vendredi 27 novembre 2015

L’Arabie saoudite, un Daesh qui a réussi

A chacun sa valley de créativité : la Silicon Valley pour les américains et la Fatwa Valley pour leurs amis saoudiens. Si les premiers se projettent dans l'avenir, les second s'accrochent à leur passé.
R.B
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Kamal Daoud
chroniqueur au Quotidien d’Oran, est l’auteur de “Meursault, contre-enquête.
Daesh noir, Daesh blanc. Le premier égorge, tue, lapide, coupe les mains, détruit le patrimoine de l’humanité, et déteste l’archéologie, la femme et l’étranger non musulman. Le second est mieux habillé et plus propre, mais il fait la même chose. L’Etat islamique et l’Arabie saoudite. Dans sa lutte contre le terrorisme, l’Occident mène la guerre contre l’un tout en serrant la main de l’autre. Mécanique du déni, et de son prix. On veut sauver la fameuse alliance stratégique avec l’Arabie saoudite tout en oubliant que ce royaume repose sur une autre alliance, avec un clergé religieux qui produit, rend légitime, répand, prêche et défend le wahhabisme, islamisme ultra-puritain dont se nourrit Daesh.
Le wahhabisme, radicalisme messianique né au 18ème siècle, a l’idée de restaurer un califat fantasmé autour d’un désert, un livre sacré et deux lieux saints, la Mecque et Médine. C’est un puritanisme né dans le massacre et le sang, qui se traduit aujourd’hui par un lien surréaliste à la femme, une interdiction pour les non-musulmans d’entrer dans le territoire sacré, une loi religieuse rigoriste, et puis aussi un rapport maladif à l’image et à la représentation et donc l’art, ainsi que le corps, la nudité et la liberté. L'Arabie saoudite est un Daesh qui a réussi.
Le déni de l’Occident face à ce pays est frappant: on salue cette théocratie comme un allié et on fait mine de ne pas voir qu’elle est le principal mécène idéologique de la culture islamiste. Les nouvelles générations extrémistes du monde dit « arabe » ne sont pas nées jihadistes. Elles ont été biberonnées par la Fatwa Valley, espèce de Vatican islamiste avec une vaste industrie produisant théologiens, lois religieuses, livres et politiques éditoriales et médiatiques agressives.
On pourrait contrecarrer : Mais l’Arabie saoudite n’est-elle pas elle-même une cible potentielle de Daesh ? Si, mais insister sur ce point serait négliger le poids des liens entre la famille régnante et le clergé religieux qui assure sa stabilité — et aussi, de plus en plus, sa précarité. Le piège est total pour cette famille royale fragilisée par des règles de succession accentuant le renouvellement et qui se raccroche donc à une alliance ancestrale entre roi et prêcheur. Le clergé saoudien produit l’islamisme qui menace le pays mais qui assure aussi la légitimité du régime.
Il faut vivre dans le monde musulman pour comprendre l’immense pouvoir de transformation des chaines TV religieuses sur la société par le biais de ses maillons faibles : les ménages, les femmes, les milieux ruraux. La culture islamiste est aujourd’hui généralisée dans beaucoup de pays — Algérie, Maroc, Tunisie, Libye, Egypte, Mali, Mauritanie. On y retrouve des milliers de journaux et des chaines de télévision islamistes (comme Echourouk et Iqra), ainsi que des clergés qui imposent leur vision unique du monde, de la tradition et des vêtements à la fois dans l’espace public, sur les textes de lois et sur les rites d’une société qu’ils considèrent comme contaminée.
Il faut lire certains journaux islamistes et leurs réactions aux attaques de Paris. On y parle de l’Occident comme site de « pays impies »; les attentats sont la conséquence d’attaques contre l’Islam ; les musulmans et les arabes sont devenus les ennemis des laïcs et des juifs. On y joue sur l’affect de la question palestinienne, le viol de l’Irak et le souvenir du trauma colonial pour emballer les masses avec un discours messianique. Alors que ce discours impose son signifiant aux espaces sociaux, en haut, les pouvoirs politiques présentent leurs condoléances à la France et dénoncent un crime contre l’humanité. Une situation de schizophrénie totale, parallèle au déni de l’Occident face à l’Arabie Saoudite.
Ceci laisse sceptique sur les déclarations tonitruantes des démocraties occidentales quant à la nécessité de lutter contre le terrorisme. Cette soi-disant guerre est myope car elle s’attaque à l’effet plutôt qu’à la cause. Daesh étant une culture avant d’être une milice, comment empêcher les générations futures de basculer dans le jihadisme alors qu’on n’a pas épuisé l’effet de la Fatwa Valley, de ses clergés, de sa culture et de son immense industrie éditoriale?
Guérir le mal serait donc simple ? A peine. Le Daesh blanc de l’Arabie Saoudite reste un allié de l’Occident dans le jeu des échiquiers au Moyen-Orient. On le préfère à l’Iran, ce Daesh gris. Ceci est un piège, et il aboutit par le déni à un équilibre illusoire : On dénonce le jihadisme comme le mal du siècle mais on ne s’attarde pas sur ce qui l’a créé et le soutient. Cela permet de sauver la face, mais pas les vies.
Daesh a une mère : l’invasion de l’Irak. Mais il a aussi un père : l’Arabie saoudite et son industrie idéologique. Si l’intervention occidentale a donné des raisons aux désespérés dans le monde arabe, le royaume saoudien leur a donné croyances et convictions. Si on ne comprend pas cela, on perd la guerre même si on gagne des batailles. On tuera des jihadistes mais ils renaîtront dans de prochaines générations, et nourris des mêmes livres.
Les attaques à Paris remettent sur le comptoir cette contradiction. Mais comme après le 11 septembre, nous risquons de l’effacer des analyses et des consciences.

2 commentaires:

  1. UN DOCUMENTAIRE INTÉRESSANT !

    Pour ceux qui l'ont loupé, il ne sera plus visible sous peu.

    " Un jour dans l'histoire - A 2 , de Laurent Delahousse :
    " De ben Laden à Daesh
    " Qui est Daesh

    Un documentaire qui explique comment Daesh est né.

    Il fait remonter le début de l'expansion du salafisme wahhabite à l'attaque armée avec prise d'otage à la Mecque en 1979, lors de laquelle les Ibn Saoud ont appelé à leur secours la France qui les "assiste" pour neutraliser les assaillants !

    Depuis cette intervention, en plus de la guerre soviétique en Afghanistan, les salafistes ont décrété le jihad contre l'Occident "agresseur".

    Ce sera l’avènement de Oussama Ben Laden ....
    qui enfantera d'al Qaïda, qui évoluera en Daesh.

    http://www.france2.fr/emission/un-jour-dans-lhistoire

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  2. LE PÈLERINAGE PROFITE BIEN AUX Ibn SAOUD !

    Les pèlerins du monde entier versent leurs oboles aux marchand du Temple saoudiens : 6 à 7 milliard de dollars tous les ans !

    Bravo aux marchands du Temple puisque des abrutis s'endettent souvent à vie pour pouvoir se payer le privilège de leur donner leur sous !

    PS : Kamel Daoud a vu juste quand il dit : "Les Ibn Saoud : un Daech qui a réussi" !

    https://latroisiemerepubliquetunisienne.blogspot.com/2016/09/retour-du-hajj.html

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