Juifs et musulmans sont cousins ! Rien dans leur religion ne justifie leur haine les uns pour les autres, nous rappelle le coraniste, Mohamed Talbi.
R.B
R.B
Le Christianisme, refusant la
diversité, si ce n’est comme un état de fait calamiteux et transitoire, il
n’y a pas de solution qui ne soit autre chose qu’un équilibre de force qui peut
être à tout moment rompu, dès que le partenaire donne des signes de faiblesse.
C’est-ce qui nous était arrivé et nous ne sommes pas encore au bout du tunnel.
Nous respectons l’autre, mais pour être nous-même respectés, il nous faut nous
faire respecter par l’autre, par tous les moyens, sans agression ni complexe.
Le respect n’est pas un cadeau que l’ont fait sur un plateau d’argent.
L’équilibre des forces, pour qu’un système soit cohérent, est une loi
universelle. La dissuasion, par la force de la pensée et en cas de nécessité
par celle des armes, pour faire barrage aux agressions, peut seule en être le
garant. C’est ce qui nous a poussé à nous engager dans l’effort collectif de
rénovation de la pensée musulmane. Les armes, ce n’est pas notre affaire, et
c’est un autre sujet qui ne peut être abordé ici. A ce propos il y a beaucoup à
dire sur les despotes qui nous gouvernent et qui sont les meilleurs alliés de
nos agresseurs.
Avec nos frères juifs, la
situation est totalement différente. Comme l’Islam, le Judaïsme n’est pas une
religion missionnaire, envahissante et conquérante des âmes urbi et orbi. Avec
les Juifs nos ennuis sont d’une nature entièrement différente. A ma
connaissance, les Juifs ne sont pas en communion totale de pensée avec le Pape.
Ils ne partagent pas toutes ses convictions sur notre Prophète. Certes ils
n’admettent pas Muhammad comme Prophète, pas plus que Jésus d’ailleurs, ni
Prophète, ni encore moins Dieu dont ils sont rendus coupables de son
assassinat. Pour les Juifs, Muhammad n’est pas Prophète, pas pour eux en tout
cas. Pour eux c’est une affaire de Gentils. Elle ne les concerne pas. Ils ne
tiennent pas sur lui les mêmes propos que Benoît XVI. Ni André Chouraqui [1],
d’origine algérienne et qui fut mon ami, ni Jacques Attali ne pensent comme
lui.
Comme l’Islam, le Judaïsme
n’est pas une religion hégémonique et totalitaire. Comme l’Islam, le Judaïsme
n’est pas une religion apostolique, conquérante et missionnaire. Conformément
aux prescriptions mêmes de la Torah (Dt., 32 : 8), le Judaïsme est fondé sur la
différence et la diversité. Yhwh est le Dieu privé des Juifs. Les Gentils ont
leurs dieux propres. Nous sommes les Gentils, et notre Prophète est justement
«Le Prophète des Gentils» (Al-Nabî al-Ummî) envoyé à tous les hommes et
à toutes les nations, pour avertir et annoncer sans contraindre. Les Juifs ont
leur lecture de la Bible, parfaitement respectable, et comme la Bible est aussi
notre Livre, nous en avons notre lecture. Cela peut se concevoir, sans donner
lieu à des conflits. Nos différents avec les Juifs sont de nature uniquement et
exclusivement politique, donc susceptibles d’être un jour politiquement
résolus. Il n’y a pas de conflits politiques qui durent éternellement. Disons
le, plus vite ils sont résolus, et mieux c’est.
Pour nous, en effet, le Coran
s’inscrit dans une continuité parachevante, rectifiante, authentifiante et
prédominante sur la Bible, qui est aussi notre Ecriture, déformée à travers les
âges par une multitude de scribes entassant les doublons, les versions
superposées et souvent contradictoires. L’Islam est «Millat Ibrâhîm» (la
Tradition d’Ibrâhîm, Coran, 2 : 130, 135 ; 3 : 95 ; 4 : 125 ; 6 : 161 ; 12 : 38
; 16 : 123 ; 22 : 78). Il n’est pas une religion nouvelle. «La religion [de
toujours] auprès d’Allâh, est al-Islâm» (3 : 19). «Al-Islâm»,
en arabe, est la «Soumission» volontaire, par un acte de foi libre et
rationnel, au Dieu Unique, Un et universel. En ce sens, il est la religion
originelle et universelle de la nature humaine, dès que l’homme est devenu
théotrope en émergeant du «fleuve du vivant», comme dit Konrad Lorenz. Ibrâhîm,
taraudé par le doute, fut conduit par Allah à cette religion en méditant sur
les Signes. Nous faisons comme lui, et nous suivons sa voie. Allah dans le
Coran ne cesse de nous demander de lire les Signes (Âyât, 382
occurrences dans le Coran), pour trouver, comme Ibrâhîm, le chemin qui mène
vers Allah, et la religion originelle, universelle et rationnelle. Ibrâhîm du
Coran est très différent d’Abraham de la Bible, devenu le père d’une coterie,
engagé dans des comptes d’apothicaire avec son Dieu privé, Yhwh. Le Coran lui
restitue ses vrais traits.
