De Gaulle doit se retourner dans sa tombe ! S'il avait quitté l'OTAN, c'était pour retrouver sa liberté d'action.
La voix de la France ne compte plus depuis que Sarkozy l'a réintégrée à l'OTAN.
Quand la France était dirigée par des grands, elle était écoutée. Depuis qu'elle est dirigée par des nains, elle est réduite au suiviste derrière les américains, d'où amitié avec les pétromonarques et leur soutien à leurs protégés les Frères musulmans, les deux très proches des néo-conservateurs américains ! Drôle de choix de la part du pays, berceau des droits de l'homme !!
R.B
Libye,
Syrie, Ukraine : le Waterloo de la diplomatie française
Alors que Nicolas Sarkozy vient de rendre
visite à Vladimir Poutine, Jean-Michel Quatrepoint compare deux diplomaties, la
française et la russe. Il déplore l'absence de vision de la France sur le
dossier syrien.
LE FIGARO. - Nicolas Sarkozy a rendu visite à Vladimir Poutine
dans sa datcha proche de Moscou, jeudi 29 octobre, et a prôné le dialogue entre
la France et la Russie. Ce virage de celui qui a fait rentrer la France dans le
commandement intégré de l'OTAN en 2007 vous surprend-elle ?
Jean-Michel Quatrepoint - L'ancien président de la République devrait commencer par
reconnaître ses deux erreurs. La première est la guerre de Libye: il est
responsable de sa déstabilisation. Deuxièmement, c'est sous son quinquennat que
son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, et le Quai d'Orsay, ont tout
fait pour faire partir Bachar el-Assad. Par la suite, François Hollande,
Laurent Fabius et le Quai ont aggravé cet échec diplomatique. Ceci dit, Nicolas
Sarkozy peut se féliciter de ses relations anciennes avec Vladimir Poutine.
Lors de la crise géorgienne, il avait su maintenir le contact avec celui qui
était alors Premier ministre, n'hésitant pas, déjà, à se rendre à Moscou.
Comment qualifier l'attitude de
la France en Syrie ?
Jean-Michel Quatrepoint - C'est le Waterloo de la diplomatie française. Nous avons été
exclus des dernières négociations. Les autres puissances se moquent de la voix
de la France. Nous disposons, au même titre que l'Union européenne, l'Allemagne
et l'Italie, d'un strapontin à la conférence de Vienne sur la Syrie ce
vendredi. Les vrais décideurs sont en réalité la Russie et les Etats-Unis. Avec
la réinsertion de cet Iran que la diplomatie française a tant ostracisé. Car le
problème est bien plus complexe que la désignation des bons et des méchants. Si
Assad est un dirigeant peu fréquentable, il est loin d'être le seul…
D'autres pays avec lesquels la France entretient d'excellentes
relations sont également dirigés par des «infréquentables». Dans cet Orient
compliqué, prendre parti unilatéralement avec des idées simplistes comme nous
l'avons fait était une erreur. Toute la diplomatie française s'est retrouvée en
porte-à-faux ; sa tradition était de parler avec tout le monde et d'être un
entre-deux, un médiateur qui facilite la résolution des problèmes de façon
équitable. Là, nous avons choisi le camp le plus extrême qui soit puisque nous
avons choisi comme alliés l'Arabie saoudite et le Qatar. On a adopté sans
nuances la cause qatarie et saoudienne contre l'Iran et la Syrie. Aujourd'hui,
l'Arabie saoudite, réaliste, s'assoit à la même table que les Iraniens et
discute avec les gens de Bachar. Nous sommes les dindons de cette farce
tragique.
Quel bilan dresser de l'action
diplomatique de Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères?
Jean-Michel Quatrepoint - Laurent Fabius a tout fait pour faire échouer les négociations
sur le nucléaire iranien. Il a une part de responsabilité dans la crise
ukrainienne. Il n'a pas veillé à ce que l'accord signé à Maïdan entre les
Russes et les Ukrainiens soit respecté. On peut critiquer Fabius, mais la
responsabilité incombe largement au Quai d'Orsay. La diplomatie
gaullo-mitterandienne a connu son chant du cygne, en 2003, avec Dominique de
Villepin. Beaucoup des diplomates du Quai, largement imprégnés par le courant
néo-conservateur américain, n'ont pas apprécié le discours du Premier ministre
à l'ONU sur la guerre d'Irak. En ce moment, ceux qui sont à la manœuvre sont
les néo-conservateurs, qui ont dépassé leurs modèles américains ! À vouloir
imiter et servir les Américains et les Saoudiens, ils ne se font jamais
respecter.
