L'analyse que fait notre amie Hélé Béji à propos du rôle des
partis et de celui de l'idéologie qui les anime, est valable tant que les
partis en question sont républicains.
Mais ce que beaucoup semblent ignorer, c'est que l'islamisme
contrairement aux autres doctrines, est insoluble dans la République ;
puisqu'il instrumentalise la foi et la religion d'un peuple pour restaurer le
Califat.
Les islamistes attendront leur heure pour appliquer leur
programme vieux comme l'Islam (en ont-ils d'autre que la chariaa ?), quitte à
gouverner par procuration derrière un paravent "progressiste" pour
rassurer la galerie et le monde occidental, le temps pour les Frères musulmans
de s'installer dans la société tunisienne et de la convertir au wahhabisme qui
fonde leur action "politique" !
R.B
L’intelligence de la politique est de protéger
les libertés
Au vu de la confusion ambiante,
l’abstention atteint un niveau record. Selon vous les Tunisiens sont-ils en
proie à un sentiment de désenchantement ou de désarroi ?
Ni l’un, ni l’autre. Selon moi,
l’abstention est peut-être une forme de démission. Ce serait un renoncement et
pas un désenchantement. Mais c’est aussi une liberté. Les Tunisiens se retirent
du jeu. Ils ont le sentiment, dans leur majorité, que les règles du jeu ont été
falsifiées par l’emprisonnement d’un candidat. Donc ils ne veulent plus jouer.
Un peu comme les sportifs quand ils sont dopés et disqualifiés.
Il y a un dopage invisible et
insaisissable du jeu qui fausse les règles, sans qu’on sache exactement où se
situe la machination. Si les joueurs trichent, les spectateurs n’ont plus envie
de regarder la compétition. Pareil en politique. Une compétition où les dés
sont pipés n’intéresse personne. Quand les gens se sentent victimes d’une
tromperie, et c’est ce qui s’est passé pour ces élections, ils s’abstiennent
majoritairement de voter.
L’emprisonnement d’un candidat est une
grave tromperie qui décourage tout le monde. On vit l’élection comme un
simulacre. C’est ce péché originel qui fait qu’un processus électoral dont les
règles sont transgressées est regardé comme un processus « corrompu » ou plutôt
« dépravé ».
La dépravation (concept rousseauiste)
est un phénomène moral, pas matériel. On peut être parfaitement « clean »
matériellement, mais dépravé moralement. La politique ressemble à une diversion
du réel. Derrière le mot démocratie, il y a un monde occulte de rapports de
forces inégaux qui échappe à tout le monde, une sorte de dynamique obscure
qu’on ne maîtrise pas vraiment, qui nous tire vers l’inconnu, ou vers des
résultats absurdes ou inattendus.
La passivité politique de ceux qui ne
votent pas n’est jamais complètement passive, c’est aussi l’expression d’une
liberté. Hannah Arendt disait que la plus grande des libertés politiques, c’est
aussi celle de ne pas en faire.
On a répandu l’idée que la classe
politique est gagnée par la corruption et qu’il ne sert à rien de voter,
poussant les électeurs à s’abstenir. Un quelconque parti politique serait-il
derrière cette manipulation malveillante ?
Je ne crois pas beaucoup à l’idée que
l’on a téléguidé les électeurs, même si comme je l’ai dit, il y a toute une
action souterraine de courants divergents qui peuvent utiliser des moyens
divers pour parvenir à leurs fins. Les Tunisiens flairent une falsification
générale, dans laquelle tout le monde est concerné sans qu’on puisse désigner
un responsable.
Si par exemple vous allez voter quand
vous savez qu’il y a eu tricherie, d’une certaine manière, vous participez à ce
simulacre, à cette tricherie. Mais si vous vous abstenez, ironie du sort, vous
participez aussi à cette tricherie, en favorisant le camp de ceux qui ont
triché, puisque vous leur laissez le terrain entièrement libre.
