les américains s'invitent dans le dialogue entre Tunisiens !

 Article paru dans : Tunisiefocus

On ne comprend rien à l'arrangement entre le quartet (UGTT + UTICA + LDH + Ordre des Avocat) et l’opposition, d’un côté et Ennahdha et la troïka de l’autre.

On ne comprend plus rien et cela devient une vraie "chakchouka".

- Du coté d'Ennahdha on parle d’acceptation de l’initiative comme base de dialogue incluant la démission du gouvernement, chose qu’elle ne cesse de répéter et d'affirmer depuis deux mois. Alors que dans le même temps le gouvernement dément catégoriquement les rumeurs relatives à sa démission ! 

- De l’autre côté, on parle d’acceptation de la feuille de route et d'un début de dialogue prévu pour la mi ou la fin de la semaine prochaine !!

- Quant à Houcine Abbessi, il parle d’un congrès national pour le dialogue ... dans deux mois, problème qui n’a rien à voir avec la feuille de route !!
Le dialogue national

Chacune des deux parties essaye de cacher son échec derrière une pseudo-réussite !

Le dialogue présumé, risque de connaître sa fin avant même qu'il n'ait eu vu le jour … encore un bébé mort-né de plus, à cause :
- de l'autisme de Ghannouchi conforté par le soutien des américains, mais aussi
- des "arrangements" que cherche à imposer l'ambassadeur américain aux Tunisiens, en s'invitant dans "leur" dialogue national; faisant de Ghannouchi l'incontournable de la vie politique tunisienne !

Autrement dit, si les américains n'ont pu imposer les "frères musulmans" en Egypte, pour ne pas fâcher leur ami Saoudien qui a chargé le général Abdelfatah Khalil al-Sisi de les éliminer; ils leur donnent une chance de rester au pouvoir ... en Tunisie ! 
Car faut-il rappeler, que les frères musulmans sont la résurgence des frères wahhabites combattus et éliminés par les Ibn Saoud ... trop dangereux pour leur trône !

Un lot de consolation, en quelque sorte, "accordé" aux "frères" mais aussi au Qatar qui rêvaient tous deux de supplanter les Saoudiens dans leur désir d'hégémonie sur le monde dit "arabo musulman" !!

Le paradoxe américain est choquant ! 
- Les américains soutiennent les "frères musulmans" et voudraient le retour du président Mohamed Morsi dont les égyptiens n'en veulent plus, et ce ... au nom de la légitimité électorale; 
- Alors que dans le même temps ils veulent imposer aux Tunisiens leur poulain Ghannouchi, un "frère musulman", dont la légitimité est caduque depuis le 23 octobre 2012 !!

Rachid Barnat

La jeunesse, cible mouvante des faucons islamistes.

Photo


Bonnes moeurs. - Le jeune rappeur Klay BBJ a été condamné ce matin à six mois de prison ferme avec effet immédiat. Coupable de ses chansons. Coupable "d'atteinte aux bonnes moeurs". Samedi 21 septembre, à l'aube, ce sont huit activistes (réalisateurs, techniciens) qui ont été arrêtés à quatre heure du matin par la police. L'arrestation un samedi matin a pour effet pervers que les inculpés sont immédiatement incarcérés en attendant qu'un juge soit de retour de week-end le lundi. Deux jours dans une prison voilà qui est sensé interdire de moufter les mécontents. On ne connait toujours pas les raisons de leurs détentions si ce n'est qu'un joint "aurait" été découvert. Il serait pertinent de savoir comment la police a su qu'à 4h du mat' un joint circulait chez ces personnes. Très présents avant, pendant et après la révolution, ils disposaient d'images précieuses. Comme par hasard, un disque dur contenant lesdites images a été saisi par les pandores. Quel rapport entre le joint et des images à portée politique? Mystère. Sous Ben Ali, lorsqu'ordre était donné de faire taire quelqu'un, on glissait de la drogue chez lui. La législation sur les stupéfiants est sévère en Tunisie. Ce groupe risque un an de prison. Reverra-t-on le disque dur? Malgré les mises en garde des vigies internationales des droits de l'homme, l'emprisonnement devient l'arme favorite de la répression en Tunisie. 

Photo : ‎بعبوص الكلب ألي كي تحطو 40 عام في قصبة يخرج معوج ، جاء الوقت بش يتقص فرد مرة‎
GHANNOUCHI ET LA LIBERTÉ

Guerre des lycées pilotes. - Lundi, les élèves du lycée pilote de Tunis se sont rendus au lycée pilote de l'Ariana afin de leur flanquer une raclée. Bilan: cinq blessés, des dégâts dans l'établissement, un encadrement scolaire débordé et impuissant. La police est intervenue afin de mettre fin à cette guéguerre démarrée sur Facebook. Les lycéens ont rivalisé d'insultes et de menaces sur le réseau social avant de passer à l'acte. En cause: l'affaissement de l'autorité. Elle fait défaut et on ne la respecte plus. Ce West side story version Grand Tunis met en lumière le climat de violence qui règne dans de nombreux établissements. 
Un professeur d'université de La Manouba me racontait que les nouveaux professeurs recrutés en cette rentrée sont "tous sympathisants d'Ennahdha". On le sait, la priorité du parti islamiste est de cibler l'Education nationale afin de modeler à son goût la future génération. Le Cheikh Mourou avait expliqué en 2012 qu'on ne pouvait modifier les quadragénaires hostiles à Ennahdha, "trop tard" selon son analyse. La jeunesse, voilà une pâte à modeler à la hauteur des ambitions des faucons islamistes. 

