17 décembre
2010, débutait en Tunisie la première révolution du "printemps
arabe". Qu'en est-il 8 ans après ? Les Tunisiens sont partagés
entre colère et déprime devant tant de gâchis ! Ils sont amers.
Leur révolution a un goût d'inachevé !
Leur révolution a un goût d'inachevé !
R.B
Je me complaisais dans
la béatitude, admiratif de ce peuple uni qui avait chassé le dictateur avec le
moins de casse possible. Mon excitation était à son comble. Je respirais à
pleins poumons cette bourrasque de libertés qui soufflait si fort à en perdre sa respiration.
C’était au mois de janvier 2011; et je renaissais.
C’était au mois de janvier 2011; et je renaissais.
Je buvais mon café du
matin tranquille sur la terrasse de l’Avenue Habib Bourguiba quand mon portable sonnât. On me
confiait la tâche d’aller représenter le gouvernement à la 100 ème conférence
de l'OIT (Conférence Internationale du Travail) et sonder à Genève auprès des instances internationales, les dernières
directives en la matière. Me voilà quelques jours plus tard, habillé de mon
plus beau costard au Palais des nations à déambuler libre dans des couloirs
bondés de représentants de tous les pays de la planète et installé le temps des
séances plénières sur le pupitre de mon pays à écouter les interventions
ennuyeuses des pays encore sous dictature, discours lissés à flatter leurs
politiques et versant dans la langue de bois qui me semblait si bizarre en ce
moment bien que mes oreilles en aient été polluées 23 années durant.
Je décidai alors
d’agir, ratai la séance matinale du lendemain et m’en allai dans un coin
rédiger un discours de dix minutes, protocole exige, qui sortait du fond des
tripes, libre et sans consignes aucunes, sur la situation du pays que je me
surprenais à aimer et sa révolution dont j'étais si fier. Lorsque je pris la parole
devant les délégués de 187 pays, je ne pensais pas à la réaction des autres.
Mon seul souci était d’essayer de communiquer pour expliquer, sans le dire, que
ce qu’avait accompli ce petit peuple minuscule était gigantesque
planétairement. Il est vrai que le sujet sur la pauvreté et la justice sociale
s’y prêtait. Lorsque je conclus par les remerciements d’usage, je n’avais même
pas écouté l’ovation debout de toute la salle. Tout ce dont je me rappelle,
c’est l’interruption de la séance pour quelques minutes à cause de l’agitation
que j'ai créée à recevoir les félicitations de tous les autres délégués qui se
déplaçaient, qui pour m’embrasser, qui pour me féliciter, qui pour me dire
qu’ils sont émus, qui encore curieux de savoir où en est-on dans ce pays, m'affirmaient
qu’ils ont confiance dans l’avenir de ce peuple....
La gorge nouée
d’émotion, je quittais cette effervescence de la salle, m’isolais dans un petit
coin discret de l’immense hall d’entrée et commençait à chialer comme un môme,
probablement envahi par un sentiment bizarre où tout se mêlait : l’émotion, la
fierté d’appartenir à ce peuple, l’ivresse de liberté et le brin de narcissisme
qui me caractérisait.
C’était au mois de
juin 2011; et je travaillais.
Me suis réveillé tôt
la mine radieuse, enfilai mon jean du dimanche et me rendais au bureau de vote
partagé entre la crainte d’une Tunisie qui risquait de s’ « afghaniser » et
l’espoir qu’elle puisse s’affranchir et se « finlandiser » dans quelques
années.
C’était le 23 octobre
2011; et je votais.
Je reste des heures prostré, abattu, les
yeux hagards avec l’impression que le navire Tunisie est abandonné à son sort.
J'ai beau essayé de me dire que tout allait se rétablir et essayait de
positiver puis d’oublier. Rien n’y fait. Je ruminais et digérais très mal les
événements qui se précipitaient et les têtes de ces barbus qui me rebutaient.
Un pays à l'arrêt, ruiné, paralysé, martyrisé, outragé. Les sonnettes d’alarme
de la Banque centrale assourdissaient, la drogue et les armes fleurissaient,
les défenestrations de nos filles abondaient, les liquidations physiques de
soldats banalisées. Tout un peuple qui se meurt. Et toujours ces croque morts
qui rôdent autour comme des charognards à rechercher des carcasses à désosser
tandis que des élus, nos gouvernants tout neufs, tous salauds, semblaient
ignorer ce qui se passait, s’éternisant à se chamailler sur des postes
ministériels, s’exhibant en bombant le torse dans des apparitions télévisées, juste pour
nous répéter toujours et toujours la même rengaine : révolution, dignité,
vérité, hawiyyatouna arabya islamya (notre identité est
arabo-musulmane) ...
Au même endroit où s'embrasait un
marchand de légumes avec sa barwita (brouette), certains bipèdes tout autant légumes que la
marchandise confisquée du zabrat (affabulateur) suicidaire, font semblant de
fêter ce martyr sous les huées d'un peuple affamé qui risque de les lyncher à
force de se sentir floué.
C'est aujourd’hui, 8 ans plus tard; et je
déprime !
LA RÉVOLUTION TUNISIENNE CONFISQUÉE PAR LES FRÈRES MUSULMANS : ils ont substitué un débat identitaire aux revendications des tunisiens (Liberté, Dignité, Travail) !
RépondreSupprimerFaten Saidi : le tunisien est progressiste mais les Frères musulmans le culpabilisent pour la modernité et la laïcité qu'ils jugent contraire à l'islam !
Une bonne analyse ... à voir et à revoir !!
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