Car voter, c’est sanctionner, et pas
seulement récompenser. Ne pas voter est une forme de révolte négative. Ma
position personnelle est qu’il faut quand même voter, même si tout n’est pas
transparent, car au-delà de tout ce qu’on ne nous dit pas, de ce qu’on ne sait
pas, de ce qui se passe dans les coulisses, quand on vote, on oblige les
candidats à sortir dans la lumière, à se montrer. Quand on s’abstient, on les
laisse dans l’ombre.
C’est plus de la moitié de la population
qui se détourne du processus électoral. On aurait perdu le sens de la cause
nationale ?
Je ne sais pas si celui qui vote est
plus patriote que celui qui ne vote pas. On ne doit jamais juger du patriotisme
de tel ou tel. C’est comme pour la religion. On ne peut pas dire qu’un tel est
plus près de la religion parce qu’il fait ses prières, que tel autre qui ne la
fait pas. Le geste électoral est une forme de recueillement devant l’urne, qui
contient un vœu d’idéal.
Mais ne pas se rendre aux urnes ne
signifie pas qu’on n’a pas d’idéal. Cela signifie que ceux qui prétendent
incarner cet idéal ne nous représentent pas vraiment, et qu’on ne leur donne
pas notre voix. Comment savoir si les abstentionnistes se sont déconnectés du
sentiment national ou n’en ont pas une idée plus haute ? N’étant pas
abstentionniste, je ne saurais en juger.
Cependant, j’ajouterai que l’abstention
est à prendre au sérieux et que c’est une posture aussi politique que les
autres, mais non partisane. Encore une fois, faisons un parallèle avec la
croyance. La philosophe Simone Weil disait qu’il y a des formes d’athéisme qui
sont plus proches de l’idée de Dieu que la croyance elle-même.
Au bout du compte, que nous a apporté la
révolution ?
La liberté, incontestablement ! Et … ses
avatars aussi, hélas. Et là, je cite, l’agitation, l’anarchie, le désordre,
enfin l’irrationnel. La liberté n’est pas toujours raisonnable, loin s’en faut.
La liberté peut produire beaucoup de dégâts. Elle comporte des risques. Il faut
accepter les risques de la liberté, c’est ça la difficulté, la gageure de la
démocratie.
La liberté n’est pas seulement
jouissance, elle est aussi souffrance, épreuve, adversité des autres,
animosité, inimitié, combat, échec, haine, etc. D’où les déceptions qu’elle
entraîne.
Il n’y a pas que les bons sentiments en
démocratie. Sinon, tout serait très facile.
L’intelligence politique consiste
précisément à endiguer au maximum les risques de la liberté, sans toucher au
principe de liberté. Cela demande beaucoup de sagesse et de maturité. Mais je
sais qu’on ne peut pas supprimer ces risques. C’est évidemment un moindre mal
par rapport à l’absence totale de liberté.
Sommes-nous tous en liberté provisoire ?
**
La liberté est le souffle de
l’existence, mais tout en étant si précieuse, elle n’en est pas moins exposée,
en permanence, aux défauts de la condition humaine elle-même. Je ne suis pas
sûre du tout que les textes de loi lui garantissent une protection absolue. Ce
n’est pas parce qu’on a une Constitution juste que l’injustice va être abolie.
Voyez, un des candidats à l’élection
présidentielle a été en état d’arrestation et empêché de faire campagne. C’est
un précédent inquiétant pour les futures élections. Par conséquent, même la
liberté d’être candidat n’est pas totalement assurée.
La société doit rester vigilante pour
résister à l’arbitraire et préserver ses libertés. C’est une mobilisation
permanente de la démocratie.
J’irais plus loin et je pense que même
dans les démocraties avancées, l’idée de vivre ”sans liberté” se profile comme
une hypothèse de plus en plus plausible. L’ennui, c’est qu’on peut restreindre
la liberté au nom du Bien. Nabil Karoui a été arrêté au nom de la « lutte
contre la corruption ». Je rappelle un fait historique, le thème de la
corruption, dans les années 30 de l’entre-deux-guerres, était un thème majeur
des doctrines fascistes, celle de Mussolini par exemple. Cela lui permettait de
persécuter ses adversaires et même de les assassiner.
