Le féminisme, tout comme les Droits de l'Homme, est universel.
Je me méfie de ceux qui se méfient de l’Occident, parce qu’ils ne cessent d’être dans la défensive et manquent de souveraineté d’esprit.
C’est le dernier «procès en colonisation» à la mode. Il s’attaque à «la colonisation du féminisme», de même qu’on s’attaquait hier à la colonisation des esprits, des langues ou des modes de vie. Le féminisme, dans sa conception classique et de par son origine occidentale, serait empreint de racisme et d’islamophobie ; au mieux, d’autocentrisme et de maternalisme. Il serait pensé par des femmes blanches pour des femmes blanches, bourgeoises de surcroît. Il faut donc s’en méfier. Changer de grille de lecture. Ancrer la thématique de l’émancipation des femmes dans la diversité des cultures et l’ouvrir à d’autres conceptions du féminin. Je ne fais pas partie d’un cercle «homologué et approuvé occidental», mais ces propos me font dresser les cheveux sur la tête - non voilée bien évidemment. Comment ne pas voir dans ce procès appelant au rejet du «féminisme blanc» un relais, conscient ou non, du «féminisme vert» qui se propage en terre d’islam comme en Europe. Autrement dit, derrière les arguments de «diversité», de «globalisation» ou de «tradition culturelle spécifique» ici avancés, l’on assiste au retour d’un patriarcat d’autant plus insidieux que ses porte-parole sont des femmes et d’autant plus dangereux qu’il conforte l’attitude d’une idéologie nostalgique du passé et pour lequel l’Occident demeure le responsable de tous les malheurs du monde.
Vous me direz, c’est normal qu’il y ait une remise en question d’un féminisme «taille unique». Et cela s’explique plus dans le contexte arabo-musulman affecté par les offensives occidentales, le conflit israélo-palestinien, les désenchantements nationaux, l’émergence des Frères et d’autres défaites. Des femmes ont alors défendu l’idée d’un «féminisme islamique» lequel avait pour but de démontrer que ce ne sont pas seulement les dynamiques inspirées de l’Occident qui mènent le processus de rupture avec la société arabe traditionnelle et qui, il faut le reconnaître, eurent l’avantage d’ouvrir, en partie, les portes de l’exégèse féminine et de servir de passeport pour un certain accès à l’espace public.
Toutefois, l’idée que les islamistes auxquels il faudra ajouter les nouveaux défenseurs du relativisme culturel se définissent comme féministes relève de l’imposture. Le recours même au mot «féministe» est une aberration si l’on définit le féminisme comme un combat universel et sans concession contre la domination masculine. Et parce que le féminisme ne saurait privilégier la différence des femmes à l’universalité de leurs droits. Reconsidérer leur statut du point de vue de la tradition revient à le soumettre à la loi patriarcale.
Par ailleurs, en quoi ce «féminisme» fait-il avancer la cause des femmes alors même qu’il l’emprisonne dans des combats d’avant-garde tels que le voile, la non-mixité ou la complémentarité ? Est-ce apporter «la contradiction qui enrichit» que de vouloir réintroduire le référent religieux sous le nom d’approche «transculturelle» ? Peut-on être féministe et défendre une quelconque prescription de contrainte sur le corps féminin, fût-elle revendiquée par l’intéressée ? Personne n’oblige les femmes à être les mêmes, mais aucun féminisme réel ne peut faire l’impasse sur l’intégrité de leur corps ni accepter de revenir sur leurs acquis sous prétexte d’une hiérarchisation des luttes. Nul ne doit s’immiscer dans la croyance des femmes, mais nul ne doit aliéner leur liberté à des doctrines immuables, ni occulter la question de leur émancipation sous des avancées de façade.
Qu’on arrête donc de nous dire que le voile ne stigmatise pas le corps féminin ou qu’il ne le désigne pas comme attentatoire à l’ordre de la cité. Qu’on cesse de prétendre que la défense des femmes doit s’attaquer à leur domination économique et sociale et fermer les yeux sur les signes où résident les plus insidieuses présences de cette même domination. Feindre qu’il n’y aurait d’autre issue pour les réfractaires au modèle féministe classique, et plus précisément pour les musulmanes pratiquantes de France, que de retourner «chez elles», insinue que l’islam se réduit à ses apparences extérieures aux dépens de sa spiritualité et qu’il serait incapable de faire siennes les valeurs universelles, fussent-elles inspirées par l’Occident.
Je ne crois pas que l’espace de tradition et de religion soit un espace de liberté. Je me refuse à parler de «nouvelle invention de la modernité» pour une approche qui, au fond, considère la modernité comme un mal occidental. Je crois entendre le timbre moralisant qui assimile la liberté de l’individu féminin à une dissolution des mœurs.
