vendredi 1 novembre 2019

Taslima Nasreen dénonce la misogynie de l'islam

L'islam tout comme les deux autres religions monothéistes qui l'ont précédé, est une religion patriarcale phallocratique. Quelle solution pour échapper à sa misogynie ? La laïcité pour contrer le fondamentalisme ? Ou l’abandon pure et simple d'une religion faite par les hommes, pour les hommes ? Car seul la laïcité permet aux religions une coexistence pacifique, à la condition qu'elles ne cherchent pas imposer leurs lois religieuses à des citoyens régis par un code civil. 
Certaines femmes sont devenues athées pour échapper au sort que leur réserve la religion, ne comprenant pas pourquoi Dieu les méprise tant pour les soumettre aux hommes; d'autres, ont adopté le communisme pour échapper à la misogynie des rabbins, curés et imams; et bien d'autres ont du fuir leur pays et les obscurantistes fanatiques, pour sauver leur peau ! 
R.B
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Je me sens la responsabilité de dénoncer l'islam

Pourquoi est-il important pour vous d'évoquer à nouveau la condition des femmes musulmanes ?

Partout dans le monde, les femmes sont opprimées par les religions, les coutumes, les traditions. Mais là où elles souffrent le plus de nos jours, c'est dans les pays islamiques. L'Occident a instauré la laïcité, la séparation des Eglises et de l'Etat, alors que dans la plupart des pays musulmans les femmes sont toujours sous le joug de sept cents ans de charia. Des millions de femmes endurent de terribles souffrances.

Elles sont enfermées, brûlées, lapidées à mort... Venant d'une famille musulmane, je me sens la responsabilité de dénoncer l'islam, car les femmes qui y sont soumises n'ont ni les droits ni la liberté qu'elles devraient avoir. On leur a inculqué depuis des siècles qu'elles étaient des esclaves pour l'homme, qu'elles devaient suivre le système que les hommes ou Dieu ont créé. Sous la charia, les femmes sont considérées non pas comme des êtres humains, mais comme des objets sexuels, des êtres de seconde classe. 
Nous n'avons pas besoin de cette loi, il faut la combattre !

De quelle façon votre propre vie illustre-t-elle cette condition féminine ? En êtes-vous un bon exemple ?

Je le suis. J'ai vécu dans une société dominée par les hommes. Toute mon enfance, j'ai beaucoup souffert, surtout parce que la tradition m'interdisait de sortir. Je devais rester à la maison, pour aider ma mère.
Celle-ci n'était pas la seule à être opprimée. Toutes les femmes l’étaient : mes tantes, mes voisines... 

A l'époque, je ne voyais pas cela comme de l'oppression, mais comme le fruit de la tradition. Je ne comprenais pas que l'islam était l'outil du système patriarcal. Je vivais dans une société musulmane, dans une famille musulmane, et j'avais l'habitude de voir les femmes enveloppées dans leur burqa de la tête aux pieds, se faire battre par leur mari, qui pouvait être polygame ou qui divorçait quand il le voulait.

Je pensais alors que, peut-être, ces hommes agissaient mal, que sûrement l'islam ne permettait pas de telles choses.

C'est en lisant le Coran que vous avez vu les choses différemment ?

Oui. C'est ma mère qui m'a enseigné le Coran. J'avais aussi un maître qui venait à la maison m'apprendre l'arabe pour que je puisse déchiffrer le texte, sans que je le comprenne vraiment. Souvent, les femmes ne savent pas ce que dit le Coran, car le texte est écrit en arabe, et dans beaucoup de pays non arabophones on déchiffre l'arabe sans comprendre le sens des versets...

Mais, à 14 ans, je suis tombée sur un Coran traduit en bengali, et j'ai comparé plus de 12 traductions bengalies différentes... A ma grande surprise, j'ai compris que c'était bien Allah qui déclarait les femmes inférieures, qui prônait la polygamie, le divorce uniquement pour les hommes, le droit de battre leurs épouses, l'interdiction faite aux femmes de porter témoignage en justice, l'inégalité en matière d'héritage, le port du voile...
Oui, Allah permettait tout cela. 

