Bourguiba a tout fait pour que la Tunisie reste amie de la France à l'image de l'amitié qui l'avait lié à Pierre Mendès France. Féru d'histoire, il savait que la Tunisie avait vocation, par son histoire et par sa géographie, à faire partie du monde occidentale; n'en déplaise à ceux qui s'obstinent à la rattacher à la lointaine Arabie et à son obscurantisme qu'elle diffuse à travers le wahhabisme. C'est pourquoi dés l'indépendance, il a fait la paix avec la France et décomplexé les tunisiens vis à vis des français en leur inculquant une double culture, considérant une richesse pour eux que de maîtriser aussi celle des français.
Mais les pan-islamistes et les pan-arabistes, ces complexés de l'Histoire, veulent, à l'instar du FLN, entretenir la haine de la France; puisque les dirigeants de l'Algérie lui imputent même tous leurs échecs de presque 60 ans d’indépendance après le départ des français; jusqu'à vouloir tout arabiser pour effacer l'occupation française de la mémoire collective. Ce que Katib Yacine conteste en revendiquant sa culture française comme un butin de guerre !
Si Bourguiba avait combattu les gouvernements colonialistes français, il ne les a jamais confondus avec la France berceau de la laïcité, produit du siècle des Lumières qu'il admirait tant. D'où sa politique pro-française, apaisée et décomplexée, à l'inverse du FLN et autres anciens colonisés, qui n'ont pas fini de digérer leur histoire coloniale pour la ressasser par populisme pour beaucoup d'entre eux, jusqu'à en faire leur fonds de commerce !
Voilà un bel hommage de notre ami Abdelaziz Kacem à un ambassadeur de la France, qui a su gagner le cœur des tunisiens et aimer la Tunisie au point de ne plus vouloir la quitter ; puisqu'en partant, il décide de rester chez lui, dans sa maison dans la banlieue de Tunis.
Bien venue chez vous Monsieur l'ambassadeur !
Voilà un bel hommage de notre ami Abdelaziz Kacem à un ambassadeur de la France, qui a su gagner le cœur des tunisiens et aimer la Tunisie au point de ne plus vouloir la quitter ; puisqu'en partant, il décide de rester chez lui, dans sa maison dans la banlieue de Tunis.
Bien venue chez vous Monsieur l'ambassadeur !
R.B
Un rameau
d’Olivier à Olivier Poivre D’Arvor
De juin 1956 à nos jours, de Roger Seydoux de Clausonne à
Olivier Poivre d’Arvor, vingt-et-un ambassadeurs de France se sont succédé en
Tunisie. Hormis trois ou quatre erreurs de casting, tous ont rempli leur
mission à la satisfaction des deux parties. J’ai eu l’heur d’en connaître de
près une bonne demi-douzaine. Une amitié m’a lié à certains d’entre eux. J’en citerai
trois : Pierre Hunt, Gilbert Perol et Jean Bressot. Jusqu’à la veille de son
décès, notre cher et regretté Chedli Klibi m’en disait beaucoup de bien. Ils
lui avaient apporté une aide inestimable, durant son mandat de secrétaire
général de la Ligue arabe. Un jour, il faudra dire comment et en quoi
consistait cet apport exceptionnel, en toute amitié pour le monde arabe, en
général, et pour notre pays, en particulier.
De par mes fonctions aux départements de la Culture et de
l’Information, j’eus quelques entrées aux Affaires étrangères françaises. Des
diplomates de haut niveau m’affirmaient qu’il y avait un lobby tunisien au Quai
d’Orsay et que la France a toujours pris le plus grand soin dans le choix de
ses représentants en Tunisie. Olivier Poivre d’Arvor est de ceux-là. Il n’a
certes rien d’un diplomate classique. Homme d’action culturelle hors pair, il
avait présenté ses lettres de créance à la Tunisie officielle et sa créance de
lettres à la Tunisie intellectuelle et artistique. Ses sorties, ses multiples
contacts directs ont pu déconcerter plus d’un boétien.
