dimanche 16 décembre 2018

Ces journalistes qui font du populisme leur pain quotidien, ou quand les médias courent après les réseaux sociaux



Les "gilets jaunes" n'auraient pas connu l'ampleur qu'ils ont connu si les médias ne s'étaient laissés entraîner dans l'hystérie collective dans leur course à l'audimat !
Des illuminés même furent invités sur les plateaux TV :
- tel celui qui se prenait pour Jeanne d'Arc qui faisait la grève de la faim pour pouvoir "délivrer son message" à Macron !
- tel ce forgeron, aux sympathies FN affichées sur sa page FB, qui appelait le général De Villiers pour sauver la France,
- tel autre, qui veut restaurer la guillotine ...
R.B

Moins ils ont de talent, plus ils ont d’orgueil, de vanité, d'arrogance.
Tous ces fous trouvent cependant d'autres fous qui les applaudissent.
Erasme - Éloge de la folie (1509)
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Aujourd’hui, on tend le micro à n’importe qui ! 

Directeur de recherches au CNRS et spécialiste des médias, Dominique Wolton déplore l’abandon d’une information réfléchie et maîtrisée au profit des réseaux sociaux et des chaînes d’information continue. 
Une majorité de Français estime que les chaînes d’info continue ont contribué à l’embrasement du pays. Partagez-vous ce ressenti ?

Ce qui est frappant, c’est que les médias comme la classe dirigeante n’ont rien dit de critique sur le mouvement. Ils nous ont assommés, durant des années, d’obligations, de modernité et d’arrogance et quand le peuple se révolte, tout le monde se tait… Les journalistes des chaînes d’information continue - il n’y a pas qu’eux - tendent leur micro sans beaucoup de sens critique, et les politiques attendent le dialogue. Ils n’ont pas écouté durant des dizaines d’années et maintenant, tout le monde passe son temps à écouter ! Les chaînes d’info continue et les réseaux sociaux dramatisent tout, sans contexte et sans mise en perspective. Or, on sait que plus on est proche de l’événement, plus on est tyrannisé par cet événement. C’est contradictoire avec le sens de l’information. Ce n’est donc plus de l’information mais du voyeurisme et de l’angoisse. Donc oui, cela accentue les problèmes. Les chaînes d’information et les réseaux sociaux sont devenus le couple maudit. L’enfer est pavé de bonnes intentions.

Les journalistes ne peuvent pas ignorer les réseaux sociaux ?

Depuis dix ans, on entend des journalistes vanter les réseaux sociaux en disant que c’est l’expression de la vérité. C’est faux ! L’expression n’est pas synonyme de la vérité. Ce n’est pas parce que les gens racontent leur vie sur internet que c’est la vérité. Et si tout le monde s’exprime, qui écoute ? À terme, en suivant ce raisonnement, on n’aura plus de journalistes, plus de professeurs et plus d’hommes politiques. Tous les intermédiaires deviennent suspects. Il suffira d’écouter les gens pour connaître la vérité. La démission des journalistes vis-à-vis des réseaux sociaux est accentuée par cette crise. Ils se transforment en passeur de plats. On ne peut plus vivre dans un espace public qui est régi par la tyrannie des sondages, des chaînes d’information et de l’expression des citoyens sur les réseaux sociaux.

Les chaînes d’info ont pourtant battu tous les records d’audience…

Les responsables de chaînes, qui se gargarisent de leur excellente audience grâce aux gilets jaunes, ont oublié une chose élémentaire : ce n’est pas parce qu’on est voyeur - et nous le sommes tous plus ou moins - qu’on adhère à ce que l’on voit. Si on veut sauver les médias, il faut qu’ils cessent cette course à l’audience et qu’ils arrêtent de valider le fait que toute bêtise dite sur les réseaux est géniale !

Peut-on parler de démagogie ?

La démagogie, c’est de croire que la société en directe est possible. Cette saturation de l’explication en direct donne l’impression que l’on ne supporte pas de vivre deux jours sans parler. Aujourd’hui, on tend le micro à n’importe qui, qui dit n’importe quoi dans la rue. Oui à l’expression à condition de ne pas la confondre avec l’information. Les journalistes se plaignent d’être menacés dans les manifs, mais cela vient du fait qu’ils ne mettent plus de distance entre les manifestants et eux. Il n’y a donc plus de recul et plus de respect. Et la colère ne justifie pas que l’on dise n’importe quoi d’une personne élue. Les médias sont capables de tout pour augmenter leur audience. Et pour meubler l’antenne des heures durant, chaque chaîne a sa pléthore de soi-disant spécialistes.