Il est par ailleurs absurde de privilégier une relation avec un
pays aussi petit sur le plan démographique et culturel que le Qatar, au
détriment d'un pays de 80 millions d'habitants tel que l'Iran. Le développement
économique de l'Iran comparé à celui du Qatar est sans commune mesure.
Il se murmure que Laurent
Fabius pourrait être nommé président du Conseil constitutionnel. Ségolène Royal
est pressentie pour le remplacer. Ce choix paraît-il approprié ?
Jean-Michel Quatrepoint - Mais il y a aujourd'hui un autre candidat pour le Conseil
constitutionnel, Lionel Jospin. Et des négociations sont en cours en ce moment
entre François Hollande et Jean-Louis Debré. Ségolène Royal était à Moscou en
même temps que Nicolas Sarkozy, même si elle n'a pas été reçue par Vladimir
Poutine à qui elle portait une invitation pour la Cop21…
En réalité, le problème n'est pas le ministre des Affaires
étrangères, mais l'administration qui le soutient et le président de la
République. C'est ce dernier qui donne l'impulsion diplomatique. Il a choisi de
nommer un ambassadeur à Moscou qui, bien que membre de la promotion Voltaire à
l'ENA, n'est ni russophone ni russophile.
La politique étrangère
française se réduit-elle aujourd'hui à la diplomatie du climat ?
Jean-Michel Quatrepoint - On a abandonné la diplomatie des droits de l'Homme puisqu'on a
bien vu que tous les pays auxquels nous avons tenté d'apporter la démocratie
ont été ravagés (Libye, Syrie…). Et qu'en Egypte, le maréchal Sissi a sauvé le
pays des Frères musulmans en faisant peu de cas des droits de l'homme. Il a
tout simplement appliqué le principe : pas de liberté pour les ennemis de la
liberté. On a l'impression qu'après les droits de l'homme on s'est rabattu sur
la diplomatie du développement durable. Il s'agit certes d'un enjeu important,
mais on ne saurait limiter notre diplomatie à ce seul aspect des choses. Quand
à la politique énergétique, on ferait mieux de valoriser ce qui reste un de nos
points forts : le nucléaire. Et à relancer les recherches sur les futures
générations de centrales.
Quelle est la stratégie de la
Russie en Syrie?
Jean-Michel Quatrepoint - La diplomatie russe emmenée par Sergueï Lavrov est réelle,
réaliste et réfléchie. Après la crise ukrainienne qui les a mis en difficulté,
les Russes ont réussi à se repositionner avec habileté sur la Syrie.
À la fin du printemps, les Russes se sont rendu compte que
l'armée d'Assad était exsangue. Des 300 000 soldats du départ, il n'en restait
plus que 150 000. Cette armée a été minée par les désertions des sunnites,
passés dans les rangs de Daech, al Nosra ou de l'Armée syrienne libre, et les
morts. Les 250 000 morts dont on nous parle sont dans tous les camps : l'armée
régulière, les groupes jihadistes et les civils. Le flux migratoire que l'on
connaît en Europe s'est accéléré à partir de juin 2015. Une partie des Syriens
favorable au régime craignant alors que Bachar el-Assad soit défait, a choisi
de s'exiler.
Les Russes ont choisi de ne pas lâcher Assad pour plusieurs
raisons. Dans les rangs de Daech, il y a 5 000 Tchétchènes, peuple musulman qui
vit au Sud-Ouest de la Russie aux tendances séparatistes et islamistes. Si
l'État islamique installe son califat, il y un risque majeur de déstabilisation
de tout le Caucase. Ensuite, les Russes perdraient la base navale de Tartous
qui leur est essentielle pour assurer leur présence en Méditerranée. Tout comme
il était vital pour eux d'avoir une large ouverture sur la mer Noire.
L'annexion de la Crimée visait d'abord à récupérer la base navale de
Sébastopol.
