Ou quand les religions monothéistes fabriquent des frustrés sexuels !
Les religions anciennes dans leur polythéisme, prévoyaient souvent quelques dieux consacrés à l'amour, à la sexualité et à la procréation. Ce n'est qu'avec l’avènement du monothéisme que Dieu condamne la sexualité à cause d'Adam qui a osé croquer dans le fruit défendu que lui tendait Ève !
Les religions anciennes dans leur polythéisme, prévoyaient souvent quelques dieux consacrés à l'amour, à la sexualité et à la procréation. Ce n'est qu'avec l’avènement du monothéisme que Dieu condamne la sexualité à cause d'Adam qui a osé croquer dans le fruit défendu que lui tendait Ève !
Et quel était ce fruit ? C'était la fameuse pomme du "savoir", autrement dit la sexualité !
D'avoir perdu son innocence (son pucelage), Adam va le payer très cher; puisque Dieu va le punir en le chassant lui et Ève du paradis pour les envoyer sur terre où ils doivent expier leur péché : lui par la souffrance pour subvenir à ses besoins et elle lors de ses accouchements ! Et ce n'est qu'une fois repenti que dieu lui laisse entrevoir le paradis à nouveau sinon l'enfer, en fonction des bonnes et des mauvaises actions qu'il aura accomplies sur terre !
Ce mythe fondateur des trois religions monothéistes, leur donnera un pouvoir immense sur les hommes en contrôlant leur sexualité et plus particulièrement celle des femmes. Les religions étant une affaire d'hommes, certains par des lectures exégétiques mettent le curseur de l'interdit, de l'interdiction absolue à celui avec certaines tolérances.
Ainsi dans l'islam, si le soufisme prône l'amour et la jouissance de la beauté (des femmes, de la poésie, du chant, de la musique, de la danse, de la nature ...), pour que l'homme par le plaisir qu'il y trouve, reconnaissant à son créateur, l'adorera d'avantage; ce n'est pas le cas dans le wahhabisme qui les interdit car ils distraient l'homme de Dieu.
D'où tous les interdits dans le wahhabisme jusqu'à l'absurde, concernant "Ève" pour qu'elle ne tente plus le pauvre "Adam" !
D'où tous les interdits dans le wahhabisme jusqu'à l'absurde, concernant "Ève" pour qu'elle ne tente plus le pauvre "Adam" !
R.B
L’orgasme n’est pas un complot occidental
Le sexe est-il
l’ennemi d’Allah ou de Jéhovah ou de Dieu ? Dans le monde musulman,
aujourd’hui, l’opposition entre les deux est violente quoiqu’on cherche à le
nier sous prétexte de « culture différente », par refus de
« l’essentialisme », comme il est à la mode de le formuler
aujourd’hui, ou par narcissisme, toujours exacerbé chez le post-colonisé.
Il est pourtant au
cœur des discours du prêcheur dans les mosquées, du cheikh qui occupe les télés
religieuses, ou des thématiques qui ont les faveurs des médias islamistes ou
conservateurs, de la harangue des foules ou des excès des réseaux sociaux.
Société idéalisée et asexuée
La chasse au sexe –
formule lapidaire pour désigner la criminalisation de la sexualité –,
au prétexte de la vertu, revêt même les attributs d’une guerre pour
« sauver » l’identité, se faire gardien d’une « culture
nationale authentique », ou même d’une société idéalisée et asexuée dans
des pays musulmans.
Le sexe, la sexualité,
l’orgasme, le corps sont d’ailleurs confondus, sciemment dans la rhétorique des
prosélytes, avec l’Occident comme corps fantasmé. Un Occident licencieux,
libertin, sans « valeurs », qui s’effondre, selon les prêcheurs.
Opposé à une nation, une oumma –
collectivité transnationale, théologique –, vertueuse, vraie et différente.
La sexualité, autant
que la ligne de l’histoire coloniale devenue aussi une rente idéologique, sert
à la démarcation violente et sans appel avec l’Autre. Nous ne sommes pas
« eux », les Occidentaux, les étrangers. Chez nous, le sexe doit être
sous le coup de la loi ou de la loi religieuse, pas transcendant comme
érotisme, art, passion, épopée intime de l’individu. Il est du domaine de
l’interdit, du rite, pas de celui de la vie, de l’amour ou du droit au corps.
La peur et l’ignorance
Du coup, parler de
sexe est sous le monopole du discours religieux depuis des décennies. Personne
n’est plus expert en sexologie fantasmatique, en manuel pour coucher avec
les houris [vierges célestes] que les docteurs de la
loi, la galaxie des cheikhs et les militants croyants. Ils en décident tous
selon une vieille clause religieuse valable pour les autres monothéismes :
si tu es un homme, ton corps n’est pas le tien, il est celui de Dieu. Quand tu
es une femme, ton corps appartient à ton Dieu, mais aussi à ton homme, à ton
propriétaire ou ton grand frère, ton père ou ton fils aîné.
Les cheikhs parlent de
sexe autant qu’autrefois on parlait des stations mystiques et des visions chez
les grands soufis. Ils en détaillent l’enfer sur terre et le paradis après la
mort, décrivent les houris comme
s’ils les scrutaient à travers une fenêtre, et ils remplacent tragiquement
l’orgasme par la douleur et la tension du manque qui sera comblé
ultérieurement.
