lundi 10 février 2020

IL LES APPELLE, MAMA SIMONE ET PAPA CLAUDE ...

Moustapha, l'immigré clandestin, est parti de son pays natal la Guinée. Il a traversé le Sénégal, la Mauritanie, le Maroc pour arriver en Algérie d'où il a embarqué pour l'Espagne. 

L'adolescent, aîné d'une fratrie de 8 enfants, n'avait pour bagage que l'éducation à laquelle son père avait consentie argent et effort en confiant son fils à son oncle paternel installé à Conakry où il a été scolarisé; puisque le reste de la fratrie est analphabète car il n'y pas d'école dans la brousse, à 500 km de la capitale.

Faute d'argent, ne pouvant faire d'avantage pour l'éducation de son fils, le père lui a conseillé de migrer en Europe où, dit-on, la vie est meilleure qu'en Guinée, et que la chance sourit encore aux téméraires. Il lui a donné les quelques économies qui lui restaient; et il a béni son fils en le confiant à Allah ... et au hasard !

Le jeune est intelligent, bien bâti physiquement et mentalement. Ne faisant pas son âge, il a pu faire ce long voyage en marchant, en empruntant des bus, des taxis collectifs, des mobylettes-taxies, des trains; resquillant quand il ne pouvait faire autrement pour arriver en France, sa destination finale; où le père espère un avenir meilleur pour son unique fils, dans l'espoir qu'il assure en retour, par l'envoi d'une partie de son salaire, la survie de sa famille car l'agriculteur qu'il est, subit la sécheresse depuis quelques années et n'arrive plus à joindre les deux bouts à cause du réchauffement climatique.

Dans le train qui l'amenait loin de l'Espagne, Moustapha a demandé à un couple de retraités qui se préparaient à descendre, le nom de leur station pour savoir où il en était de son périple. C'est la Rochelle, lui répondit le monsieur. Le nom de la Rochelle ne lui disant rien, il demande au couple s'il était en France. La dame a de suite compris qu'il est un de ces clandestins dont parlent souvent les médias, traversant au péril de leur vie la Méditerranée dans l'espoir de rallier l'eldorado que représente pour eux l'Europe !

Pas farouche, le jeune a accepté de répondre aux questions du couple. Ils ont eu confirmation qu'il est bien un clandestin. Il dit avoir 17 ans et qu'il a perdu tous ses papiers au cours de son long "voyage" qui dure depuis 6 mois. Touchés par son histoire, ils ont voulu l'aider. Et pour commencer, ils se sont demandés s'il y avait moyen de le sortir de la clandestinité. Ils lui ont demandé de descendre avec eux à la Rochelle, ce qu'il a accepté volontiers. 

De suite, le couple l'a amené au poste de police pour voir ce qu'il est prévu en pareil cas de faire pour un adolescent clandestin, pour se mettre en règle et le mettre en règle.

Ils sont tombés sur un agent de police très coopératif. Il leur a expliqué que la république française ne renvoie pas les enfants mineurs clandestins non accompagnés. Qu'il est prévu même des centres d'hébergement pour eux et une prise en charge pour assurer leur scolarisation. L'agent leur a donné les coordonnées des services sociaux qui s'occupent de pareils cas, pour les aider à aider l'adolescent. 

Le couple de retraités a gardé avec lui Moustapha. Ils l'ont amené au restaurant car visiblement il avait faim et n'avait pas d'argent. Après le repas, ils se sont adressés aux centres sociaux que leur avait indiqués l'agent de police. 
Ils ont rassuré Moustapha qu'ils s'occuperont de lui et suivront les démarches administratives nécessaires pour régulariser sa situation en France. Ils se sont proposés d'être ses parrains, ce qui "rassurait" l'administration française qu'il ait un répondant en France et réconfortait par la même, l'adolescent.

La dame étant retraitée de l'enseignement, bonne pédagogue ayant bonne réputation auprès de ses élèves du même âge que Moustapha, a su le mettre en confiance et compris ses centres d’intérêts. Elle lui a proposé une formation en entreprise, sanctionnée par un BEP. Toujours souriant et confiant, Moustapha s'est laissé guider par ce couple providentiel, qu'il bénit qu'Allah les ait mis sur son chemin. 

