mardi 3 avril 2018

B.B : La fée des animaux

Descartes avait théorisé l'animal-machine, insensible bête de somme .... dommage que les philosophes du siècle des Lumières soient passés à côté de l'animal !
Ce rapport de l'homme aux animaux va changer grâce au combat mené entre autre par Brigitte Bardot, qui leur consacrera sa vie et sa fortune en sacrifiant sa carrière en clamant avoir donné son corps aux hommes et son cœur aux animaux. "C'est en donnant ma vie pour améliorer celle des animaux qu'elle a pris un sens"; rajoute-t-elle.
Et c'est grâce à ses combats que les hommes ont pris conscience de la souffrance animale et que des lois furent voter pour améliorer leur condition. Les animaux doivent beaucoup à leur sainte Brigitte.
R.B
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A quand des droits de l'homme pour ... les animaux ? 




Et si Brigitte Bardot avait inventé l’antispécisme ?

A 83 ans, la mythique actrice du "Mépris" raconte son engagement aux côtés des animaux dans "Larmes de combat". Et, après avoir été beaucoup raillée, apparaît comme une pionnière.

Un livre de Brigitte Bardot sur les animaux ? Les ricaneurs ricanent, mais tout est normal. Il est d’usage depuis des années de se moquer d’elle et de sa maison de pêcheurs tropézienne transformée en arche de Noé, puis de rappeler, cette fois à juste titre peut-être, son soutien à Marine Le Pen (récemment, c’était à Jean-Luc Mélenchon : tout dépend du discours sur la question animale) et les déclarations publiques calamiteuses qui l’ont menée plusieurs fois au prétoire avec son chignon à fleurs pour incitation à la haine raciale.
Pour autant, être froissé par ses manières n’interdit pas d’avoir de l’estime pour des combats menés sous la bannière de l’éthique animale avec une exceptionnelle persévérance, laquelle sera peut-être au siècle prochain saluée par des philosophes de premier plan. Qu’on nous autorise aussi à penser que ces accès de fièvre misanthrope drainent un chagrin existentiel profond qui ne date pas d’hier. Quoi qu’il en soit, l’impossible BB arrive en librairie.
« Larmes de combat » est le récit de quarante-cinq ans d’un engagement ininterrompu auprès des animaux, au nom de la Fondation qui porte son nom et à laquelle Brigitte Bardot donne chaque jour de sa vie. Réveillée à 9 heures dans cette Madrague mythique où des touristes du monde entier continuent d’affluer, elle quitte le grand lit où chiens et chats s’étirent à l’unisson pour téléphoner à ses troupes parisiennes selon un rituel immuable.
Que la personnalité française la plus connue au monde après De Gaulle (qu’elle aimait beaucoup et réciproquement) ait choisi en 1973 de descendre du firmament pour consacrer jours et nuits à la création d’une structure qui permettrait de défendre les lapins martyrisés de l’industrie cosmétique ou de sauver l’hippopotame en dépression dans un camion du cirque Zavatta, lui a valu tous les sarcasmes. Sans doute la petite misogynie ordinaire de ces années-là et les envies mauvaises provoquées par sa beauté souveraine n’ont-elles rien arrangé. Au printemps 1987, elle s’est installée chaque matin sur un marché de Saint-Tropez pour vendre à la criée les dernières reliques de sa vie princière.

BB validée par la science

Tout ce qu’elle possédait de valeur fut mis aux enchères à la Maison de la Chimie à Paris – sa guitare, les bijoux de Gunter Sachs, la robe de son mariage avec Vadim, l’argenterie, les meubles. Mais le plus frappant dans ce récit plein de retours en arrière, quand la femme créée par Dieu rêvait déjà de grands espaces et d’oiseaux marins, c’est de constater à quel point ses préoccupations sont d’une scintillante modernité.

