samedi 14 juillet 2012

HOMMAGE à ma tante JEMILA

" Une vieille personne qui décède, 
c'est comme une bibliothèque qui brûle "; 
dit un dicton africain.
Panier de roses roses 

Ceci est vrai de ma tante Jemila dont la mémoire jusqu'au bout est restée intacte; puisqu'à chacune de nos retrouvailles elle me racontait des tranches de vie des miens et des siens avec des détails époustouflants quant aux noms des personnes, les liens de parenté entre elles, les dates des événements, des événements eux mêmes... bref une véritable bibliothèque et un humour intact malgré l'âge et la maladie.

Ma tante Jemila est décédée ce matin. Elle avait 84 ans.

Le souvenir que je garderais d'elle, c'est sa bonne humeur et son sourire qui sont sa façon pudique d'affronter les vicissitudes de la vie qu'elle a du subir sa vie durant. 

Avec courage elle affrontait les difficultés. Orpheline de mère très tôt, dés l'âge de 4 ans, son père s'étant remarié, mes parents l'adopteront et ma mère sera pour elle une seconde mère. 
Habiba la seconde mère de Jemila

Au décès de son mari parti un peu tôt, elle a du élever seule ses enfants, très vite aidée par une de ses filles professeur des écoles que la misère a très vite mûrie pour lui faire prendre conscience de sa responsabilité envers sa mère mais aussi envers ses frères et sœurs qu'elle va aider à poursuivre leurs études. Devoir dont elle s'était acquittée merveilleusement bien. Elle est la fierté de ma tante, à juste titre.

C'est une femme qui n'a pas eu de chance, puisque son frère aîné égoïstement l'avait privée de sa part d'un héritage immense légué par mon grand père maternel Ayed Bassalah qui a crée une fortune  immense par son savoir faire. C'est lui qui a crée en Tunisie ce que plus tard nous appellerons les "Drog-Stores", sorte de "supérettes" souvent installées à proximité des gares ferroviaires en plusieurs villes tunisiennes; dont la plus grande fut celle en face de la gare centrale à Tunis. 

Son frère aîné a préféré la voir réduite à la misère plutôt que de voir son mari profiter de son héritage, lui qui n'appréciait guère son beau frère, chauffeur de taxi de son état; spolié lui aussi de son héritage paternel à Jerba, par son frère aîné, dont le Menzel Bourguiba leur maison paternel, qu'il transforma un "Menzel typique" qu'il fait visiter aux touristes ! Elle se rappelait avec amertume la phrase de Mahmoud, l'un de ses frères à propos de la part qui lui revenait de l'héritage de son père mais qu'elle n'avait jamais obtenue : " Tout brûler, plutôt que de voir les beaux frères en profiter " !

Malgré les injustices que le sort lui a réservées, elle a gardé l'âme belle comme son nom (Jamila = belle), ni aigrie ni aigreurs envers ceux qui lui ont fait du tort. 
Devant le malheur, ma tante est devenue philosophe, croyant au "mektoub" (C'est écrit - Le destin) ! 

Cette injustice faite à ma tante m'a révoltée et m'a fait prendre conscience du sort fait aux femmes tunisiennes, soumises aux abus des hommes de leur famille, sans possibilité pour elles de réagir ! 

Je crois bien que mon féminisme date de cette prise de conscience. C'est, ce contre quoi je me suis révolté et veille à ce que cela ne se reproduise plus; du moins dans ma famille proche, pour épargner mes sœurs.

Malheureusement mon frère aîné reproduit les mêmes abus des aînés de ses oncles ...
Puisque mon père de son coté s'est vu abusé, lui aussi, par son frère aîné ! 
Et les biens immobiliers que nous a laissés mon père, ont été la cause de la dispersion d'une fratrie exemplaire; du moins le croyais-je, jusqu'à ce que mon frère aîné en décide autrement par cupidité et par stupidité ... prenant modèle sur les frères aînés de nos parents ! 

Il paraît que c'est très courant encore en Tunisie que les aînés, impunément, abusent leur fratrie lors du partage de l'héritage du père. 

La faute serait due à l’inexistence du testament ou du moins de sa non validité devant la justice tunisienne, car contraire à la chariâa !

Il y a encore une révolution à faire contre de telles pratiques, pour redonner leurs droits pleins et entiers aux femmes face à l'héritage. 

Reposes en paix chère tante.

