jeudi 29 mars 2018

Eugène Delacroix : tableaux coups de foudre

Le Louvre, rend hommage à Eugène de Lacroix principal représentant du romantisme en France.
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Dante et Virgile aux Enfers offrent à Delacroix un triomphe

«Je sors d'un travail de chien qui me prend tous mes instants depuis deux mois et demi. J'ai fait dans cet espace de temps un tableau assez considérable qui va figurer au Salon.» En 1822, âgé de 24 ans, Delacroix tente ce qu'il appelle «un coup de fortune» avec cette toile, premier envoi au salon de peinture, inspirée d'un classique de la littérature, La Divine Comédie de Dante. Si le sujet marque une appartenance à l'école classique, la référence à un auteur de la fin du XIIIe siècle participe d'un goût retrouvé pour l'époque sombre du Moyen-Âge. On est loin toutefois du style troubadour à la mode. La facture et le parti pris de déstructurer la composition pour un effet de tumulte, de chaos, empruntent à Géricault, l'aîné admiré, et rendent hommage aux maîtres absolus Rubens et Michel-Ange. Si le néoclassique Delécluze qualifie ce tableau de «vraie tartouillade», «aucun ne révèle mieux l'avenir d'un grand peintre», s'exclame Thiers. L'État achète la toile, Delacroix triomphe.
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Les Scènes des massacres de Scio allument la querelle du romantisme

Deux ans plus tard, retour au Salon et nouveau coup de maître. Cette fois Delacroix a choisi un sujet d'actualité, espérant un retentissement comparable à celui suscité par Le Radeau de la Méduse en 1819, toile de l'ami Géricault qui, la première, a traité d'un événement contemporain. L'insurrection des Grecs contre l'occupant ottoman, qu'un Byron, très écouté par la jeunesse, dénonce, résonne clairement en France comme une agression de la tyrannie contre la liberté. Scio allume ce qu'on va bientôt appeler la querelle du romantisme. Le coloris (d'autant plus éclatant que la toile vient d'être restaurée), la hardiesse du dessin, la composition à nouveau dénuée de centre et qui ne focalise pas sur l'action proprement dite heurtent jusqu'à la première génération romantique. Le baron Gros y voit le «massacre de la peinture». C'est que Delacroix privilégie alors comme personne le pouvoir expressif de la matière colorée et du geste créateur exalté par la brosse. Nouvelle acquisition par les musées royaux.
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«Merveilleux comme un rêve», selon Baudelaire, La mort de Sardanapale

Cette fois c'en est trop. L'immense tableau (4 x 5 m, resté accroché dans la grande salle rouge Mollien du Louvre), choque unanimement lors de sa présentation au Salon, en janvier 1828. Il faudra attendre un an pour que Hugo y voit «une chose magnifique et si gigantesque qu'elle échappe aux petites vues». Et 1861 pour que Baudelaire, trop jeune pour l'avoir vue avant, le consacre «merveilleux comme un rêve». La source, un drame écrit par un Byron martyr de la guerre d'indépendance grecque, est prétexte à tous les excès. Par cette allégorie du despotisme le plus cruel doublé d'un éloge de la démesure érotique - on y voit une orgie meurtrière où figurent nombre de corps nus féminins offerts à l'holocauste, toutes «les règles de l'art ont été violées» comme l'affirme un journal du temps. Formes informes, couleurs jetées furieusement, la toile détonne d'autant qu'elle se trouve accrochée à côté d'un autre grand format de Delacroix, sagement religieux celui-là (Le Christ au Jardin des oliviers). Surtout elle est placée aux côtés d'Ingres et de son Apothéose d'Homère«Donnerons-nous le titre de composition à cet amalgame incompréhensible d'hommes, de femmes, de chiens, de chevaux, de bûches, de vases, d'instruments de toute espèce, de colonnes énormes, de lit démesuré, jetés pêle-mêle, sans effet, sans perspective, et ne posant sur rien», s'enflamme donc un journaliste. La très ancienne confrontation entre le dessin et la couleur, l'effacement de l'artiste derrière le sujet ou l'affirmation de l'expression par la touche, se voit ravivée comme jamais. Bientôt les histoires de l'art vont opposer classicisme et romantisme. Pourtant jamais Delacroix n'a négligé certains traits du néoclassicisme, tel le culte de l'Antiquité (ici nous sommes dans un palais assyrien). Pourtant, même un Théophile Gautier, grande figure du romantisme, a parlé d'un «balai ivre» pour décrire le pinceau du maître.
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Femmes d'Alger dans leur appartement, de la fièvre de la découverte aux souvenirs