© Le Télégramme https://www.letelegramme.fr/france/dominique-wolton-aujourd-hui-on-tend-le-micro-a-n-importe-qui-15-12-2018-12161988.php#bU2blCVKdY1gz8P2.99

Mais vos collègues chercheurs ne sont pas les derniers à y participer…

Ils se « pipolisent ! ». J’estime que l’on doit pouvoir refuser de faire des émissions où l’on se retrouve à quatre ou cinq sur un plateau avec chacun trois minutes de parole. On ne peut rien dire ! Quand on est chercheur, il faut bien sûr aller débattre de temps en temps, mais pas tout le temps. Sur les chaînes d’info, les journalistes pensent devenir des intellectuels, et les intellectuels de journalistes. Or il ne s’agit pas seulement de s’exprimer et d’être vu par une caméra pour échanger des idées. Même des intellectuels chercheurs sont gagnés par la sensation qu’il est important d’être vu à la télé. Oui, à condition d’avoir autre chose à dire qu’un commentaire que le journaliste peut très bien faire. Je revendique personnellement le droit de ne pas savoir, de ne pas tout comprendre dans l’instant et donc de ne pas avoir d’explication immédiate à proposer, avec une hyperprésence médiatique.

Y a-t-il une distorsion entre médias et réalité ?

L’événement n’est pas l’information. Le journaliste doit prendre du temps pour choisir et réfléchir au sujet qu’il va traiter. C’est ce travail entre l’événement et la production de l’information qui fait la grandeur du métier. Pendant des siècles, on a voulu à juste titre réduire le temps entre l’événement et l’information, pour éviter le contrôle des pouvoirs politiques religieux ou militaires. Mais à l’extrême, comme aujourd’hui, il n’y a plus aucune distance, et c’est l’événement qui fait l’information. Et il ne faut pas perdre de vue que certains acteurs ont bien compris comment faire venir les médias sur un événement peu représentatif, comme par exemple l’attaque des boucheries par les vegans. Autre exemple grave : les médias ne couvrent pas l’Europe, au prétexte que cela n’intéresse pas les gens. Ce à quoi il faut répondre : l’information, ce n’est pas la demande mais l’offre, et il n’y a pas de demande parce qu’il n’y a pas d’offre… L’absence d’information régulière, abondante, contradictoire sur l’Europe est grave, parce que c’est la plus grande utopie politique, pacifique et démocratique de l’histoire de l’humanité. Ce n’est pas seulement une question d’opinion ! Il y a une absence de réflexions des journalistes à l’heure de l’explosion de l’information qui est grave. S’ils ne comprennent pas ça, ils seront remplacés un jour par des « témoins » et des « journalistes citoyens ».

Journaliste, réseaux sociaux, qui influence qui ?

Les réseaux sociaux n’influencent pas l’opinion. Ils influencent ceux qui les suivent. Même s’il y en a deux millions, il ne faut jamais oublier que nous sommes plus de 60 millions ! La presse écrite est en difficulté, mais je suis persuadé qu’elle va repartir. Plus il y aura de vitesse, plus il y aura de saturation, plus il y aura une mondialisation d’images angoissantes, plus on aura besoin de lenteur. Nous aurons forcément un point de non-retour, par rapport à cette folie de la vitesse et du direct, un balancier, qui sera favorable à la presse écrite et au papier. La fascination pour les techniques est excessive et on a confondu performance technique et démocratie. Lorsque j’étais administrateur de France Télévision, je répétais sans cesse que les journaux du service public devraient donner au moins chaque jour trois informations positives. Il faut de l’amour, de la générosité et du militantisme pour donner de l’espoir aux gens. Nous avons plus que jamais besoin de cela.





1 commentaire:

  1. LA MAUVAISE FOI DES JOURNALISTES ET DES "SPÉCIALISTES" ...

    Depuis que Macron est élu, commentateurs et journalistes ne cessent de tout décortiquer de ses dires, faits et gestes jusqu'à l’écœurement !

    S'il ne parle pas : il est méprisant,
    S'il parle : il veut noyer le poisson.
    S'il se veut pédagogue : cela cache quelque chose ou c'est bien la preuve qu'il fait partie de l'élite donneuse de leçon ...
    S'il descend dans l’arène pour rappeler le fonctionnement des institutions de la République et son programme pour lequel il a été élu : il est pédant.
    S'il a noué des amitiés avec des gens durant sa campagne électorale : il faut que cela cesse, car un président doit renier ses anciennes relations ....

    Quoiqu'il fasse et quoiqu'il dise, "ils" trouveront à redire !

    Franchement "ils" commencent à nous pomper l'air tous ces "spécialistes" qui croient tout savoir pour dicter sa conduite à un président dont le tort est de vouloir réformer ce qui ne l'a pas été depuis plus de 30 ans et plus et surtout de vouloir appliquer le programme pour lequel il a été élu !!

    Est-ce la conséquence de la multiplication des médias, radios, journaux, TV ... ou l'effet des réseaux sociaux derrière lesquels les médias et les journalistes courent et tombent dans le populisme au point de sacrifier leur professionnalisme (pour ceux qui l'auraient encore !) et d'oublier leur éthique de journaliste ?

    Va savoir !

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