On peut toujours arrêter et réprimer son
concurrent au nom de la lutte du bien contre le mal. Avant la Révolution, les
candidats démocrates étaient empêchés de concourir au nom de la défense de
l’Etat et de l’unité de la nation. A chaque législature, on peut trouver des
prétextes pour fausser une course électorale. Les communistes l’ont fait au nom
de la lutte des classes. Les religieux peuvent le faire au nom d’un texte
sacré, etc.
Les nazis au nom de la pureté de la
race. Le pouvoir peut justifier l’arbitraire par toutes sortes de raisons
morales, pureté, doctrine idéologique, intérêt de classe, etc. Une vraie
démocratie doit empêcher justement ces déviations. Souvent ceux qui sont au
pouvoir ne peuvent pas résister au désir de le conserver, même quand l’opinion
publique leur devient défavorable. Qu’est-ce qu’une dictature, sinon une
technique de conservation du pouvoir, en dépit de la volonté de la majorité.
La démocratie est le système où celui
qui est minoritaire doit accepter de partir. S’il n’accepte pas, s’il considère
que les gens se trompent quand ils se donnent un autre projet, qu’ils sont dans
l’erreur, que c’est lui qui a raison et que le peuple ne sait pas discerner le
bien, et bien c’est ce qu’on appelle la « raison du plus fort ». La démocratie
n’est pas la raison du plus fort, au contraire, c’est donner droit à la raison
du plus faible.
On prête à certains partis politiques
l’idée de faire pression sur les juges, comme dans le cas de Nabil Karoui.
L’indépendance de la justice est-elle en sursis ?
L’important, c’est la neutralité des
juges, davantage que leur « indépendance ». Je ne sais pas si, dans le cas
d’espèce, il y a eu pression sur les juges, je n’en ai pas la preuve. Je le
pressens comme tout le monde, mais je ne peux juger ce dont je n’ai pas la
preuve. Je peux juste me poser la question de savoir si c’est une simple
coïncidence, ou s’il y a beaucoup plus… Je peux supposer un acte prémédité, ou
une machination, je ne peux pas le démontrer.
Car ce qui nous est dissimulé est
souvent bien plus décisif que ce qui nous est montré, mais on ne le voit pas.
En revanche, je me demande si les juges, d’une certaine façon, ne penchent pas
comme tous les mortels du côté de leur idéologie politique, même inconsciemment.
Tous, nous le faisons plus ou moins, mais nous ne sommes pas juges, nous ne
tenons pas la vie ou la liberté des autres entre nos mains. C’est ça la
véritable question de l’indépendance des juges. C’est leur capacité, dans leur
mission de rendre la justice, de s’abstraire de leurs propres penchants
politiques. Ce n’est pas si facile.
La tentation est toujours grande de se
servir de la balance pour sortir le glaive, et d’agir injustement au nom de la
Justice. Le tout est d’arriver à ce que les juges se détachent de leurs idées
politiques quand ils rendent le droit. Leur liberté intérieure doit les aider à
se séparer des opinions qui leur sont chères et de rendre leurs verdicts hors
l’influence des idéologies qui animent le débat public.
Il y a un retour en force du débat
idéologique. Faut-il s’en inquiéter ?
Tout est idéologie, en politique. Même
le choix patriotique est sous-tendu par une croyance idéologique, c’est vous
dire. Ce qu’il faut éviter, c’est que cette idéologie ne devienne totalitaire,
c’est-à-dire ne prétende à la suprématie sur les autres. Par exemple, il y a
des politiques ou des technocrates qui vous disent qu’ils n’ont pas
d’idéologie. C’est complètement faux. Dire qu’on n’a pas d’idéologie, c’est
déjà dire qu’on en a une.