Jardins d'enfants coraniques illégaux. - La Direction de l'enfance a bien travaillé. Elle a dénombré quelques 702 jardins d'enfants coraniques illégaux, ne respectant ni la Loi ni les programmes qui se doivent d'être les mêmes dans tous les établissements tunisiens. Ces commerces idéologiques sont financés par des associations dont on peine à trouver l'origine des financements. A plusieurs reprises, dans le Grand Tunis, j'ai vu des enfants couverts d'un niqab, des fillettes déjà persécutées à l'âge de 4 ans par des adultes se croyant tout puissant. Cela fait deux rentrées scolaires que la direction de l'enfance alerte les autorités de ce fléau. Des fermetures volontaires ont été recensées, d'autres furent contraintes. Mais l'immense majorité de ces jardins d'enfants illégaux continue sa besogne: forger de futurs militants. 

Marzouki ou le ridicule ne tue pas. - Le sommet annuel des membres de l'ONU a permis au Président de la République de Tunisie, Moncef Marzouki, d'affirmer que le prisonnier politique Jabeur Mejri demeurerait en prison car libre "il ne serait pas en sécurité". Ce jeune homme a écopé de sept ans de prison ferme pour "blasphème" sur Facebook. Il avait "posté" un dessin critiquant la religion. M.Marzouki bénéficie du droit de gracier le jeune homme. Il ne le fera pas afin, dit-il, d'assurer sa sécurité face aux salafistes... Le ridicule ne tue pas en politique. En sous-texte, la déclaration présidentielle permet de comprendre que Jabeur Mejri est en prison à cause des salafistes et qu'il y restera à cause des salafistes. Hallucinant. 

Le député Mohamed Brahmi a été assassiné devant son domicile le 25 juillet dernier. - Depuis, en dépit des manifestations de l'opposition devant le Bardo - siège de l'Assemblée nationale constituante -, le gouvernement gouverne et l'ANC reprend ses travaux en l'absence des députés dissidents. Ennahdha vise le long terme. Elle se moque des insultes et des accusations. Elle fait mine de négocier avec l'UGTT - le casque bleu de la politique tunisienne - tout en ne cédant sur rien. Choukri Belaïd est mort par balles le 6 février. Puis Brahmi. Lundi, lors d'une conférence de presse, Ajmi Lourimi membre de la Choura (le Politburo d'Ennahdha) a déclaré avec une délicatesse de char d'assaut que son parti "n'accepte ni l'exclusion ni la domination et refuse qu'une minorité à faible représentativité voire inexistante à l'ANC puisse imposer ses vues". Clair et net. Et l'habile Cheikh Mourou de nous dépeindre Rached Ghannouchi, le boss d'Ennahdha, victime des faucons de son parti. Du billard à plusieurs bandes. 

Elections, calendes tunisiennes. - Pour organiser un scrutin, il faut un organisme qui s'occupe des détails pratiques. Des listes des votants aux urnes, des isoloirs aux assesseurs, les juristes de l'ISIE avaient réussi la première élection libre de Tunisie, le 23 octobre 2011. On l'a donc dissoute, logique... L'ISIE 2 vient de trépasser à peine mise sur pieds. Un de ses membres avait menti sur son cv. Elle n'était pas juriste. Résultat: plus d'ISIE 2. Donc, les élections prévues en 2012 puis 2013 sont désormais remises aux calendes grecques. Aux calendes tunisiennes. Il semble que le pouvoir juge inopportun de demander au peuple de choisir son destin.

Coupe du Monde 2022 : Silence on tue au Qatar

Ali Gannoun


Ali Gannoun, 

Professeur-chercheur à l’Université de Montpellier II.


Des népalais, des pakistanais, des indiens, des philippins meurent chaque jour sur les chantiers de la future Coupe du Monde qu'organisera le Qatar en 2022. Plusieurs d'entre eux sont morts de soif. 
Très peu de monde peut résister à 50 degrés sans eau !  Les ouvriers de ces chantiers mènent une vie d'esclaves sans la moindre protection. Ils sont payés au lance-pierres et vivent comme des rats dans des taudis sans le minimum d'hygiène. Leur passeports leur sont confisqués dés leur arrivée au Qatar.
Alors que le nombre de morts et de blessés augmente de plus en plus chaque jour, le Qatar continue à financer la mort dans d'autres pays avec la sueur des ouvriers étrangers exploités et humiliés chez lui. 
Le droit de l'homme s'efface devant la puissance de l'argent, et ceux qui aboient, dans le monde moderne, à longueur de journée pour le respect de la dignité humaine, sont incapables d'obliger ce pays à arrêter le massacre des ouvriers !
Toutes les entreprises internationales de travaux publics installées au Qatar sont complices de la situation catastrophique des employés de leurs chantiers. Jamais, elles ne se seraient permises un tel laisser-aller dans leur pays d'origine. 
Le Qatar a acheté la coupe du monde au prix fort, il a par la même occasion acheté la conscience et le silence des occidentaux pour laisser construire les stades avec les cadavres des pauvres gens.
Ce pays est décidément un foyer d'assassins ! L'argent n'a pas d'odeur et rend aveugle aussi ! Silence on tue au Qatar, mais on s'en fout ! Les comptes en banques des commanditaires et des constructeurs tueurs et mercenaires enflent de plus en plus ...

samedi 28 septembre 2013

L'heure de vérité a sonné !




En lisant les réponses de la Troïka et d’Ennahdha à la feuille de route envoyée par le Quartet aux partis au pouvoir comme à l’opposition et aux expressions organisées de la société civile, je suis passé de la surprise au dégoût. 
Je m’attendais à une nouvelle entourloupe d’Ennahdha, à une réaction bête du CPR et à un ressaisissement d’Ettakattol. 
Il était à craindre que le Front de Salut ne se divise entre partis et courants acceptant la feuille de route pour donner une nouvelle chance au consensus recherché, et composantes la rejetant non sans raisons : les concessions faites jusqu’ici ont été interprétées par les dirigeants d’Ennahdha non pas comme un souci de sauver le pays et de réussir la transition démocratique, mais comme des signes de faiblesse qu’il fallait exploiter pour poursuivre la politique de mainmise sur les rouages de l’Etat et sur les richesses du pays afin de pérenniser leur pouvoir par tous les moyens, en tournant le dos à tous leurs engagements et en bafouant toutes les règles de la loi et de la morale. 

