mercredi 6 mars 2019

Macron : un homme qui arrive trop tard pour la France et pour l'UE ?


L'Europe a traîné pour se réaliser, les anglais y ont été pour beaucoup n'y voyant que leurs intérêts économiques uniquement. Beaucoup d'erreurs ont été commises qui ont fait que les peuples n'y croient plus. Il aurait fallu d'abord finir la construction du "noyau dur", avant d'intégrer dans l'euphorie de la chute du mur de Berlin, les pays de l'ex bloc soviétique. Il aurait fallu une politique de défense commune et une politique étrangère commune. On se rappelle à ce propos, la boutade d'Henry Kissinger : “L’Europe ? Quel numéro de téléphone ?”.
Quand l’empire soviétique s’est disloqué, il aurait été utile à l’UE et logique, d’intégrer la Russie plutôt que de s’en méfier et de continuer à dépendre des EU. D’avoir repoussé la main tendue de Poutine, elle a fini par en faire un ennemi, au pouvoir de nuisance considérable. Et avec Trump, elle se voit traitée avec mépris, elle qui a été toujours suiviste derrière les américains.
Si l'Europe a ses ennemis de l' "intérieur"(FN, les partis d’extrême droite …), elle a aussi beaucoup d'ennemis à l'extérieur qui feraient tout pour empêcher sa réalisation. Au début c'était les américains et depuis la chute du mur de Berlin et la globalisation, d'autres puissances émergentes œuvrent pour empêcher, elles aussi, que l'UE ne devienne une puissance : la Chine, l'Inde, le Brésil ...
Mais voilà Emmanuel Macron un européen convaincu, avec toute sa bonne volonté, semble arriver trop tard pour la France comme pour l'UE. Dommage pour les deux, qui ont pourtant besoin d'être réformées en profondeur pour avancer.
Mais face au populisme en vogue, il est à craindre que l'immobilisme guette l'une et l'autre !

R.B

Pour une renaissance européenne
Le chef de l’État s’est adressé aux citoyens européens pour vanter sa vision et prôner une dizaine de mesures concrètes, dans la perspective des européennes. Voici l’intégralité de son texte. :
Citoyens d’Europe,

Si je prends la liberté de m’adresser directement à vous, ce n’est pas seulement au nom de l’histoire et des valeurs qui nous rassemblent. C’est parce qu’il y a urgence. Dans quelques semaines, les élections européennes seront décisives pour l’avenir de notre continent.

Jamais depuis la Seconde Guerre mondiale, l’Europe n’a été aussi nécessaire. Et pourtant, jamais l’Europe n’a été autant en danger.
Le Brexit en est le symbole. Symbole de la crise de l’Europe, qui n’a pas su répondre aux besoins de protection des peuples face aux grands chocs du monde contemporain. Symbole, aussi, du piège européen. Le piège n’est pas l’appartenance à l’Union européenne ; ce sont le mensonge et l’irresponsabilité qui peuvent la détruire. Qui a dit aux Britanniques la vérité sur leur avenir après le Brexit ? Qui leur a parlé de perdre l’accès au marché européen ? Qui a évoqué les risques pour la paix en Irlande en revenant à la frontière du passé ? Le repli nationaliste ne propose rien ; c’est un rejet sans projet. Et ce piège menace toute l’Europe : les exploiteurs de colère, soutenus par les fausses informations, promettent tout et son contraire.

Face à ces manipulations, nous devons tenir debout. Fiers et lucides. Dire d’abord ce qu’est l’Europe. C’est un succès historique : la réconciliation d’un continent dévasté, dans un projet inédit de paix, de prospérité et de liberté. Ne l’oublions jamais. Et ce projet continue à nous protéger aujourd’hui : quel pays peut agir seul face aux stratégies agressives de grandes puissances ? Qui peut prétendre être souverain, seul, face aux géants du numérique ? Comment résisterions-nous aux crises du capitalisme financier sans l’euro, qui est une force pour toute l’Union ? L’Europe, ce sont aussi ces milliers de projets du quotidien qui ont changé le visage de nos territoires, ce lycée rénové, cette route construite, l’accès rapide à Internet qui arrive, enfin. Ce combat est un engagement de chaque jour, car l’Europe comme la paix ne sont jamais acquises. Au nom de la France, je le mène sans relâche pour faire progresser l’Europe et défendre son modèle. Nous avons montré que ce qu’on nous disait inaccessible, la création d’une défense européenne ou la protection des droits sociaux, était possible.