L'Orient existe mais il est surtout un doux rêve de couleurs éclatantes et de voluptés cultivé en atelier. Delacroix n'a pas attendu son voyage en Andalousie et au Maroc, avec escale en Algérie, pour prétendre que l'Antique vit toujours au sud de la Méditerranée. Son Scio et son Sardanapale ne chantent-ils pas déjà cet ailleurs? Ici, dans cette fausse scène de genre, il bénéficie certes de l'expérience du terrain. En 1832, une famille juive d'Alger lui a ouvert ses portes. Il a pu cueillir quelques bribes du quotidien d'un riad. Ses merveilleux croquis de voyage l'attestent. Mais lorsque Delacroix les rouvre en France, plus tard et jusqu'à la fin de sa vie, avec leurs annotations écrites et aquarellées, leurs traits posés dans la fièvre de la découverte, ce sont les souvenirs qui affluent. La toile rend ainsi moins compte de la réalité d'un harem que du travail filtrant du souvenir. Tel est ce qui la rend si poétique. Delacroix, une fois de plus, n'a livré qu'un fantasme celui de la peinture pure. Il se distingue certes des autres pionniers du courant orientaliste par le fait qu'eux n'ont encore jamais voyagé plus loin qu'au sud de la Loire. Mais plus encore: par le fait que la couleur est la principale charmeuse. Laines et coussins tissés, riches tuniques de vaporeuse soie brodée, complexes faïences: tout chatoie, tout accroche la lumière, contrastant avec le lourd rideau et la sombre silhouette d'une mulâtresse. Les chairs, en revanche, palpitent moins. Ainsi cette couleur est-elle le véritable sujet de cette œuvre, plus que son apparence réaliste ou la lascivité des houris. À vrai dire juste quelques tuniques traditionnellement décolletées, des sarouels qui découvrent normalement les mollets et des pieds nus convenablement déchaussés sur les tapis. Les femmes du Maghreb ne revêtent leur caftan qu'au dehors. Ici, dans leur foyer, détendues autour de la terre et du feu d'un brasero, de l'air et de l'eau d'un narghilé, elles sont au naturel.
Résultat de recherche d'images pour "Le Christ sur le lac de Génésareth" 
Le Christ sur le lac Génésareth par le chaman Delacroix

Bien que libre-penseur, Delacroix a peint de nombreuses scènes religieuses. Et pas nécessairement parce qu'il répondait à des commandes. Il varie à plaisir, par exemple, le récit évangélique de la traversée de Jésus sur le lac de Génésareth. Les peintres qui ont imaginé cet épisode dans le passé ont évidemment choisi le moment où le Christ menace les éléments pour calmer la tempête. Ici Delacroix privilégie l'instant précédent. Lorsqu'il dort encore, insouciant du danger tandis que les apôtres sont terrorisés et que l'esquif ballotté par les flots menace de sombrer. Tout tournoie donc autour du fils de Dieu, unique point stable parmi les corps, les éléments et les couleurs déchaînés. Sardanapale apparaissait déjà ainsi au sein du suicide collectif qu'il avait décrété pour sa cour. Ces personnages autour desquels vibrionnent la vie et la mort, les teintes des toges, des cieux et des eaux ici turquoise là émeraude, sont autant d'autoportraits. Ils disent la condition de l'artiste selon Delacroix. Un passeur d'histoire, un pilote né, qui, sage ou fou, gouverne entre les plaisirs et les souffrances de l'homme. Un chaman en somme.

Visite guidée de l'expo 

Eugène Delacroix - Le 28 Juillet. La Liberté guidant le peuple.jpg
Eugène Delacroix - Jeune orpheline au cimetière (vers 1824).JPG

2 commentaires:

  1. Le voyage de Delacroix au Maroc exposé au Louvre

    https://www.huffpostmaghreb.com/entry/le-voyage-de-delacroix-au-maroc-expose-au-louvre_mg_5abca899e4b03e2a5c796a4f?utm_hp_ref=mg-homepage

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  2. Merci d'offrir cette visite au musée.

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