dimanche 31 mars 2019

Les algeriens vont-ils faire la même erreur que les tunisiens ?


Si la France a longtemps soutenu les dictateurs nord-africains, c'est qu'ils constituaient pour elle, du moins ce que croyaient ses dirigeants, un rempart contre les islamistes dont les Frères musulmans les mieux organisés d'entre eux. Quand l'opération " printemps arabe ", fut lancée en 2010, les dirigeants français de droite comme de gauche ont pensé amadouer les islamistes en les soutenant en Tunisie, et en Egypte. Devant l'attitude conquérante et arrogante des Frères musulmans d'Egypte après le départ Hosni Moubarak, les instigateurs des fumeuses "révolutions arabes", se sont ravisés en jouant la distinction entre les islamismes, jusqu'aux fameuses trouvailles : 
- d'islamisme modéré, comme celui d'Ennahdha,
- du consensus qui permet aux Frères musulmans de partager le pouvoir avec les progressistes-démocrates, 

Les algériens tomberont-ils dans ce piège mortifère qui a paralysé la Tunisie depuis ou résisteront-ils à cette ingérence des occidentaux myopes sinon aveugles pour promouvoir des stratégies aventureuses qui finiront par leur exploser à la figure quand on voit ce qu'est devenue la Tunisie : premier exportateur de terroristes; et ce, aux portes de l'Europe ! C'est dire s'ils fabriquent des bombes à retardement en laissant le wahhabisme gagner tout le Maghreb et prendre ses aises en Europe aussi.
R.B
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Depuis le 22 février, début de la mobilisation des Algériens contre le cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, la presse française et une partie de la classe politique mettent en garde contre la menace d’un péril vert, d’«islamistes en embuscade» [chez Marianne, ndlr], sinon de jihadistes sur le point de passer à l’acte. Laurent Wauquiez, président du parti Les Républicains, a même dit sa «grande préoccupation». L’Algérie est-elle réellement en danger ?
Ce prisme procède d’une cécité sur les changements sociopolitiques du pays, en particulier le legs de la décennie noire, le traumatisme engendré et la mutation du mouvement islamiste algérien.
Chaque vendredi depuis cinq semaines, des dizaines de milliers d’Algériens se sont pacifiquement réapproprié l’espace public. Leur mobilisation redonne enfin tout son sens à la fameuse devise du régime depuis l’indépendance, «min el cha’b, wa ila el cha’b», «par le peuple, et pour le peuple».
Pris de court, les partis de l’opposition, y compris les islamistes, n’ont joué aucun rôle dans cette mobilisation historique. Faut-il rappeler que les partis islamistes n’ont rejoint le mouvement que tardivement ? Ajoutons à cela que, dès la deuxième semaine de mobilisation, les appels citoyens à la «vigilance contre la récupération» n’ont cessé de se multiplier. La société algérienne est profondément marquée par la trajectoire violente du Front islamique du salut (FIS) dans les années 90. Elle est aujourd’hui, comme me l’a confié un manifestant, «vaccinée contre le FIS et ses dérives», et n’a pas manqué de signifier son hostilité aux représentants actuels de l’islam politique. 

Ainsi, l’islamiste Abdallah Djaballah, chef du Front pour la justice et le développement (FJD), a été expulsé aux cris de «Dégage !» par les manifestants. Abderrezak Makri, chef du Mouvement pour la Société et la Paix (MSP), a quant à lui marché discrètement en queue de cortège dans l’indifférence générale.
Pour se démarquer de l’islam radical et de la violence jihadiste, les partis islamistes tels que le MSP et Ennahdha ont adopté dès 1995 une stratégie «participationniste», prenant part à plusieurs scrutins législatifs et présidentiels. Leur intégration politique a été synonyme de cooptation par le pouvoir. Le MSP en est le parfait exemple, devenu acteur incontournable de la scène politique algérienne : certains de ses membres sont en effet devenus ministres ou parlementaires.

Un processus de professionnalisation de ses cadres et, dans une grande mesure, d’enrichissement grâce à l’intégration dans les circuits de la redistribution de la rente s’en est suivi. La peur de perdre ses acquis et ses privilèges a empêché le MSP d’offrir aux Algériens des solutions concrètes aux problèmes économiques, aux inégalités sociales et à la corruption généralisée. Son électorat a fini par s’effondrer.
Désunis et affaiblis par leurs différends idéologiques et leurs luttes intestines, désireux de préserver leurs relations clientélistes avec le régime, les islamistes ont fini par se discréditer aux yeux d’une population qui ne croyait plus en leurs promesses. Lointain est le temps où les Algériens croyaient au fameux «l’islam est LA solution». Aujourd’hui, la capacité de mobilisation des islamistes est faible et leur électorat s’est émietté.

Quant aux anciens du FIS, leurs manœuvres pour retrouver une certaine visibilité n’ont pas porté leurs fruits. Ali Belhadj, ancien numéro 2 du parti, a tenu quelques sermons sur YouTube avant d’être arrêté par les autorités. Quant à Kamel Guemazi, ancien membre du conseil consultatif du FIS, il a dirigé la prière du vendredi 7 mars organisée par les forces de l’opposition. La photo de cette prière a été largement diffusée notamment par la chaîne Ennahar, proche du pouvoir.
Une fois de plus, le régime agite l’épouvantail de l’islamisme radical et des «vilains barbus» prêts à faire basculer le pays dans une nouvelle décennie noire. Mais cette rhétorique de la peur ne fait plus recette et ne réussit plus à dissuader les Algériens de protester contre un régime fossilisé et délégitimé.
Les islamistes sont dans une approche gradualiste et le retour à une posture révolutionnaire, de confrontation, serait difficilement imaginable. Des appels au jihadisme, à la violence et au takfirisme comme ceux des années 90 sont devenus impensables. A cela s’ajoute un calcul rationnel entre coûts et avantages, où tout basculement dans la violence serait coûteux. L’activisme à haut risque, dans cette Algérie où l’armée s’est modernisée et professionnalisée, leur serait fatal.
Quant aux quiétistes, ils se concentrent sur la daawa (prédication) et ont tout à gagner en restant éloignés de la scène politique et en continuant leur approche non conflictuelle qui leur permettra de continuer d’exister et de poursuivre leurs activités religieuses.
La relation des islamistes avec le pouvoir est marquée non pas par la confrontation mais par la négociation. Dans la phase actuelle de la mobilisation populaire contre le pouvoir en place, il faut accepter la multiplicité et la diversité de la pensée, car toute diabolisation des islamistes risque davantage de desservir la transition que de la consolider.


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