Mais il faut faire plus, plus vite. Car il y a l’autre piège, celui du statu quo et de la résignation. Face aux grands chocs du monde, les citoyens nous disent bien souvent : « Où est l’Europe ? Que fait l’Europe ? ». Elle est devenue à leurs yeux un marché sans âme. Or l’Europe n’est pas qu’un marché, elle est un projet. Un marché est utile, mais il ne doit pas faire oublier la nécessité de frontières qui protègent et de valeurs qui unissent. Les nationalistes se trompent quand ils prétendent défendre notre identité dans le retrait de l’Europe ; car c’est la civilisation européenne qui nous réunit, nous libère et nous protège. Mais ceux qui ne voudraient rien changer se trompent aussi, car ils nient les peurs qui traversent nos peuples, les doutes qui minent nos démocraties. Nous sommes à un moment décisif pour notre continent ; un moment où, collectivement, nous devons réinventer politiquement, culturellement, les formes de notre civilisation dans un monde qui se transforme. C’est le moment de la Renaissance européenne. Aussi, résistant aux tentations du repli et des divisions, je vous propose de bâtir ensemble cette Renaissance autour de trois ambitions : la liberté, la protection et le progrès.

Défendre notre liberté
Le modèle européen repose sur la liberté de l’homme, la diversité des opinions, de la création. Notre liberté première est la liberté démocratique, celle de choisir nos gouvernants là où, à chaque scrutin, des puissances étrangères cherchent à peser sur nos votes. Je propose que soit créée une Agence européenne de protection des démocraties qui fournira des experts européens à chaque État membre pour protéger son processus électoral contre les cyberattaques et les manipulations. Dans cet esprit d’indépendance, nous devons aussi interdire le financement des partis politiques européens par des puissances étrangères. Nous devrons bannir d’Internet, par des règles européennes, tous les discours de haine et de violence, car le respect de l’individu est le fondement de notre civilisation de dignité.

Protéger notre continent

Fondée sur la réconciliation interne, l’Union européenne a oublié de regarder les réalités du monde. Or aucune communauté ne crée de sentiment d’appartenance si elle n’a pas des limites qu’elle protège. La frontière, c’est la liberté en sécurité. Nous devons ainsi remettre à plat l’espace Schengen : tous ceux qui veulent y participer doivent remplir des obligations de responsabilité (contrôle rigoureux des frontières) et de solidarité (une même politique d’asile, avec les mêmes règles d’accueil et de refus). Une police des frontières commune et un office européen de l’asile, des obligations strictes de contrôle, une solidarité européenne à laquelle chaque pays contribue, sous l’autorité d’un Conseil européen de sécurité intérieure : je crois, face aux migrations, à une Europe qui protège à la fois ses valeurs et ses frontières.

Les mêmes exigences doivent s’appliquer à la défense. D’importants progrès ont été réalisés depuis deux ans, mais nous devons donner un cap clair : un traité de défense et de sécurité devra définir nos obligations indispensables, en lien avec l’OTAN et nos alliés européens : augmentation des dépenses militaires, clause de défense mutuelle rendue opérationnelle, Conseil de sécurité européen associant le Royaume-Uni pour préparer nos décisions collectives.
Nos frontières doivent aussi assurer une juste concurrence. Quelle puissance au monde accepte de poursuivre ses échanges avec ceux qui ne respectent aucune de ses règles ? Nous ne pouvons pas subir sans rien dire. Nous devons réformer notre politique de concurrence, refonder notre politique commerciale : sanctionner ou interdire en Europe les entreprises qui portent atteinte à nos intérêts stratégiques et nos valeurs essentielles, comme les normes environnementales, la protection des données et le juste paiement de l’impôt ; et assumer, dans les industries stratégiques et nos marchés publics, une préférence européenne comme le font nos concurrents américains ou chinois.

