En ce jour anniversaire de la promulgation du CSP, les tunisiennes qui n'en mesurent pas l'importance et ignorent ce que cela a valu au combattant Tahar Haddad comme sacrifices pour défendre leurs droits, feraient bien de réfléchir avant de brader ce pourquoi, il est vrai, elles n'ont pas eu à lutter ... car les conservateurs n'auront de cesse de les abroger et les remplacer par la chariaa vieille de 14 siècles .... toute à leur avantage !
R.B
Noureddine Dougui
universitaire
universitaire
Bourguiba suit attentivement la lecture faite par Ahmed Mestiri du texte du Code du Statut personnel.
Il y a
presque soixante ans, la Tunisie s’est dotée d’une législation sociale
d’avant-garde. Promulgué le 13 Août 1956, soit cinq mois après la
signature du protocole de l’Indépendance, le Code du Statut Personnel (CSP)
pose le principe de l’égalité homme-femme en institutionnalisant pour la
première fois en Tunisie et dans le monde arabe les droits de la femme.
Acte politique majeur, dû à la jeune équipe dirigeante de l’époque, et
notamment au Premier ministre, Habib Bourguiba, le CSP vise,
au-delà de la reconnaissance des droits de la femme, à accélérer
l’évolution de la Tunisie. Rompant avec la vision anachronique de la
société traditionnelle, cette démarche moderniste ouvre la voie à l’intégration
de la femme dans le processus de développement. L’objectif est d’autant
plus ambitieux que la société tunisienne, à peine sortie de la nuit coloniale,
est peu préparée à s’inscrire dans cette démarche.
Mais si le CSP est résolument tourné vers l’avenir,
son esprit et sa teneur portent la marque d’une réflexion qui a divisé l’élite
tunisienne dans un passé récent. S’inspirant largement des idées développées un
quart de siècle plus tôt par un zitounien éclairé : Tahar Haddad qui a
payé un lourd tribut à son courage intellectuel, la promulgation du CSP
tranche un débat qui a marqué les esprits au début des années trente. La prise
en compte des propositions de T. Haddad constitue une réhabilitation, à
titre posthume, d’un ancien militant des droits de la femme, mis
injustement au ban de la société .
Ironie de l’histoire, le CSP soulève l’opposition des
milieux conservateurs, c’est-à-dire des ténors du parti vieux Destour et et de
certains Oulamas de la Zitouna qui réfutent, au nom des préceptes
religieux la suppression de la polygamie et l’institution de tribunaux pour le
divorce. Curieuse répétition de l’histoire, ces mêmes milieux ont jeté,
en 1930, l’anathème sur Tahar Haddad l’accusant de transgresser les règles
édictées par le Livre Saint .
I - Tahar Haddad, intellectuel atypique
Figure curieusement attachante que celle de ce jeune
zitounien atypique originaire du sud tunisien (El Hamma de Gabès). Né à Tunis
en 1899, il reçoit une formation religieuse traditionnelle, diplômé de la
Grande Mosquée en 1920, il refuse d’officier comme témoin- notaire comme le
prédisposent ses études théologiques. A 20 ans il s’engage, corps et âme dans
la lutte nationale. Adhérant au parti du Destour, il met sa plume et son
talent au service de la cause nationale. Tahar Haddad est de tous les combats
: dénonçant les excès du Protectorat, menant une campagne vigoureuse contre la
naturalisation, portant la propagande nationaliste dans les centres
reculés de la Tunisie. En 1924, il se met en relation avec Mohamed Ali Hammi,
fraîchement débarqué d’Allemagne, pour fonder, avec le concours d’autres
militants destouriens et communistes, la Confédération générale des
travailleurs tunisiens qui attire les foudres du Protectorat. A peine crée, le
jeune syndicat est durement frappé par l’inculpation de son principal
animateur, Mohamed Ali Hammi, de complot contre la sûreté de l’Etat, et sa
condamnation au bannissement. Cette dure épreuve inspire à Haddad son premier
livre : Les ouvriers tunisiens et l’apparition du mouvement syndical,
saisi par la police avant sa mise en vente.
Cette épreuve passée, T. Haddad s’engage dans un
nouveau combat : la lutte pour l’émancipation de la femme tunisienne. Le
terrain est déjà balisé. A la fin des années vingt, Tunis vibre au rythme d’un
débat qui n’en finit pas sur le progrès de la femme tunisienne : la
scolarisation des filles, le port du voile, le code du statut personnel
deviennent, pour ainsi dire, des thèmes récurrents dans la presse de l’époque.
Attentif aux courants féministes en vogue en Turquie
et en Egypte, les intellectuels tunisiens sont divisés sur la conduite à tenir
face à cette question. Et pour cause. Le modèle de l’émancipation de la femme
européenne est là, mais pour la majorité d’entre eux c’est un contre-modèle.
