Pour ceux qui n'ont toujours
pas digéré leur histoire avec Bourguiba, qu'ils sachent que l'homme ne fut pas
parfait, loin s'en faut. Mais il faut lui reconnaître d'avoir été l'architecte
de la Tunisie moderne, qu'il a dotée d'une administration digne d'une
République, qu'il a imposé le statut de la famille en libérant la femme, qu'il
a privilégié l'enseignement en le rendant obligatoire pour tous, qu'il a
instauré le planning familial pour maîtriser la démographie tout en donnant aux
femmes le droit de maîtriser leur corps et leur utérus ... et j'en passe; faisant de la tunisienne l'unique exemple dans les pays dits "arabo-musulmans", voir dans le Tiers-Monde devançant même pour certains droits, les françaises !
Qu'en est-il de ceux qui se disent ses héritiers ? Béji Caïd Essebsi est-il bourguibiste ? On se le demande !
Qu'en est-il de ceux qui se disent ses héritiers ? Béji Caïd Essebsi est-il bourguibiste ? On se le demande !
R.B
Après la révolution, beaucoup ont pensé qu'on en avait fini avec
50 ans de dictature et que l'héritage du mouvement destourien allait être
définitivement jeté dans la poubelle de l’Histoire : le parti unique, la pensée
unique, et le chef unique, tout ça, c'était fini.
Ainsi, Bourguiba, père de la nation, semblait éclipsé par cette
vague révolutionnaire.
Son coté
despotique et son refus des libertés fondamentales et de la démocratie étaient
mis en avant par ceux qui ne se revendiquaient pas de son "école", et
qui ont par le passé milité contre le régime bourguibien.
Pourtant,
3 ans après la révolution, Béji Caïd Essebsi est élu à la tête de l'État après
une campagne se basant sur la conservation des acquis sociaux de l'ère
Bourguiba, en se présentant comme son héritier légitime.
Puis, le président décida de remettre la statue du
"Combattant Suprême" à sa place au centre-ville de Tunis, en signe
d'hommage au père de la nation et de continuité dans la politique bourguibiste.
Ce retour confirme bel et bien que l'héritage de Bourguiba ne
mourra jamais en Tunisie.
Cependant, un problème persiste : rien dans la politique
actuelle ne s'aligne sur cet héritage.
On pense souvent qu'il suffit d'avoir été ministre sous
Bourguiba pour pouvoir prétendre faire honneur à ce dernier, car pour nous
Bourguiba est synonyme du "C'était mieux avant".
Détrompez-vous messieurs, Bourguiba était un visionnaire, un
adepte du "Ça sera mieux demain".
Il était le farouche opposant aux conservateurs et
réactionnaires, il était de ceux qui aspiraient à changer les choses, à
bousculer l'ordre social, à rompre avec les traditions et à inscrire la Tunisie
dans la modernité.
Il agissait par pur pragmatisme et volonté d'améliorer et de
révolutionner, non par petits calculs politiques mesquins.
Le Bourguibisme n'est donc pas une simple défense des acquis
bourguibiens, mais toute une philosophie qui vise à être en avance par rapport
à son temps.
Un bourguibiste des années 1960 est quelqu'un qui lutte pour
l'émancipation de la femme, pour une démocratisation de la culture et pour un
système éducatif performant.
Un bourguibiste du XXIème siècle se doit de défendre les
libertés sexuelles, l'égalité dans l'héritage entre l'homme et la femme, et à
fortiori, une égalité parfaite entre les sexes, mais aussi une laïcité
institutionnalisée, la protection de l'environnement, et une économie tournée
vers les nouvelles technologies et l'encouragement de la recherche et de
l'innovation.
Bourguiba était un occidental dans sa manière de penser. A la
fois humble et fier.
Il n'avait pas honte d'admettre que la Tunisie avait besoin des
compétences formées à l'étranger, ni qu'elle était dépendante du marché
international et qu'elle devait parfois faire des concessions sans pour autant
faire profil bas, car il a aussi su construire une tradition diplomatique
digne, connue pour sa neutralité et sa volonté de réconciliation, qui ont fait
la grandeur de la Tunisie.
Il était aussi allergique aux monarchies du Golfe et n'a jamais
baissé la tête devant un de ces dirigeants corrompus car il savait très bien
qu'il pouvait s'appuyer sur d'autres alliances, beaucoup plus puissantes, plus
solides et plus honnêtes, qui le respectaient en tant que dirigeant politique,
mais aussi entant qu'ami.
Où est aujourd'hui cette diplomatie ? Où se trouve la Tunisie de
nos jours dans le concert des nations ? Perdue, oubliée, menée par le bout du
nez et esclave de ceux qui autrefois tremblaient devant la grandeur de ce pays.
Alors chers dirigeants, avant de vous proclamer de l'héritage
Bourguibien, regardez bien derrière vous, puis devant vous.
Ne vous posez pas la question "Qu'a fait Bourguiba dans cette situation ?",
mais "Qu'aurait fait Bourguiba dans cette situation ?".
Arrêtez avec votre nostalgie et soyez digne de votre héritage.
Oubliez les calculs politiques et les discours populistes, soyez
francs avec vous-même et avec votre peuple.
Recherchez des solutions, innovez, faites preuve d'intelligence
et de pragmatisme, ne vous laissez pas séduire par la facilité du consensus et
acceptez le combat pour les vraies valeurs de la modernité.
Vous pourrez alors vous dire "Bourguibiste".
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