Par exemple, les politiques qui se
disent indépendants croient qu’ils le sont. Ils veulent le pouvoir, mais ils se
disent indépendants. Or, dès l’instant où ils se lancent à la conquête du
pouvoir, ils appliquent tous les procédés et les techniques idéologiques de
conquête du pouvoir. La notion d’indépendance en politique est une fiction, une
imposture. Quoi que vous fassiez, vous êtes d’un côté ou de l’autre,
conservateur, avant-gardiste, extrémiste, peu importe, vous appartenez à un
courant politique, vous n’êtes jamais indépendant.
La société civile est de plus en plus
présente et active dans la vie politique. Qu’en pensez-vous ?
Je constate que tous les groupements
occultes et mal définis se réfugient dans les « ONG » et la société civile.
C’est vrai des anarchistes, des « indépendants », des sponsorisés, des lobbies,
des ligues, des fronts, des missions d’observation, des laïcs, des anti-laïcs,
etc… La société civile est un monde opaque qui va de l’extrémisme violent (les
groupes radicaux sont aussi la société civile) aux bons sentiments des droits
de l’homme qui souvent cachent des intérêts de domination et de contrôle. On ne
sait ni qui les finance, ni qui les dirige vraiment. C’est une nébuleuse.
La société civile croit qu’elle est plus
morale que la société politique, mais c’est faux. Souvent elle l’est moins. La
vie politique est animée par des partis dont l’orientation est claire et
définie. On peut ne pas y adhérer. Tandis que la « société civile » met en
avant sa moralité ou sa vertu, et vous oblige à penser et à croire comme elle.
Elle met en avant ses valeurs sans que
vous sachiez qui est derrière cette opération de communication, quelles sont
ses vraies finalités, ses buts, etc. Je me méfie de plus en plus de ceux qui se
présentent comme les porte-paroles de la société civile, comme ses «
inspecteurs » de vertu en quelque sorte. Ainsi, quand des membres
d’associations se présentent aux élections, je considère que c’est une
falsification.
D’ailleurs, ils échouent la plupart du
temps. Car, contrairement aux partis, on ne sait pas de quelle idéologie ces
associations relèvent. Elles ne le disent pas. Mais au fond, elles se présentent
comme un parti qui veut conquérir le pouvoir, tout en disant hypocritement
qu’elles n’aiment pas les partis, et sans vous donner toutes les garanties et
les avantages politiques d’une structure partisane.
Une association ne peut en aucun cas
être un instrument de conquête du pouvoir. Pour ce faire, elle doit au
préalable se transformer en parti. Autrement, je trouve que c’est très
dangereux. Je constate que les ONG et les associations s’immiscent dans le
champ politique en cherchant à le dissimuler. Et ce n’est pas acceptable.
En politique, il faut agir au grand jour
et l’ONG ou l’association qui est tentée par la politique doit se changer en
parti, c’est-à-dire avouer aux yeux de tous qu’elle est à la conquête du
pouvoir. Quand on prétend à des postes de représentants du peuple, on doit
accepter les contraintes de la vie publique d’un parti. Une association n’a pas
pour vocation de conquérir le pouvoir, mais de servir la société.
Est-ce que le regain actuel de
radicalité islamiste et le communautarisme menacent la république ?
Le communautarisme est un concept collé
à une réalité française, qui a vu surgir dans le paysage social une autre
religion que la religion chrétienne et en a été déstabilisée. La Tunisie, pour
sa part, n’est pas concernée par ce phénomène étant donné qu’elle connait une
uniformisation religieuse depuis l’indépendance.
Le communautarisme s’exprime dans un
contexte de diversité religieuse ou nationale, ethnique, etc. Nous n’avons plus
ni de communauté juive, ni de communauté chrétienne. Ceci étant dit, on n’est
jamais à l’abri du sectarisme, du chauvinisme, ou du racisme même à l’intérieur
de sa propre communauté. Il n’y a pas de doute, il faut protéger les acquis
républicains, il convient de les tenir à l’écart du chauvinisme et du
sectarisme.
