Descartes avait théorisé l'animal-machine, insensible bête de somme .... dommage que les philosophes du siècle des Lumières soient passés à côté de l'animal !
Ce rapport de l'homme aux animaux va changer grâce au combat mené entre autre par Brigitte Bardot, qui leur consacrera sa vie et sa fortune en sacrifiant sa carrière en clamant avoir donné son corps aux hommes et son cœur aux animaux. "C'est en donnant ma vie pour améliorer celle des animaux qu'elle a pris un sens"; rajoute-t-elle.
Et c'est grâce à ses combats que les hommes ont pris conscience de la souffrance animale et que des lois furent voter pour améliorer leur condition. Les animaux doivent beaucoup à leur sainte Brigitte.
R.B
A quand des droits de l'homme pour ... les animaux ?
Et si Brigitte Bardot avait inventé l’antispécisme ?
A 83 ans, la mythique
actrice du "Mépris" raconte son engagement aux côtés des animaux dans
"Larmes de combat". Et, après avoir été beaucoup raillée, apparaît
comme une pionnière.
Un livre de
Brigitte Bardot sur les animaux ? Les ricaneurs
ricanent, mais tout est normal. Il est d’usage depuis des années de se moquer
d’elle et de sa maison de pêcheurs tropézienne transformée en arche de Noé,
puis de rappeler, cette fois à juste titre peut-être, son soutien à Marine Le
Pen (récemment, c’était à Jean-Luc Mélenchon : tout dépend du discours sur la
question animale) et les déclarations publiques calamiteuses qui l’ont menée
plusieurs fois au prétoire avec son chignon à fleurs pour incitation à la haine
raciale.
Pour
autant, être froissé par ses manières n’interdit pas d’avoir de l’estime pour
des combats menés sous la bannière de l’éthique animale avec une exceptionnelle
persévérance, laquelle sera peut-être au siècle prochain saluée par des
philosophes de premier plan. Qu’on nous autorise aussi à penser que ces accès
de fièvre misanthrope drainent un chagrin existentiel profond qui ne date pas
d’hier. Quoi qu’il en soit, l’impossible BB arrive en librairie.
« Larmes de combat » est le récit de
quarante-cinq ans d’un engagement ininterrompu auprès des animaux, au nom de la
Fondation qui porte son nom et à laquelle Brigitte Bardot donne chaque jour de
sa vie. Réveillée à 9 heures dans cette Madrague mythique où des touristes du
monde entier continuent d’affluer, elle quitte le grand lit où chiens et chats
s’étirent à l’unisson pour téléphoner à ses troupes parisiennes selon un rituel
immuable.
Que la personnalité française la plus connue au monde
après De Gaulle (qu’elle aimait beaucoup et réciproquement) ait choisi en 1973
de descendre du firmament pour consacrer jours et nuits à la création d’une
structure qui permettrait de défendre les lapins martyrisés de l’industrie
cosmétique ou de sauver l’hippopotame en dépression dans un camion du cirque
Zavatta, lui a valu tous les sarcasmes. Sans doute la petite misogynie
ordinaire de ces années-là et les envies mauvaises provoquées par sa beauté
souveraine n’ont-elles rien arrangé. Au printemps 1987, elle s’est installée
chaque matin sur un marché de Saint-Tropez pour vendre à la criée les dernières
reliques de sa vie princière.
BB validée par la
science
Tout ce qu’elle possédait de valeur fut mis aux
enchères à la Maison de la Chimie à Paris – sa guitare, les bijoux de Gunter
Sachs, la robe de son mariage avec Vadim, l’argenterie, les meubles. Mais le
plus frappant dans ce récit plein de retours en arrière, quand la femme
créée par Dieu rêvait déjà de grands espaces et d’oiseaux marins, c’est de
constater à quel point ses préoccupations sont d’une scintillante modernité.
La dame a aujourd’hui 83 ans. En une étonnante
convergence des luttes, toutes ses idées rejoignent celles
des « antispécistes ». Pour ceux qui ne savent encore rien de ce
groupe minoritaire mais fort, les antispécistes plaident pour que soit
reconnues la continuité entre l’espèce humaine et les espèces animales, ainsi
que l’universalité des émotions primaires – la peur, la tristesse, la honte, la
surprise, le dégoût, la capacité à ressentir la douleur, les besoins sociaux,
la joie. A ce titre, ils estiment que des garanties minimales doivent être
accordées à tous les individus et qu’on doit penser le monde de façon à ce que
veaux, vaches, cochons puissent vivre dans un cadre compatible avec les
besoins de leur espèce. (Contrairement à ce qu’on pense, les cochons sont très
attachants : ils sont curieux et sociables (1), leur intelligence est
supérieure à celle du chien et ils sont tout aussi apprivoisables. Ils
répondent à leur prénom.)