Mais personne n’est obligé de
s’engager sur les pas d’Ibrâhîm du Coran. Nous n’avons pas pour mission de
coraniser le monde. Notre mission est de l’humaniser[2]. Le Coran, dans
plusieurs versets d’une parfaite clarté, admet la diversité, voulue par Allah
et faisant partie de Son Plan sur le monde. Nous ne forçons personne d’entrer
dans sa maison pour qu’elle «soit remplie» (Lc., 14 : 23). La diversité est le
corollaire obligé de la liberté religieuse, à laquelle l’Islam est fermement
attaché sur commandement ferme et sans ambages du Coran.
Ce chapitre je l’ai écrit par
anticipation, pour le jour où il sera possible d’établir avec nos frères juifs
et chrétiens, qui ont leur place dans le Coran, des relations basées sur la transparence
sans concession ; sur le droit à la différence sans arrière-pensée ; sur la
diversité dans le respect mutuel ; et sur le droit au respect, au besoin par le
recours à la dissuasion, chaque fois qu’il y a ingérence extérieure et
manquement au respect. Le respect n’est pas une générosité, un cadeau que l’on
fait. Il s’impose de droit, et au besoin on l’impose par tous les moyens
intellectuels, et s’il le faut matériels de droit. Nous parions sur un avenir
sans dominateurs ni dominés. L’Islam n’est plus complexé. Aujourd’hui il n’y a
plus de place pour «l’abominable Mahomet.» S’il faut rendre coup pour coup,
nous le ferons. Si on cherche la confrontation, on l’aura. Mais nous cherchons
plutôt à construire.
Moïse le Prophète est le nôtre.
Toute parole de vérité qu’il dit dans la Torah, est la nôtre. Jésus le Prophète
est le nôtre. Toute parole de sagesse qu’il dit dans les Evangiles, est la
nôtre. Le Christ Dieu Fils de Dieu et Fils de la Mère de Dieu n’est pas le
nôtre. Il est une fabrication de Paul, et il se superpose dans les Evangiles
falsifiés sur Jésus le Prophète dont il faut soigneusement le distinguer, ce
qui est faisable en suivant les lignes de fissures dans le collage maladroit
des deux Jésus homonymes, l’un Prophète, et l’autre un juif nationaliste
autoproclamé Roi des Juifs, et crucifié pour ce motif inscrit sur l’écriteau
placé au dessus de sa tête par le Procurateur romain.
Nous ne faisons aucune
distinction entre les Messagers d’Allah (Coran, 2 : 285), qui tous prêchent la
même religion : l’Amour du Créateur, et la soumission confiante, sereine et
pleine d’espérance en Sa Mansuétude Infinie. Nous avons notre lecture de la
Bible, criblante et rectifiante. Après criblage, toute vérité que nous y
découvrons est Parole d’Allah. Elle nous oblige autant que le Coran. Tous les
hommes sont nos frères en humanité, dans le respect exigeant mutuel. Allah nous
dit :
«Il se peut qu’Allah mette,
entre vous, et ceux qui comptaient parmi vos ennemis, de l’affection (mawadda).
En effet, Allah est Tout Puissant ! Et Allah est Pardon et Matricielle
Miséricorde ! Allah ne vous interdit pas, envers ceux qui ne vous ont pas
combattus en religion et ne vous ont pas expulsés de vos demeures, d’avoir pour
eux pieuse affection (tabarrûhum) et d’être équitables envers eux. Allah
aime les gens équitables. Allah vous interdit seulement, envers ceux qui vous
ont combattus en religion et vous ont expulsés de vos demeures, et ont prêté
main forte pour votre expulsion, de les prendre pour alliés amis (tawallawhum).
