mardi 26 février 2019

Traditions jerbiennes et leurs origines ...

Jerba conservera-t-elle sa spécificité ethnique, religieuse et économique ? 
Rien n'est moins sûr. 
Depuis l’avènement du tourisme de masse sur l'île, beaucoup de ses habitants ont migré vers Tunis sinon vers l'étranger; et une nouvelle population venue des villes voisines (Gabes, Zarzis ...) s'installer à Jerba, fournit la main d’œuvre qui fait tourner l'industrie touristique. 
Si le wahhabisme a pu se répandre dans l'île, c'est parceque les autochtones à majorité ibadites sont partis, laissant le champ libre à cette obédience mortifère prendre sur une population inculte. Ce qui explique le résultat des élections pro Ennahdha à plus de 80% aux dernières élections. 
Dommage pour Jerba, elle est en train de perdre son âme.
R.B
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Oh combien j’ai été collant à cet habit, tenant fort à son bout de peur de me perdre dans les souks, ou pour me cacher des regards d’adultes qui ne me plaisaient pas, ou pour demander pardon, sans rien divulguer d'une bêtise commise et non encore découverte. 
Ou tout simplement pour me rassurer, sentir ma mère et être dans le confort de son corps généreux, protecteur et aimant.

Tenez-vous bien : cet habit me provient de l’ancienne Egypte, de l’Egypte Pharaonique !
Le domiati ou melhfa (drap), cet habit traditionnel que portent sur l’île de Jerba les femmes qu’elles soient d’origine berbère ou arabe.

Un peintre-photographe Français, natif de Ferry-ville, aujourd’hui Menzel Bourguiba ; un jour en visite à Jerba, en regardant les femmes jerbiennes portant le domiati et le chapeau de paille typique, m’a dit : Il y a quelque chose de pharaonique dans cet habillement. 
J’étais étonné mais pas surpris car il y a du vrai dans ce qu’il dit.

Cet habillement s’appelle domiati car il est originaire de Damiette, une ville égyptienne, à l’ouest de Port Saïd. 

C’est qu’avant la colonisation, les jerbiens faisaient du commerce avec les grandes villes de l’empire Ottoman dont les villes algériennes et celles de la côte Égyptienne comme le Caire, Damiette et Alexandrie, mais aussi avec Istanbul, La Sublime Porte de l’empire Ottoman; avec Jedda sur la mer rouge, avec le Yémen et jusqu’à Oman et les pays du Golf.

Si les jerbiens prénommaient leur filles « Toumana », « Temna » et « Taïz », c’est parce que « Toumana » est le nom de la monnaie persane en cours dans tout le Golf arabique de l’époque. Et le mot est encore en usage en Iran. « Temna » est le nom du port de Jedda et « Taïz » est une ville au Yemen.

C'est comme à Tunis où les tunisois prénommaient leurs filles « Louisa », prénom en rapport avec le Louis, monnaie française de l’époque coloniale; et que les tunisiens des villes de l’intérieur, prénommaient leurs filles « Tounès », en rapport avec la ville de Tunis centre du pouvoir beylicale.

Avec la colonisation, leur commerce s’est limité aux villes des pays nord africains colonisés ou sous protectorat français, essentiellement en Algérie et au Maroc mais aussi et surtout à Tunis et aux villes tunisiennes dans la vallée de la Mejerda, de Mjaz El Bab jusqu’à Ghar Dimaw, et celles de tout le nord-est du pays.

Revenons à Damiette. Les jerbiens y allaient sur leurs barques pour vendre leurs productions locales et d’autres produits importés d’ailleurs et, pour ne pas revenir avec des barques vides, importaient du riz pour leur alimentation. Tout le sud tunisien ne produit pas le blé et à Jerba, la production céréalière insuffisante se limitait à l’orge et au sorgho (Droo). Et donc le complément en besoin en céréales, est assuré par le riz importé d’Egypte.

La Tunisie continentale n’a connu comme céréales que le blé au nord et l’orge au sud. Sfax était la frontière alimentaire céréalière entre le nord et le sud. Frontière tracée grâce à la pluviométrie.

Le riz, a toujours été synonyme de misère chez beaucoup de tunisiens du continent, car historiquement la Tunisie continentale n’a connu le riz que suite à l’importation, par le Bey Hammouda Pacha, d’un bateau de riz pour faire face à la famine. Donc, le riz est resté dans la tradition culinaire de la Tunisie continentale, un met de misère et dans la culture populaire synonyme de famine. Les gens du nord, de la vallée de Mejerda, parle de « l’année du riz » pour dire l’année de la misère de 1785.

Alors que les jerbiens ont connu le riz bien avant et ont excellé dans sa cuisine, avec le fameux riz jerbien, cuit à la vapeur.
Jerba a réuni l’orge (planté sur l’île et importé du continent), le riz (importé du Delta du Nil) et le sorgho (originaire de l’Afrique subsaharienne), comme elle a réuni arabes, berbères et noirs, comme elle a réuni ibadites, malékites et juifs.  Le tout dans la paix, l’harmonie et la diversité, confirmant la réputation de Jerba d'être une île de tolérance ! 

Avec le riz de Damiette, les jerbiens ont importé l’habillement qu’ils ont appelé domiati. D’ailleurs, à Damiette on trouve un village qui porte le nom Izbat al Jirbi ‘’ عزبة الجربى ‘’, le domaine du jerbien.
Beaucoup de familles jerbiennes ont des arrières cousins dans les anciennes villes de l’empire ottoman et ailleurs où leurs ancêtres faisaient du commerce. Je peux citer les familles Ben Jemaa et Ben Dahmène qui ont leurs branches en Alexandrie, la famille EL Kateb à Istanbul et la famille Ben Tanfous à Oued M’zab en Algérie.

Une fois sur le web, je discutais avec un égyptien d’Alexandrie. Il m’a dit qu’il voulait venir visiter la Tunisie et particulièrement l’île de Jerba. Il ne savait pas que je suis jerbien. 
Je lui demandai : Pourquoi Jerba particulièrement ? Il m’a répondu, à ma stupéfaction, que c’est parce que sa grand-mère paternelle, décédée, est jerbienne.
Elle portait le nom de famille Jadoui, un nom bien jerbien.

P.S : Toutes les information historiques dans l’article, m’ont été rapportées par un père zeitounien de formation et amateur d’histoire, particulièrement celle de Jerba.

Texte repris par Rachid Barnat

1 commentaire:

  1. Merci pour toutes ces informations qui ravissent l'amoureuse de Djerba que le suis.

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