Brigitte
Bardot aura donc fait pendant quarante-cinq ans de l’antispécisme sans le
savoir car, au fond, jamais elle n’a dit autre chose:
L’amour
que je souhaite porter aux êtres vulnérables ne tient pas compte des
différences entre les espèces. La compassion n’a pas de frontières et ce n’est
pas les ‘‘humaniser’’ que de dire que les animaux sauvages, domestiques,
marins, ont des besoins vitaux; la vie est sacrée, il est impératif de tout
faire pour la préserver, la respecter, la protéger, dans tous les domaines et
d’ailleurs, j’utilise le même langage quand je parle de tout représentant d’une
espèce. Pour moi, les cris de douleur dans les laboratoires d’expérimentation ne
sont pas des ‘‘vocalisations’’ comme on peut le lire dans certains compte
rendus scientifiques.»
Après avoir été longtemps méprisé, son
discours-de-bonne-femme sur l’émotivité des bêtes a été peu à peu validé par la
science. Ethologue, spécialistes de biologie évolutionniste ou
neuroscientifiques sont unanimes. Les animaux sont dotés d’intelligence et de
sensibilité. Ils ont les mêmes systèmes chimiques et neurobiologiques que les
hommes. La détresse d’un chien qui a couru en vain après la voiture sur une
bretelle d’autoroute (au début, il pense que c’est un jeu) ou d’une brebis qui
cherche en vain son agneau est bien réelle – ce n’est pas de
l’anthropomorphisme. La souffrance d’un animal saigné à vif n’est même pas
imaginable. Ce sont des faits. Le procès en sensiblerie s’éteint.
Le jour du bébé phoque
Tout a basculé dans la vie de Brigitte Bardot en 1977,
le jour où fut prise la photo célèbre, sur la banquise, avec un bébé phoque.
Les blanchons sont des proies faciles car lorsque les mères partent pêcher, ils
restent seuls dans la glace, emmitouflés dans leur belle fourrure blanche. Ce
que l’actrice n’a pas supporté alors, ce sont les bataillons de chasseurs qui
venaient déloger ces petites choses ravissantes et endormies avec un croc de
boucher pour les traîner sur la neige, les matraquer avant de les dépecer, la
plupart du temps vivantes. Elle a connu l’un des grands désespoirs de sa vie
face à la détresse des mères phoques qui demeuraient plusieurs jours,
tremblantes, à côté de leur petit décharné et sanguinolent, chacune s’épuisant
en vain à vouloir l’allaiter et le réchauffer contre elles.
Ce spectacle l’a dévastée. On a tourné en dérision sa
douleur, ses protestations, son dégoût. Elle a continué de plus belle,
encouragée par une certaine Marguerite Yourcenar qui lui avait écrit une lettre
pour lui dire sa joie d’observer chez une même personne autant de bonté que de
beauté. Marguerite Yourcenar, première femme à être admise à l’Académie
française, végétarienne devant l’Eternel, qui un soir de tempête, alors qu’elle
était invitée à dîner par Gaston Defferre à la mairie de Marseille, pria son
chauffeur de faire un détour par Saint-Tropez. Brigitte Bardot se souvient du
coup de sonnette dans la nuit, de Marguerite sous la pluie.
De cette année-là, de son
voyage sur la côte ouest du Canada pour tenter de convaincre un aréopage
d’hommes politiques placides de faire cesser le massacre des bébés phoques,
datent la fêlure et le repli sur soi à venir d’un esprit définitivement blessé
par l’invraisemblable cruauté humaine. Dans «Larmes de combat», elle écrit que
sur la banquise, le nez dans la fourrure d’un petit animal vulnérable et
confiant destiné à finir on ne sait où en Occident sur les épaules de Cruella,
elle a scellé le pacte avec elle-même : mettre sa célébrité désormais, «dans ce court passage qu’est
la vie», au service des animaux. Se battre pour qu’on ne les
considère plus comme une vulgaire ressource dans ce monde «d’industrialisation forcenée» mais qu’on
les considère tout court. Elle a 42 ans alors et sent une gravité nouvelle. La
sensation de ne plus être ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre. Et
Dieu, que le cinéma lui semble futile, et si ridicule toute «l’hystérie» autour d’elle.
