mercredi 24 avril 2013

L'islam est-il porteur de violence?


Philippe d'Iribarne




Une fois de plus, l'attentat du marathon de Boston interroge sur les rapports entre l'islam et la violence. Le fait que les auteurs présumés de l'attentat aient été des musulmans convaincus relève-t-il une fois encore du pur hasard ? 
Ou l'islam lui-même est-il en cause ?
Les arguments ne manquent pas pour affirmer que la violence n'a rien à voir avec l'islam. Certes, il est dit dans le Coran à propos des "incrédules", "S'ils ne se retirent pas loin de vous ; s'ils ne vous offrent pas la paix ; s'ils ne déposent pas leurs armes ; saisissez les ; tuez-les partout où vous les trouverez." (IV 91). Mais il est dit également "S'ils se tiennent à l'écart, s'ils ne combattent pas contre vous, s'ils vous offrent la paix, Dieu ne vous donne plus alors aucune raison de lutter contre eux." (IV 90)1. Et les discussions qui opposent les exégètes du Coran sur le sens précis à donner à tel ou tel verset à tonalité pacifique ou guerrière et sur le fait qu'il ait été ou non abrogé par des versets d'inspiration contraire sont suffisamment vives pour que l'on puisse exclure que l'islam appelle avec constance à la violence.
Pour avancer dans la question, pourquoi ne pas appliquer au monde de l'islam une démarche intellectuelle qui va de soi dans des domaines moins chargés idéologiquement. De manière très générale, l'intensité de la présence d'un phénomène dans un environnement donné (par exemple le fait que les gauchers sont surreprésentés parmi les champions olympiques d'escrime) est considérée comme significative quant aux propriétés de cet environnement en général (les gauchers), même si le phénomène en question n'y est que totalement marginal (rarissimes sont les gauchers champions olympiques). Ce type de raisonnement est à la base de toutes les études épidémiologiques. S'agissant de réalités humaines il est bien des cas où il est considéré comme allant de soi ; personne ne doute alors que si telle ou telle manière d'être est plus présente qu'ailleurs au sein d'un certain environnement humain, social, culturel, c'est que cet environnement constitue un terreau favorable à son développement, même si elle y reste marginale. Par exemple le fait que les hommes commettent plus d'homicides que les femmes - en moyenne 3,3 contre 1 pour 100 000 habitants dans les pays de l'OCDE - est vu comme significatif quant à ce que sont les hommes en général - même si les explications diffèrent, entre testostérone et société machiste. N'y aurait-il pas de même dans l'islam un facteur qui, sans conduire mécaniquement à la violence, lui offrirait un terreau favorable ?
Un élément, qui ne concerne plus de petites minorités mais les sociétés musulmanes dans leur ensemble, peut aider à saisir quel est ce facteur : les difficultés que rencontre l'avènement de la liberté de pensée en terre d'islam, spécialement quand la religion est concernée. La nouvelle édition, 2013, du classement mondial sur la liberté de la presse réalisé par Reporters sans frontières fournit par exemple un indice. La Turquie, souvent présentée comme le phare de la démocratie au sein du monde musulman, se trouve dans ce classement au 154e rang (sur 176 pays) et est dénoncée comme "la première prison au monde pour les journalistes". Les pays où le "printemps arabe" a fleuri sont respectivement 138e (Tunisie) et 158e (Egypte). Et ce sont des pays musulmans qui accompagnent les pays communistes pour fermer la marche.
Est-il vraiment étonnant qu'une telle résistance à une pensée libre, génératrice à grande échelle d'une forme encore modérée de violence (mettre en prison ceux qui pensent mal), ouvre parfois la voie à des formes plus sauvages ? Toute une vision de l'incrédule, en entendant par là celui qui, se déclare-t-il ou non musulman, rompt l'unité de la communauté avec la certitude dont elle est porteuse est en jeu. Le Coran, déjà, fournit une vision dantesque de celui qui, refusant de se soumettre aux preuves incontestables dont les messagers de Dieu sont porteurs, doute, conteste, prétend se faire à lui-même son propre avis. Pareil individu est présenté, sourate après sourate (et, sur ce point le Coran est parfaitement homogène) comme un pervers, plein d'orgueil et de haine, voué à l'opprobre des croyants et à la vengeance d'un Dieu qui réserve sa miséricorde à ceux seuls qui se soumettent sans réserve. Et, depuis, la fascination pour la certitude, et l'aversion pour celui qui trouble l'unité de la communauté marquent profondément l'univers de l'islam. Elles affectent les rapports entre sunnites et chiites comme les rapports entre musulmans et non musulmans.
Certes, une manière de vivre ce regard porté sur les incrédules est de coexister plutôt pacifiquement avec ceux qui sont prêts à accepter le statut de dhimmis (protégés), avec tout ce qu'il implique d'inégalité de droits et de soumission à la communauté des croyants. Certes, les formes d'islam plus ou moins syncrétiques qui ont pris corps au cours de l'histoire ont souvent été plus avides de mystique que mise au pas des incrédules. Mais, dans une époque où le statut de dhimmi tend à disparaître, où les musulmans se trouvent moins que par le passé en situation de dominants et plus de dominés et où un large mouvement de retour vers la fidélité au Coran se fait jour, comment s'étonner qu'un tel regard puisse favoriser chez certains une violence radicale.

1 commentaire:

  1. LA RÉPONSE EST : QUI DOIT PRIMER La OUMMA ou l'INDIVIDU ?

    L'Islam sur le plan politique prône la "oumma" (la société) au détriment de l'individu !
    Or la "politique" en Islam, était de tout temps autoritaire et totalitaire.
    Elle n'admet pas les esprits libres ni le "jeu" individuel, toujours sources de "désordre" pour le pouvoir central !
    Ce à quoi veulent revenir au nom du "salafisme" et du "wahhabisme" les islamistes au pouvoir !

    Alors que les sociétés modernes axent tout sur l'individu et sur sa liberté de pensée !!
    D'où le dilemme de certains tiraillés par leurs "traditions" et la modernité qu'ils vivent dans un monde globalement moderne !!!

    La solution ? S'émanciper de la religion ou du moins adopter la laïcité, c'est à dire la liberté de conscience (ce qui semble aller de soi pour tout esprit ouvert) et la liberté de penser et de s'exprimer !

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