Le danger des périodes d’appauvrissement
et de dégradation des conditions de vie, c’est la montée du chauvinisme, du
racisme, des extrémismes qui cherchent la cause de leurs maux dans l’étranger,
l’ennemi extérieur, la mécréance, etc.
Le scrutin présidentiel sera le test de
vérité pour savoir jusqu’à quel degré de tolérance ou d’intolérance notre
société peut arriver. La persécution par emprisonnement et par lynchage moral
de l’un des candidats est un détournement grave et inquiétant du processus
démocratique. Mais paradoxalement, le débat entre les deux candidats a été plus
rassurant car il a été digne et civilisé. C’est un moment fondateur important.
Le courant islamiste est très critique
sur l’Etat de l’indépendance. Une menace future, pour la république ?
L’Etat de l’indépendance a usé d’une
discipline forcée. De mon point de vue, il a brimé la manifestation du
religieux sur la scène publique. Il a escamoté le sacré religieux en imposant
le sacré républicain articulé autour d’un modèle social nouveau où l’éducation,
la santé, le sens civique et la citoyenneté étaient les nouveaux idéaux. Cela
s’est fait, dois-je le rappeler, dans les années 60, période dans laquelle le
religieux était en régression partout dans le monde, dans le triomphe des idéologies
de gauche. On pouvait parier sur la construction d’une morale laïque en
remplacement de la foi religieuse.
Cette substitution contraignante n’a pas
résisté au temps. En effet, la révolution a remis au premier plan l’affect
religieux. Désormais je crois que le socle républicain devra s’accommoder du
retour de la mémoire religieuse. Je reconnais que cela comporte certains
risques qui peuvent aller jusqu’à de graves divisions. En Algérie, cela a
entraîné une guerre civile terrible. La non-maîtrise des passions religieuses
en politique a souvent des résultats tragiques.
Afin d’éviter un clash violent, et de
contenir la radicalité faut-il garder le consensus ?
Je préfère le compromis historique au
consensus. C’est ce qui bannit l’exclusion. Mais c’était en 2014, à un moment
crucial où les tensions avaient atteint un point de non-retour et où les
personnalités anti-islamistes comme Chokri Belaïd étaient assassinées. Associer
les islamistes à la direction politique les « compromet » d’une certaine
manière et montre la limite de leur pensée politique. C’est aussi ce qui
pourrait atténuer le sentiment de radicalité par le principe de réalité.
Au contact de la vie concrète, les
citoyens se rendent compte que la religion n’a pas de solution réelle pour
soulager les souffrances matérielles des gens et mener efficacement la gestion
du pays et des affaires publiques vers la prospérité. Même les « modernes » n’y
sont pas vraiment arrivés. En réalité, la cohabitation a érodé les bases
électorales d’Ennahdha. Leurs sympathisants se sont rendu compte qu’Ennahdha
n’est qu’un parti politique comme les autres et que s’il n’était pas en mesure
de leur offrir le bien-être espéré et de tenir ses promesses, ils iraient
chercher leur bien ailleurs.
Le fait d’associer Ennahdha au
gouvernement des choses et non pas des âmes, désacralise leur discours et
marque leur chute dans le temps de l’histoire. Ils perdent leur aura, leur
vertu, leur ascendant, leur angélisme. Ils ne peuvent plus se réclamer d’une
morale supérieure. L’islam, en devenant politique, quitte son absolu et devient
une idéologie profane soumise à l’échec et à l’erreur. Paradoxalement le fait
que les islamistes soient au pouvoir est le signe de la désacralisation du
religieux dans le politique. C’est pourquoi, aujourd’hui, en 2019, je pense au
contraire que, étant majoritaire aux législatives, les islamistes doivent
gouverner seuls. Il ne faut pas s’associer à eux, il ne faut pas leur servir de
paravent. Il faut leur laisser le poids entier de la responsabilité, et subir
la critique populaire s’ils exercent mal la mission qui leur a été confiée.