Sans doute admet-on que l’équilibre de la société est fonction du sort fait aux
femmes, mais on n’en continue pas moins de considérer que le progrès de
celles-ci doit s’ancrer dans les traditions religieuses, ultime rempart
contre un monde occidental jugé trop envahissant.
En face des conservateurs, un petit courant
féministe, proche de la mouvance socialiste, s’esquisse péniblement à Tunis,
mais presque sans femmes. Les rares militantes qui osent défier l’ankylose
ambiante sont des Européennes ou des Tunisiennes passées par les écoles
françaises.
Les nationalistes, eux, affichent une opposition sans
nuance à l’émancipation des femmes, jugée trop prématurée. Se démarquant
de cette position, Haddad publie, dès 1928, dans le journal destourien Essawab,
nombre d’articles sur la condition de la femme. Reprenant la problématique de
l’évolution de la société, il développe une approche inédite de la
question de la femme. En septembre 1930 il publie son deuxième ouvrage : Notre
femme devant la Charî'a et la société.
II - Un féminisme sacrilège
L’essai de T. Haddad sur la femme fait date par
l’audace de ses propositions innovantes. Une idée-clé guide la
trame du livre : l’évolution de la société tunisienne est impossible sans la
participation de la femme. Reprenant le débat sur l’évolution de la société,
T.Haddad en vient à examiner la question de la femme sous l’angle des normes
religieuses et des mutations sociales. Affirmant la comptabilité de l’Islam
avec le progrès social, il propose une relecture moderniste des textes sacrés.
C’est tout un programme.
L’auteur de Notre femme
devant la Charî'a et la société, plaide pour la levée des
discriminations à l’égard des femmes, dénonce la répudiation, appelle à
l’égalité des hommes et des femmes en matière d’héritage, demande la
reconnaissance des droits des femmes à l’exercice de tous les métiers y compris
les charges judiciaires. C’en est trop pour les Oulamas de la Zitouna.
Manifestement T.Haddad est un auteur qui
dérange. Son livre sur La femme devant la Charî'a et la
société fait scandale dans le milieu politique tunisien et auprès des
érudits de la grande Mosquée. Un conseil supérieur religieux, présidé par
Cheikh al Islam, se réunit illico presto pour statuer sur son cas.
Considéré comme subversif, le livre de T.Haddad est désigné à la vindicte
publique. Son auteur, accusé de sacrilège, est condamné au retrait de son titre
universitaire et empêché d’exercer le notariat. L’excommunication de Haddad (Takfir)
est ouverte : la quasi-totalité des journaux tunisiens, le vieux Destour, et
notamment son directeur, Moheddine Klibi, et même les intellectuels formés dans
les universités françaises, tels que Tahar Sfar et Mahmoud Matri,
adoptant, certes, un discours plus nuancé, se jettent dans la mêlée et
condamnent vigoureusement le livre; Habib Bourguiba, lui, se mure dans un
silence prudent. Les rares esprits libres qui soutiennent T. Haddad ne
parviennent pas à endiguer le mouvement.
Victime de l’ostracisme des conservateurs et de ses
propres amis politiques, T.Haddad est contraint à l’isolement. Supportant mal
son épreuve, il décède, à l’âge de 36 ans, le 7 décembre 1935, des suites
d’une maladie cardiaque.
Son apport à la réflexion sur la question féminine
n’est pas oublié, mais il a fallu attendre un quart de siècle pour que son
héritage intellectuel soit enfin reconnu par la Tunisie indépendante.
C'EST LA FÊTE DE LA FEMME TUNISIENNE !
RépondreSupprimerComment le gouvernement Habib Essid fêtera-t-il cette fête alors qu'en son sein il y a un mufti qui se comporte comme un islamiste doublé d'un goujat pour avoir refuser de serrer la main à une femme ?
Rappelez-vous : pour annoncer la fin du mois de ramadan, ce mufti était dans l'attente de décision des petromonarques !
Il a fallu la présence d'esprit de BCE pour lui couper l'herbe sous les pieds et annoncer la date de la fin du mois de ramadan, pour rappeler que l'Etat est civil et non théologique comme le voudraient les Frères musulmans nahdhaouis !!
Nidaa Tounes doit dégager Hamda Said ce crypto-islamiste, par respect pour toutes celles qui ont accordé leurs voix (plus de 60 % des électeurs !) à BCE et à نداء تونس Nidaa Tounes !!
Des hommes "religieux" progressistes, vivant dans leur époque, la Tunisie n'en manque pas !!
http://www.leaders.com.tn/article/17710-le-mufti-a-la-pdg-otez-cette-main-que-je-saurais-serrer
NE VOUS EN DÉPLAISE ...
RépondreSupprimerPoème de Nizar Kabani
Ne vous en déplaise,
J’entends éduquer mes enfants à ma manière;
sans égard pour vos lubies ou vos états d’âme…
Ne vous en déplaise
J’apprendrai à mes enfants que la religion appartient à Dieu
et non aux théologiens, aux Cheikhs ou aux êtres humains.