J'ai compris que la condition des femmes musulmanes n'était donc pas un problème spécifique à la société bengalie, mais bien le fait de la loi d'Allah, une loi terrifiante, ou plus précisément de la loi que Mohamed avait faite au nom d'Allah... 

Lorsque j'ai tenté de critiquer l'islam au nom des femmes et de la justice, les fondamentalistes sont devenus fous ; ils n'ont pas accepté de débattre, ils n'ont pas argumenté, ils ont seulement voulu me faire taire et me tuer. Ils ont décrété une fatwa que le gouvernement a cautionnée au lieu de les sanctionner. Ce n'était pas illégal, puisque le Coran dit que l'incroyant doit être tué : Allah le permet. 

Pour sauver ma vie, j'ai été forcée de me cacher et de quitter mon pays, sachant que beaucoup de gens me soutenaient mais ne pouvaient le dire publiquement.

Est-ce vraiment le Coran qui est responsable, ou les fondamentalistes qui l'interprètent à leur manière ?

Beaucoup de musulmans modernes disent que les fondamentalistes ont tort, que ces derniers ne représentent pas le vrai islam, et que celui-ci n'a jamais prescrit d'assassiner les incroyants. C'est faux ! C'est bien l'islam, le vrai islam, l'authentique islam, qui prescrit de tuer les apostats et les incroyants. Cela est explicite dans le Coran.

Le Coran dit même que l'on peut tuer les juifs et les chrétiens et que, si on se lie d'amitié avec eux, Allah promet l'enfer.

Ne serait-il pas plus juste de dire qu'on y trouve des versets contradictoires ?


Oui, mais c'est uniquement parce que, lorsque Mohamed n'avait pas le pouvoir, il recherchait des alliances politiques avec les non-musulmans. Il se voulait tolérant. Mais, dès qu'il eut le pouvoir, il changea radicalement et commença à parler de massacrer les non-musulmans... 

Si les fondamentalistes ont voulu me tuer, c'est parce qu'ils veulent vraiment appliquer le vrai islam. Ils sont l'islam authentique. 

Les musulmans qui souhaiteraient voir les femmes libérées sont en contradiction avec leur doctrine : Allah ne les aurait pas acceptés. Le Coran le dit clairement, et ce sont les paroles d'Allah lui-même : « Les hommes ont autorité sur les femmes du fait que Dieu a préféré certains d'entre vous à certains autres, et du fait que les hommes font dépense, sur leurs biens, en faveur de leurs femmes. Les femmes vertueuses sont obéissantes... celles dont vous craignez l'indocilité, avertissez-les ! Reléguez-les dans les lieux où elles couchent ! Frappez-les... (4.34). »

Que dit-il de la vie sexuelle des femmes ?

L'islam considère la femme uniquement comme un objet sexuel, un objet sale comme de la merde, car le Coran dit textuellement : « Ô vous qui croyez, si vous êtes malade ou en voyage, si vous avez été en contact avec vos excréments ou que vous ayez touché une femme et que vous n'ayez pas d'eau, recourez à du sable [avant de prier] (4.43). » 
Il dit aussi : « Vos femmes sont un champ de labour pour vous. Venez-y comme vous voulez. » Donc, quand les hommes veulent et comme ils veulent ! Que la femme veuille ou non, la question n'est jamais posée ! 

Les hadiths précisent que deux catégories de prières n'atteignent jamais les cieux : celles de l'esclave en fuite et celles de la femme qui se refuse la nuit à son mari...

Et le voile ?