Depuis, il appelle affectueusement par leurs prénoms ses anges gardiens. Et en signe de respect comme le veut la coutume de son pays, il rajoute mama Simone et papa Claude.

Il faut dire que Simone et Claude, s'étant engagés moralement envers ce jeune, vont suivre son parcours en France et lui assurer même une famille de substitution, l'invitant souvent chez eux et surveillant sa scolarité. Ils n'ont eu que de bons échos des entrepreneurs auxquels le service social le recommandait, comme de ses professeurs qui ne tarissent pas d'éloge sur sa vivacité d'esprit et son avidité pour apprendre ! 

Intelligent, volontaire, assimilant vite et bien, Moustapha a bien progressé dans sa formation et pris goût à l'électricité. Au bout de 3 ans de formation alternée en entreprise d'électricité, il aspire à devenir ouvrier de France, comme le lui recommandaient Simone et ses formateurs, qui ont décelé chez lui des capacités. Ils veulent l'aider à poursuivre sa formation pour accéder à ce niveau d'excellence. 

De son côté, l'administration française lui a accordé une carte de séjour temporaire pour un an et lui demande de refaire son passeport en Guinée; puisqu'il dit l'avoir perdu. Au bout de cinq ans de présence sur le territoire français, il pourra alors postuler à la nationalité française comme le stipule le règlement, si tel était son désir.

Très vite, on lui a trouvé une place dans un centre pour mineurs où il est pris en charge et scolarisé. Au bout de 3 ans, les responsables du centre, contents de son parcours à la fois professionnel et scolaire, l'ont gratifié d'un studio équipé et meublé, pour qu'il soit indépendant. 

Sa chance, est de n'avoir pas atterri à Paris où il aurait rejoint la cohorte d'immigrés  clandestins venant du monde entier, fuyant les guerres, la famine ou la sécheresse que provoque le réchauffement climatique; puisqu'il a été "récupéré" bien avant, par ce couple providentiel qui a mis un terme à sa galère et à sa clandestinité. 

Croyant, musulman, Moustapha ne cesse de remercier Allah d'avoir mis sur son chemin mama Simone et papa Claude. Resté en contact avec ses parents grâce au téléphone portable que lui a offert le couple de retraités, son père bénit à chaque communication téléphonique avec son fils, Simone et Claude pour ce qu'ils font pour son enfant. 

Moustapha semble conscient de sa chance, d'autant qu'il paraît mûr pour son âge, les expériences de la vie et son voyage chaotique de 6 mois, l'ayant mûri prématurément. 

Un vieux sage africain disait : " Quand tu migres dans un pays, apprends à danser comme ses habitants. Ce n'est que lorsque tu danseras comme eux, qu'ils te demanderont comment danse-t-on chez toi " ! Pour le moment, Moustapha a l'air de s'adapter à sa vie en France et aux Français. 

Espérons une fin heureuse à cette belle histoire.

Rachid Barnat 


11 commentaires:

  1. Le vieux sage africain avait parfaitement raison !

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  2. A Saint-Denis, un chef d’entreprise reproche au préfet de ne pas lui délivrer d’autorisation de travail pour recruter une vingtaine de mineurs isolés étrangers en apprentissage.

    https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/02/12/mineurs-isoles-etrangers-mes-petits-gars-ne-peuvent-pas-travailler_6029244_3224.html

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  3. Soudan du Sud : Lual Mayen créé une startup de jeux vidéo qui aide les réfugiés en temps réel

    https://www.agenceecofin.com/entreprendre/0901-72617-soudan-du-sud-lual-mayen-cree-une-startup-de-jeux-video-qui-aide-les-refugies-en-temps-reel

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  4. Selon Simone & Claude, Mustapha a pu régulariser sa situation administrative en France; et ses professeurs, toujours contents de lui, lui proposent de se présenter au concours des meilleurs ouvriers de France, autrement dit celui des Compagnons de France.
    C'est dire s'il est sérieux et en voie d'être tiré d'affaire.