La dame a aujourd’hui 83 ans. En une étonnante convergence des luttes, toutes ses idées rejoignent celles des « antispécistes ». Pour ceux qui ne savent encore rien de ce groupe minoritaire mais fort, les antispécistes plaident pour que soit reconnues la continuité entre l’espèce humaine et les espèces animales, ainsi que l’universalité des émotions primaires – la peur, la tristesse, la honte, la surprise, le dégoût, la capacité à ressentir la douleur, les besoins sociaux, la joie. A ce titre, ils estiment que des garanties minimales doivent être accordées à tous les individus et qu’on doit penser le monde de façon à ce que veaux, vaches, cochons  puissent vivre dans un cadre compatible avec les besoins de leur espèce. (Contrairement à ce qu’on pense, les cochons sont très attachants : ils sont curieux et sociables (1), leur  intelligence est supérieure à celle du chien et ils sont tout aussi apprivoisables. Ils répondent à leur prénom.) 

Brigitte Bardot aura donc fait pendant quarante-cinq ans de l’antispécisme sans le savoir car, au fond, jamais elle n’a dit autre chose: 

L’amour que je souhaite porter aux êtres vulnérables ne tient pas compte des différences entre les espèces. La compassion n’a pas de frontières et ce n’est pas les ‘‘humaniser’’ que de dire que les animaux sauvages, domestiques, marins, ont des besoins vitaux; la vie est sacrée, il est impératif de tout faire pour la préserver, la respecter, la protéger, dans tous les domaines et d’ailleurs, j’utilise le même langage quand je parle de tout représentant d’une espèce. Pour moi, les cris de douleur dans les laboratoires d’expérimentation ne sont pas des ‘‘vocalisations’’ comme on peut le lire dans certains compte rendus scientifiques.»

Après avoir été longtemps méprisé, son discours-de-bonne-femme sur l’émotivité des bêtes a été peu à peu validé par la science. Ethologue, spécialistes de biologie évolutionniste ou neuroscientifiques sont unanimes. Les animaux sont dotés d’intelligence et de sensibilité. Ils ont les mêmes systèmes chimiques et neurobiologiques que les hommes. La détresse d’un chien qui a couru en vain après la voiture sur une bretelle d’autoroute (au début, il pense que c’est un jeu) ou d’une brebis qui cherche en vain son agneau est bien réelle – ce n’est pas de l’anthropomorphisme. La souffrance d’un animal saigné à vif n’est même pas imaginable. Ce sont des faits. Le procès en sensiblerie s’éteint.
Le jour du bébé phoque

Tout a basculé dans la vie de Brigitte Bardot en 1977, le jour où fut prise la photo célèbre, sur la banquise, avec un bébé phoque. Les blanchons sont des proies faciles car lorsque les mères partent pêcher, ils restent seuls dans la glace, emmitouflés dans leur belle fourrure blanche. Ce que l’actrice n’a pas supporté alors, ce sont les bataillons de chasseurs qui venaient déloger ces petites choses ravissantes et endormies avec un croc de boucher pour les traîner sur la neige, les matraquer avant de les dépecer, la plupart du temps vivantes. Elle a connu l’un des grands désespoirs de sa vie face à la détresse des mères phoques qui demeuraient plusieurs jours, tremblantes, à côté de leur petit décharné et sanguinolent, chacune s’épuisant en vain à vouloir l’allaiter et le réchauffer contre elles. 

Ce spectacle l’a dévastée. On a tourné en dérision sa douleur, ses protestations, son dégoût. Elle a continué de plus belle, encouragée par une certaine Marguerite Yourcenar qui lui avait écrit une lettre pour lui dire sa joie d’observer chez une même personne autant de bonté que de beauté. Marguerite Yourcenar, première femme à être admise à l’Académie française, végétarienne devant l’Eternel, qui un soir de tempête, alors qu’elle était invitée à dîner par Gaston Defferre à la mairie de Marseille, pria son chauffeur de faire un détour par Saint-Tropez. Brigitte Bardot se souvient du coup de sonnette dans la nuit, de Marguerite sous la pluie.