Cette visibilité a fait de lui une cible de choix pour le clan
le plus obscurantiste de nos islamistes. Ils voyaient en lui le propagateur
d’une francophonie ennemie, trop éclairée pour leurs ténèbres. À court d’idées
et de convenances, ils ont déblatéré sur sa « calvitie », menacé de le prendre
en otage. Cela ne m’alarmait pas outre mesure. L’hostilité de ces gens-là est
un plus, un atout. Mon bon vieil ami Mutanabbi disait (je traduis) :
Le minus qui viendrait offenser mon honneur
Ne ferait qu’avouer ma parfaite grandeur
Ne ferait qu’avouer ma parfaite grandeur
Or voilà qu’un bon citoyen, en allié objectif de nos
intégristes, publie sur son mur FB un statut qui s’avère être une lettre
courroucée au ministre français des Affaires étrangères contre les «
agissements » d’un indigne représentant de l’Hexagone. Dès la première phrase,
le ton est donné : « La fin de la mission d’Olivier Poivre d’Arvor était
salutaire pour le rayonnement de la France en Tunisie ». C’est donc par pure
francophilie qu’il dénonce le coupable, son « non-professionnalisme », son
« népotisme » (improprement, le mot revient trois fois dans seulement huit
lignes), son « comportement inconvenant », et son atteinte à notre très glorieuse
« Révolution », qui « nous a distingués aux yeux du monde » et dont la « voix a
porté jusqu’au Yémen ». La belle affaire !
N’eût été la propension des petites gens à donner crédit à toute
médisance, j’eusse haussé les épaules et passé mon chemin. En lisant entre les
lignes, ce texte grandiloquent, commis, hélas, par un médecin, nul besoin
d’être un herméneute pour déceler le fil blanc d’une haine noire, tant le
règlement de compte est manifeste. Il va jusqu’à demander à ce que le partant
ne remette plus les pieds en Tunisie, pour le grand bien de la France. Rancœur, quand tu nous tiens !
En lisant cette ahurissante délation, Jean-Yves Le Drian se
rappellera, sans doute, un bon mot de l’un de ses prédécesseurs les plus
prestigieux, Talleyrand, pour ne pas le nommer : « Tout ce qui est excessif, est
insignifiant ».
Pour ma part, je ne puis admettre qu’un homme aussi pétri de
talent et de savoir soit si injustement traîné dans la fange par un intégriste
par-ci, un dépité par-là. Je n’étais pas dans son giron. J’ai eu le plaisir de
le rencontrer deux fois. Mais le marathon des mots était par trop véloce. Une
pause-café était prévue. L’homme était par trop sollicité et moi, je ne me suis
pas entraîné à jouer des coudes, ni à frapper aux portes. J’ai attendu, au sens
où l’entendait l’auteur insigne des Nourritures …
Ce que je sais, en revanche, c’est qu’il a réellement aimé la
Tunisie ; il s’est démené pour lui venir en aide, en ces temps de disette. Son
arrivée, en septembre 2016, coïncidait avec l’accession de Youssef Chahed à la
présidence du gouvernement. Il a soutenu son action. D’aucuns prétendent qu’il
l’a soutenu tout court. Allez faire la nuance dans le contexte d’une Tunisie
confrontée à une grossesse nerveuse et à une révolution avortée.
Son devoir d’ambassadeur était de défendre exclusivement les
intérêts de son pays. Ce sont les intérêts de la Tunisie, dont il est tombé
amoureux, qui ont primé. Et il serait offensant pour nous que ses supérieurs le
lui reprochent.
En des temps apaisés, nous aurions pu profiter à fond de la
vocation propre d’OPA, faire jouer son violon d’Ingres, la CULTURE, sous toutes
ses formes et expressions. Des programmes ambitieux d’échanges et de
coproduction étaient envisageables. Il était prévu que nous en élaborions avec
Chiraz Latiri, ministre aux projets si prometteurs, en dépit des virus et des
virages. Mais, quand on est assourdi par le brouhaha des insignifiances, on
passe facilement, inévitablement, à côté des choses.
Au revoir et bon vent, cher Olivier Poivre d’Arvor. Vous avez
terminé votre message d’adieu aux Tunisiens, si court et si dense, par un
émouvant aveu : « La Tunisie ne me quittera jamais ». Revenez donc. Vous y êtes
chez vous. Souhaitons ensemble plein succès à votre successeur.
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