Lorsque Ennahdha a annoncé son acceptation de l’initiative du Quartet, j’ai poussé, comme tous les Tunisien(ne)s soucieux de sortir au plus vite de l’impasse dans laquelle le pays a été engagé depuis des mois, un « ouf ! » de soulagement avec des interrogations concernant ce qui peut se cacher derrière cette annonce, et des craintes quant aux raisons du retard de la réponse du Front de Salut. 

Puis, en découvrant le contenu de la réponse d’Ennahdha et de la Troïka, un sentiment de dégoût s’est emparé de moi, comme beaucoup de Tunisien(ne)s qui ont vu leurs craintes confirmées. 

L’acceptation annoncée ne concernait que la partie de la feuille de route tenant compte des demandes d’Ennahdha (la reprise des travaux de l’ANC) et le rejet, ou l’ajournement à des discussions futures, après l’adoption de la nouvelle constitution, de la partie concernant les demandes du Front de Salut et du Quartet (la dissolution du gouvernement présidé par Laarayedh et son remplacement par un autre gouvernement). 

Autrement dit : « nous acceptons nos demandes que vous avez acceptées et nous continuons à refuser ce que vous nous demandez » ! 

Un nouveau pas dans le cynisme et l’arrogance est ainsi franchi : 
Ils font semblant de faire des concessions – qu’ils présentent comme des sacrifices – alors qu’ils ne concèdent rien et persistent dans la même politique de louvoiement visant la pérennisation de leur règne et la mainmise totale sur les rouages de l’Etat, les richesses et tous les moyens dont ils ont besoin pour gagner les prochaines élections. 
Non seulement ils mentent sans vergogne mais ils prennent les autres pour des imbéciles.

La conférence de presse du Quartet a montré à l’opinion publique que cette politique fondée sur des manœuvres dilatoires ne date pas d’aujourd’hui. 
En rappelant les différentes étapes du dialogue national initié par l’UGTT, la Ligue des Droits Humains et l’Ordre des Avocats en octobre 2012, la veille de l’échéance prévue du travail de l’ANC, puis par les mêmes organisations rejointes par l’UTICA, en février 2013, au lendemain de l’assassinat de Chokri Belaïd, au mois de mai 2013, suite à la publication du projet de la constitution, et depuis l’assassinat du Constituant Mohamed Brahmi, la conférence de presse du Quartet a montré comment les dirigeants d’Ennahdha ont toujours observé la même attitude dilatoire pour poursuivre la même politique sans considération pour ses conséquences désastreuses pour l’économie, la sécurité intérieure et extérieure du pays et pour les conditions de vie, non seulement des couches populaires et dans les régions défavorisées, mais aussi de la classe moyenne menacée de disparition. 

En cela, leur attitude, comme celle de leurs alliés de la Troïka, tranche avec l’esprit de responsabilité et de prise en compte des intérêts du pays qui a caractérisé l’attitude des composantes du Front de Salut, et plus particulièrement du Front Populaire dont deux dirigeants ont payé de leur vie les conséquences de la politique irresponsable poursuivie par leur gouvernement dans le domaine sécuritaire et de la gestion du terrorisme des groupes salafistes. 

Les révélations concernant l’implication du chef du gouvernement et du Ministre de l’Intérieur pourraient justifier l’exigence de la démission du gouvernement comme préalable à tout dialogue. 

Cependant, par souci des intérêts du pays, et par respect pour les efforts déployés depuis des mois par le Quartet, les dirigeants de toutes les composantes du Front de Salut se sont fait violence pour accepter sans réserves, et faire accepter à leurs militants la feuille de route des organisations qui parrainent le dialogue. 

L’opinion publique nationale et internationale n’aura plus de difficulté à faire la différence entre l’attitude cynique des dirigeants de la Troïka entraînés dans la fuite en avant des faucons d’Ennahdha, d’un côté; l’esprit d’abnégation et de responsabilité du Quartet et des composantes du Front de Salut, de l’autre. 

Les plus déçu(e)s reprochent au Quartet et au Front de Salut les concessions et le temps perdu à la recherche d’un consensus impossible. Ils doivent cependant savoir que les dirigeants de la Troïka, et plus particulièrement les faucons d’Ennahdha, font tout pour entraîner le pays dans une confrontation violente qui leur éviterait une sanction démocratique de leurs échecs et des conséquences désastreuses de leur politique. 

Leur faire cadeau d’une épreuve de forces qui les ferait apparaître comme des victimes d’un « coup d’Etat » comparable à ce qui est arrivé à leurs frères en Algérie ou en Egypte, leur permettrait en effet d’échapper à une sanction démocratique de leur politique et risquerait fort de compromettre la réussite de la transition et la réalisation des objectifs de la révolution. 

Par contre, en faisant preuve de patience et de respect des règles de la vie démocratique, ils sont au pied du mur et se trouvent obligés à se démasquer. 
Ils ont fait perdre au pays beaucoup de temps, mais l’avenir de la démocratie en Tunisie et dans les pays arabes et musulmans n’en sera que plus assuré : en fermant la porte comme ils l’ont fait à cette ultime chance pour sauver le processus de transition et pour éviter au pays un scénario à l’égyptienne, les dirigeants d’Ennahdha et la Troïka montrent, à ceux qui en doutent encore, leurs véritables desseins et la vraie nature de leur politique. 
La fourberie, le louvoiement, le mensonge, la rapacité, et l’arrogance sont devenus les seuls ingrédients de leur politique. 
Ils n’ont plus aucun sens de la dignité, de l’honneur, du respect de soi et des autres. 
Ils ne peuvent être ni crédibles ni craints. 
Ils ont perdu jusqu’aux derniers ressorts du pouvoir : la force du lion et la ruse du renard que Machiavel conseillait au Prince quand il ne peut plus compter sur les qualités nécessaires pour être aimé et respecté. 

