L'islamophobie au secours des islamistes, comme l'antisémitisme vient au secours des sionistes; pour empêcher toute critique de ceux qui instrumentalisent la religion pour faire de la politique !
R.B
Pascal Bruckner
L’invention
de l’«islamophobie»
Forgé par les intégristes iraniens à la fin des
années 70 pour contrer les féministes américaines, le terme
d’«islamophobie», calqué sur celui de xénophobie, a pour but de faire de
l’islam un objet intouchable sous peine d’être accusé de racisme. Cette création,
digne des propagandes totalitaires, entretient une confusion délibérée entre
une religion, système de piété spécifique, et les fidèles de toutes origines
qui y adhèrent. Or une confession n’est pas une race, pas plus que ne l’est une
idéologie séculière : l’islam, comme le christianisme, est révéré par des
Arabes, des Africains, des Asiatiques, des Européens, de même que des hommes de
tous pays sont ou ont été marxistes, libéraux, anarchistes. Jusqu’à preuve du
contraire, on a le droit, dans un régime démocratique, de juger les religions
mensongères et rétrogrades et de ne pas les aimer. Se méfier de l’islam comme
on a pu en d’autres temps se méfier du catholicisme, juger inquiétant son
prosélytisme agressif, sa prétention à la vérité unique, son penchant
sacrificiel, c’est manifester un sentiment qu’on estimera légitime ou absurde,
ce n’est pas faire preuve de racisme. Faut-il parler de «libéralophobie» ou de
«socialistophobie» parce qu’on est contre le règne du marché ou la
redistribution des richesses ? Ou faut-il rétablir le délit de blasphème, aboli
en 1791 par la Révolution, comme le réclame chaque année l’Organisation de
la conférence islamique ainsi qu’en France, en 2006, un député UMP,
Jean-Marc Roubaud, soucieux de punir tout ce qui bafoue ou calomnie «les sentiments religieux d’une communauté ou d’un Etat quel
qu’il soit». Le pari
des sociétés ouvertes, c’est de concilier la coexistence pacifique des grandes
croyances avec le droit à la libre expression. La liberté de culte est garantie
et la liberté de critiquer les cultes également. Les Français, échaudés par des
siècles de domination cléricale, souhaitent un affichage discret des croyances.
Réclamer des droits séparés pour telle ou telle communauté, imposer de strictes
limites à l’examen des dogmes nous ramènerait directement à l’Ancien Régime.
Le terme d’islamophobie remplit plusieurs fonctions : nier pour
mieux la légitimer la réalité d’une offensive intégriste en Europe, attaquer la
laïcité en l’assimilant à un nouveau fondamentalisme. Mais surtout faire taire
les musulmans qui osent remettre le Coran en cause, en appellent à l’égalité
entre les sexes, au droit à l’apostasie et aspirent à pratiquer paisiblement
leur foi sans subir le diktat de doctrinaires ou de barbus. Il faut donc stigmatiser
ces jeunes filles qui refusent le voile, souhaitent marcher sans honte, tête
nue, dans la rue, foudroyer ces Français, ces Allemands, ces Anglais d’origine
maghrébine, turque, africaine, algérienne qui réclament le droit à
l’indifférence religieuse, le droit de ne pas croire en Dieu, de ne pas jeûner
pendant le ramadan. Il faut les désigner, ces renégats, à la vindicte de leurs
coreligionnaires, les faire taire pour bloquer tout espoir d’une mutation chez
les fidèles du Prophète (en France et de façon révélatrice, c’est un «Collectif
contre l’islamophobie» qui soutient juridiquement les femmes verbalisées pour
port du voile intégral). Nous assistons à la fabrication planétaire d’un
nouveau délit d’opinion, analogue à ce qui se faisait jadis dans l’Union soviétique
contre les ennemis du peuple. Et ce avec l’onction des médias et des pouvoirs
publics. Notre président lui-même (Sarkozy), jamais en retard d’une bourde, n’a-t-il pas
comparé l’islamophobie à l’antisémitisme ? L’erreur est tragique : le racisme
s’attaque aux personnes en tant qu’elles sont coupables d’être ce qu’elles
sont, le Noir, l’Arabe, le Juif, le Blanc. L’esprit critique, à l’inverse,
porte sur les vérités révélées, les écritures toujours susceptibles d’exégèses,
de transformations. Cette confusion a pour objet de déplacer la question
religieuse du plan intellectuel au plan pénal, toute objection ou moquerie
étant passible de poursuites.
Quant aux profanations de tombes, de lieux de culte, si elles
relèvent évidemment des tribunaux, elles touchent dans leur immense majorité en
France les cimetières ou églises chrétiennes. On s’en veut de le
rappeler : de tous les monothéismes, c’est le christianisme qui est aujourd’hui
le plus persécuté dans le monde, surtout dans les pays musulmans, Algérie, Irak,
Egypte entre autres. Il est plus facile d’être musulman à Londres, New York ou
Paris que protestant, catholique au Moyen-Orient ou en Afrique du Nord. Mais le
vocable de «christianophobie» ne prend pas et c’est heureux. Imagine-t-on la
Saint-Barthélemy condamnée par nos ancêtres sous l’angle de la discrimination
plutôt que du fanatisme religieux ?
Il est des mots qui contribuent à infecter la langue, à en
obscurcir le sens. «Islamophobie» fait partie de ces termes à bannir d’urgence
du vocabulaire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire