Les nouvelles
technologies bousculent l’histoire de l’islam
L’histoire de l’islam est ressentie
comme certaine et bien connue, au moins pour les croyants. Cette histoire est
officielle, et y toucher est ressenti comme blasphématoire, donc puni de mort
dans beaucoup de pays musulmans. Elle est néanmoins remise en cause par
certains universitaires, soutenus par les avancées de l’intelligence
artificielle. Yves Montenay est intervenu sur le contenu de cet article dans
l’émission « Il était une fois… » du 10 juillet 2020 présentée par
Patrick Simon « Quand les nouvelles technologies bouleversent l’histoire des
religions » sur Radio Courtoisie.
Pourquoi l’histoire de l’islam est-elle si importante ?
Le débat sur l’origine des textes saints
de l’islam est aussi ancien que cette religion, mais il a rebondi récemment du
fait de nouvelles technologies permettant une analyse massive des textes des
septième, huitième et neuvième siècles.
Ce débat est important, non seulement
parce que c’est l’occasion d’un progrès de la connaissance historique, mais
aussi parce que l’islam est soumis à la pression de courants, notamment
salafistes, qui poussent au retour « aux fondements de la religion », « au
mode de vie du prophète » etc.
Ces courants sont soutenus notamment par
la puissante propagande saoudienne et mettent en péril les régimes politiques
des pays musulmans « normaux » comme le Sénégal, l’Indonésie et bien d’autres. Or si
ces fondements, notamment la vie du prophète, sont remis en question, ce «
retour aux sources » vide de son sens l’argumentation des activistes.
Une autre raison de l’intérêt de ce
débat est l’apparition de groupes de musulmans et d’ex musulmans
modernistes, agnostiques ou athées, tant dans les pays plus ou
moins laïques (l’Occident mais aussi l’Inde et bien d’autres), que dans les
pays officiellement musulmans.
Ces groupes font face à une forte
pression sociale, familiale ou politique, et ont besoin de pouvoir s’appuyer
sur des arguments leur donnant une certaine liberté intellectuelle.
Dans cet article, je vais d’abord
exposer les nouvelles technologies qui permettent ces analyses historiques.
Je rappellerai ensuite l’histoire
officielle à laquelle adhèrent aujourd’hui la quasi-totalité de ceux qui
connaissent l’islam, qu’ils soient musulmans ou non.
Enfin, j’exposerai les conclusions des
divers courants intellectuels qui ont analysé cette période.
Un nouvel outil d’analyse historique : l’intelligence artificielle
L’intelligence artificielle est en train
de bousculer l’histoire de la naissance de l’islam car elle permet de brasser
une énorme quantité de documents.
On peut ainsi par exemple dater la
naissance de telle idée en analysant les langues en usage à l’époque et leur
évolution dans le temps.
On peut également rapprocher des
formulations très dispersées entre les régions du Moyen-Orient et leurs
diverses langues et religions, ce qu’un chercheur érudit n’a pas le temps de
faire même en y consacrant toute sa vie.
Pensez par exemple à la production des
multiples évêchés concurrents des chrétiens de ces 3 siècles qui ont vu
s’installer la domination arabe. En effet, le Moyen-Orient, Arabie
comprise, était à l’époque largement chrétien et par ailleurs parsemé de communautés
juives.
L’histoire officielle de l’islam
Cette histoire s’appuie sur le Coran «
dicté par Dieu à Mohammad », la Sira, biographie décrivant la vie
de Mohammad, et les hadiths, transmission orale des paroles
de Mohammad, transmises de bouche-à-oreille pendant des générations avant
d’être couchées par écrit.
Ce sont évidemment ces derniers,
les hadiths, qui sont considérés par tous, musulmans compris, comme
la source la moins sûre et un tri a été fait par des érudits persans qui ont
éliminé la plupart du million et demi (!) d’hadiths et classé les
milliers restant en plus ou moins certains.
Le Coran lui-même est traditionnellement
divisé en sourates, ensembles de versets du Coran, « mecquoises » et «
médinoises ».
- Les sourates « mecquoises » ont
été reçues de Dieu alors que Mohammad était le mari d’une riche
bourgeoise de la Mecque et pouvait se recueillir dans le désert.
Leur contenu est plutôt religieux avec,
pour commencer, la proclamation d’un Dieu unique, par opposition aux idoles et
à la Trinité.
- Par contre les sourates «
médinoises » ont été reçues à l’époque où Mohammad, veuf et
exilé, était devenu le chef d’une communauté basée à Médine.
Elles énoncent donc des règles concrètes
de la vie sociale (les rapports avec les autres groupes, juifs notamment, des
règles juridiques avec le témoignage, l’héritage etc.)
Je ne vais pas traiter ici du contenu
religieux ou juridique du Coran, qui est d’ailleurs difficile à comprendre du
fait de sa langue archaïque, de ses allusions imprécises et de ses paraboles.
Par exemple les exégètes sont souvent en désaccord sur la nature des ennemis
dénoncés (chrétiens ? idolâtres ? tribu ennemie ?), ambiguïtés qui apparaissent
lors des traductions.
Je vais ici seulement évoquer
l’imprégnation du monde musulman et de la plupart de ses observateurs par cette
histoire officielle.
Son ancrage profond dans les esprits
L’imprégnation des esprits commence en
général au début de l’enseignement primaire ou dans les écoles coraniques.
L’apprentissage des lettres arabes s’y fait souvent à partir du début du Coran,
que les enfants mémorisent donc sans le comprendre, ce qui en fait une
référence commune profondément ancrée.
Cette histoire officielle précise que le
Coran a été rédigé en 647 soit 15 ans après la mort de Mohammad sur la base des
souvenirs ou des notes rassemblées par les fidèles sous le contrôle du calife
Othman.
La vie officielle de Mohammad est
également enseignée à partir de la Sîra.
L’aspect hagiographique et légendaire de
ce texte saute aux yeux des non-musulmans, mais pour le croyant de base, c’est
« la vérité tout court ». Toute histoire alternative est évidemment considérée
comme une atteinte à la religion, voire comme un blasphème puni de mort dans de
nombreux pays.
Entre un Coran difficilement
compréhensible, une Sira légendaire (pas plus que la Bible,
diront certains) et des hadiths souvent douteux, le
musulman « de base » ne connaît donc finalement de sa propre religion que ce
qui lui vient du pouvoir politique, via les programmes scolaires ou via les
instructions données aux imams.
Aujourd’hui, cette connaissance est
complétée, ou déformée, par des télévangélistes en général dépendant de l’Arabie, donc wahhabites.
D’où finalement une vue traditionaliste
à des degrés très divers selon les pays, l’Asie du Sud-Est et l’Afrique
subsaharienne étant plus « modérés », pour diverses raisons, dont leur
ignorance de langue arabe.
Leurs gouvernements sont en général
éloignés du wahhabisme… sauf intérêt financier ou pression des activistes.
Les discussions universitaires relatives à l’origine de l’islam
Passons
maintenant aux discussions universitaires relatives à l’origine de ces textes
fondateurs et donc de l’islam.
Voici le
premier courant intellectuel de ces analystes modernes de l’histoire.
Des historiens musulmans « sérieux mais prudents »
Je laisse
de côté l’énorme littérature traditionnelle et souvent hagiographique dont les
auteurs se hérissent face à la simple possibilité d’analyser les écritures
traditionnelles et surtout celle du Coran.
Parlons
plutôt de l’avis des historiens musulmans qui prennent acte d’invraisemblances
ou d’inexactitudes dans les textes traditionnels, mais pour qui cela ne remet
pas en cause les fondements de la religion… pas plus que la partie légendaire
et non fondée historiquement de la Bible ne remet en cause la foi des juifs et
des chrétiens.
Un de
leurs arguments est que « l’absence de preuves n’est pas la preuve de l’absence
» et donc que tout ce qu’on ne peut pas vérifier historiquement dans la
naissance de l’islam, n’est pas faux pour autant.
Prenons
l’exemple de Rachid Benzine, islamologue, et notamment auteur du
livre « Finalement il y a quoi dans le Coran ? » (La Croix du 26 avril 2018). Cet
article vise l’antisémitisme musulman, mais son conseil de faire une lecture
critique du Coran est valable sur un plan général.
Sa
réflexion peut être résumée par : « le Coran étant la parole de Dieu
est applicable en tous lieux et à toutes les époques, mais pas avec la même
lecture : les Arabes du VIIe siècle ne vivaient pas comme nous et il ne sert à
rien de reprendre les problèmes d’alors ».
Bref il
faut distinguer les grandes lignes de la foi des arguments et exemples qui
étaient nécessaires pour convaincre des Arabes d’il y a bientôt 1500 ans.
Il
termine par un appel aux imams : n’enfermez pas les fidèles dans un
processus de victimisation mais apprenez-leur à lire le Coran d’un œil critique.
Cet
auteur me paraît représentatif des réflexions qui traversent les communautés musulmanes des
pays occidentaux, notamment la France, depuis les attentats de ces dernières
années.
Les historiens chrétiens militants
Ce
courant est composé d’historiens chrétiens militants qui ont trouvé dans les
techniques modernes d’analyse des textes des éléments « confirmant » une idée
très ancienne qui voit dans l’islam une déformation arabe du christianisme,
déformation hérétique pour eux bien entendu.
En
résumant très sommairement, on pourrait dire que l’islam est pour eux une
adaptation de textes chrétiens visant à légitimer la domination arabe.
Un des
livres résumant leur thèse est Le grand secret de l’islam.
Leurs
critiques de l’histoire musulmane officielle rejoint celle du 3e courant
dont je vais parler maintenant
Les historiens athées sceptiques
Dans ce
contexte, et pour simplifier, j’appelle « athées » des historiens soit qui le
sont vraiment, soit se conduisent comme tels en faisant primer l’étude
rigoureuse des textes sur leurs convictions.
Ils
estiment notamment qu’aucune religion ne peut historiquement prouver que ses
textes fondateurs correspondent à une vérité historique, et donc qu’une partie
des arguments soulevés contre l’histoire traditionnelle de l’islam par les
chrétiens militants sont valables également contre le christianisme et le judaïsme.
Par
exemple la date et les circonstances de l’écriture des Évangiles, l’absence de
preuve de l’existence de Jésus etc. Mais ce n’est pas mon sujet ici.
S’agissant
de l’analyse de l’histoire de l’islam, les courants intellectuels « chrétien
militant » et « athée » remettent par exemple en cause l’existence de Mohammad.
Certains
vont même jusqu’à dire que le mot « Mohammad » n’est pas un nom, mais un titre
qui a été porté par plusieurs personnes et notamment par un conquérant arabe de
Jérusalem vers 636, c’est-à-dire après la date de la mort du prophète dans la
version traditionnelle.
Ce
conquérant était allié à des « Nazaréens » (un courant judéo-chrétien qui a été
actif plusieurs siècles), mais sa religion n’est pas précisée par les témoins
alors que selon la tradition officielle il s’agit d’une conquête musulmane,
nouvelle religion qui aurait du être remarquée.
Pour ces
2 courants intellectuels c’est donc un indice parmi beaucoup d’autres que,
contrairement à l’histoire officielle, l’islam n’existait pas à cette époque..
Citons
Pierre Bouvard, auteur de plusieurs textes sur le sujet : « Le
constat le plus étonnant, surtout pour tout Musulman, est
l’existence d’une majorité de textes témoignant des « débuts de l’Islam » qui
ignorent le personnage du « Prophète Mohammad ».
Voici
quelques-uns des autres indices relevés par ces 2 courants d’historiens : la
description qui est faite de la Mecque dans le Coran ne correspond pas à cette
ville, et les premières mosquées étaient tournées en direction de Jérusalem (ce
qui d’ailleurs ne choque pas certains musulmans).
En résumé
En
résumant très sommairement, disons que les deuxième et troisième
courants intellectuels estiment que l’islam tel qu’il est enseigné aujourd’hui
est une construction du 9è siècle des empereurs arabes cherchant à légitimer
leur pouvoir sur les populations conquises.
Pour cela
ils auraient intégré et rédigé des textes et des récits circulant à l’époque
autour du christianisme et du judaïsme pour en tirer une nouvelle religion
ainsi que le système juridique qui en découle et en inventant l’histoire
officielle aujourd’hui enseignée pour légitimer la primauté arabe. Bref, de
quoi déstabiliser les salafistes, les Frères musulmans et autres.
Parmi les
multiples indices relevés, il y a ceux qui révèlent de grandes similitudes
entre le Coran et des formules religieuses chrétiennes datant de périodes
postérieures à la prédication officielle de Mohammad.
Quant au
courant « musulman sérieux mais prudent », qui pourrait se diffuser sans drame,
il aurait l’avantage de débarrasser l’islam de sa variante rétrograde et
parfois violente.
Bien
entendu, je ne peux pas entrer dans ces querelles d’érudits qui me dépassent et
tiens juste à informer mes lecteurs de ce débat dont nous avons vu
l’importance. Je tiens une bibliographie à la disposition des lecteurs qui
s’intéresseraient au détail des arguments et contre arguments.
Point de vue géopolitique
Je
rajoute une vue géopolitique : la formation massive d’étudiants dans les universités d’Arabie par
une très généreuse distribution de bourses déstabilise les États «tranquillement » musulmans.
En rentrant au pays ils déclarent que son islam traditionnel
n’est pas véritable islam, qu’il faut le remplacer par celui des origines, que l’arabe
doit remplacer la langue locale et le français et que l’enseignement religieux
doit remplacer l’enseignement occidental.
Bref la
vulgarisation du débat sur les origines de l’islam pourrait être une arme
puissante contre l’obscurantisme et sa dérive terroriste quel que soit le
courant intellectuel qui finisse par l’emporter.
EN FRANCE, PAYS DE DECARTES, DE PSTEUR ET DE LA LAICITE : tout fout le camp !
RépondreSupprimerSa jeunesse semble régresser; puisqu'elle gobe de plus en plus les discours obscurantistes véhiculés par le wahhabismes et refuse de plus en plus de se faire vacciner ...
Quand on sait que la France régresse dans le classement mondial pour le niveau de formation de sa jeunesse dont le niveau de culture générale baisse considérablement, on comprend mieux que sa jeunesse est moins armée que d'autres pour lutter contre l'obscurantisme et le charlatanisme ...
Ceci, explique cela !
Dommage pour la France.
PS : ce qui se produit aussi en Tunisie depuis la prise du pouvoir par les Frères musulmans, sur une jeunesse victime d'un enseignement et d'enseignants dont le niveau laissait à désirer depuis Ben Ali !
LES JEUNES FRANCAIS DE CONFESSION MUSULMANE, TOMBES DANS LE PANNEAU DES FRERES MUSULMANS ...
RépondreSupprimer- 74 % des Français musulmans de moins de 25 ans affirment mettre l'islam avant la République; et
- 57 % souhaitent que la chariaa remplace le Code Civil !
CE SONT SES ADORATEURS QUI CARICATURENT MOHAMMAD ...
RépondreSupprimerCe qui fat dire* à ce dernier : " Dur, dur, d'être adoré par des cons " !
* dessin de Cabu.
https://www.nouvelobs.com/idees/20201114.OBS36098/caricaturer-le-prophete-ce-qu-en-dit-le-coran-ce-qu-en-font-les-hommes.html
TOUS LES CALIFES ONT MIS LA RELIGION A LEUR SERVICE ... quitte à réécrire les textes religieux !
RépondreSupprimerCe que veulent restaurer les Frères musulmans !!
Le Pr Youssef Seddiq rappelle par l'exemple l'intervention des hommes dans la rédaction du Coran, les théologiens étant au service du Calife !!!
Abou Ghouraira est devenu un référant plus important que le message Mohammad lui même, jusqu'à lui faire dire et rapporter de la vie du prophète tant de choses inventées par lui qui n'a pas connu le prophète ! De même pour Bohkhari et Muslim ...
Et dire que les islamistes le sacralisent et sacralisent leurs commentaires sur le prophète !!
حلقة نارية مع يوسف الصديق: المصحف عمل إنساني يختلف عن القرآن ويجب الإطاحة بالأزهر والزيتونة
https://www.youtube.com/watch?v=wLBCAo9i50c
LE Pr Youssef SEDDIK A LA RADIO MONTE CARLO INTERNATIONALE !
RépondreSupprimerIl ne suffit pas d'apprendre par cœur le coran et réciter, encore faut-il comprendre ce que le texte et les mots disent !!
https://www.youtube.com/watch?v=b--UmPHQohM
Pr Youssef SEDDIK : LA PONCTUATION DU TEXTE DU CORAN S'EST FAITE DE FACON ARBITRAIRE ...
RépondreSupprimer... induisant une lecture souvent "orientée" de celui qui ponctue le texte !
https://www.youtube.com/watch?v=p-1U31P3n90