Bourguiba n'avait jamais confondu la politique de la France avec la culture française. C'est pourquoi il n'avait aucun complexe vis à vis des Français. Ce qu'il a su transmettre aux Tunisiens, en leur inculquant une double culture : celle des Arabes, leurs premiers colonisateurs mais celle des Français, leurs derniers colonisateurs; puisant dans les deux, le meilleur pour la Tunisie ! Contrairement aux complexés de l'Histoire qui se veulent plus arabes que les Arabes d'Arabie.
R.B
R.B
Mohamed TALBI
LA MORT DU LOUP *
Qui, parmi les Tunisiens de ma génération, n’a connu Bourguiba, ne l’a approché, n’a subi son pouvoir de fascination ? Il se voulait le « Combattant suprême ». Ce titre, qu’il préférait à tout autre, il ne l’avait pas volé. C’est un acquis que l’Histoire ne lui contestera jamais. Ses qualités et ses défauts étaient ceux des hommes d’exception. L’Histoire, à laquelle il appartient désormais, avec son actif et son passif, évaluera.
Le témoin que je suis ne retiendra que l’actif, au moment où la Tunisie tout entière porte avec émotion, reconnaissance et piété le deuil de son libérateur.
Bourguiba aura dominé de sa forte stature tout un siècle, plus quatre mois et huit jours, durant lequel il a fait la Tunisie moderne. Cela suffit à sa gloire ! Puisse le siècle hégirien qu’il a quitté en son aurore être celui de quelque chose qu’il n’a pas pu faire, eu égard à son tempérament, celui de la démocratisation.
Le jeune militant Bourguiba, tous ceux qui l’avaient approché peuvent en témoigner, avait un tempérament cassant, tyrannique, qui ne le préparait guère à la démocratie. Il aimait donner des ordres et se faire obéir. Il avait une personnalité forte, si forte qu’il ne souffrait pas la contradiction, dans ce qui lui paraissait une évidence, et il est vrai que l’expérience lui a souvent donné raison contre ses contradicteurs.
Inflexible, il ne fléchissait jamais, quand bien même ses compagnons se laissaient gagner par la faiblesse : il était du bois dont sont faits les chefs. Ses célèbres accès de colère l’ont accompagné toute sa vie. Son avant-dernier Premier ministre, Rachid Sfar, fils de l’un de ses plus anciens compagnons de route, fut le dernier à en faire l’expérience. Sa démission ouvrit la voie à sa destitution pour raison de santé, certificat médical à l’appui. Bourguiba, malade et visiblement diminué, avait tragiquement, lui si lucide jadis, manqué de clairvoyance.
L’actif de Bourguiba est imposant. Il prit les décisions capitales dont la Tunisie a récolté et continue de récolter, les bénéfices ; la généralisation de l’enseignement qui a abouti à la scolarisation pour tous, atout majeur qui permet déjà à la Tunisie de figurer parmi les rares pays émergents; un statut personnel qui met la Tunisienne au même niveau d’émancipation et de liberté que l’Occidentale, et lui ouvre l’accès à tous les emplois, où elle est déjà fortement présente; un planning familial qui a assuré à la Tunisie un taux de croissance optimal de 2,1 %, comparable aux taux européens, atteint en un temps record.
Bourguiba a bien mérité de la patrie. Incorruptible, il part propre. Cela, l’Histoire, ne l’oubliera jamais ! Bourguiba passera à la postérité comme le seul dirigeant arabe qui n’a jamais possédé un sou à lui. Il s’identifiait à la Tunisie, il lui appartenait, il l’avait servie sans jamais s’en servir. C’est cela qui fait la différence.
Chef d’Etat d’envergure et conscient de ses responsabilités, il eut l’occasion d’en administrer souvent la preuve avec éclat, quelquefois avec fracas, comme à Ariha (Jéricho).