Le discours religieux,
évitant la confrontation directe avec les régimes ou les opinions des élites
réfractaires, ne s’attarde presque jamais sur la corruption, les mandats à vie,
les dictatures ou les Constitutions violées, mais sur le sexe, le bikini, la
jupe, le genou de la femme, le visage, l’attouchement, la hauteur du talon de
la chaussure féminine, l’interdiction de la chirurgie esthétique,
l’interdiction d’épiler une femme non mariée dans les salons de beauté, etc. Le
sujet est fédérateur, vieux comme le monde, lieu du malaise, de l’hésitation,
de la douleur et de l’espoir de jouissance, de la peur et de l’ignorance.
Menace de dissolution du groupe
Mais pourquoi le sexe
fait-il si peur, au point de servir au prêcheur comme au policier pour
immobiliser et mobiliser la société, et déposséder l’individu de son
corps ?
Des pistes de
réponses : le sexe suppose essentiellement la liberté, qui est le
contraire de la dictature ou de la soumission. Il suppose aussi l’appropriation
de son corps et donc la proclamation de la possession et de l’individualité.
Dès qu’on a droit à son corps, on a droit au reste, ou on le réclame.
Cette incarnation de
l’individu est le contraire de la collectivité, de la tribu, de la oumma
ou du groupe. Autre paradoxe : la sexualité est la mécanique qui
perpétue le grégaire, mais c’est aussi son contraire. La sexualité vécue
librement, visant la jouissance et pas seulement la procréation régentée par la
loi et le rite, risque, à force d’amour et d’orgasmes, de mener à la
conclusion que le paradis d’ici-bas vaut mieux que le paradis promis. De quoi
saper à la racine la promesse si ancienne des gardiens du dogme de la
soumission. Le sexe libéré sera la proclamation, révolutionnaire, de la
primauté de la femme aimée sur la houri espérée.
On comprendra donc que
le sexe est vécu comme la menace de la dissolution du groupe, mais aussi comme
un renversement de la hiérarchie religieuse : le corps vaut plus que
l’âme. C’est donc la primauté de la vie sur l’au-delà, de la liberté sur la
soumission, de la jouissance sur la promesse, de la caresse sur la prière, du baiser
sur la conversion.
Déclassement de la jouissance
Soumise à la règle
religieuse ou du régime, la sexualité perd de sa puissance d’infraction ou de
contestation (tous les régimes totalitaires sont puritains, étrangement) et se
retrouve appelée à assurer une fonction de procréation et de perpétuation qui
déclasse la jouissance.
Le sexe serait le
contraire du texte, du dogme à tout point de vue, alors ? Même si cela
n’est pas vrai, même si l’histoire des empires musulmans a connu des
raffinements époustouflants que les amateurs d’âges d’or ne cessent de
rappeler, même si le sexe est irrépressible et que son empire est aussi vaste
que l’inquisition qui le repousse à la marge, aujourd’hui il est malade ou pris
en otage. Il est le lieu profond et clandestin de la sécularisation empêchée,
l’espace de la douleur qu’on nie et de l’espérance à laquelle on sursoit.
Irrépressible et
impossible à contenir, le sexe se replie à défaut vers les espaces de la marge
ou de la pathologie : il devient parfois inceste, infraction, clandestinité,
viol et harcèlement, tricherie sur les apparences, fait divers, inquisition. Le
couple, pour construire la caresse ou l’orgasme, se réfugie dans les
cimetières, les jardins, les appartements clandestins, les plages désertes et
inquiétantes, les voitures garées dans des coins perdus, les hôtels de luxe
pour les plus nantis.
Et l’amour ?
C’est une histoire d’Occident ou du passé nostalgique, assure-t-on. Il a existé
avant la chute de Grenade, selon le mythe d’une Andalousie fantasmée, à l’époque
des Abbassides ou quand le cinéma était égyptien, pense-t-on peut-être. Depuis,
les choses ont changé : officiellement, l’amour c’est pour après le
mariage, la liberté sexuelle pour après la mort.
Est-ce tout ?
Est-ce vrai ? Où retrouver l’amour donc ? Comment le vit-on ?
Par mille ruses. Comme une évasion de prison. Un proverbe algérien amusant veut
que « l’amour des fenêtres [n’aboutisse] jamais ». Vieille métaphore urbaine sur ces
amours impossibles entre une jeune femme enfermée dans une maison, penchée par
la fenêtre, et son amoureux qui lui fait des signes de loin. Scène de la
frustration, de l’impossibilité ancestrale.
Générations perdues entre YouPorn et la fatwa
Aujourd’hui, ce n’est
plus le cas : l’amour est justement possible par les « fenêtres ».
Celles d’Internet, des réseaux sociaux, champs virtuels qui mènent parfois au
« concret », où se réfugient les couples, comme ils le font dans les
jardins inquiets.
Internet a réinventé
la sexualité et l’amour, les a rendus possibles ou malades, a restitué la
possibilité de voir le nu ou de s’y abîmer, d’apprendre à faire l’amour ou de
transformer le désir en insultes, violences et pathologies. Internet a été la
révolution des sens, mais n’a pas encore mené à la révolution contre les
hiérarchies. Y sont nées des générations perdues entre YouPorn et la fatwa. Le
« chat » et la paranoïa.
Cependant, l’amour est
encore possible même traqué, visible par sa résistance, son irréductibilité aux
rites et aux lois, par l’obsession maladive qu’il provoque chez les intégristes
qui en traquent les signes comme les cadenas posés par des couples en 2013
sur le pont de Telemly à Alger. Il est dans le raï, dans les cabarets d’Oran ou
nomade dans les voitures où se cachent les couples, dans la danse rare ou
l’exil, dans le roman et le verbe. Censuré mais nécessaire à la perpétuation du
sens, l’amour est moins pratiqué que la prière, mais il existe encore.
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