Comment expliquer que l’on n’arrive
toujours pas à séparer l’état de la religion ?
En la matière, on est victime d’une
confusion. On a séparé l’Etat de la religion. Toutefois on ne parviendra jamais
à séparer la religion de la société. Examinez notre langue parlée, vous verrez
qu’il n’existe aucune formule d’expression dans la bouche des gens, dans leurs
relations de civilité, dans les grands événements de la vie, qui ne soit d’inspiration
religieuse.
Toutes nos formules de politesse et
d’échange, tout possède une intonation liée à la croyance, à l’existence d’une
vie surnaturelle. Sans cette coloration quotidienne, les Tunisiens se
sentiraient déracinés. Et c’est le cas des daechiens. La croyance religieuse
peut être utilisée par les fanatiques, mais dans la vie quotidienne, elle est un
facteur de pacification et même de poétisation de la vie sociale.
C’est à ce prix qu’on pourra
”tunisifier” la pensée islamiste ?
Il y a de cela. Les associer à la
direction des affaires publiques les met à l’épreuve des défis matériels, de
sorte qu’ils soient obligés d’adapter leur pensée aux critères de la
citoyenneté moderne. Ils ne peuvent pas faire autrement.
Y a-t-il un risque pour la Tunisie de
glisser vers une république islamique ?
Non, je ne crois vraiment pas. C’est un
fantasme. Les islamistes comprennent peu à peu que ça ne marchera pas, et
qu’ils rencontreront toujours une grande résistance. La résistance des
Tunisiens à l’islamisme vient de l’intérieur de leur piété, de leur tradition
elle-même. C’est ce que l’islamisme a découvert et il ne s’y attendait pas. Il
est étonné qu’on puisse voter contre eux, et ils sont obligés de jouer le jeu.
Maintenant qu’ils ont la majorité, il
faut que la minorité anti-islamiste exerce tous ses droits d’opposition, au
parlement et dans la société. Par contre, il y a un risque de fascisation
politique de certains courants, liée au regain d’extrémismes sectaires,
chauvins, ou carrément racistes. Et cela peut donner lieu à de nouvelles
formations para religieuses démagogiques et agressives plus dangereuses que le
vieux parti islamiste traditionnel.
* est écrivain, auteur de
nombreux ouvrages, dont des essais philosophiques et politiques notamment “Le
désenchantement national”
** Titre d’un film italien réalisé par
Damiano Damiani.
قيس سعيد: الفصل الأول يضمن حضور الشريعة الإسلامية
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=dfUUVpLuhmc&feature=share&fbclid=IwAR2XSw1PncqUFLDsYeYwAXbV_yBbsbdJ6-_-ECMKUgt9jw5JPo-Wf8tAmfs
CHACUN SES ÉLECTEURS ...
RépondreSupprimerLes femmes ont porté BCE au pouvoir, sur des promesses qu'il n'avait pas tenues : il les avait trompées sur la marchandise !
Les jeunes ont porté au pouvoir KS, sur une idée qu'ils se font de Mr Propre : très vite ils s'apercevront qu'il se sont trompés de marchandise !
Le pire de l'opportunisme, porté aux nues par la société bien pensante de Paris.
RépondreSupprimerhttp://www.tunisiefocus.com/culture/le-pire-de-lopportunisme-porte-aux-nues-par-la-societe-bien-pensante-de-paris-217038/
UNE FEMME DE LETTRE, TUNISIENNE, DISTINGUÉE PAR L’ACADÉMIE FRANÇAISE !
RépondreSupprimerDistinction bien méritée !!
Bravo à notre amie Hélé Béji.
https://www.leaders.com.tn/article/21192-l-academie-francaise-decerne-a-hele-beji-le-grand-prix-herve-deluen?fbclid=IwAR3RrGoZE1hq2DWd2wRHDDdLbhnfnDMAOJyFaAagIUK_rXipYy5taiAyq9c