Son combat pour l’indépendance, il le mena sans haine pour la France, où il cherchait plutôt des alliés, avec succès. Certains devinrent pour lui des amis. Le plus illustre d’entre eux fut Mendes France, dont la photo ne quitte jamais son bureau.
Son combat pour l’indépendance, il le mena sans haine pour la France, où il cherchait plutôt des alliés, avec succès. Certains devinrent pour lui des amis. Le plus illustre d’entre eux fut Mendes France, dont la photo ne quitte jamais son bureau.
Un jour, je n’étais pas le seul, je l’ai entendu parler avec admiration de son juge français, qui avait ordonné qu’on lui enlevât les menottes par respect de la dignité humaine. Il ne l’a jamais oublié.
Bourguiba ne fut pas seulement un grand homme d’Etat, mais aussi, on le sait moins, un humaniste. Il aimait surtout la poésie : renouant avec une tradition des cours arabes, il prit l’habitude d’organiser des joutes littéraires en son honneur. Il aimait particulièrement la poésie épique, surtout lorsqu’elle est laudative et immortalise la gloire des grands hommes de l’histoire arabe. Il avait une profonde admiration pour le célèbre poète médiéval Al-Moutanabbi et rêvait d’avoir « le sien ». Il avait cru le trouver dans Ahmed Loghmani, un moment porté aux nues, puis frappé de disgrâce. Tel fut toujours, en terre arabe, le sort des poètes de cour. Bourguiba n’a pas failli à la tradition.
Il avait la même admiration pour la culture française, dont il était, dans une large mesure, le produit. Il vouait un véritable culte, le mot n’est pas trop fort, au père du positivisme, Auguste Conte, dont il appréciait le rationalisme rigoureux.
Il adorait aussi la poésie française et avait une préférence pour les grands ténors du souffle épique, dont il connaissait par cœur de longues tirades.
Mais il admirait surtout Alfred de Vigny. Combien de fois l’ai-je entendu déclamer avec talent La mort du loup, en mettant l’accent sur le dernier vers : « Comme moi, souffre et meurs sans parler ». On ne peut pas voir là une prémonition.
Il adorait aussi la poésie française et avait une préférence pour les grands ténors du souffle épique, dont il connaissait par cœur de longues tirades.
Mais il admirait surtout Alfred de Vigny. Combien de fois l’ai-je entendu déclamer avec talent La mort du loup, en mettant l’accent sur le dernier vers : « Comme moi, souffre et meurs sans parler ». On ne peut pas voir là une prémonition.
* Extrait du livre de Mohamed Talbi : PENSEUR LIBRE EN ISLAM : Un intellectuel musulman dans la Tunisie de Ben Ali.
Maya Ksouri : Bourguiba liberateur de la Tunisie et de son peuple par l'instruction générale et obligatoire de tous les enfants.
RépondreSupprimerhttps://www.facebook.com/chevalierTN2019/videos/335853294071570/
Je suis émue et j'ai la chair de poule en lisant cet extrait de si Talbi. C'est tellement authentique ce qui est dit que d'autres mots n'exprimerait pas autant cette authenticité. Allah yarhamhom !
Supprimer.... Pour DÉFINIR BOURGUIBA que J'ADMIRE VÉNÈRE..Je L'ai Prénommé...
RépondreSupprimerBOURGUIBALUMUERES..qui Veut TOUT et TOUT DIRE...PAIX à Son ÂME
DE HANNIBAL A BOURGUIBA ...
RépondreSupprimerSoufiane Ben Farhat :
Toujours imité, jamais égalé.
En ce jour de commémoration de son anniversaire, une pensée pour le leader hors-pair Habib Bourguiba, 1er président de la République tunisienne.
Dans l'histoire glorieuse de la Tunisie, le 2ème siècle avant JC fut celui d'Hannibal, le 1er siècle avant JC fut celui de Jugurtha et le 20ème siècle de notre ère fut incontestablement celui de Bourguiba.