Et je pose la question : que serait un «féminisme décolonisé» si ce n’est un féminisme délesté de la plupart des acquis engrangés ? De quel droit décider que certaines lois, comme l’interdiction du voile en France, sont «antimusulmanes», alors même que des millions de musulmanes se battent dans le monde contre le voile. Pourquoi la défense du voile devrait-elle être mise sur le même plan que la lutte contre le viol ou les violences conjugales ? Qui, de celle qui se bat contre la radicalisation et celle qui s’occupe de guerroyer pour le hidjab, est plus utile pour la société ? Comment accuser de «matérialisme» un féminisme qui s’échine depuis des décennies à faire des femmes des êtres affranchies de toute tutelle ? Le matérialisme ne consiste-t-il pas, plutôt, à flatter la différence et à victimiser l’Autre ? A générer un islamo-féminisme qui est en passe de jeter la discorde entre les femmes ? Les dénonciateurs du «féminisme colonisé» ne rêvent-ils pas, somme toute, d’un «féminisme indigène» et ne renouent-ils pas avec l’orientalisme d’antan ?
Je veux bien que l’identité soit mobile et mutante mais encore faut-il que cette mutation ne rogne pas sur les acquis des femmes. Si le particularisme peut être gros d’universel, je m’en méfie quand il est invoqué au sujet des femmes car, souvent, il taille dans leurs libertés. Je tranche pour le féminisme classique. Et réfute le terme «colonisateur» pour un féminisme qui a initié le plus grand combat de tous les temps au profit des femmes sans verser une seule goutte de sang. J’appelle à la vigilance contre ces nouvelles théories plaidant pour une «dimension postmoderne du religieux» qui serait «source de réenchantement» et «nouvelle chance pour le féminisme» ! Je me méfie de ceux qui se méfient de l’Occident, parce qu’ils ne cessent d’être dans la défensive et manquent de souveraineté d’esprit.
Je me dois donc d’appeler les Occidentales pourfendeuses du féminisme de leurs grands-mères à ne pas succomber au «sanglot de l’homme blanc». De même que j’appelle les musulmanes dont je suis à sortir de la mentalité d’ex-colonisée typiquement masculine et à réussir un processus d’altérité jusque-là inédit.
Nous pouvons partager sans honte certains modèles occidentaux, non pas par allégeance à l’Occident, mais dès lors que ces modèles se placent au-dessus de toutes les traditions et plaident pour la Justice et le Droit. En vérité, il ne saurait y avoir de féminisme d’Orient ou d’Occident. Ni de féminisme qui opposerait le Nord au Sud. Ou vanterait une tradition qui se refuserait à parfaire le cycle de notre émancipation. Il ne peut y voir qu’un féminisme : celui qui s’achève dans une raison des femmes.
Marguerite YOURCENAR, pour le féninisme, mais pas n'importe lequel !
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PEUT-ON ÊTRE FÉMINISTE ET MUSULMANE A LA FOIS ?
RépondreSupprimerHabib Ben Fredj :
Parmi les questions qui me taraudent, il y a cette thèse qui veut qu'on puisse être musulmane et féministe en même temps !
1 - Selon le Coran chaque bon musulman a droit à 4 épouses et autant de captives qu'il lui est permis d'acquérir de manière légitime lors de victoire en cas de guerres saintes, sinon par l'achat sur le marché des esclaves.
Les islamistes de l'Etat islamique comme ceux de Boko Haram, n'ont fait qu'appliquer les recommandations d'Allah en la matière; et à la lettre s'il vous plaît !
Les femmes des peuples vaincus ont le choix soit de se convertir à l'islam, soit d'être emmenées comme captives. Le nombre de femmes captives ( esclaves ) qu'on est en droit d'acquérir n'étant pas déterminé, cela dépend de vos moyens pécuniaires et du cours de l'offre et de la demande !
Or nous savons que le prophète ne s'est pas conformé au quota des 4 épouses autorisées par Allah, dans son Coran !!
Ce que ses compagnons ont relevé en lui faisant remarquer son incohérence. Qu'à cela ne tienne ! Un verset lui a été révélé lui conférant des privilèges en lui confirmant ses abus : Il est autorisé à en avoir 9 !
Mais ce quota non plus ne sera pas respecté; puisqu'il en a épousé 11 !!
2 - Lorsqu'une femme musulmane qui prétend être féministe fait sa prière et qu'elle récite le verset où l'homme est autorisé à frapper sa femme en cas d'indocilité, quel argumentaire peut-elle invoquer pour justifier son féminisme ?
Avouez que l'exemple que donne le prophète par le nombre de ses épouses ne respectant pas les prescriptions d'Allah et ce que dit clairement le Coran de la condition des femmes devant soumission et obéissance au mari qu'il autorise de corriger au besoin .... pose un problème d'ordre logique et éthique pour toute musulmane qui se revendiquerait féministe !