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  5. Mustapha après réflexion a finalement accepté d'intégrer les Compagnon de France. Le 29 mai aura lieu la cérémonie de son adoption par les Compagnons de France. Il fera son tour de France durant 4 ans et deviendra sûrement un bon ouvrier de France par sa formation à la fois par professionnelle et humaine. Déjà son actuel patron chez qui il poursuivait sa formation, regrette qu'il le quitte. On peut dire que jeune est tiré d'affaire !

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  6. Comme prévu, le 29 mai eut lieu la cérémonie d'adoption de Moustapha par les Compagnons du Devoir, cérémonie à laquelle maman Simone et papa Claude étaient conviés via internet, covid-19 oblige, en tant que parrains de la nouvelle recrue.

    A lui de prouver à ceux qui lui ont fait confiance, qu'il la méritait bien et à lui de profiter de cette très belle opportunité.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Compagnons_du_Devoir

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Compagnonnage

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  7. LA FRANCE, TERRE D'ACCEUIL & D'ASILE ... qui continue à l'être et c'est tant mieux n'en déplaise aux grincheux et aux royalistes plus que le roi comme Zemmour, ce juif oranais qui adule Pétain celui-là même qui a participé à la shoah !

    Bravo pour ce jeune, qui apportera sa pierre à l'édifice de la France et du Mali !!

    Mahamet, 20 ans, ce migrant malien admis à Sciences Po Paris.

    Arrivé, seul, à Avignon à l'âge de 16 ans, ce jeune homme a suivi son cursus lycéen à Philippe-de-Girard.
    Plus tard, il rêve d'être avocat ou homme politique.
    Voire les deux, à l'instar de son idole : Mandela.

    https://www.laprovence.com/article/edition-vaucluse/6498851/mahamet-20ans-ce-migrant-malien-admis-a-sciences-po-paris.html#xtor=Nonli

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  8. Emmanuel et Brigitte Macron : qui est Akram Makrout, leur nouveau boulanger à l’Elysée ?

    https://www.femmeactuelle.fr/actu/news-actu/emmanuel-et-brigitte-macron-qui-est-leur-nouveau-boulanger-a-lelysee-2120497?fbclid=IwAR066N7FOX4dX0OyuUn4k1X3e4sfrJ9-abjf-3UrwZxLsVBVx_w7I2VybT4

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  9. CLAUDE & SIMONE : TEMOIGNAGE DE NOTRE RELATION AVEC MOUSTAPHA ...

    Voici un résumé de l’historique de cette relation.

    2018 :

    Le 22 Janvier :
    Rencontre « de hasard » dans le train Bordeaux-La Rochelle. Nous nous y rendons régulièrement car nous avons un bateau au port.
    A l’arrivée, un jeune nous demande où le train arrive et si nous sommes en France.
    Nous comprenons vite qu’il semble perdu et qu’il doit venir de très loin. Il parle très bien le français et nous raconte rapidement son périple.
    Nous prenons un taxi pour le conduire au Commissariat, éloigné de la gare. Nous le laissons à l’accueil où il est pris en charge par le Conseil Général.
    Nous lui laissons nos prénoms et numéros de téléphone en lui demandant de nous donner de ses nouvelles …

    Le 25 Janvier :
    Moustapha nous contacte, il est dans un foyer puis d'un autre sur l’île d’Oléron; puis encore de La Rochelle où il est logé dans un appartement avec d’autres jeunes.
    Depuis cette période, nous restons en contact très régulier avec Moustapha et nous apprenons à le connaître au fur et à mesure des échanges au téléphone et des rencontres.

