Adonis *
Si les "arabes" ne séparent pas la religion de l'Etat, ils disparaîtront !
Dans une récente intervention, le poète syrien Adonis a
affirmé qu’il est nécessaire de changer « l’infrastructure et la culture de la
société » et pas seulement son leadership. Dans une allocution, lors de la
première convention de l’organisation ADHOC, une ONG internationale « laïque,
moderne et pluraliste » basée à Londres, Adonis a appelé à la séparation de la
religion et de l’Etat. Il a déclaré : « Si ces profondes mesures ne sont pas
entreprises, je pense que nous, Arabes, disparaîtrons… car nous n’avons pas
d’identité [unique], et n’apportons rien à la construction du monde. » La
convention, intitulée « Les racines et les causes de la violence islamique »,
s’est tenue à Bruxelles le 22 mai 2016
A l’avènement de l’islam, la guerre inter-islamique a duré 50
ans. Trois des califes fondateurs ont été tués pendant cette période. Abou Bakr
serait mort par empoisonnement, mais Omar, Othman et Ali ont été tués. Lorsque
trois califes fondateurs sont tués, cela soulève quelques questions. Ensuite,
il y a eu la Bataille du chameau, comme vous le savez… Ce que j’essaie de dire,
c’est que l’islam a été créé dans le sang, la violence et le meurtre.
Le wahhabisme est le mouvement qui a hérité de cette
violence, et a institutionnalisé cette interprétation à notre époque. Ainsi, il
n’est pas étonnant que les musulmans qui sont partis en Syrie – de même que les
musulmans qui vivent en Syrie, en Irak et dans tous les pays arabes – sont
devenus des sortes d’envahisseurs, au plein sens du terme. Ils se sont permis
de prendre des prisonniers, d’assassiner, de piller et de tuer les enfants et
les personnes âgées de la manière la plus abjecte… J’ai vu des photos d’enfants
qui n’ont pas été tués par l’épée, mais découpés avec une scie. Pourquoi ?
Parce qu’ils sont considérés comme ayant une valeur moindre à celle des
animaux.
Nous sommes face à un problème culturel, et pas seulement
politique. Depuis 1950, les Arabes n’ont fait que changer de régimes – ils ont
organisé des révolutions et remplacé les dirigeants – mais avec chaque
changement de leadership ou de régime, la société n’a fait que s’effondrer et
se désintégrer davantage.
Changer le leadership n’a aucun sens en soi. Ce qui compte,
c’est de changer l’infrastructure et la culture de la société. La seule manière
de le faire, même si cela ne suffit pas… Nous la connaissons tous, et nous
continuons de le dire : Nous devons commencer à séparer le religieux du politique,
du culturel et du social. La deuxième chose que nous devons faire après avoir
séparé la religion de l’Etat, est de nous efforcer d’établir une démocratie.
Certains parlent de démocratie islamique…
L’islam et la démocratie n’ont absolument rien en commun. La
démocratie est une notion helléniste-occidentale. L’islam a un concept
différent, la choura, mais c’est une plaisanterie… Les conseils de la choura
étaient composés de chefs de tribus, qui ne représentaient pas les gens
ordinaires. Donc c’est une plaisanterie. Si ces profondes mesures ne sont pas
entreprises, je pense que nous, Arabes, disparaîtrons. Nous disparaîtrons en
tant que civilisation, car nous n’avons pas d’identité [unique], et nous n’apportons rien à la construction du monde.
* Poète et critique littéraire syrien
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