Retrouver l’esprit de progrès
L’Europe n’est pas une puissance de second rang. L’Europe entière est une avant-garde : elle a toujours su définir les normes du progrès. Pour cela, elle doit porter un projet de convergence plus que de concurrence : l’Europe, où a été créée la sécurité sociale, doit instaurer pour chaque travailleur, d’Est en Ouest et du Nord au Sud, un bouclier social lui garantissant la même rémunération sur le même lieu de travail, et un salaire minimum européen, adapté à chaque pays et discuté chaque année collectivement.

Renouer avec le fil du progrès, c’est aussi prendre la tête du combat écologique. Regarderons-nous nos enfants en face, si nous ne résorbons pas aussi notre dette climatique ? L’Union européenne doit fixer son ambition - 0 carbone en 2050, division par deux des pesticides en 2025 - et adapter ses politiques à cette exigence : Banque européenne du climat pour financer la transition écologique ; force sanitaire européenne pour renforcer les contrôles de nos aliments ; contre la menace des lobbies, évaluation scientifique indépendante des substances dangereuses pour l’environnement et la santé... Cet impératif doit guider toute notre action : de la Banque centrale à la Commission européenne, du budget européen au plan d’investissement pour l’Europe, toutes nos institutions doivent avoir le climat pour mandat.

Le progrès et la liberté, c’est pouvoir vivre de son travail : pour créer des emplois, l’Europe doit anticiper. C’est pour cela qu’elle doit non seulement réguler les géants du numérique, en créant une supervision européenne des grandes plateformes (sanction accélérée des atteintes à la concurrence, transparence de leurs algorithmes…), mais aussi financer l’innovation en dotant le nouveau Conseil européen de l’innovation d’un budget comparable à celui des États-Unis, pour prendre la tête des nouvelles ruptures technologiques, comme l’intelligence artificielle.

Une Europe qui se projette dans le monde doit être tournée vers l’Afrique, avec laquelle nous devons nouer un pacte d’avenir. En assumant un destin commun, en soutenant son développement de manière ambitieuse et non défensive : investissement, partenariats universitaires, éducation des jeunes filles…

Liberté, protection, progrès. Nous devons bâtir sur ces piliers une Renaissance européenne. Nous ne pouvons pas laisser les nationalistes sans solution exploiter la colère des peuples. Nous ne pouvons pas être les somnambules d’une Europe amollie. Nous ne pouvons pas rester dans la routine et l’incantation. L’humanisme européen est une exigence d’action. Et partout les citoyens demandent à participer au changement. Alors d’ici la fin de l’année, avec les représentants des institutions européennes et des États, mettons en place une Conférence pour l’Europe afin de proposer tous les changements nécessaires à notre projet politique, sans tabou, pas même la révision des traités. Cette conférence devra associer des panels de citoyens, auditionner des universitaires, les partenaires sociaux, des représentants religieux et spirituels. Elle définira une feuille de route pour l’Union européenne traduisant en actions concrètes ces grandes priorités. Nous aurons des désaccords, mais vaut-il mieux une Europe figée ou une Europe qui progresse parfois à différents rythmes, en restant ouverte à tous ?

Dans cette Europe, les peuples auront vraiment repris le contrôle de leur destin ; dans cette Europe, le Royaume-Uni, j’en suis sûr, trouvera toute sa place.
Citoyens d’Europe, l’impasse du Brexit est une leçon pour tous. Sortons de ce piège, donnons un sens aux élections à venir et à notre projet. 

A vous de décider si l’Europe, les valeurs de progrès qu’elle porte, doivent être davantage qu’une parenthèse dans l’histoire. C’est le choix que je vous propose, pour tracer ensemble le chemin d’une Renaissance européenne.

