Gamel Abdel Nasser, raïs du panarabisme ou nationalisme arabe.
Les deux idéologies politiques rivales ont dominé le monde arabe tout au long du siècle dernier. En dépit de leur grande popularité, ni l’une ni l’autre n’ont su répondre adéquatement aux défis de la modernité
La Syrie a quasiment cessé d’exister en tant qu’État-nation, et ce qui s’y est passé après 2011, est l’expression même du choc de deux idéologies rivales qui sont entrées en conflit à partir des années 1960. Ces deux idéologies sont nées au milieu du XIXe siècle, face à la domination européenne qu’ils ont combattue de manière différente.
La première voulait adopter la formule de l’État-nation européen et ses institutions administratives : elle a été formulée par des élites urbaines qui cherchaient en même temps à renouer, dans certaines limites, avec leur patrimoine culturel et religieux. Commencée avec les réformes de Mouhamed ‘Ali Pacha et les idées de Rifâ‘at al-Tahtâwî, elle a abouti à la
création du premier parti nationaliste en Égypte dans le dernier
tiers du XIXe siècle. Même s’il
n’a jamais rompu avec l’Islam, qu’il utilisait comme un moyen pour mobiliser
les foules, le nationalisme arabe naissant s’est nourri de la pensée européenne,
notamment de l’idéalisme allemand de Herder et Fichte.
Le courant rival a été soutenu, lui, par les couches traditionnelles attachées à l’Islam, qui dans un premier temps ont espéré le retour du Califat pour éviter le démembrement de la Oumma musulmane en différentes nations étrangères entre elles. À la base de ce programme, l’idée que les sociétés musulmanes se sont affaiblies parce qu’elles se sont éloignées du véritable Islam. Par conséquent, la solution pour se défendre et exister, est le retour à l’Islam des origines (salaf) et à la charia.
Il
est important de rappeler que l’origine de ces deux mouvements est la Nahda (Renaissance) dont la figure principale est le
cheikh Mouhamed Abdou (1849-1905).
Ce que les nationalistes ont retenu de la pensée de Mouhamed Abdou, c’est la légitimation du concept européen d’État-nation et de ses institutions, tandis que les culturalistes, que l’on appellera plus tard islamistes, ont mis l’accent sur sa défense de l’Islam. Nationalistes et culturalistes n’étaient pas opposés sur le point de la place de la religion dans l’espace public.
Pour les premiers, la politique doit primer pour restaurer la grandeur de l’Islam ; pour les autres, c’est la religion qui prime pour défendre l’authenticité sur laquelle doit être bâti l’État.
Les deux courants ont contribué à la lutte idéologique qui a mené aux indépendances
des pays arabes colonisés ou sous protectorat. Dans la lutte contre la
domination coloniale, les nationalistes ont été plus efficaces dans la mesure
où ils maîtrisaient les concepts de la grammaire politique moderne et avaient
le sens des rapports de force internationaux. Cela explique pourquoi ce sont
des nationalistes qui ont dirigé l’État indépendant.
Mais, quelques décennies plus tard, avec l’échec des promesses des régimes
postcoloniaux, les islamistes ont défié les nationalistes, se proposant de
libérer la nation de l’influence culturelle occidentale. Mais s’ils les ont
défiés, c’est parce que les régimes nés de l’indépendance, dirigés par les
élites militaro-civiles, avaient perdu leur crédibilité aux yeux des masses
populaires en raison de leur incapacité à réaliser leurs promesses de
développer l’économie et de moderniser la société. Cet échec est
à imputer aux limites idéologiques du nationalisme arabe.
Les limites idéologiques du nationalisme arabe
Pourquoi, alors qu’ils jouissaient d’une popularité certaine,
les régimes nationalistes autoritaires n’ont pas réussi à développer l’économie
et à moderniser la culture ? L’argument de la pénurie de ressources
financières n’est pas valable pour les pays pétroliers comme l’Irak et
l’Algérie. La réponse à cette question est que les
nationalistes – dirigeants et intellectuels – n’avaient pas compris en quoi
consistait la modernité promise à leurs peuples. L’analyse des
textes idéologiques de Sâti‘ al-Husrî et Michel ‘Aflaq, et des discours de
Nasser, Assad, Saddam, Boumédiène … indiquent un volontarisme qui a empêché de
réfléchir aux facteurs qui avaient conféré à l’Europe sa puissance.
Pour eux, cette
puissance se réduisait à son aspect économique et militaire : ils pensaient donc qu’il suffirait d’importer des usines
et d’acheter des armes pour rattraper le retard. Ce qu’ils ignoraient, c’est
toute la trame de la modernité par laquelle la société civile crée le marché et
l’État régulateur. La
matrice de la modernité occidentale c’est la société civile,
qui s’organise économiquement comme marché et politiquement comme État de
droit. L’histoire de l’Europe indique que ce sont les sociétés qui créent les
richesses et donc le développement économique. L’État accompagne ce processus
ou l’étouffe. Les dirigeants
arabes n’en étaient pas conscients : ils ont empêché le
développement économique par leur hostilité à la société civile et au marché.
L’économie de marché a été rejetée, pour empêcher l’émergence d’un pouvoir
économique et d’un pouvoir syndical qui risquaient de limiter l’action du
pouvoir exécutif. Cette tendance autoritaire cherchait à subordonner tous les
pouvoirs sociaux, y compris celui religieux, au pouvoir exécutif, lequel tirait
sa légitimité de l’armée.
Le discours socialiste
n’était qu’une rhétorique et une stratégie pour justifier idéologiquement cette
politique officiellement anticapitaliste.
L’enjeu réel était le pouvoir politique que les militaires détenaient et qu’ils
voulaient mettre à l’abri de tout contrôle et de tout contre-pouvoir. À cette
fin, il n’est pas question de compétition électorale, ni d’autonomie du pouvoir
judiciaire. Le système fonctionnait comme une formation précapitaliste,
rappelant la « société
hydraulique » du despotisme oriental dont avait parlé
Karl Marx. Soutenu économiquement par le mécanisme de la rente provenant de
l’exportation des hydrocarbures, ou d’autres formes de revenus extérieurs comme
les transferts des travailleurs émigrés, le régime ignorait les acteurs sociaux
à qui il imposait des rapports paternalistes et autoritaires.
Mais un système rentier précapitaliste, fonctionnant dans un
environnement économique mondialisé, sera forcément soumis à des pressions
financières insupportables. Car ce système n’a pas l’autonomie que le Moyen Age
assurait aux sociétés locales. L’Égypte,
l’Algérie, l’Irak sont insérés dans une économie mondiale régulée par un
système de prix international qui a des répercussions sur les prix du marché
local. Le prix d’un quintal de blé ou d’une tonne d’acier est
le même au Caire et à New York, par-delà les parités monétaires des devises.
Pour se rendre autonomes du système international de prix, les régimes arabes
ont dû subventionner les produits de consommation courante. Après deux ou trois
décennies, ces subventions sont devenues un lourd fardeau pour le budget de
l’État, et à la longue ont érodé le pouvoir d’achat des consommateurs.
L’Occident a imposé au reste du monde le modèle d’accumulation économique caractérisé par une structure politico-économique qui veut que le pouvoir d’État soit public et que l’activité marchande soit privée. Il n’y a qu’une seule exception à cette règle, et c’est la Chine dont les dirigeants ne sont pas issus des urnes. Mais la Chine a encouragé le développement d’un secteur privé dont la production à l’origine était dirigée vers l’exportation.
La contradiction qui a miné les régimes
arabes républicains, c’est qu’ils ont privatisé ce qui est public par vocation
(le pouvoir d’État) et rendu public ce qui est privé par nature (l’activité
marchande). À partir des années 1970, pour surmonter cette
contradiction, les régimes arabes ont libéralisé l’économie en abandonnant le
monopole de l’État sur le commerce extérieur (politique dite de l’infitâh / ouvertoure). Mais cette libéralisation
n’a pas créé un patronat lié à la production comme en Chine ; elle a créé
une bourgeoisie d’affaires qui accumulait une richesse monétaire sur la base de
la spéculation et des services. Cela a libéré une dynamique de corruption
généralisée qui finira par rendre les régimes encore plus impopulaires et
renforcer l’opposition islamiste. Celle-ci, à partir d’une posture morale,
dénoncera les dirigeants accusés d’avoir encouragé la corruption et d’avoir
creusé le fossé entre les riches et les pauvres.
La montée et le déclin de la protestation islamiste
Il y a une nombreuse littérature sur l’islamisme dont une partie
s’est focalisée sur ses manifestations à l’extérieur des sociétés musulmanes.
Sans sous-estimer l’impact qu’il a comme acteur sur la scène internationale, il
faut le replacer dans son contexte historique qui est celui de sociétés
musulmanes en voie de sécularisation. L’islamisme est
une forme de résistance à la sécularisation, ou tout au moins
une tentative de négocier la place de la religion dans l’espace public en
construction. C’est un phénomène qui s’inscrit dans la durée, celle nécessaire
aux mentalités et aux psychologies sociales pour s’adapter à un monde
désenchanté où les institutions religieuses et les saints n’ont plus le pouvoir
de peser sur le cours des événements. Ce n’est pas vers un monde sans dieu que
se dirigent les sociétés musulmanes ; c’est plutôt vers un monde où Dieu
n’est plus la figure publique qui dit ce qu’il faut faire et ne pas faire dans
la vie quotidienne. Ceci dit,
l’islamisme est une utopie et une idéologie politique.
L’utopie consiste à vouloir créer un monde où les contraintes
sociales et l’égoïsme individuel n’existent pas. Elle suppose que chacun
vivrait dans le bonheur si les richesses abondantes fournies par la nature
grâce à Dieu étaient mieux réparties et si les hommes devenaient bons. L’utopie est à la recherche de la société idéale où tous les hommes
sont égaux et parfaits. Dans le passé, cet idéal était
recherché par les soufis qui se retiraient du monde. L’homme parfait ne pouvait
vivre en société, car celle-ci était trop imparfaite. Il se retirait dans le ribât, la forteresse-monastère, pour que la
société n’empêche pas son cheminement vers Dieu. Le soufisme a
dépéri pour des raisons historiques et sociologiques mais l’utopie qu’il a
incarnée a été captée par l’islamisme qui l’a,
paradoxalement, sécularisée. L’islamisme ne prône pas le retrait de la
société ; au contraire, il pousse à s’y investir pour la changer, pour en
faire le lieu de la morale indiquée par la chariaa. L’objectif est de
transformer la société en une communauté de frères et de sœurs où l’égoïsme
individuel n’a pas sa place. Cette utopie a attiré vers l’islamisme des foules
nombreuses rêvant d’un monde meilleur et lui a permis de se transformer en
idéologie mobilisatrice populaire.
L’islamisme est aussi
une réaction politico-culturelle à la domination occidentale. Son élaboration comme projet idéologique remonte à la Nahda dont se réclame Rachîd Ridâ, considéré comme le disciple légitime
de Muhammed ‘Abduh. L’un de ses étudiants, Hassan al-Bannâ,
créera en 1928 en Égypte, l’organisation des Frères musulmans. Son mot d’ordre
était de rétablir le Califat qui venait d’être aboli par Mustapha Kemal en
Turquie en 1924. Hassan al-Bannâ était plus un militant activiste qu’un
idéologue, et n’a pas laissé de corpus qui fonde l’idéologie du mouvement.
Celle-ci sera étoffée par le Pakistanais Abû al-A‘lâ al-Mawdûdî (1906-1979) et l’Égyptien Sayyid Qutb (1906-1966).
Ces deux auteurs ont commenté le Coran et ils en ont fait une
arme idéologique contre les non-musulmans, en particulier ceux qu’ils appellent
les judéo-chrétiens, mais aussi ce que Qutb appelle « les musulmans
sociologiques », c’est-à-dire des musulmans qui ne montrent pas de passion
pour la foi. Pour ces deux
auteurs, la domination coloniale et néocoloniale est le prolongement des
Croisades du Moyen-Age qui visaient à détruire l’Islam. Le
motif de la conflictualité entre les deux rives de la Méditerranée serait
principalement religieux. Dans les années 1970 et 1980, leurs livres étaient
lus par une jeunesse qui avait bénéficié de la scolarisation massive après
l’indépendance. Leurs écrits étaient faciles à lire car ils ne contenaient pas
l’érudition des théologiens. Mais ni Mawdûdî
ni Qutb n’avaient une formation en sciences religieuses islamiques :
l’un était journaliste et l’autre professeur de littérature.
L’islamisme s’est développé dans les campus universitaires en
raison du désert intellectuel apparu après les
indépendances. En Égypte, en Syrie, en Algérie, les militaires
avaient interdit les débats intellectuels, qui auraient pu limiter l’influence
des islamistes. Avant l’arrivée du colonel Nasser au pouvoir, il y avait en
Égypte une activité culturelle et artistique de haut niveau, concentrée au
Caire et à Alexandrie. Le Caire était la capitale du monde arabe au niveau
universitaire, littéraire, musical, théâtral et cinématographique. Les militaires égyptiens ne supportaient pas la liberté
d’expression qui régnait dans ce milieu ; sous prétexte de
combattre les inégalités sociales ils ont nivelé la société par le bas. Et
c’est ainsi que les militaires ont créé une situation où un individu qui
mémorise quelques versets du Coran devient une autorité intellectuelle dans son
voisinage.