De cette année-là, de son voyage sur la côte ouest du Canada pour tenter de convaincre un aréopage d’hommes politiques placides de faire cesser le massacre des bébés phoques, datent la fêlure et le repli sur soi à venir d’un esprit définitivement blessé par l’invraisemblable cruauté humaine. Dans «Larmes de combat», elle écrit que sur la banquise, le nez dans la fourrure d’un petit animal vulnérable et confiant destiné à finir on ne sait où en Occident sur les épaules de Cruella, elle a scellé le pacte avec elle-même : mettre sa célébrité désormais, «dans ce court passage qu’est la vie», au service des animaux. Se battre pour qu’on ne les considère plus comme une vulgaire ressource dans ce monde «d’industrialisation forcenée» mais qu’on les considère tout court. Elle a 42 ans alors et sent une gravité nouvelle. La sensation de ne plus être ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre. Et Dieu, que le cinéma lui semble futile, et si ridicule toute «l’hystérie» autour d’elle.

"Antispéciste de corps et d’âme"

Heureusement, il y a Valéry Giscard d’Estaing, à l’évidence hypnotisé, pour interdire immédiatement l’importation des peaux de blanchon en France. L’année suivante, BB est au conseil de l’Europe, à batailler de nouveau. Le combat a duré trente ans. Le 5 mai 2009, un règlement européen a interdit l’importation et le commerce de tout produit à base de phoque.

On découvre aussi dans ce récit que, cinquante ans avant les caméras cachées de L124, Brigitte Bardot s’est inquiétée du sort des moutons et des veaux dans les usines à viande. Son ami, Jean-Paul Steiger, fondateur  du Club des Jeunes Amis des Animaux, s’était fait recruter dans un abattoir. Il fut hanté par les images d’animaux suspendus vivants, agonisant lentement, la gorge tranchée comme dans le film de Franju. Le premier combat de l’actrice fut d’obtenir l’obligation d’étourdissement préalable des bêtes avant la mise à mort. En 1962, dans «Cinq colonnes à la Une», face à un Pierre Desgraupes plutôt hermétique, elle montra à l’antenne un pistolet électrique et la possibilité pour les bêtes d’«une sorte d’anesthésie» avant la décapitation. Le décret fut publié en avril 1964. Une lanceuse d’alerte, dirait-on aujourd’hui.

Notre siècle est avec elle. Depuis dix ans, de plus en plus d’auteurs remarquables publient des essais qui vont dans le sens de ses engagements. Il y a eu Marc Bekoff et son beau travail sur  «les Emotions des animaux» (2007), Jonathan Safran Foer et sa question embarrassante: «Faut-il manger les animaux?» (2009), Aymeric Caron et son coming out «Antispéciste», (2015), et l’écrivain Martin Page devenu vegan à l’issue d’une double prise de conscience: les animaux sont des individus; ils désirent vivre (2). Ces jours-ci paraît la somme de Carl Safina intitulée «Qu’est ce qui fait sourire les animaux? Enquête sur leurs émotions et leurs sentiments». Un train passe. Brigitte Bardot le prend et se dit «antispéciste de corps et d’âme».

"Le luxe peut être symbole de cruauté"

Sans doute faudra-t-il reconnaître un jour la noblesse de son engagement et le prix à payer pour tous les films horribles archivés dans son esprit. «La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil», disait René Char. La grande brûlée de l’existence accepte d’affronter encore en 2018 et sur deux cannes, pour supporter ses hanches fragiles, ce que personne ne veut savoir et de «souffrir avec» - la définition de la passion en somme.

Qui voudrait être aux abattoirs à l’heure des cargaisons d’agneaux, voir l’affolement dans leurs yeux et les bêtes qui se cabrent devant le portillon – sa mort est proche, l’animal le sent, il ne veut pas. La boussole éthique de chacun s’affole face au traitement réservé aux animaux dits «de boucherie». Pourquoi l’agneau et pas le chaton? Et qui supporterait le détail de la mutilation des ours noirs du Vietnam, entravés à vie dans de minuscules cages, l’abdomen perforé afin de prélever la bile vendue à prix d’or pour ses vertus curatives et aphrodisiaques? Cette fois encore, «la fée des animaux», c’est ainsi qu’elle voudrait qu’on la présente une fois tirée sa révérence, s’active pour faire interdire ce commerce. Il faut avoir «le cœur bien accroché, écrit-elle, car chaque révélation atomise le coeur et l’esprit.»  