Quand des gouvernants atteignent un tel degré de cynisme, leurs jours sont comptés. C’est pourquoi, on peut dire, sans risque de se tromper, que l’heure de vérité a sonné. 

Ce n’est pas le moment de se décourager et de se diviser. 
Bien au contraire, en s’appuyant sur les leçons de toutes les étapes du dialogue depuis un an, il faut poursuivre, dans l’unité la plus large, la mobilisation et la pression, par tous les moyens légaux, pour les obliger à accepter la feuille de route du Quartet afin d’aller au plus vite à des élections démocratiques dont ils veulent éviter la sanction.

C.F

vendredi 27 septembre 2013

Lettre ouverte d'un jeune Tunisien à Edgar Morin

LA JEUNESSE TUNISIENNE SE VOIT VOLER SA REVOLUTION ! 

Azyz Amami

est un des blogueurs emblématiques de la révolution qui a renversé le régime de Ben Ali en 2011, écrit une lettre ouverte à Edgar Morin pour lui raconter cinq histoires de la Tunisie actuelle, et lui demander de soutenir les jeunes résistants d’aujourd’hui.

Cher monsieur Morin, avant de commencer, laissez-moi vous faire cette confidence : je ne croyais pas que vous écrire aurait été une tâche si dure. J’ai commencé cette lettre il y a douze jours. Mais à chaque fois que j’avançais, je ne pouvais que reculer pour réexaminer ce que j’écrivais. Quand on s’adresse à vous, monsieur Morin, il faut savoir mesurer ses paroles. Le poids de votre travail cognitif et de votre lutte impose le respect.
J’ai d’abord entrepris de vous écrire cette lettre en réponse à la tribune publiée sur le site de Libé, intitulée « Soutenons les jeunes en Tunisie » et à laquelle vous avez apporté votre signature.
Un certain moment, je voulais passer au peigne fin les artefacts de ce texte, qui a eu des échos très diversifiés en Tunisie.
Puis, après y avoir bien pensé, je me suis dit qu’en fin de compte, ce n’était que des différences de lecture, et que, en fin de compte, l’intention était la même : aider cette jeunesse en Tunisie. L’aider en quoi, l’aider comment ? Là est toute la différence. Au lieu de passer par la critique de ce texte-là, je me proposais plutôt de vous raconter quelques histoires.
1- L'histoire de la révolution :
Une première histoire est celle de la révolution en Tunisie. C’est un processus que des jeunes ont commencé depuis quelques années. Aidés et soutenus par quelques-uns de leurs aînés.
Ben Ali tenait le pays d’une main de fer. Et le Ben Ali dont je parle n’est pas qu’une personne. Disons que « Ben Ali » est l’idée de gouvernance qui a conduit le pays de 1987 à 2011.
Je ne parlerai que de cette période, car mon âge ne me permet pas de rapporter l’histoire de ce que je n’ai pas vécu avant.
Ben Ali asseyait son pouvoir sur quatre piliers :
  • les familles financières corrompues et avides ;
  • les policiers corrompus et avides ;
  • les juges corrompus et avides ;
  • un parti tenant les arènes protocolaires.
Ces institutions ne servaient qu’à dessiner et mettre en place ce qui convient aux maîtres.
Les jeunes en ont eu marre, et ont commencé à bouillonner. En 2008, la première révolte, celle de Redeyef, fût avortée par la force du feu, du sang et du silence. Toute la machine participa au bain de sang : police, armée jouant le rôle de soutien à la police, familles financières mettant en disposition toutes ses ressources et puis juges pour envoyer ceux que la police arrête, à la prison.
Puis vint décembre 2010. Une grande partie de ceux qui ont vécu l’échec de 2008 y ont participé. Chacun avait appris sa leçon. On en avait marre. De ces policiers grossiers et humiliants, de ces mous dodus plein de sous arrogants, de ces dignitaires au regard hautain.
En ce temps-là, rappeurs, activistes, chômeurs, militants syndicalistes, étudiants, artistes, et « wled hwem » – sorte de sans-culottes à la tunisienne – occupèrent les premières lignes de confrontation. Ils fûrent arrêtés, torturés, condamnés et emprisonnés. Le sang a coulé.
Jusqu’à ce qu’un certain 14 janvier 2011, Ben Ali cessa d’être dans la scène politique.
Ici se termine l’histoire tant racontée et médiatisée.
Ici commencent les histoires non racontées.
Malgré l’explosion euphorique du moment, les jeunes ne se sont pas reposés le 15 janvier. Ils sont redescendus, demandant cette fois la dissolution du parti de Ben Ali, et des autres composantes du concept « Ben Ali ». Le visage était parti, et nous avons continué à écorcher le reste du corps.
Un premier temps, les gens inscrits sur le compte de « Ben Ali » se sont cassés du gouvernement, puis un second temps, le parti fût dissous.
Depuis, l’élan révolutionnaire, tant soutenu par différentes franges de la société civile ainsi que de certains partis politiques, n’a cessé de diminuer au profit du calcul politique et partisan.
Chacun se métamorphosa en Iznogood. La seule ambition commune était de devenir RCD à la place du RCD. Cependant, le souffle de la révolution – à savoir l’entreprise menant au changement radical des structures sociétales, par le changement du système des valeurs de la société – n’a cessé d’exister. Et ce souffle persiste, entre échecs et victoires.
2 - L'histoire de Nasresddine Shili :
Deuxième histoire, celle de Nasreddine Shili. Nasreddine Shili est un réalisateur, acteur et militant de la première heure. Son engagement politique et révolutionnaire n’est pas un secret d’Etat, il fût l’un des premiers à se mobiliser en décembre 2010, ne ratant aucune manifestation, et participant à toutes formes de flashmobs et de mobilisations qui ne recueillaient pourtant au début qu’un petit nombre de personnes.