Il faut savoir que le voile existe uniquement parce que Mohamed était très jaloux de ses amis qui venaient lui rendre visite et regardaient Aïcha, sa femme. Il ne pouvait tolérer cela. C'est alors qu'il dit avoir reçu une révélation d'Allah lui disant que les femmes devaient se couvrir face au regard des hommes. Il imposa donc le voile à Aïcha, et par extension à toutes les femmes. Réalisez aussi que Mohamed a pris Aïcha pour femme quand elle avait 6 ans ! Ce qui est, bien sûr, un abus d'enfant. Oui, je pourrais qualifier Mohamed d'abuseur d'enfant. Et le voile est, pour moi, le signe de la plus profonde oppression.

Réalisez-vous que vos propos peuvent être considérés comme choquants, voire insultants, pour l'islam ?

Si c'est insulter l'islam que d'affirmer que le Coran est un texte oppressif, alors je peux insulter l'islam. Ce qui compte pour moi, c'est l'être humain, et non le texte. L'islam n'est pas une personne avec un cœur et des sentiments. Ce n'est qu'une création humaine qui date de très longtemps. Je pense réellement que l'islam est une torture contre les femmes, une torture que nous devons combattre. Mon stylo est ma seule arme. Je ne me trouve pas spécialement radicale. Je dis seulement la vérité. Tout est écrit dans le Coran. C'est moi qui ai été choquée quand je l'ai lu pour la première fois, quand j'ai vu que des millions de gens croyaient encore à ce livre horrible. Comment est-ce possible si l'on croit aussi à l'humanisme ? Je pense que toute personne consciente serait choquée comme moi.

Vous n'avez pas peur de parler ainsi ?

Pourquoi aurais-je peur, puisque je dis la vérité ? Même au Bangladesh, je parlais de cette manière, et je n'avais pas peur. Le Coran ne dit rien sur la réalité du monde, il ne permet pas la mise en œuvre des droits de l'homme, de la démocratie, de la liberté d'expression. 
Il est plein d'idées fausses sur l'Univers.

Plutôt que la cause de l'oppression, le Coran ne serait-il pas un prétexte dont les hommes se servent pour conserver leur pouvoir sur les femmes ?

C'est parce que le texte existe qu'ils peuvent s'en servir. Si ce texte n'était pas considéré comme provenant d'Allah, intangible pour tous les temps passés et à venir, alors le Coran ne serait pas important. 

En réalité, les fondamentalistes peuvent justifier leurs crimes du seul fait que ce texte est considéré comme saint.

Il n'y a donc rien à garder du Coran ?

Non, parce que maintenant nous connaissons la modernité et les droits de l'homme. J'ajoute que, pour moi, il n'y a pas de conflit entre l'Islam et l'Occident, entre la chrétienté et l'islam; il existe plutôt un conflit entre sécularisation et fondamentalisme, entre pensée logique et pensée irrationnelle, entre innovation et tradition, passé et présent, modernité et anti-modernité, entre ceux qui valorisent la liberté et ceux qui ne la recherchent pas. 

Je défends les musulmans partout où ils sont opprimés, en Inde ou ailleurs quand ils sont en minorité. Je suis contre la violence. La violence n'est jamais une solution. Je sais que la plupart croient en l'islam d'abord par ignorance et parce que les politiciens se servent de la religion pour les maintenir dans l'ignorance. 

Ce dont nous avons besoin, c'est d'une éducation éclairée. Il y a des siècles, des hommes ont créé l'islam. Le Coran peut être considéré comme un document historique. Je n'ai jamais dit qu'il fallait le détruire, pas plus qu'il ne faut détruire les hadiths ! On doit le prendre comme un élément de notre histoire passée, mais ne pas chercher à l'appliquer de nos jours.

Vous ne pouvez pas nier une certaine évolution de la condition des femmes. On n'est quand même plus au temps du Prophète !