    Sans rentrer dans le détail, nous pouvons noter quelques éléments-clés :

    Novembre 2018 :
    Moustapha, que nous avons déjà revu à La Rochelle , vient passer un week-end à la maison.
    Tout se passe très bien et c’est l’occasion de beaucoup parler de son pays, de sa famille, de la chance qu’il a eu d’être pris chez les Compagnons du Devoir, de son apprentissage en électricité.
    Il nous a porté ses livres, ses cahiers, ses devoirs .
    Nous réalisons alors que c’est un garçon posé, sérieux, travailleur, ambitieux dans le bon sens du terme.
    Il est conscient de la chance qu’il a eue d’être pris en charge et aidé dans sa recherche d’une voie d’études.
    Il se montre à la maison très serviable, toujours prêt à aider.
    Il nous appelle « papa Claude » et « Mama Simone » et nous témoigne respect et affection.

    (suite, ci après)

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  10. 2019 - 2020 :

    Moustapha nous donne très régulièrement de ses nouvelles et nous suivons sa progression.
    Il vient passer quelques week-ends et rencontre peu à peu nos enfants et petits-enfants, notre famille, nos amis.
    Il a beaucoup de facilité à s’intégrer et à communiquer avec tous, adultes et enfants ...

    2021 :

    Evénement marquant le 29 Mai : Cérémonie d’adoption chez les Compagnons du Devoir.
    Moustapha nous avait invités mais les événements font que la cérémonie est en visio-conférence.
    Nous la suivons, très émus de voir le chemin parcouru par ce jeune homme.
    Lui-même vit cette journée dans un mélange de stress et d’émotion, il nous appelle plusieurs fois pour regretter qu’on ne puisse être là et partager ses sentiments.
    Nous sommes fiers de lui et heureux.

    On le voit « en vrai » au mois d’août où il vient à la maison et nous « aide » à gérer une mini-colonie de 4 petites filles !
    Il fait ça très bien et anime de joyeux ateliers de foot !
    Il va naviguer quelques jours avec Claude et, en escale sur l’île d’Oléron, il a la chance de revoir un éducateur du Centre où il a été hébergé à ses débuts en France, en 2018.

    Noël :
    Moustapha passe quelques jours à la maison avec notre famille qui l’accueille avec plaisir.

    2022 :

    Moustapha est maintenant à Tours, il continue ses études sérieusement. Il a rencontré une jeune femme et nous nous réjouissons pour lui.
    Moustapha et son amie vont passer une semaine à la maison, pendant leurs vacances fin septembre.
    Ils viennent ensuite nous rejoindre sur le bateau, où nous passons un week-end très agréable ensemble.

    Ce qui nous impressionne le plus chez ce jeune, au-delà de sa gentillesse et de ses qualités de sérieux, c’est sa maturité.
    Nous parlons régulièrement avec lui de ses parents, de ses frères et sœurs et il nous donne l’impression d’être devenu, sans doute à cause de son parcours si difficile et dangereux, un peu le « chef de famille et le conseiller ».
    Il souffre de ne pas pouvoir les revoir encore mais ce manque ne le plonge pas dans la dépression et il parvient à aller de l’avant sans oublier d’où il vient.

    La capacité qu’il a montrée à s’intégrer, visiblement sans efforts, dans les milieux scolaires, professionnels, amicaux jusqu’à ce jour est à souligner; et cet aspect de sa personnalité, ne peut que jouer en sa faveur dans la suite de son parcours.

    Signé : Claude & Simone

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  11. EN VOILA UN QUI EST TIRE D'AFFAIRE ...

    Aux dernières nouvelles, Moustapha a pu intégrer en CDI une grande entreprise d'installation d'éoliennes, il vient de déménager et s'est acheté une voiture.
    Il invite Maman Simone & Rapa Claude à venir le voir, fier de pouvoir les héberger chez lui.

    Une belle histoire qui finit bien et qui en rappelle une autre :
    https://www.lefigaro.fr/lyon/je-dors-enfin-bien-de-l-oqtf-au-cdi-chez-bocuse-la-belle-histoire-d-un-jeune-congolais-20231111

    Et dire que "les politiques", pinaillent pour régulariser de telles personnes alors qu'ils savent bien que beaucoup de secteurs manquent de main d'oeuvre et sont obligés souvent à en recruter au noir !

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