Cet engagement lui a valu une raclée spéciale et bien scénarisée le 11 janvier 2011. Ce jour-là, quatre policiers l’ont pris par les mains et les pieds, pour le jeter contre un panneau publicitaire, de toutes leurs forces, et plusieurs fois de suite.
Après le 14 janvier 2011, Nasreddine ne s’est pas reposé et fût de toutes les batailles.
L’une des dernières est celle de Bardo. Nasreddine Shili est le coordinateur de Khnagtouna (« vous nous avez étouffé »), un mouvement jeune révolutionnaire, membre du Front de Salut National et l’un des mouvements ayant appelé au sit-in de Bardo demandant la dissolution de l’ANC actuelle.
Nasreddine est sorti de la prison à 5h du matin le 24/09/2013. Il y était, et risque d’y retourner, parce qu’il a « posé » un œuf sur la tête du ministre de la Culture, Mahdi Mabrouk aka BouAdhma.
A l’ère de ce ministre, de jeunes peintres se sont vus menacés de mort par des fanatiques déchaînés et que les cheikhs du gouvernement qualifiaient publiquement d’athées et de blasphémateurs.
Ce ministre a lynché médiatiquement ces jeunes peintres. A l’ère de ce ministre, des artistes de théâtre se sont vus se faire frapper à coup d’œufs, en plein cœur de la capitale, aux yeux de tous.
A l’ère de ce ministre, plus d’une dizaine d’artistes ont connu le goût du cachot, de la geôle et de la prison.
A l’ère de ce ministre, Azzouz Chennawi, acteur, s’est trouvé à combattre la mort seul, dépourvu de tout soutien du ministère, malgré ses requêtes et celles de plusieurs artistes et intellectuels.
Puis ce ministre s’est montré, comme ça, l’air de rien, à la cérémonie du quarantième jour de la disparition de l’acteur. Nasreddine trouva ce geste de trop. Son œuf fût un acte de résistance, un acte de « fellagha » comme il le décrit lui-même.
Il fût emprisonné à cause de cette position. Ce n’est pas son opinion qui l’a conduit en prison. Ce n’est pas l’expression « frapper un ministre » qui est condamnée, mais l’acte de remettre un ministre à sa place.
Ce qui est condamné, c’est l’audace avec laquelle Nasreddine a démontré que le ministre doit être au service de sa fonction, et non le contraire. Nasreddine continuera de paraître au tribunal.
3 - L'histoire de Klay BBJ et de Weld El 15 :
Troisième histoire, celle de Klay BBJ et de Weld El15. Les deux sont de jeunes rappeurs. Les deux sont très connus et très écoutés par les jeunes en Tunisie. Les deux ont écopé d’une sentence d’un an et neuf mois de prison.
Klay passera devant le tribunal le 26 septembre 2013. Ils ont été arrêtés en plein concert de rap, au festival international de Hammamet. Lors de leur arrestation, les policiers n’ont montré aucun scrupule, et ont exercé leur agressivité et leur brutalité en bonne et due forme, comme tout bandit qui se respecte.
Il les ont conduit menottés dans le théâtre, devant le public et les « responsables » du festival. Fiers qu’ils étaient les policiers d’avoir enfin mis la main sur ces rappeurs.
Alors qu’au même moment le son des mines explosant sous les pieds de militaires et policiers continuait à retentir sur le Mont Chaanbi, à l’ouest du pays.
Klay et Weld El 15 avaient chanté en public des titres que tout le monde connaît, regarde, et écoute sur Internet. Leurs textes sont sans merci, clairs, nets, aigus et perçants.
Ils s’attaquent aux trois piliers restants de Ben Ali ainsi qu’au nouveau mal de la Tunisie :
  • police corrompue ;
  • juges corrompus ;
  • familles financières responsables de la misère ;
  • partis politiques ne pensant qu’à se placer dans les fauteuils du pouvoir.
Klay va même jusqu’à dire dans un de ces titres « Partez tous, nous ne voulons plus de constitution » (de manière plus épicée bien sûr).
Weld El15, dans ses titres, pointe du doigt le mariage police-juges, et dit de manière crue ce que tout jeune ressent envers la police : la rage, et l’envie massacrante de vengeance. Ce qui est tout à fait normal, quand on connaît ce que cette police a fait, et continue de faire.
Ce n’est pas l’opinion en soi qui est condamnée, le discours « Acab » existe et continue d’exister, sans être ni interdit ni censuré, ni même pénalisé.
En faire un positionnement envers les forces du pays, inciter les autres à prendre cette position à force d’arguments, et le clamer publiquement avec un discours didactique, voilà ce qui est condamné. Non pas l’opinion, mais le positionnement. Et le positionnement est un acte politique.
4 - L'histoire de Saber Mraihi :
Quatrième histoire, celle de Saber Mraihi. Saber est un jeune « weld houma » de 25 ans. Durant les deux semaines post-14 janvier, il a fait partie des comités de jeunes qui ont protégé les quartiers et les habitants des attaques de « milices policières ».
Saber apparaît dans une vidéo publiée le 17 janvier 2011. Cette vidéo filme la réaction des jeunes du quartier Kabbaria (un quartier populaire de la banlieue sud de Tunis) après l’arrestation d’un sniper.
Saber y exprime directement ce qu’il pense de la police corrompue. Il dit :
« Tant que nous sommes là, ces chiens ne passeront pas. Nous sommes le peuple tunisien, nous sommes libres, et nous allons vous avoir. »
Un an après, il se trouve convoqué par la police, accusé d’avoir essayé de tuer un agent, alors qu’il n’était même pas sur place lorsque le policier fût agressé.
Dans le procès verbal, on lit que ce policier a été agressé « pendant les événements de violence et chaos, connus après par le nom de révolution ».
Le PV date d’avril 2012. Saber a passé un an et un mois en prison, sans chef d’accusation officiel, à attendre d’être jugé.
Après une mobilisation de la jeunesse, Saber fût libéré provisoirement, mais son procès continue. Saber n’a pas été condamné à cause d’une opinion, mais à cause de ce qu’il est et de ce qu’il fût pendant ce temps-là : un jeune de la révolution. Ce qu’ils condamnent, c’est son engagement actif dans ce processus.