Ceux qui les prennent pour alliés amis, ceux-là sont les offenseurs (al-zhâlimûn)»
(Coran, 60 : 7-9).
En Islam, l’inimitié n’est pas
faite pour durer. L’Islam n’est pas une religion de haine et de violence. Il
est une religion de paix et de fraternité dans la différence et la diversité
voulue par Allah et faisant partie de son Plan sur l‘homme. Nous n’avons pas la
mission, comme c’est le cas pour le Christianisme, de forcer tous les hommes à
entrer dans l’Islam. Nous acceptons la différence et la diversité sans
arrière-pensée. Allah dit en effet à Son Messager chargé cependant de
transmettre Son Ultime Message à la totalité des hommes (7 : 158 ; 34 : 28) :
«Remémore (Dhakkir), tu n’es qu’un Remémorateur (Mudhakkir). Sur
eux, tu n’a aucune autorité» (88 : 21-22). Muhammad ne fait que remémorer aux
hommes les Messages antérieurs, dont la Torah et l’Evangile, qu’il mène à leur
terme final. Il apporte le Dernier Message pour tous hommes, porteur de la
religion originelle et universelle. Il n’est qu’un Eveilleur de conscience, et
laisse chaque homme libre devant sa conscience. Il n’a pas pour mission de
forcer les consciences. Allah lui intime l’ordre de faire parvenir Son ultime
Message à tous les hommes, et de respecter la liberté de choix, les différences
et la diversité. Allah seul juge le Jour du Jugement.
Sur terre, il faut vivre avec
tous les hommes et respecter leurs choix. Il faut savoir pardonner et
surmonter, et suivre l’exemple d’Allah qui «est Pardon et Matricielle
Miséricorde.» Allah nous recommande d’aimer tous les hommes, et d’avoir pour
eux la «pieuse affection» qui dépasse les clivages confessionnels. Un hadith
dit : «Tous les hommes sont la famille d’Allah.» Et Allah dit : «Soyez
indulgents et tournez la page. N’aimez-vous pas qu’Allah vous pardonne ? Et
Allah est Pardon et Matricielle Miséricorde !» (Coran, 24 : 22).
Le verbe Aimer et le substantif
Amour interviennent dans le Coran 79 fois. L’Amour est absent des Evangiles. Il
n’y ait question que dans la première Epître d’un certain vieillard appelé
Jean, et encore entre groupes de jeunes chrétiens désorientés et persécutés,
auxquels il conseillait paternellement de serrer les rangs, et de s’aimer entre
eux dans le Christ (1Jn, 3 : 16, 23 ; 4 : 7, 10, 16, 19, 21 ; 5 : 3).
La famille déchirée, physique et
spirituelle d’Ibrâhîm.
Les Juifs se considèrent comme la
famille d’Abraham par la chair, les enfants d’Isaac par Sara, et de Jacob. Pour
eux la prophétie a trouvé son terme final et insurpassable dans Moïse. Les
nombreux Prophètes qui avaient suivi, et auxquels Yhwh avait parlé, n’étaient venus
que pour guider les Juifs sur la voie ouverte par Moïse, ou les rappeler à
l’ordre. Les Juifs attendent désormais le Messie qui n’est pas encore là pour
eux. Pour le Christianisme, qui n’est qu’une hérésie juive, le Messie est déjà
là. Il est le Christ, dans lequel la Révélation, d’abord par prophètes
interposés, a atteint enfin son point culminant et insurpassable dans le Fils
de Dieu. Les Juifs, peuple déicide qui n’avait pas reconnu en lui le Messie,
sont déchus désormais de leur Alliance et de la paternité d’Abraham. Les
Chrétiens sont dès lors les vrais enfants d’Abraham par l’esprit, le vrai
(Verus) Israël et les dépositaires de la nouvelle Alliance. Dans un cas comme
dans l’autre, Muhammad n’a pas de place. Il est un imposteur, et pour les Chrétiens
l’anti et l’antéchrist. Or, le Prophète est pour nous le fils d’Ibrâhîm par la
chair, descendant d’Ismaël, fils d‘Ibrâhîm par Agar, et tous les musulmans sont
sa famille par l’esprit en suivant sa voie. La famille physique et spirituelle
Ibrâhîm est ainsi très déchirée.
Peu importe les parts de fiction
dans toutes les généalogies, comme le fait ressortir Ibn Khaldûn. La fiction
dans ces cas joue le même rôle que le réel. Le fait est que nous revendiquons,
Juifs et Musulmans, l’héritage d’un même grand-père, Ibrâhîm[3], père d’Isaac
et d’Ismaël, mythe pour certains, et réalité pour nous. Mon premier vœu est
donc de réconcilier, au-delà des discordes, les Fils d’Isaac et les Fils
d’Ismaël, parce que cela est à la fois possible et nécessaire. Il en va autrement
avec le Christianisme, en raison de son caractère apostolique, et par là
hégémonique. Dans toute collaboration avec le Christianisme, pour lequel
Mahomet n’apporte rien de bon, il y a toujours l’arrière-pensée de phagocyter
par conversion. Juifs et musulmans, dans le respect des différences et des
diversités, peuvent transmettre ensemble et d’une même voix, les valeurs
universelles de l’humanisme transmises par Ibrâhîm, que l’on trouve également
dans la Torah épurée, relue et corrigée, et dans le Coran lu dans ses
intentionnalités, au lieu de s’entredéchirer pour quelques arpents d’une terre
aride, c’est-à-dire finalement pour rien. Un jour il faut que cela prenne fin.
Aucune guerre n’a jamais duré éternellement
Entre des cousins, il y a des
histoires. Mais il ne faut pas s’y installer et s’y complaire. Il faut réparer
et reconstruire la famille. Ce n’est pas facile, mais ce n’est pas impossible.
Tous ceux qui sont clairvoyants, et conscients de l’enjeu, au-delà des
victimisations et des injustices, doivent s’y employer. Il ne s’agit pas
d’oublier, ni pour les uns ni pour les autres. Il s’agit de surmonter ensemble
par une volonté concertée et lucide.
Par contre il n’y a pas de
réconciliation possible avec le Christianisme papal et clérical tant qu’il
maintiendra, en conformité avec le Concile de 686, que Muhammad, un fils
d’Ibrâhîm, «n’a apporté au monde que des choses mauvaises et inhumaines.» Le
Christianisme est une religion apostolique, pastorale et missionnaire. Lorsque
le but est de faire de toutes les nations des disciples du Christ, il n’y a pas
de place à la différence et à l’autre. Tant que les Chrétiens ne renonceront
pas au racolage et au harcèlement religieux, Amour et Agapè ou pas, le seul
dialogue avec eux est celui de la confrontation et de la vigilance. Je ne parle
pas des laïcs. Je parle de l’Eglise du Christ sous toutes ses formes. Celle-ci
a pour but déclaré de débarrasser le monde «des choses mauvaises et inhumaines»
dont «l’abominable Mahomet», suppôt de Satan, l’a inondé et immondé. Que
pouvons-nous en attendre ? La mission des loups apôtres est toute tracée et ils
ne peuvent en dévier sans trahir leur Christ.
Il en va autrement avec le
Judaïsme. Comme l’Islam, le Judaïsme n’est pas une religion apostolique. Nous
pouvons parfaitement coexister et vivre ensemble sans arrière-pensée
phagocytaire dans un monde divers et pluriel. Ceci est capital. Ce qu’il nous
faut, c’est laver notre linge sale en famille, et rétablir la confiance et
l’estime, qui n’avaient pas manqué dans notre longue histoire commune. L’estime
mutuelle est essentielle pour la réconciliation. Sans estime réciproque, tout
est vain. Or, l’échange des accusations, d’un côté et de l’autre, ne favorise
pas l’estime. Si l’on veut faire de l’histoire une école de haine perpétuelle,
rien de plus facile : la haine génère la haine à l’infini, et personne ne
manque d’arguments et de raisons pour haïr l‘autre. C’est un choix à faire !
Les discordes, surtout à l’époque
récente, n’ont pas manqué. Mais pourquoi des cousins ne peuvent-ils pas se
réconcilier, et construire ensemble, au lieu de se détruire en commun, en dépit
de tout bon sens, et de tout intérêt bien compris ? C’est la question que je ne
cesse de me poser. Y a-t-il de l’irréparable entre nous ? Catégoriquement non !
Qu’on y réfléchisse !