"Antispéciste de
corps et d’âme"
Heureusement, il y a Valéry Giscard d’Estaing, à
l’évidence hypnotisé, pour interdire immédiatement l’importation des peaux de
blanchon en France. L’année suivante, BB est au conseil de l’Europe, à
batailler de nouveau. Le combat a duré trente ans. Le 5 mai 2009, un règlement
européen a interdit l’importation et le commerce de tout produit à base de
phoque.
On découvre aussi dans ce récit que, cinquante ans
avant les caméras cachées de L124, Brigitte Bardot s’est inquiétée du sort des
moutons et des veaux dans les usines à viande. Son ami, Jean-Paul Steiger,
fondateur du Club des Jeunes Amis des Animaux, s’était fait recruter dans
un abattoir. Il fut hanté par les images d’animaux suspendus vivants, agonisant
lentement, la gorge tranchée comme dans le film de Franju. Le premier combat de
l’actrice fut d’obtenir l’obligation d’étourdissement préalable des bêtes avant
la mise à mort. En 1962, dans «Cinq colonnes à la Une», face à un Pierre
Desgraupes plutôt hermétique, elle montra à l’antenne un pistolet électrique et
la possibilité pour les bêtes d’«une sorte d’anesthésie» avant la
décapitation. Le décret fut publié en avril 1964. Une lanceuse d’alerte,
dirait-on aujourd’hui.
Notre siècle est avec elle. Depuis dix ans, de plus en
plus d’auteurs remarquables publient des essais qui vont dans le sens de ses
engagements. Il y a eu Marc Bekoff et son beau travail sur «les Emotions
des animaux» (2007), Jonathan Safran Foer et sa question embarrassante: «Faut-il manger les animaux?» (2009),
Aymeric Caron et son coming out «Antispéciste», (2015), et
l’écrivain Martin Page devenu vegan à l’issue d’une double prise de conscience:
les animaux sont des individus; ils désirent vivre (2). Ces jours-ci paraît la
somme de Carl Safina intitulée «Qu’est ce qui fait sourire les
animaux? Enquête sur leurs émotions et leurs sentiments». Un train
passe. Brigitte Bardot le prend et se dit «antispéciste de corps et
d’âme».
"Le luxe peut être
symbole de cruauté"
Sans doute faudra-t-il reconnaître un jour la noblesse
de son engagement et le prix à payer pour tous les films horribles archivés
dans son esprit. «La lucidité est la blessure la plus rapprochée du
soleil», disait René Char. La grande brûlée de l’existence accepte
d’affronter encore en 2018 et sur deux cannes, pour supporter ses hanches
fragiles, ce que personne ne veut savoir et de «souffrir avec» - la
définition de la passion en somme.
Qui voudrait être aux
abattoirs à l’heure des cargaisons d’agneaux, voir l’affolement dans leurs yeux
et les bêtes qui se cabrent devant le portillon – sa mort est proche, l’animal
le sent, il ne veut pas. La boussole éthique de chacun s’affole face au
traitement réservé aux animaux dits «de boucherie». Pourquoi l’agneau et pas le
chaton? Et qui supporterait le détail de la mutilation des ours noirs du
Vietnam, entravés à vie dans de minuscules cages, l’abdomen perforé afin de
prélever la bile vendue à prix d’or pour ses vertus curatives et
aphrodisiaques? Cette fois encore, «la
fée des animaux», c’est ainsi qu’elle voudrait qu’on la présente une fois
tirée sa révérence, s’active pour faire interdire ce commerce. Il faut avoir «le cœur bien accroché, écrit-elle, car chaque révélation
atomise le coeur et l’esprit.»