5 - L'histoire de Ghazi Beji et Jabeur Mejri :
Cinquième histoire, Ghazi Beji et Jabeur Mejri. Ghazi et Jabeur travaillaient à la SNCFT (Société nationale des chemins de fer tunisienne).
La corruption de laquelle ils furent témoins et son ampleur les indignèrent. Ils publièrent sur le Web un livret dans lequel ils racontèrent toutes les magouilles desquelles ils étaient témoins, le poids de l’appartenance aux clans financiers, le poids des loyautés, le clientélisme et l’irresponsabilité des supposés responsables.
Quelques jours après la publication de ce livret, un imam de leur ville, cousin de l’un des corrompus évoqués, traita Ghazi et Jabeur de mécréants à punir dans un prêche, évoquant un autre livret qu’ils avaient publié, critiquant l’islam, ses fondements et son prophète.
Le lendemain, un avocat connu par son passé pro-Ben Ali, entama une procédure contre eux, se basant sur une loi imposée par le résident général français en 1905 interdisant le blasphème, la même année que la loi sur la laïcité fût votée en France.
Quand on voit le nombre de gens ayant blasphémé, et qui continuent à le faire sur le Web, on ne peut prétendre que c’est ici le blasphème qui est condamné.
Ce qui est condamné, c’est le fait que des travailleurs osent exercer un droit de regard sur leur direction. Ce qui est condamné c’est l’acte de dénuder les corrompus, nom par nom. Ce qui est condamné c’est la position qu’ils ont prise par rapport à leurs chefs à la SNCFT.
Histoires tunisiennes :
Je pourrais continuer longtemps avec des histoires semblables, qui se déroulent actuellement en Tunisie. Il se pourrait même, monsieur Morin, qu’un de ses jours je vous envoie mon histoire, derrière les barreaux.
Comme celle de Nejib Abidi, Yahya Dridi, Abdallah Yahya, Slim Abida et leurs amis, militants de longue date et artistes engagés dans les luttes sociales, qui se sont vus kidnappés à leur maison à 4 heures du matin, sans aucun mandat de perquisition, après le vol de leurs disques durs 24 heures auparavant.
Ce qui causa leur arrestation, c’est surtout leur position politique par rapport à la révolution.
Ou l’histoire de Sabri Sfari, jeune se tenant tranquillement devant sa maison avant qu’une voiture de police ne passe, que des policiers lui demandent de rentrer chez lui. Sabri refuse d’obéir. Rien ne lui impose de rentrer, ni de rester, ni d’aller, ni de faire quoi que ce soit. Sabri défendait le fait qu’il est libre de décider que faire par rapport à cette petite question.
Les policiers insistèrent, Sabri refusa de bouger, un policier sortit son fusil et lui tira une balle en plein visage, sa mâchoire tomba de suite. Cela n’a pas duré plus que quelques minutes, trois ou quatre. Sabri est aujourd’hui à l’hôpital, dans un état critique.
Son père ne demande qu’une seule chose : revoir le sourire de son fils. Le ministère de l’Intérieur avance une « balle partie par erreur ».
Sabri a été condamné, la condamnation a été exécutée sur place, non pas à cause d’une opinion ou d’un avis, mais parce qu’il a pris position.
Je pourrais aussi vous raconter l’histoire des huit militants estudiantins arrêtés à Sfax. Ou encore l’histoire des quinze recherchés de Menzel Bouzayen, non loin de Sidi Bouzid, dont la faute est d’avoir organisé une mobilisation contre le chômage et contre un notable local. Mais je m’en tiendrai à celles-là. Symboliquement, elles sont suffisantes pour former une pré-image.
« Prisonniers de guerre » :
Ces jeunes ne sont pas des prisonniers d’opinion. Ici, avec notre regard, nous les considérons comme des otages, et des prisonniers de guerre.
Ils sont faits prisonniers à cause de leur positionnement, à cause de leur message politique.
Loin d’être des victimes, des Jésus, face à un Etat devenu « hyper-méchant » après les élections du 23 octobre, comme si cet Etat avait l’habitude d’être « gentil » avant. Ces jeunes sont des Prométhée, qui se brûlent les doigts tout en portant le feu aux autres.
Votre soutien, monsieur Morin, est le bienvenu, quelle qu’en soit la forme.
Mais avant, laissez-moi vous évoquer une dernière histoire. Celle de Sartre et les porteurs de valise, lors de la guerre d’indépendance d’Algérie. Sartre et les porteurs de valise savaient que les combattants algériens étaient des résistants. Et ne cessaient de le dire partout. Et vous, monsieur Morin, à ce que je crois savoir, vous ressembleriez plutôt aux porteurs de valise.
Ces jeunes-là sont des résistants, des « fellaghas », qui résistent aux chaînes de l’Etat tunisien. Un prix pourrait servir à faire parler de la « cause ». Mais penser à eux d’une manière évangéliste, les présenter comme de « gentilles victimes mignonnes », voilà ce qui est contraire au travail de ces jeunes.
Chacun d’eux a donné de son âme, de son corps, chacun d’eux a choisi de briser le risque en allant l’affronter directement.
S’ils sont persécutés, arrêtés, torturés, et/ou autres (place à votre imagination, notre Etat en a), c’est parce qu’ils ont pris position, et qu’ils travaillent pour une nouvelle société plus digne et plus juste.
Pour les soutenir, il faudrait tenir compte de la portée de leurs actes. Et je vous invite, monsieur Morin, à nous soutenir, à soutenir notre travail, non pas seulement des images médiatisables en France.
Car, je ne sais pas si vous en avez idée, mais nous vous lisons. Férocement. Et ce que l’on dit/fait en France évoquant la Tunisie a de l’impact chez nous. Un impact fort.
Et que cet impact ne nous est pas calculé selon l’alphabet anthropologique français, mais selon l’alphabet anthropologique tunisien.

