jeudi 7 février 2019

LE VATICAN ET Al-AZHAR, REFUSENT L'INSTRUMENTALISATION DE LA RELIGION EN POLITIQUE

DÉCLARATION DU PAPE  ET DU RECTEUR D’El AZHAR : Un outil pédagogique.

Article publié dans : Agoravox

Lors de son voyage récent à Abu Dhabi, le Pape et le Recteur d’al-Azhar ont signé un texte commun. C’est un texte d’une grande importance dont on peut espérer qu’il améliorera les relations entre Islam et Chrétienté et qu’il permettra surtout de lutter plus efficacement contre l’islamisme, ce cancer du siècle comparable à bien des égards au nazisme et au communisme stalinien ; à la fois par son projet totalitaire et par ses méthodes inhumaines.

Il était temps que deux grands chefs religieux, le pape François pour les catholiques et le recteur d'Al Azhar pour les musulmans sunnites, dénoncent les dérives dangereuses de l'instrumentalisation des religions qui n'augurent de rien de bon avec la montée des populismes partout dans le monde, avec le risque de nouvelles guerres des religions !
Il faut saluer les Emirats Arabes Unis d'avoir permis cette conférence. Si le sultan des E.A.U a rompu ses relations diplomatiques avec l'émir du Qatar, contestant son soutien aux Frères musulmans, financier, politique et médiatique puisqu'il met à leur service sa chaîne Al Jazeera où officie régulièrement leur guide spirituel Youssef al-Qaradâwî; il fallait que des chefs religieux dénoncent à leur tour l'exploitation de la religion par les Frères musulmans, entre autres islamistes ! C'est fait. Et c'est bien dit !

Cependant, il ne faut pas être dupe et se rappeler que Al Azhar ne brille pas par la tolérance et par " l'ouverture ". Si cette auguste institution était le phare du malékisme, il faut déplorer que cette obédience fut remplacée par le wahhabisme depuis des décennies. Cette université n'est pas pour rien dans le développement des Frères musulmans en Egypte. Si al-Sissi dit avoir déclaré la guerre aux Frères musulmans, il ne faut pas oublier qu'il est tombé dans les bras des Ibn Saoud et dans leur wahhabisme plus rigoureux encore que celui de confrérie. 
Le Recteur a dû signer et c'est bien mais il n'a pas dû le faire avec une grande sincérité, hélas. Il faudra être très attentif à ses prochaines déclarations et fatwa ! 

Il faut analyser ce texte et voir comment il peut devenir un outil pédagogique pour lutter contre l’islamisme et l'opposer même à qui l'aurait signé sans réel engagement.

Ce texte rappelle d’abord tous les drames que vit le monde actuel avec ses injustices, ses violences. Il impute cela à l’absence ou à la diminution du sentiment religieux.  Tout cela est connu et attendu de la part de religieux même si, n’en doutons pas, il y a une grande part de vrai, les hommes ayant dans leur faiblesse, besoin de croire. Peu de gens peuvent comme Albert Camus ne pas croire et construire pourtant une morale aussi exigeante que celle des religions. Mais admettons.

Par contre ce texte est capital en ce qu’il rappelle avec force les bases fondamentales et nécessaires de toutes les religions. Il le fait dans un texte magnifique en partant de l’humaine condition voulue par le Dieu créateur. Et, en rappelant ces principes qui devraient être évidents pour chacun, il est déjà en soi une condamnation ferme et précise des déviances de l’islamisme et de tous les intégrismes. Il n’est pas inutile de revenir sur ces fondamentaux qui prennent ici, avec la personnalité des signataires, une très grande importance.

Le texte déclare d’abord que Dieu a créé l’homme et a voulu lui assurer la fraternité : « La foi amène le croyant à voir dans l’autre un frère à soutenir et à aimer. De la foi en Dieu, qui a créé l’univers, les créatures et tous les êtres humains – égaux par Sa Miséricorde –, le croyant est appelé à exprimer cette fraternité humaine, en sauvegardant la création et tout l’univers ; et en soutenant chaque personne, spécialement celles qui sont le plus dans le besoin et les plus pauvres. »

Il rappelle ensuite ce qui fait le fondement de toutes les religions et donc de la volonté de Dieu :
« Au nom de Dieu qui a créé tous les êtres humains égaux en droits, en devoirs et en dignité, et les a appelés à coexister comme des frères entre eux, pour peupler la terre et y répandre les valeurs du bien, de la charité et de la paix.
Au nom de l’âme humaine innocente que Dieu a interdit de tuer, affirmant que quiconque tue une personne est comme s’il avait tué toute l’humanité et que quiconque en sauve une est comme s’il avait sauvé l’humanité entière.
Au nom des pauvres, des personnes dans la misère, dans le besoin et des exclus que Dieu a commandé de secourir comme un devoir demandé à tous les hommes et, d’une manière particulière, à tout homme fortuné et aisé.
Au nom des orphelins, des veuves, des réfugiés et des exilés de leurs foyers et de leurs pays ; de toutes les victimes des guerres, des persécutions et des injustices ; des faibles, de ceux qui vivent dans la peur, des prisonniers de guerre et des torturés en toute partie du monde, sans aucune distinction.
Au nom des peuples qui ont perdu la sécurité, la paix et la coexistence commune, devenant victimes des destructions, des ruines et des guerres.
Au nom de la « fraternité humaine » qui embrasse tous les hommes, les unit et les rend égaux.
Au nom de cette fraternité déchirée par les politiques d’intégrisme et de division, et par les systèmes de profit effréné et par les tendances idéologiques haineuses, qui manipulent les actions et les destins des hommes.
Au nom de la liberté, que Dieu a donnée à tous les êtres humains, les créant libres et les distinguant par elle. »

