Article publié dans : Agoravox
Lors de son voyage récent à Abu Dhabi, le Pape et le Recteur d’al-Azhar ont signé un texte commun. C’est un texte d’une grande
importance dont on peut espérer qu’il améliorera les relations entre Islam et
Chrétienté et qu’il permettra surtout de lutter plus efficacement contre
l’islamisme, ce cancer du siècle comparable à bien des égards au nazisme et au
communisme stalinien ; à la fois par son projet totalitaire et par ses
méthodes inhumaines.
Il était temps que deux grands chefs religieux, le pape François pour les
catholiques et le recteur d'Al Azhar pour les musulmans sunnites, dénoncent les
dérives dangereuses de l'instrumentalisation des religions qui n'augurent de
rien de bon avec la montée des populismes partout dans le monde, avec le risque
de nouvelles guerres des religions !
Il faut saluer les Emirats Arabes Unis d'avoir permis cette conférence. Si
le sultan des E.A.U a rompu ses relations diplomatiques avec l'émir du
Qatar, contestant son soutien aux Frères musulmans, financier, politique et
médiatique puisqu'il met à leur service sa chaîne Al Jazeera où officie
régulièrement leur guide spirituel Youssef
al-Qaradâwî; il fallait que des chefs religieux dénoncent à leur tour
l'exploitation de la religion par les Frères musulmans, entre autres islamistes ! C'est fait. Et c'est bien dit !
Cependant, il ne faut pas être dupe et se rappeler que Al Azhar ne brille
pas par la tolérance et par " l'ouverture ". Si cette auguste institution était le phare du malékisme, il faut déplorer que cette obédience fut remplacée par le wahhabisme depuis des décennies. Cette université n'est pas
pour rien dans le développement des Frères musulmans en Egypte. Si al-Sissi dit avoir déclaré la guerre aux Frères musulmans, il ne faut pas oublier qu'il est tombé dans les bras des Ibn Saoud et dans leur wahhabisme plus rigoureux encore que celui de confrérie.
Le Recteur a dû signer et c'est bien mais il n'a pas dû le faire avec une grande sincérité, hélas. Il faudra être très attentif à ses prochaines déclarations et fatwa !
Le Recteur a dû signer et c'est bien mais il n'a pas dû le faire avec une grande sincérité, hélas. Il faudra être très attentif à ses prochaines déclarations et fatwa !
Il faut analyser ce texte et voir comment il peut devenir un outil
pédagogique pour lutter contre l’islamisme et l'opposer même à qui
l'aurait signé sans réel engagement.
Ce texte rappelle d’abord tous les drames que vit le monde actuel avec ses
injustices, ses violences. Il impute cela à l’absence ou à la diminution du
sentiment religieux. Tout cela est connu et attendu de la part de
religieux même si, n’en doutons pas, il y a une grande part de vrai, les hommes
ayant dans leur faiblesse, besoin de croire. Peu de gens peuvent comme Albert
Camus ne pas croire et construire pourtant une morale aussi exigeante que celle
des religions. Mais admettons.
Par contre ce texte est capital en ce qu’il rappelle avec force les bases
fondamentales et nécessaires de toutes les religions. Il le fait dans un texte
magnifique en partant de l’humaine condition voulue par le Dieu créateur. Et,
en rappelant ces principes qui devraient être évidents pour chacun, il est déjà
en soi une condamnation ferme et précise des déviances de l’islamisme et de
tous les intégrismes. Il n’est pas inutile de revenir sur ces fondamentaux qui
prennent ici, avec la personnalité des signataires, une très grande importance.
Le texte déclare d’abord que Dieu a créé l’homme et a voulu lui assurer la
fraternité : « La foi amène le croyant
à voir dans l’autre un frère à soutenir et à aimer. De la foi en Dieu, qui a
créé l’univers, les créatures et tous les êtres humains – égaux par Sa
Miséricorde –, le croyant est appelé à exprimer cette fraternité humaine, en
sauvegardant la création et tout l’univers ; et en soutenant chaque
personne, spécialement celles qui sont le plus dans le besoin et les plus
pauvres. »
Il rappelle ensuite ce qui fait le fondement de toutes les religions et
donc de la volonté de Dieu :
« Au nom de Dieu qui a créé tous les êtres humains égaux en droits, en
devoirs et en dignité, et les a appelés à coexister comme des frères entre eux,
pour peupler la terre et y répandre les valeurs du bien, de la charité et de la
paix.
Au nom de l’âme humaine innocente que Dieu
a interdit de tuer, affirmant que quiconque tue une personne est comme s’il
avait tué toute l’humanité et que quiconque en sauve une est comme s’il avait
sauvé l’humanité entière.
Au nom des pauvres, des personnes dans la
misère, dans le besoin et des exclus que Dieu a commandé de secourir comme un
devoir demandé à tous les hommes et, d’une manière particulière, à tout homme
fortuné et aisé.
Au nom des orphelins, des veuves, des
réfugiés et des exilés de leurs foyers et de leurs pays ; de toutes les
victimes des guerres, des persécutions et des injustices ; des faibles, de ceux
qui vivent dans la peur, des prisonniers de guerre et des torturés en toute
partie du monde, sans aucune distinction.
Au nom des peuples qui ont perdu la
sécurité, la paix et la coexistence commune, devenant victimes des
destructions, des ruines et des guerres.