jeudi 26 septembre 2013

La défaite des islamistes et l'alliance occidentale

Abdelwahab Meddeb: La défaite des islamistes et l’alliance occidentale
Je m’interroge sur la manière avec laquelle nombre d’Occidentaux, Européens comme Américains, méjugent la défaite historique qu’a connu l’islamisme cet été en Egypte et en Tunisie. Je pense notamment à certains officiels français et allemands avec qui j’ai discuté. Je pense aussi à bien des articles et éditoriaux de journaux où le lecteur découvre qu’en invoquant la légitimité électorale, l’on finit par venir au secours d’un islamisme défait. Ainsi la défense de la légitimité électorale comme principe élémentaire de la démocratie est-elle affirmé en soi ; elle n’est pas située dans le contexte où elle s’est exprimée. Telle ligne de défense est un leurre. Ses partisans ne voient pas que la légitimité électorale peut être érodée jusqu’à sa disqualification dès que ceux qui s’en réclament pratiquent une politique qui agresse la démocratie.

Faut-il remettre dans la mémoire des Européens le cas d’Hitler, parvenu au pouvoir par les urnes ? Et par la voie démocratique ce dernier a réussi à instituer la plus radicale des dictatures. Les islamistes élus et en Tunisie et en Egypte ne rêvent que de la destruction de l’instrument qui les a haussés au sommet de l’autorité. En Egypte, ils ont agi frontalement au point de procéder au rapt de l’Etat pour ne servir que leur idéologie sectaire et régressive. En Tunisie, ils ont été plus rusés; bien des fois, ils ont tenté d’imposer les principes qui appartiennent à leur croyance ; mais chaque fois que la société civile s’y est opposée avec détermination, ils ont reculé. Cette tactique a été celle des Nazis. Ce qu’en dit Stefan Zweig s’applique à nos islamistes d’Ennahda : «… le national-socialisme, avec sa technique de l’imposture dénuée de scrupule, se gardait bien de montrer tout le caractère radical de ses visées… Ils appliquaient leur méthode avec prudence : on procédait par doses successives, et on ménageait une petite pause après chaque dose. On n’administrait qu’une seule pilule à la fois, puis on attendait un moment pour voir si elle n’avait pas été trop forte… » (Le monde d’hier, p. 426, Livre de poche).

Ainsi, par cette tactique de l’évitement et de l’endormissement,  Hitler a-t-il imposé son idéologie barbare au peuple le plus civilisé face à une Europe qui a été, elle aussi, bernée, engourdie, anesthésiée, innervée. Nos islamistes tunisiens ont usé d’une méthode ressemblante pour acclimater leur archaïque théocratie totalitaire à une réalité tunisienne rétive tant elle est anthropologiquement marquée par la douceur de vivre qui anime leur habitus méditerranéen.   Recourant aux louvoiements, feintes, fausses annonces, mensonges, dissimulations, les islamistes avancent masqués sur leur voie et ne manquent pas de rebrousser chemin dès qu’ils trouvent un obstacle dans l’immédiat infranchissable. 

D'abord, ils ont d’entrée de jeu, juste après leur victoire électorale, pris les mesures instrumentales pour transformer leur mandat constituant en autorité qui s’est emparée du législatif et de l’exécutif. Ensuite, ils ont cherché à appliquer leur programme adaptant leur discours à l’imaginaire dominant, miroitant promesses aux uns, proférant menaces aux autres. Enfin, ils ont manœuvré pour essayer de restaurer leur légitimité fissurée par leur exercice malin du pouvoir. Ils ne cessent de s’ingénier à gagner du temps afin de rendre permanente la légitimité provisoire que les élections leur ont accordé. Confrontés à un franc rejet populaire exprimé dans la rue, les islamistes, toujours fidèles à la même tactique, sont parvenus à déjouer toutes les contestations, toutes les oppositions comme il en fut suite aux protestations massives engendrées par les deux assassinats politiques enregistrés en 2013, ceux de Chokri Belaïd en février et de Mohamed Brahmi début juillet.  

Mais le recours à la méthode nazie n’a pas suffi pour que les islamistes assurent leur triomphe. Car il convient de préciser que ce qui a facilité le succès des Nazis, c’est la réussite de leur politique sociale et économique. Or les islamistes ont creusé de leurs mains leur propre tombe tant leur manque l’expertise dans la gouvernance. Leur incompétence a précipité leur échec. Et leur impuissance à concevoir le bien commun selon les enjeux actuels est à l’origine de la faillite de leur politique sociale, économique, sécuritaire. 

Aussi ont-ils été vomi par le peuple et en Egypte et en Tunisie. Les peuples ont reconnu en eux les agents de la catastrophe, ceux qui, au lieu de les sauver, les enfoncent dans le malheur. Stimulée par cette détestation populaire, en Egypte, la puissance militaire a agi en conséquence. Et, en Tunisie, où cette puissance est des plus relatives, les islamistes s’incrustent. Cependant, je ne pense pas que le coup d’Etat militaire soit la panacée. Il est temps de sortir de la fatalité qui est à l’origine du malheur arabe, celle qui réduit l’alternative entre la dictature séculière et la théocratie totalitaire. Il eût fallu, en Egypte,  user de patience et laisser le temps agir en maintenant la pression populaire pour que la légitimité des islamistes s’épuise d’elle-même sans avoir à ronger ses freins pendant quatre ans jusqu’aux prochaines échéances électorales. Toutefois, si l’on avait laissé en place les islamistes durant l’intégralité de leur mandat, le pays  aurait été conduit à une faillite irréparable. Ensevelie sous ses décombres, qui aurait pu  redresser l’Egypte, déjà malade dans son Nil, le « Dieu » qui est à l’origine de son existence? 