L’islamisme est aussi
un produit contradictoire de la modernité : il est moderne dans la mesure où il fait entrer les masses
populaires dans le champ politique, mais il contredit cet aspect moderne en
refusant la notion de souveraineté humaine et en proclamant que la loi est
divine. En refusant de prendre conscience que la source de la loi et du pouvoir
est la société, l’islamisme s’est condamné à être une idéologie
intellectuellement pauvre. C’est cette pauvreté intellectuelle qui a empêché les islamistes de
prendre le pouvoir (à l’exception de l’Iran), alors qu’ils étaient très
populaires. Ils n’ont pas été capable de forger des catégories pour lire la
réalité historique et donc pour l’influencer. Leurs discours sont composés de
fragments de réalité mélangés à des mythes religieux. Mais l’islamisme, c’est
aussi différentes générations qui ont vécu différentes expériences.
Depuis le milieu des années 1990, il y a un effort d’élaboration d’une pensée islamiste qui veut dépasser la pauvreté intellectuelle des années 1960. Des courants comme Al-Wasat en Égypte, le parti Ennahdha de Ghannouchi en Tunisie ou le mouvement Rachâd en Algérie veulent rendre compatible l’Islam avec la liberté de conscience et l’égalité entre les hommes et les femmes. Pour ce faire, ils déconstruisent ce qu’ont écrit leurs prédécesseurs ; une tendance que les chercheurs ont appelée « post-islamisme ». Mais de manière plus générale, il y a des remises en cause y compris de la part de théologiens qui expriment leur insatisfaction vis-à-vis du discours de la théologie officielle. Les critiques à l’endroit de al-Ghazâlî, Ibn Taymiyya et Mohamed ‘Abdal-Wahhâb, impensables il y a quelque temps, aujourd’hui s’expriment librement dans les universités et les journaux à grand tirage.
Le monde musulman est à la
veille de débats théologiques susceptibles de mener vers une remise en cause de
la lecture officielle héritée du Moyen-Age.
COMMENT DETRUIRE UNE NATION ?
RépondreSupprimerEn trois points essentiels :
1° - Il faut détruire la famille !
Pour cela, il faut viser la mère de famille.
En faire une personne soumise et craintive.
Et que mieux que la religion, pour en faire une bigote, inculte !
2° - Il faut détruire le système scolaire.
Pour cela il faut viser l'enseignant.
Il faut le déconsidérer et minimiser son rôle dans la société.
Le décrédibiliser auprès de ses élèves qui finiront par ne plus l'écouter.
Ainsi, se fabrique une génération d'illettrés, docile, facilement manipulable.
3° - Il faut détruire les compétences.
Pour cela il faut viser les intellectuels et les penseurs.
Il faut les décrédibiliser pour que plus personne ne les écoute.
Ainsi l'obscurantisme se répand dans la société.
Et c'est exactement, ce que font les islamistes, qu'ils soient chiites ou sunnites !
Ghannouchi et ses Frères musulmans appliquent à la lettre ces 3 règles, pour détruire la société tunisienne :
- la multiplication des mosquées : plus de 1300 mosquées nouvelles mosquées en 10 ans !
- l'action des associations caritatives islamistes qui endoctrinent les femmes et les mères de famille, au wahhabisme !
- le système scolaire est paupérisé, que ce soit par les bâtiments vétustes ou par les programmes.
Les écoles coraniques se sont multipliées.
Les écoles de la Républiques sont abandonnées pour les écoles coraniques, comme le recommandent les islamistes.
- les intellectuels sont ignorés ou écartés des grands médias.
Les journalistes et les chroniqueurs qui osent critiquer les islamistes, sont "remerciés" et disparaissent des médias.
Ils sont vilipendés, s'ils n'étaient pas agressés physiquement quand ils critiquent le système islamiste ...
Et en 10 ans d'islamisme, les Tunisiens s'en rendent compte par eux-mêmes, de la baisse du niveau dans tous les domaines à tout point de vu; et que la société régresse et perd ses acquis !
https://www.facebook.com/hassem.rawda.5/videos/220376133036205
NOUS SOMMES TOUS Abir MOUSSI !
RépondreSupprimerDevant la réaction du pan-arabiste Kais Saied face aux agressions des pan-islamistes,
Hamida Barnat interpelle le Président de la République :
" Pardon monsieur le président, si vous êtes au courant de l'agression criminelle contre Mme Abir Moussi et que vous l'ayez abandonnée à son sort, il est de mon droit de me poser la question qui êtes-vous ?
" Êtes-vous un ennemi ou un protecteur de la femme tunisienne dans laquelle l'État a investi pendant des décennies pour réussir la modernisation de la Tunisie ?
" Nous sommes tous Abir Moussa !