Le document met ensuite l’accent sur les dérives actuelle et les condamnent avec fermeté en soulignant que nul ne peut se prévaloir du nom de Dieu pour tuer et imposer aux autres sa volonté.
« De même nous déclarons – fermement – que les religions n’incitent jamais à la guerre et ne sollicitent pas des sentiments de haine, d’hostilité, d’extrémisme, ni n’invitent à la violence ou à l’effusion de sang. Ces malheurs sont le fruit de la déviation des enseignements religieux, de l’usage politique des religions et aussi des interprétations de groupes d’hommes de religion qui ont abusé – à certaines phases de l’histoire – de l’influence du sentiment religieux sur les cœurs des hommes pour les conduire à accomplir ce qui n’a rien à voir avec la vérité de la religion, à des fins politiques et économiques mondaines et aveugles. C’est pourquoi nous demandons à tous de cesser d’instrumentaliser les religions pour inciter à la haine, à la violence, à l’extrémisme et au fanatisme aveugle et de cesser d’utiliser le nom de Dieu pour justifier des actes d’homicide, d’exil, de terrorisme et d’oppression. Nous le demandons par notre foi commune en Dieu, qui n’a pas créé les hommes pour être tués ou pour s’affronter entre eux et ni non plus pour être torturés ou humiliés dans leurs vies et dans leurs existences. En effet, Dieu, le Tout-Puissant, n’a besoin d’être défendu par personne et ne veut pas que Son nom soit utilisé pour terroriser les gens. »
Il y a là une condamnation claire, nette et ferme de l’islamisme politique.

Certes, nous dira-t-on, c’est une condamnation du terrorisme mais pas de l’islamisme politique. Je pense que ce serait une vue superficielle que de croire cela et pour plusieurs raisons :
- La première est que le texte rappelait plus haut l’exigence absolue de la liberté de croire ou de ne pas croire et de croire en la religion de son choix; et que dès lors, aucun parti ne peut instrumentaliser (le mot est dans le texte) la religion pour conquérir le pouvoir car, dans un pays musulman par exemple, ce serait créer deux catégories de musulmans : les bons qui seraient avec le parti religieux et les mauvais, les autres.
- La seconde raison est que les partis religieux, même lorsqu’ils se prétendent modérés, instrumentalisent le nom de Dieu et le texte rappelle fermement qu’ils n’en n’ont pas le droit.
- Enfin parce qu’un parti religieux a, nécessairement, une tendance totalitaire ; puisqu’il se permet de parler au nom de Dieu, créant nécessairement et automatiquement des mécréants chez ceux qui ne partagent pas leurs idées.

Tout cela est condamné par ce texte qui rappelle opportunément que Dieu n’a pas besoin que l’on parle à sa place. « En effet, Dieu, le Tout-Puissant, n’a besoin d’être défendu par personne et ne veut pas que Son nom soit utilisé pour terroriser les gens. »

Or dès qu’un parti se mêle de politique, il veut parler au nom de Dieu qui est, en vérité, un réel blasphème; et veut imposer une politique par tous les moyens et le plus souvent par la force et la dictature. Il n’y a qu’à voir l’Iran et la Turquie d’Erdogan. Or ces dirigeants utilisent abusivement le nom de Dieu pour conquérir le pouvoir et pour imposer une politique à des gens libres ainsi que le rappelle utilement cette déclaration solennelle.
Sans oublier les Ibn Saoud et le Qatar, modèles de démocratie; et sans oublier les Frères musulmans d'Egypte prêts, dès qu’ils furent quelques mois au pouvoir, à instaurer leur dictature tout comme leurs "Frères" en Tunisie qui ont tenté d'imposer la chariâa lors de la Constituante ! 
On ne peut parler d'exception mais bien de règles dans ces cas. Tous ces religieux vont à la dictature et quand ils se prétendent modérés, c'est simplement qu'ils n'ont pas encore pris le pouvoir et qu'ils trompent le monde.

Voilà ce que nous dit ce texte sage. Il doit être utilisé comme un texte pédagogique pour lutter contre tous les partis qui instrumentalisent la religion et qui sont donc, comme le confirment ces deux dignitaires de l’Islam et du catholicisme, des imposteurs et des blasphémateurs ; puisqu’ils usurpent le nom de Dieu.

Rachid Barnat

2 commentaires:

  1. Magnifique. Espérons que cela ne restera pas au stade du vœu pieux....

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  2. Marguerite Yourcenar *:

    " Les escarmouches avec les théologiens avaient eu leur charme, mais il savait fort bien qu’il n’existe aucun accommodement durable entre ceux qui cherchent, pèsent, dissèquent, et s’honorent d’être capables de penser demain autrement qu’aujourd’hui, et ceux qui croient ou affirment croire, et obligent sous peine de mort leurs semblables à en faire autant.".

    * L'oeuvre au noir. Roman

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