Parmi les actions en cours de
sa Fondation, il y a aussi le million de signatures déposées en 2017 auprès du
ministère de l’agriculture et à Bruxelles pour dénoncer les conditions du
transport des bêtes à travers l’Europe, la réglementation n’imposant pas de
limite de durée des transports ni de densité des chargements. Les fermes
d’élevage productrices de fourrure, au sein de l’union européenne sont une
autre cible:
Il est si
contradictoire, si obsolète aussi de voir que le luxe peut être symbole de
cruauté. Des centaines de fermes d’élevage fonctionnent aujourd’hui au sein de
l’union européenne. Des visons, renards, lynx, ratons laveurs, chinchillas,
sont prisonniers, exploités, dans des conditions dignes des plus grandes
représentations de l’enfer. Des milliers d’autres sont piégés, blessés ou
laissés à l’agonie, comme les coyotes dont la fourrure orne le col de
nombreuses parkas. La France compte des dizaines de sites dédiés à l’élevage de
visons (…) Ces martyrs de la mode sont entassés dans des cages minuscules,
cohabitant avec leurs excréments et des congénères qui développent des
comportements anormaux comme l’automutilation, espérant sortir de cet abîme.»
Dans les élevages de fourrure comme dans les fermes
industrielles, on observe souvent, à mesure que se prolonge la claustration,
des réactions d’automutilation, signe de la souffrance psychique maximale
d’animaux poussés au désespoir et la folie. Brigitte Bardot veut que tout cela
se sache. Elle en pleure encore, sidérée par la capacité de l’homme
d’administrer le mal banalement, presque distraitement.
Lettre à Nicolas Hulot
Son esprit solitaire et contemplatif a toujours
préféré «l’émotion à la raison», mais sans doute sa vie aurait-elle
été plus facile et sa solitude moins grande si elle avait marché main dans la
main avec les sciences sociales. En 1975, elle n’a pas lu, «malheureusement» écrit-elle,
«la Condition animale» de Peter Singer, philosophe australien qui, glacé par
l’atmosphère concentrationnaire des abattoirs et la mise à mort industrielle,
jetait magistralement les bases de la réflexion à venir sur le respect dû aux
«animaux non humains».
Le spécisme, ce concept que
Brigitte Bardot trouve paradoxalement un peu «compliqué», est calqué sur le
racisme et le sexisme. Dans les trois cas, un même principe est activé :
la maltraitance s’exerce au nom de barrières artificielles qui ne tiennent
pas la route scientifiquement.
A force d’avoir
dénoncé d’avoir manifesté, d’avoir répété les mêmes choses, de m’être fait
photographier avec quantité d’animaux, cela a fini par toucher les gens et
entrer dans l’inconscient collectif. Quand je vois les associations accusant
les cruautés des abattoirs, des militants s’infiltrant dans les arènes des
corridas ou des foules venues empêcher l’arrivée d’un cirque dans une ville, je
me dis parfois, sans prétention aucune mais avec tendresse et fierté, que
toutes ces personnes sont un peu mes enfants.»
En 2010, sa Fondation a financé
une mission de plusieurs semaines aux îles Féroé pour s’opposer au massacre,
chaque année renouvelé, de centaines de globicéphales, au nom d’une tradition
consistant à rabattre des bancs de dauphins migrateurs vers un rivage où les
attendent des hommes armés de couteaux et de crochets. Des centaines de
ces mammifères marins pacifiques sont ainsi tués, femelles gestantes et petits
aussi, alors même qu’ils sont protégés par la convention de Berne.
Autrefois destinée à nourrir
la population, la séquence funèbre est aujourd’hui un divertissement et un
concours de virilité, alors même que le niveau d’intelligence et de sociabilité
du dauphin n’est plus à démontrer, ni sa propension à se porter spontanément au
secours de l’homme. Brigitte Bardot a renouvelé l’opération en 2014 avec son
ami Paul Watson, commandant du Sea Sheperd. Il y a peu, elle a écrit à Nicolas
Hulot, ministre de l’écologie et parachevé sa missive de ce très
personnel et intrigant :
Je vous embrasse, un peu fâchée,
Brigitte Bardot »
Brigitte Bardot »
Voir aussi : Brigitte Bardot - Le serment fait aux animaux.
Larmes de
combat, par Brigitte Bardot,
assistée de Anne-Cécile Huprelle,
Plon, 250 p., 16, 90 euros.
assistée de Anne-Cécile Huprelle,
Plon, 250 p., 16, 90 euros.
Elle a fait plus pour la cause animale et...la libération des femmes avec son joli corps que tous les corps...constitués!
RépondreSupprimer