Parmi les actions en cours de sa Fondation, il y a aussi le million de signatures déposées en 2017 auprès du ministère de l’agriculture et à Bruxelles pour dénoncer les conditions du transport des bêtes à travers l’Europe, la réglementation n’imposant pas de limite de durée des transports ni de densité des chargements. Les fermes d’élevage productrices de fourrure, au sein de l’union européenne sont une autre cible:

Il est si contradictoire, si obsolète aussi de voir que le luxe peut être symbole de cruauté. Des centaines de fermes d’élevage fonctionnent aujourd’hui au sein de l’union européenne. Des visons, renards, lynx, ratons laveurs, chinchillas, sont prisonniers, exploités, dans des conditions dignes des plus grandes représentations de l’enfer. Des milliers d’autres sont piégés, blessés ou laissés à l’agonie, comme les coyotes dont la fourrure orne le col de nombreuses parkas. La France compte des dizaines de sites dédiés à l’élevage de visons (…) Ces martyrs de la mode sont entassés dans des cages minuscules, cohabitant avec leurs excréments et des congénères qui développent des comportements anormaux comme l’automutilation, espérant sortir de cet abîme.» 

Dans les élevages de fourrure comme dans les fermes industrielles, on observe souvent, à mesure que se prolonge la claustration, des réactions d’automutilation, signe de la souffrance psychique maximale d’animaux poussés au désespoir et la folie. Brigitte Bardot veut que tout cela se sache. Elle en pleure encore, sidérée par la capacité de l’homme d’administrer le mal banalement, presque distraitement.

Lettre à Nicolas Hulot

Son esprit solitaire et contemplatif a toujours préféré «l’émotion à la raison», mais sans doute sa vie aurait-elle été plus facile et sa solitude moins grande si elle avait marché main dans la main avec les sciences sociales. En 1975, elle n’a pas lu, «malheureusement» écrit-elle, «la Condition animale» de Peter Singer, philosophe australien qui, glacé par l’atmosphère concentrationnaire des abattoirs et la mise à mort industrielle, jetait magistralement les bases de la réflexion à venir sur le respect dû aux «animaux non humains».

Le spécisme, ce concept que Brigitte Bardot trouve paradoxalement un peu «compliqué», est calqué sur le racisme et le sexisme. Dans les trois cas, un même principe est activé : la maltraitance s’exerce au nom de barrières artificielles  qui ne tiennent pas la route scientifiquement.

A force d’avoir dénoncé d’avoir manifesté, d’avoir répété les mêmes choses, de m’être fait photographier avec quantité d’animaux, cela a fini par toucher les gens et entrer dans l’inconscient collectif. Quand je vois les associations accusant les cruautés des abattoirs, des militants s’infiltrant dans les arènes des corridas ou des foules venues empêcher l’arrivée d’un cirque dans une ville, je me dis parfois, sans prétention aucune mais avec tendresse et fierté, que toutes ces personnes sont un peu mes enfants.»

En 2010, sa Fondation a financé une mission de plusieurs semaines aux îles Féroé pour s’opposer au massacre, chaque année renouvelé, de centaines de globicéphales, au nom d’une tradition consistant à rabattre des bancs de dauphins migrateurs vers un rivage où les attendent  des hommes armés de couteaux et de crochets. Des centaines de ces mammifères marins pacifiques sont ainsi tués, femelles gestantes et petits aussi, alors même qu’ils sont protégés par la convention de Berne.

Autrefois destinée à nourrir la population, la séquence funèbre est aujourd’hui un divertissement et un concours de virilité, alors même que le niveau d’intelligence et de sociabilité du dauphin n’est plus à démontrer, ni sa propension à se porter spontanément au secours de l’homme. Brigitte Bardot a renouvelé l’opération en 2014 avec son ami Paul Watson, commandant du Sea Sheperd. Il y a peu, elle a écrit à Nicolas Hulot, ministre de l’écologie et parachevé sa missive de ce très personnel et intrigant :

Je vous embrasse, un peu fâchée, 
Brigitte Bardot »


Larmes de combat, par Brigitte Bardot, 
assistée de Anne-Cécile Huprelle, 
Plon, 250 p., 16, 90 euros.
L'homme, l'animal de trop ?


1 commentaire:

  1. Elle a fait plus pour la cause animale et...la libération des femmes avec son joli corps que tous les corps...constitués!

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