Mais Moscou venait de résigner
une concession de trente ans avec l'Ukraine pour sa base navale…
Jean-Michel Quatrepoint - Oui, mais les Russes n'avaient plus confiance. L'évolution en
Ukraine, le jeu trouble des États-Unis et de certains États européens leur ont
donné à penser que cet accord pouvait être rompu du jour au lendemain. Ils ont
donc préféré se servir avant d'être éventuellement mis à la porte. Par cet
accès à la mer Noire, les Russes conservent une ouverture sur la mer
Méditerranée. Il y a également une explication religieuse au soutien affiché à
Assad. Bachar et son père ont protégé les minorités religieuses chrétiennes,
orthodoxes, comme Saddam Hussein en Irak. Hussein, qui était sunnite - une
minorité sunnite dirigeait d'une main de fer l'Irak, à majorité chiite - a
préservé le million de chrétiens irakiens. Son ministre des Affaires étrangères,
Tarek Aziz était précisément un chrétien. A contrario en Syrie, une minorité
alaouite, variante du chiisme, gouverne, avec l'appui des chrétiens (5% de la
population), une majorité de sunnites. Mais les Assad, comme Sadam Hussein,
venaient du parti Baas, où les influences socialistes et les liens avec l'URSS
étaient importants. La Russie de Poutine ne veut pas être exclue d'un
Proche-Orient où l'URSS avait des alliés, au premier rang desquels la Syrie.
Comment les Russes ont-ils
procédé?
Jean-Michel Quatrepoint - La prise de Palmyre par Daech en mai a accéléré le cours des
choses ; même si cette prise est d'une importance stratégique secondaire, le
poids symbolique s'est lourdement fait sentir. Le mouvement diplomatique opéré
par le Kremlin a consisté à traiter avec les Saoudiens, avec le discret appui
de Washington, et à les amener à rediscuter avec le régime syrien. Le 18 juin
dernier, Poutine a reçu à Moscou le prince Mohammed ben Salmane, ministre de la
Défense et vice-Premier ministre saoudien. Ils se sont mis d'accord sur une
reprise du dialogue avec la Syrie. Les Saoudiens ont posé comme condition que
la rencontre avec les Syriens se déroule à Riyad. Ces derniers ont accepté et
envoyé leur numéro deux, le patron des services de renseignement, Ali Mamlouk,
pour rencontrer Ben Salmane à Riyad. Chacun a vidé son sac. Les Syriens ont
reproché aux Saoudiens de ne plus privilégier un comportement collectif — comme
au temps où Egypte, Syrie et Arabie saoudite étaient les meneurs de la
diplomatie du monde arabe -, d'armer leurs opposants et de briser ce lien qui
les unissait en leur préférant les Qataris. Les Saoudiens, de leur côté, ont
reproché aux Syriens leur proximité avec le régime iranien. Mais ils s'étaient
reparlés ce qui était l'essentiel.
Les Russes ont ensuite préparé conjointement une habile
stratégie diplomatique, pour se garantir un maximum d'alliés, et une offensive
militaire dans la région. Leur but était de dégager l'étau qui enserrait Assad.
Par conséquent, ils ont frappé d'abord ceux qui étaient directement à son
contact, en l'espèce al Qaïda et al Nosra, et non Daech. Il est logique qu'ils
aient frappé en premier lieu ceux qui menaçaient directement le régime syrien.
Puis dans un deuxième temps, ils se sont plus largement attaqués à Daech.
Les Russes ont-ils une solution
de rechange s'ils ne parviennent pas à maintenir Assad au pouvoir ?
Jean-Michel Quatrepoint - Effectivement, leur idée initiale est de former un bloc uni -
États-Unis, Turquie, Arabie saoudite, régime syrien, Iran - contre Daech. À
l'évidence, ils ont expliqué à Assad, lors de sa récente visite à Moscou, qu'à
terme il devrait quitter le pouvoir, si c'était la condition d'un accord
politique, du maintien de l'intégrité du pays et d'un front uni contre Daech.
Mais si ce plan A échoue, leur plan B consiste en une création d'un réduit
alaouite sur la bordure méditerranéenne, autour de Lattaquié et Tartous, dont
ils protégeraient les frontières contre l'EI. Les Russes soutiendraient le
réduit alaouite comme les Américains ont soutenu Israël.
Ce qu'il faut souligner c'est que les Russes, bien que touchés
par la crise économique, sont encore capables de déployer une stratégie
diplomatique de grande ampleur. La Russie compte peu économiquement, c'est
l'échec de Poutine ; il n'a pas réussi à reconvertir une économie de rente
pétrolière et minière en une économie moderne. Mais diplomatiquement, elle a
complètement repris pied sur le champ diplomatique depuis la fin de l'URSS.
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