Ne vous en déplaise
J’apprendrai à ma petite que la religion c’est l’éthique, l’éducation et le respect d’autrui, la courtoisie, la responsabilité et la sincérité,
avant de lui dire de quel pied rentrer aux toilettes ou avec quelle main manger.
Sauf votre respect,
J’apprendrai à ma fille que Dieu est amour, qu’elle peut s’adresser à lui sans intermédiaire, le questionner à satiété, lui demander ce qu’elle souhaite,
loin de toute directive ou contrainte.
Sauf votre respect,
Je ne parlerai pas du châtiment de la tombe à mes enfants
qui ne savent pas encore ce qu’est la mort.
Sauf votre respect,
J’enseignerai à ma fille les fondements de la religion, sa morale, son éthique et ses règles de bonne conduite avant de lui imposer un quelconque voile.
Ne vous en déplaise,
J’enseignerai à mon jeune fils que faire du mal à autrui ou le mépriser pour sa nationalité, sa couleur de peau ou sa religion est un grand pêché honni de Dieu.
Ne vous en déplaise,
Je dirais à ma fille que réviser ses leçons et s’investir dans son éducation est plus utile et plus important aux yeux d’Allah que d’apprendre par cœur des versets du Coran sans en comprendre le sens.
Ne vous en déplaise,
J’apprendrai à mon fils que prendre le prophète comme modèle commence par adopter son sens de l’honnêteté, de la droiture et de l’équité, avant d’imiter la coupe de sa barbe ou la taille de ses vêtements.
Sauf votre respect,
Je rassurerai ma fille que son amie chrétienne n’est pas une mécréante,
et qu’elle cesse de pleurer de crainte que celle-ci n’aille en enfer.
Sauf votre respect,
Je dirai qu’Allah a interdit de tuer un être humain, et que celui qui tue injustement une personne, par son acte, tue l’humanité toute entière.
Sauf votre respect,
J’apprendrai à mes enfants qu’Allah est plus grand, plus juste et plus miséricordieux que tous les théologiens de la terre réunis, que ses critères de jugement différent de ceux des marchands de la foi, que ses verdicts sont autrement plus cléments et miséricordieux.
Un hommage à la goulettoise Gisèle Halimi, une militante qui a fait beaucoup avancer la cause des femmes aussi bien en Tunisie qu'en France !
RépondreSupprimerLa Femme des deux-rives et de tous les combats,
À commencer contre le sexisme et la misogynie,
Mais que l’on retrouve aussi là où on ne l’attendait pas.
Elle a réservé ses premières actions à sa natale Berbérie,
territoire origine de ses ancêtres, à l’époque de la Phénicie,
En s’engageant, pendant huit ans, pour l’indépendance de l’Algérie,
Après avoir milité pour celle de son propre pays, la Tunisie
Aussi, pour cela et ce qui suit,
Elle est notre Kahina d’aujourd’hui
Avocate de talent qui, à vingt et un ans,
A plaidé devant les tribunaux d’exception.
Pour Habib Bourguiba qui fut son premier client,
Alors, en exil dans la forêt de Chantilly
Purgeant une nième peine pour sa Patrie.
Elle n’était, à cette époque, qu’avocate stagiaire,
Par la suite, elle s’est inscrite au barreau de Tunis
Où elle exerça jusqu’à 1956,
En défendant ses compatriotes nationalistes,
Simples citoyens, activistes ou syndicalistes,
Car, l’UGTT fut, avec le Parti bourguibiste
Et les cadres et militants du Parti communiste,
Le vivier de la lutte anticolonialiste,
Et c’est à Paris qu’elle poursuivra sa carrière.
Figure de proue de la féminine condition,
Défenseuse des femmes qui souffrent en catimini,
Son procès qui fut le plus retentissant,
Qui fut d’ailleurs porté au petit écran,
C’est sans aucun doute celui de Bobigny,
Le procès politique de l’avortement
Dont il a sonné le glas de la criminalisation,
Elle a fait valoir dans sa passionnée plaidoirie.
Que violer une loi injuste, c’est militer pour la démocratie.
Je profite de cette circonstance pour rappeler le combat, tous azimuts, un peu oublié de la Tunisienne Gisèle Halimi. Qui plus est, les relations privilégiées que le citoyen Habib Bourguiba avait nouées avec elle, depuis 1948, me permettent de croire qu’elle a, probablement, eu une influence sur l’adoption du Code du Statut Personnel, en 1956, et de l’encadrement légal de l’Interruption Volontaire de la Grossesse, en 1973, deux années avant la promulgation de la Loi Veil, en France !».
Extrait de mon poème intitulé «Tunisie - Aux femmes de mon pays -
À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes »
https://www.facebook.com/T3TunisieMusulmaneJuiveEtChretienne/photos/a.635833963113019.1073741827.611428992220183/1116752638354480/?type=1&fref=nf&pnref=story