Les enfants d’Isaac, ne sont pas
pour nous - les enfants d’Ismaël - une «race de vipères» (Mt., 3 : 7 ; 12 : 34
; 23 : 33 ; Lc., 3 : 7). Comment peuvent-ils l’être ? Nous le serons aussi. Ils
ne sont pas non plus un Peuple déicide. Comment peuvent-ils l’être ? Nous ne
croyons pas à la fable mythologique d’un Fils de Dieu, tué ignoblement par Dieu
son Père sur la croix, et dont les Fils d’Isaac seraient les bourreaux tueurs
pour l’éternité, ou plutôt les exécutants de la sentence de son ignoble Père,
qui vous charge ensuite cyniquement du crime, qu’il a lui-même décidé et
perpétré, pour faire de son agneau de Fils, le jour de la fête de la Pâque, un
mythique Rédempteur de l’humanité d’un mythique péché originel. Le tout par un
Amour exorbitant qui commence par un meurtre de droit commun, qui relève de la
justice des hommes, si la police avait pu mettre la main sur le coupable, qui
ne peut être extradé du Royaume du Ciel ! Comme on n’a pu extrader le Père,
pour le juger, on a fait de vous le coupable tout désigné. L’absurdité est
évidente. Ne peut-on pas aimer autrement et moins cyniquement ? Je me le
demande. Nous ne croyons pas que vous êtes, par cet acte aussi horrible
qu’imaginaire que l’on vous attribue, déchus de votre Alliance. Vous êtes
toujours les B’nai B’rith et le Verus Israël. Sur le fond, nous sommes donc
unis. En commun nous ne croyons pas à la cruci-ficion.
Nous, les Enfants d’Ismaël, nous
ne sommes pas pour vous, le Verus Israël et Fils d’Isaac, «l’Axe du Mal», même
si Ismaël est exclu de l’Alliance, mais dont le nom signifie quand même en
hébreu «Dieu écoute», et qui s’était réconcilié avec son frère sur la tombe du
Père commun (Gn, 25 : 9), présageant la réconciliation des enfants de l’un et
de l’autre. Vous n’en avez jamais fait de notre Prophète le pourvoyeur du monde
en «choses mauvaises et inhumaines», et vous ne l’avez pas caricaturé à la
manière danoise approuvée par l’Occident chrétien unanime. Quelles que soient
nos discordes vous ne pouvez pas aller jusque là. Le Prophète des Nations reste
pour vous pour le moins fréquentable, voire à la rigueur authentique et
acceptable. Certains rabbins, dont René-Samuel Sirat[4], font ce pas. Il n’est
pas pour vous, comme pour sa Sainteté Benoît XVI, le Mahomet «qui n’a apporté au
monde que des choses mauvaises et inhumaines.»
Au contraire, l’un des vôtres,
Jacques Attali, écrit même :
«L’islam est d’une certaine façon
la religion parfaite, dans la mesure où c’est une religion sans histoire,
transcendante et universelle, dans l’abstraction totale, avec un Dieu dénué du
moindre anthropomorphisme. Une abstraction du judaïsme et du christianisme de
l’époque. Les rabbins ont tout de suite accepté l’islam comme un monothéisme,
«le plus pur» même, disait Maimonide[5].»
Généralement on ne parle pas
«d’abstraction» mais de «réduction.» La substitution d’un terme à l’autre est
significative, et le jugement est dans son ensemble positif. Pour nous
cependant, il faut le préciser, le Coran n’est ni une «abstraction» ni, encore
moins, une «réduction», car il serait alors une redondance supplétive et
inutile. Il est redressement, continuation et prédominance sur les Ecritures
précédentes qu’il authentifie et clôture (Coran, 5 : 48). Mais il va de soi que
ce positionnement ne vaut que pour nous, c’est-à-dire pour ceux qui croient que
le Coran est l’ultime Parole divine adressée erga omnes, à tous les hommes
(Coran, 7 : 158 ; 34 : 28), et personne n’est contraint d’y croire.
L’islam est liberté, et respect
pour toutes les croyances et toutes les idéologies.
رئيس الجمعيّة
محمّد الطالبي
[1] Je renvoie particulièrement à son ouvrage Les Dix
Commandements Aujourd’hui, Paris, 2000, Robert Laffont
[2] Nous renvoyons à notre ouvrage, Gaza, Barbarie
biblique ou de l’extermination sacrée ; et Humanisme coranique ; Textes
comparés à l’appui, Tunis, 2009.
[3] Nous renvoyons à Abraham Ségal, Abraham Enquête
sur un patriarche, Paris, 1995, Plon.
[4]Dans Regards juifs sur l’Islam, dans Juifs et
musulmans en Tunisie, Actes du colloque international de Paris, Sorbonne (22-25
mars 1999), Somogy, p. 45-54.
[5] Dans Le Monde des Religions, Paris, n° 22,
Mars-Avril 2007, p. 78.
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