Bien sûr. Mais l'essentiel ne change pas. Un exemple : au Bangladesh, avant 1962, un homme qui voulait divorcer devait simplement prononcer trois fois le mot «divorce» pour l'obtenir. Depuis la réforme de la loi islamique, il lui suffit d'écrire une simple lettre à l'autorité locale, et le divorce est prononcé. Où est la différence ? 
Autre exemple: si un homme veut se marier une seconde fois, il doit demander la permission à sa première femme. En réalité, comme celle-ci continue à dépendre économiquement de son mari, elle n'a pas d'autre choix que d'accepter... 

De même, lapider une femme n'est plus légal au Bangladesh. Pourtant, cela arrive quotidiennement dans les villages, et les autorités laissent faire : les fondamentalistes répondent simplement qu'ils ne font que suivre la loi d'Allah. Pour moi, ces réformes n'ont aucun sens. Je veux une révolution.

Tout dépend des pays. Au Maghreb, par exemple, les jeunes femmes semblent plus libres que leurs mères.
Dans certains pays musulmans, il arrive que des femmes aient plus de liberté sexuelle, mais ce n'est pas grâce à l'islam. Si elles ont plus de liberté, c'est parce qu'elles l'ont prise ! Aucune société ne la leur a accordée. 
Il reste que la majorité des femmes musulmanes a toujours peur et ne peut rejeter le système si facilement.

Que souhaitez-vous dire à toutes ces femmes ?

Je voudrais leur faire comprendre qu'elles doivent lire le Coran avec un esprit clairvoyant pour y chercher une quelconque justice. Si elles ne la trouvent pas dans le texte (et elles ne la trouveront pas), elles devront cesser de suivre ces règles et commencer à se battre.
A chacune de trouver la manière de le faire. La mienne, c'est l'écriture.

Je veux simplement les encourager, leur dire que, si nous voulons être plus civilisés, nous ne pouvons plus suivre ces livres qui prescrivent l'inégalité. Je veux leur faire prendre conscience que, si elles n'entament pas leur propre libération, alors leurs filles souffriront, elles aussi. Peut-être que les femmes d'aujourd'hui ne verront pas l'avènement d'une société laïque de leur vivant, mais il est de leur devoir de la préparer pour les futures générations.

A celles qui ne se battent pas pour faire cesser l'oppression de ce système patriarcal et religieux, je dis : honte à vous ! Honte à vous de ne pas protester, honte à vous de conforter un tel système ! C'est difficile, car il existe une sorte de conspiration qui maintient les femmes dispersées et isolées (dans de nombreux pays musulmans, elles n'ont pas même le droit d'entrer dans les mosquées) et il est difficile pour elles de se rassembler... 

Mais, dorénavant, les femmes doivent conquérir leur indépendance économique. Elles doivent se battre pour vivre dans la dignité, en êtres humains.
Nous avons besoin maintenant d'une éducation laïque, nous avons besoin des Lumières.

L’auteure Bengalie en exil Taslima Nasreen appelle à juguler le fondamentalisme religieux, affirmant que la critique de la religion n’est pas la chasse gardée des seuls intellectuels non-musulmans.
Née au Bengladesh en 1962, d’abord médecin gynécologue exerçant dans un hôpital public, puis écrivain, Taslima Nasreen est menacée par les fondamentalistes islamiques à la suite de la publication de son premier roman Lajja (La Honte), qui dénonce l’oppression dans laquelle vit la communauté hindoue au Bengladesh.
Humaniste, féministe, et laïque, elle reçoit des prix prestigieux, parmi lesquels le Prix « Saharov pour la liberté de pensée », décerné par le Parlement européen en 1994, tandis que des fondamentalistes brûlent ses livres et réclament sa pendaison. Cette même année, Taslima Nasreen fuit son pays après qu’une fatwa a été lancée contre elle pour avoir critiqué l’Islam au Bengladesh. Elle vit depuis en exil.
Quelques publications : 1993 : « La Honte » – 1998 : « Un destin de femme » – 2003 : « Vent en rafales » – 2005 : « Rumeurs de haine » – 2008 : « De ma prison »


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