Au nom de la « fraternité humaine »
qui embrasse tous les hommes, les unit et les rend égaux.
Au nom de cette fraternité déchirée
par les politiques d’intégrisme et de division, et par les systèmes de profit
effréné et par les tendances idéologiques haineuses, qui manipulent les actions
et les destins des hommes.
Au nom de la liberté, que Dieu a donnée à
tous les êtres humains, les créant libres et les distinguant par elle. »
Le document met ensuite l’accent sur les
dérives actuelle et les condamnent avec fermeté en soulignant que nul ne peut
se prévaloir du nom de Dieu pour tuer et imposer aux autres sa volonté.
« De
même nous déclarons – fermement – que les religions n’incitent jamais à la
guerre et ne sollicitent pas des sentiments de haine, d’hostilité,
d’extrémisme, ni n’invitent à la violence ou à l’effusion de sang. Ces malheurs
sont le fruit de la déviation des enseignements religieux, de l’usage politique
des religions et aussi des interprétations de groupes d’hommes de religion qui
ont abusé – à certaines phases de l’histoire – de l’influence du sentiment
religieux sur les cœurs des hommes pour les conduire à accomplir ce qui n’a
rien à voir avec la vérité de la religion, à des fins politiques et économiques
mondaines et aveugles. C’est pourquoi nous demandons à tous de cesser
d’instrumentaliser les religions pour inciter à la haine, à la violence, à
l’extrémisme et au fanatisme aveugle et de cesser d’utiliser le nom de Dieu
pour justifier des actes d’homicide, d’exil, de terrorisme et d’oppression.
Nous le demandons par notre foi commune en Dieu, qui n’a pas créé les hommes
pour être tués ou pour s’affronter entre eux et ni non plus pour être torturés
ou humiliés dans leurs vies et dans leurs existences. En effet, Dieu, le
Tout-Puissant, n’a besoin d’être défendu par personne et ne veut pas que Son
nom soit utilisé pour terroriser les gens. »
Il y a là une condamnation claire, nette
et ferme de l’islamisme politique.
Certes, nous dira-t-on, c’est une
condamnation du terrorisme mais pas de l’islamisme politique. Je pense que ce
serait une vue superficielle que de croire cela et pour plusieurs raisons :
- La première est que le texte rappelait
plus haut l’exigence absolue de la liberté de croire ou de ne pas croire et de
croire en la religion de son choix; et que dès lors, aucun parti ne peut
instrumentaliser (le mot est dans le texte) la religion pour conquérir le pouvoir
car, dans un pays musulman par exemple, ce serait créer deux catégories de
musulmans : les bons qui seraient avec le parti religieux et les mauvais, les
autres.
- La seconde raison est que les partis
religieux, même lorsqu’ils se prétendent modérés, instrumentalisent le nom de
Dieu et le texte rappelle fermement qu’ils n’en n’ont pas le droit.
- Enfin parce qu’un parti religieux a,
nécessairement, une tendance totalitaire ; puisqu’il se permet de parler
au nom de Dieu, créant nécessairement et automatiquement des mécréants chez
ceux qui ne partagent pas leurs idées.
Tout cela est condamné par ce texte qui
rappelle opportunément que Dieu n’a pas besoin que l’on parle à sa place.
« En effet, Dieu, le Tout-Puissant, n’a
besoin d’être défendu par personne et ne veut pas que Son nom soit utilisé pour
terroriser les gens. »
Or dès qu’un parti se
mêle de politique, il veut parler au nom de Dieu qui est, en vérité, un réel
blasphème; et veut imposer une politique par tous les moyens et le plus souvent
par la force et la dictature. Il n’y a qu’à voir l’Iran et la Turquie
d’Erdogan. Or ces dirigeants utilisent abusivement le nom de Dieu pour
conquérir le pouvoir et pour imposer une politique à des gens libres ainsi que
le rappelle utilement cette déclaration solennelle.
Sans oublier les Ibn
Saoud et le Qatar, modèles de démocratie; et sans oublier les Frères musulmans
d'Egypte prêts, dès qu’ils furent quelques mois au pouvoir, à instaurer leur
dictature tout comme leurs "Frères" en Tunisie qui ont tenté d'imposer
la chariâa lors de la Constituante
!
On ne peut parler d'exception mais bien de
règles dans ces cas. Tous ces religieux vont à la dictature et quand ils
se prétendent modérés, c'est simplement qu'ils n'ont pas encore pris le pouvoir
et qu'ils trompent le monde.
Voilà ce que nous dit ce
texte sage. Il doit être utilisé comme un texte pédagogique pour lutter contre
tous les partis qui instrumentalisent la religion et qui sont donc, comme le
confirment ces deux dignitaires de l’Islam et du catholicisme, des imposteurs et
des blasphémateurs ; puisqu’ils usurpent le nom de Dieu.
Rachid Barnat
Magnifique. Espérons que cela ne restera pas au stade du vœu pieux....
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RépondreSupprimerMarguerite Yourcenar *:
" Les escarmouches avec les théologiens avaient eu leur charme, mais il savait fort bien qu’il n’existe aucun accommodement durable entre ceux qui cherchent, pèsent, dissèquent, et s’honorent d’être capables de penser demain autrement qu’aujourd’hui, et ceux qui croient ou affirment croire, et obligent sous peine de mort leurs semblables à en faire autant.".
* L'oeuvre au noir. Roman