Quant aux islamistes tunisiens, nous attendons pour qu’ils « dégagent » la date du 23 octobre 2013 qui est considérée par le peuple comme une date butoir. Cette date attestera qu’une année supplémentaire a été accordée en vain aux islamistes. Ceux-ci ont déjà déshonoré le pacte moral qu’ils ont approuvé et signé avant d’aller aux élections le 23 octobre 2011. Tel document stipule que la tâche pour laquelle ils seraient élus, à savoir la rédaction de la constitution, ne devrait pas dépasser une année d’exercice. Cette fois, le peuple ne tolèrera pas que la légitimité provisoire qui leur a été accordée soit de nouveau prolongée. 

Car, j’insiste, le peuple se découvre phobique aux islamistes. Il leur adresse la même critique que nous avons formulée dans nos livres. Pour trouver solution à nos problèmes, ils clament : « L’islam c’est la solution » ; et aux yeux de tous, il est paru patent que l’islam n’est pas la solution. « Le Coran ne donne pas à manger », hurlait-on lors des manifestations cairotes contre les Frères Musulmans. Désormais, le peuple pense comme nous sans nous avoir lu. Nous vivons une situation proche de celle décrite par Ernest Renan dans son Caliban (1878). Cela m’a été remis en mémoire par Henry Laurens lors d’une conversation récente : le peuple en son ignorance même peut être en phase avec la science. Telle est la vertu de l’âge démocratique qui, selon Renan, nous dispense de restaurer l’ère aristocratique destituée.

Cet horizon analytique n’est pas pris en considération par bien des autorités européennes. Pire encore, les Européens qui projettent leur regard sur notre monde, ont oublié leurs véritables alliés, les séculiers d’Egypte et de Tunisie. A moins que le tropisme du spécifique les ait conduits à se détourner de ceux qui leur ressemblent. Alors ils vouent leur fascination à ceux qui portent une différence qui devrait les révulser.  Discutant avec un des officiels européens indulgents sinon complaisants à l’égard de l’atteinte aux libertés récurrente en Tunisie, je m’entends dire : « Mais enfin on n’est pas en Corée du Nord » ; ce à quoi je réponds : « Si on ne dénonce pas aujourd’hui la politique liberticide des islamistes, demain ce sera la Corée du Nord. » 

Les islamistes, après avoir ravi la révolution, harcèlent les jeunes qui en ont été les promoteurs. Ces dernières semaines ont été arrêtés ou condamnés bien des artistes engagés dans la critique radicale de ceux qui s’accrochent aux rênes de l’Etat. Nous réclamons la liberté pour tous ceux qui viennent sans raison d’être pourchassés. Nommons les cinéastes Néjib Abidi, Nasreddine Shili, Abdallah Yahya, le jazzman Slim Abida, les rappeurs Ahmad Klay Bbj et Weld el Kinze. Eux aussi ont le droit de respirer la liberté par tous leurs sens, par tous leurs pores dans une Tunisie viable, affranchie des contraintes qui briment les potentialités et étouffent l’énergie créatrice des jeunes. Suffit-il d’exhiber ces enfants meurtris dans leur combat en faveur de la liberté pour désillusionner les Occidentaux qui croient à l’existence d’islamistes libéraux, à tout le moins capables de supporter le jugement critique quand même il les criblerait de sa férocité ?

De tels Occidentaux prospèrent dans leurs errements et ratent le coche. En vérité, ils privilégient leurs ennemis islamistes et boudent leurs amis séculiers. Or, les séculiers d’Egypte et de Tunisie peuvent être pour eux des alliés pertinents afin de parachever la tâche de l’heure. Si l’on ôte les oeillères du conjoncturel et qu’on chausse les lunettes qui éclairent les perspectives de l’avenir, on verra que cette tâche consiste à tracer les nouveaux contours de l’universel.  Au cœur même de l’urgence écologique, la base de cet universel reste l’invention européenne cristallisée dès la fin du XVIIIe siècle dans la cosmopolitique pensée par Kant le long des pages qui composent La Paix perpétuelle.

Certes, cette invention a été déshonorée, bafouée par l’action historique des siens. Le colonialisme, l’impérialisme, l’hégémonie belliqueuse occidentale l’ont dépouillé de sa crédibilité. Et ce n’est pas la repentance qui conjurera l’hubris des Occidentaux. Non, ce n’est pas cette visée qui oriente notre action. La tâche de l’heure est plus que jamais commune à tous. Le mal que nous avons à traiter n’est pas soumis aux frontières nationales. Telle tâche est à assumer en s’adaptant à la réalité des souverainetés relatives et des concertations interétatiques. 

Ce sont les enfants de ceux qui ont souffert de la violence occidentale et qui proviennent du non-Occident, ce sont eux qui sont en mesure de corriger, rectifier, réorienter, enrichir l’invention occidentale afin de lui donner l’assise qui la légitimera comme universalité à l’horizon de notre agir contre le mal qui corrode notre monde. Tel est le chantier à partir duquel sera relevé le défi de l'événement qui vient. 

Ce chantier-là, les Occidentaux que j’évoque ici,  ne le perçoivent pas où il émerge. S’ils l’avaient envisagé, ceux, parmi eux, qui parlent français auraient pu, de concert avec les Tunisiens séculiers francophones, contribuer à cette refondation tant attendue. Voilà donc une promesse à portée de main et de langue qui n’est saisie ni par les officiels, ni par les intellectuels, ni par les gens des médias. 
Jusqu’à quand s’obstinera-t-on à ajourner les rendez-vous que nous offre une histoire pour une fois hospitalière à nos idées ?