1 commentaire:

  1. Hulot et Berger donnent l’exemple - 5 mars 2019

    Laurent Joffrin :

    Contrairement à ce qu’on lit partout, ou presque, la lettre de Macron sur l’Europe n’est pas si mal. Une foi réaffirmée dans l’Union et, surtout, une batterie de propositions concrètes. Les réactions jusqu’ici enregistrées sont strictement pavloviennes : prosternation pieuse à LREM, dédain ou éructations ailleurs. Dans l’opposition, les uns parlent d’incantations, les autres d’un manque d’ambition ou d’audace. Théâtre prévisible. Si Macron agite de grandes idées, on dit qu’il est creux. S’il fait des propositions, on le taxe de trivialité. Si ses propositions sont nouvelles, on pointe son isolement. S’il reprend des mesures déjà envisagées en Europe, on l’accuse de copier. S’il prend de la hauteur, on lui reproche de donner des leçons à tout le monde. S’il n’en prend pas, on clame sa déception. A ce jeu, il ne peut pas gagner. Mais tout le monde perd : c’est le niveau général du débat politique qui s’abaisse, et finit par imiter les slogans des démagogues.

    En fait, l’idée d’une défense européenne mieux coordonnée, liée au désengagement américain ; d’une action commune contre les Gafa ; d’une agence de protection de la démocratie pour lutter contre les rumeurs et les entreprises de déstabilisation ; d’un «bouclier social» ; d’une «Banque européenne du climat», et quelques autres, mériteraient chacune un débat sérieux, quitte à les réfuter ou à les amender. C’est en tout cas la seule voie possible pour réconcilier les peuples avec l’Union : démontrer que celle-ci peut agir concrètement dans leur intérêt, et que cette action commune les met en meilleure position pour affronter - pacifiquement - les géants du siècle nouveau que sont les Etats-Unis, la Chine ou la Russie. On peut aussi contester la «remise à plat de Schengen» proposée par le Président, antienne de la droite, qui présage d’une Europe plus fermée qu’aujourd’hui - il y a de la triangulation dans l’air - ou bien souhaiter une harmonisation sociale bien plus audacieuse. C’est ce que devrait faire, en tout cas, une gauche décidée à se remettre en selle. Au lieu de cela, nous entendons les réactions mécaniques de partis devenus particules très élémentaires, qui parlent comme les Dupondt d’Hergé, commençant leur phrase par «Et je dirais même plus…» pour dire la même chose. Certes, ces formations ont des programmes, des projets, qui vont plus loin que les simples réactions à chaud à une lettre présidentielle.

    Mais comment ne pas faire la comparaison avec le texte que publient le même jour Nicolas Hulot et Laurent Berger, soutenus par une tripotée d’associations et de syndicats ? Ces 66 propositions, explicitées dans le Monde par les deux premiers signataires (lire aussi page 14), sont fondées sur l’urgence climatique et se situent, non dans un cadre électoral, mais dans celui du grand débat lancé par Emmanuel Macron pour sortir de la crise des gilets jaunes. D’un réformisme assumé, elles dessinent aussi un «projet de société» égalitaire et écologique. Par un hasard de calendrier, elles offrent une réponse censée, argumentée, précisée, à la lettre macronienne. Hulot et Berger ne sont pas d’accord sur tout, l’un est électron libre starisé, l’autre leader du premier syndicat de France. Les organisations qui les soutiennent sont diverses, dans les orientations comme dans les champs d’activité. Pourtant ils ont réussi à se mettre d’accord au prix de discussions approfondies et de concessions mutuelles. Ils annoncent même que leur coopération se poursuivra à l’avenir, comme une plateforme alternative à la gauche trop divisée. Tout le contraire de la course de très petits chevaux que vont se livrer les partis progressistes au cours des élections européennes. Tous ceux-là forment - ou devraient former - une gauche du réel dont un électorat ramené à l’état gazeux aurait bien besoin pour trouver un début de débouché politique. Mais cette gauche du réel, de toute évidence, est totalement dénuée de réalisme politique.

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