Ton neveu Rachid 

5 commentaires:

  1. "L'immortalité" c'est le souvenir et l'amour qui relient les vivants aux morts.

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  2. A QUAND LA POSSIBILITÉ DE TESTER* POUR SES PROCHES ?
    A QUAND L’ÉGALITÉ DEVANT L’HÉRITAGE, ENTRE FILLE ET GARÇON ??

    Cela éviterait bien des drames et des guerres de succession aux survivants d'un père ou d'une mère !

    Voilà deux pratiques l'une interdite par la chariaa et l'autre maintenant une inégalité entres frère et sœur ... que seul un code civil peur y remédier !!

    * établir un testament.

    http://www.wepostmag.com/jai-vecu-calvaire-de-lheritage/

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  3. Emna Dakhlaoui:

    Les citoyens ont le maire qu'ils méritent !

    Mon frère Raouf Dakhlaoui, le maire de Sidi Bou est une crapule et un escroc qui a spolié ses frères et sœurs de l'héritage de leur père.

    Il n'a pas de couilles !

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  4. CONDITIONS DES FEMMES AVANT LE CSP !

    Il était de coutume pour être aimable avec une jeune filles, que les femmes de son entourage lui disent " I'kaoui saa'dek !", qu'on peut traduire : " fasse que dieu augmente tes chances" ...

    Et de la chance il en fallait beaucoup en ces époques de traditions phallocratiques pour ne pas dire machistes !

    Car son destin dépend de son futur époux, elle même n'ayant aucun droit ni statut reconnu, hormis d'éternelle mineure; et encore moins de donner son avis, puisque son silence équivaut à un consentement, lequel est exigé par le " adoul " (notaire) pour valider le contrat de mariage qui est souvent arrangé !

    Chance que le mari soit :
    - riche,
    - jeune, alors que souvent ce sont les vieux qui ont les moyens de se payer une épouse,
    - gentil,
    - beau si possible,
    - non violent, qui ne bat pas sa femme,
    - fidèle, ne pratiquant ni la polygamie et encore moins l’adultère,
    - respectueux de son épouse,
    - affectueux .. si ce n'est déjà pas trop demander !

    Houcine Bzainia :

    Dans ma jeunesse, et dans le monde rural et pauvre où j'ai vécu,
    j'ai vu ma mère uniquement obéir et se taire,
    j'ai vu mes tantes obéir et se taire,
    j'ai vu mes cousines obéir et se taire.

    Tous les mâles de la famille avaient droit de les tancer, de leurs faire des remontrances et au besoin de les maltraiter.

    Ma mère qui avait perdu son père très tôt, s'est vue dépouillée totalement de son héritage, ses oncles paternels et son frère avaient tout accaparé d'une fortune suffisante pour faire vivre toute la famille à l'aise; au final, ils l'ont mariée à 13 ou 14 ans pour s'en débarrasser; quelques fois ils lui jetaient quelques aumônes.

    Tout cela et d'autres, avait fait de moi quelqu'un d'extrêmement sensible à l'injustice, surtout celles faites aux femmes par un code mi-religieux, mi traditionnel qui ne leur offrait que le "droit" de subir, d'obéir et de se taire.

    Impossible pour moi d'accepter l'injustice et l'inégalité, j'en fais un combat personnel tant que je respire encore.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Code_du_statut_personnel_(Tunisie)

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  5. Houcine Bzainia :

    Dans ma jeunesse, et dans le monde rural et pauvre où j'ai vécu :
    J'ai vu ma mère uniquement obéir et se taire,
    J'ai vu mes tantes obéir et se taire,
    J'ai vu mes cousines obéir et se taire.
    Tous les mâles de la famille avaient droit de les tancer, de leurs faire des remontrances et au besoin de les maltraiter.

    Ma mère qui avait perdu son père très tôt, s'est vue dépouillée totalement de son héritage, ses oncles paternels et son frère avaient tout accaparé d'une fortune suffisante pour faire vivre toute la famille à l'aise; au final, ils l'ont mariée à 13 ou 14 ans pour s'en débarrasser; quelques fois, ils lui jetaient quelques aumônes.

    Tout cela et d'autres, avait fait de moi quelqu'un d'extrêmement sensible à l'injustice, surtout celles faites aux femmes par un code mi-religieux, mi traditionnel qui ne leurs offrait que le "droit" de subir, d'obéir et de se taire.

    Impossible pour moi d'accepter l'injustice et l'inégalité.
    J'en fais un combat personnel tant que je respire encore.

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