vendredi 21 septembre 2018

La langue arabe, enjeu politique pour islamistes


Et une fois de plus les Frères musulmans avaient une longueur d'avance sur l'Etat français ! Il faut croire que les responsables politiques de droite comme de gauche n'ont pas pris la mesure de la grande déception des enfants issus de l'immigration, nés en France, après la fameuse marche des beurs qui aspiraient à une réelle intégration ! 
Les Frères musulmans ont su récupérer leur mécontentement pour le transformer en revendications "identitaires" en leur offrant des centres culturels et cultuels où ils vont les aider à se réapproprier leur identité "arabo-musulmane" négligée par leurs parents soucieux d'assurer leur intégration dans la République française. Sauf qu'en guise d'identité et de religion, ils vont leur inculquer le wahhabisme et le model sociétal d’Arabie qui va avec ... totalement étranger à l'identité de leurs parents venus d'Afrique du Nord pour l'essentiel !
Et depuis, tout débat est biaisé par des Frères musulmans maîtrisant bien la culture française, le droit et la politique française pour parvenir à leurs fins. Ainsi après les débats qu'ils ont imposés aux français à propos du voile, du burkini, de la cantine, de la viande halal, de la piscine, des soins hospitaliers, des prières de rue, des lieux de cultes, puis de la religion; voici le tour de la langue arabe.
Après avoir instrumentalisé la religion, c'est au tour de la langue arabe essentielle pour eux pour bien apprendre le Coran et le réciter correctement. Ils n'ont que faire de la culture arabe et encore moins de la poésie anté-islamique !
Et dire que certains tombent encore dans leur piège. Si on suit leurs arguments plaidant pour l'enseignement de l'arabe, on se demande pourquoi n'enseigne-t-on pas aussi les langues des différentes ethnies immigrés en France, à leurs enfants nés en France ? L'arménien, le russe, le polonais, le turc, le chinois, le vietnamien, le swahili ... Bref, c'est la boîte de Pandore que la France ouvre, pour satisfaire le communautarisme que les Frères musulmans lui imposent. 
La guerre des langue va commencer ...
R.B



Il faut rendre l'arabe à l'école de la République

TRIBUNE. Pour la grande historienne Jacqueline Chabbi, la langue arabe est l'objet d'une inculture et d'un racisme qui l'assimilent à tort à "la langue du Coran". Mais aussi d'un mépris trop répandu chez ses collègues de l'Education nationale. Il est urgent, dit-elle, de promouvoir son enseignement à l'Ecole publique.

L'arabe du VIIe siècle en Arabie fut avant tout la langue des poètes. Poèmes de nostalgie tribale lorsque du campement de la belle il ne reste plus que les traces, poèmes de louanges pour attirer la bienveillance des chefs de clan, poèmes de féroce satire contre la tribu des autres, ceux avec lesquels on n'est pas allié. Deux siècles plus tard, dans la société de l'empire (car les califats n’ont jamais été que cela malgré l’exotisme du mot), la poésie omniprésente fut avant tout celle du vin, la poésie bachique, celle des tavernes au bord du Tigre, le fleuve qui traverse Bagdad, capitale cosmopolite vers laquelle convergeaient les richesses de l'Orient comme de l'Occident. On y débarquait des cargaisons de barriques bien réelles, pleines du breuvage porteur d'ivresse, au grand dam, parfois, de quelques redresseurs de tort que personne n'écoutait.

L'arabe, ce fut aussi la poésie de l'amour, celui de la courtisane ou de la belle inaccessible, ou encore la poésie exaltée des mystiques qui ne recherchaient, en fait d'ivresse, que celle de pouvoir s'unir au divin. Tout autant que le latin pour l'Europe jusqu'à l'aube de l'époque moderne, l'arabe a été la langue de la belle prose, de la philosophie d'Averroès à Avicenne, et encore celle de la science à son apogée. Les algorithmes d'aujourd'hui ne doivent-ils pas leur nom à al-Khawârizmi mort en 850, un mathématicien de l'Asie centrale musulmane qui écrivait évidemment en arabe.

On savait encore tout cela, ne serait-ce qu'il y a une trentaine d'années. Mais curieusement aujourd'hui, comme par réflexe croisé, dans les populations musulmanes de croyance ou de culture, en France comme ailleurs en Europe, ainsi que pour un grand nombre de non musulmans, l'arabe n’est plus que «la langue du Coran », objet d'adoration pour les uns et de répulsion pour les autres.

Un déni de 1400 ans d’histoire

Pour les musulmans de conviction, l'arabe est aussi devenu la parole revendiquée comme authentique de « mon Prophète », avec un pronom caractéristique d'appropriation, alors que ce corpus est postérieur de deux siècles au Coran ; c’est ce qu’on désigne sous le nom de Hadîth, c’est-à-dire la Tradition dite prophétique censée reproduire les exactes paroles du dit prophète. Je n'écoute que « les savants de ma religion qui m'expliquent le Coran et les paroles de mon Prophète. » C'est ce que répondent sur internet et avec une candeur désarmante, ceux, sûrs de leur fait, auxquels on adresse une parole autre, par exemple une parole qui cherche à historiciser le passé pour mettre le présent à sa place et faire un sort aux fantasmes qui s'inventent à la chaîne et circulent en toute impunité.

Aujourd’hui, il semble que pour beaucoup, l'arabe ne soit pas une langue de communication. Il semble que ce ne soit pas une langue littéraire, celle du prix Nobel égyptien de 1988 Naguib Mahfouz. Il semble qu'au déni de 1400 ans d'histoire, l'arabe soit devenu une valeur refuge, la langue d'une religion ou plutôt de leur religion, celle sur laquelle ils sont les seuls à « savoir ».

Ce composé de langue ainsi focalisée sur des sourates ou des hadiths, c'est malheureusement ce qui est proposé comme une évidence aux quelques 60.000 élèves (si ce n'est plus) qui suivent simultanément des cours d'alphabétisation en arabe et des cours de religion ou de morale islamique, dans les mosquées ou – ce qui se sait moins – dans des structures associatives se réclamant de l'islam.

Cet engouement pour la langue dite du Coran (qui renvoie à l’arabe du VIIe siècle dont on ne connaît plus le contexte de sens) parmi les populations d'origine immigrée, voire parmi des convertis plus ardents encore dans la défense de la « langue du Prophète », est pourtant très récent. Auparavant dispensé dans seulement quelques mosquées, cet enseignement, en constant développement, date à peine d'une vingtaine d'années dans les structures associatives extérieures aux mosquées. Il arrive que certains de ces lieux se donnent une apparence de « sciences humaines », un affichage pompeux qui cherche à faire illusion mais qui ne recouvre en réalité que des enseignements religieux traditionnels.

L’Education nationale ne fait pas le poids

Face à cet engouement pour l'arabe du Coran, l'Education nationale ne fait pas le poids. Même si le trou d'air des années 2000 a été résorbé et que le nombre d'élèves scolarisés ayant choisi l’arabe en langue vivante dans les collèges et les lycées est remonté, il atteint à peine 11.000 élèves en métropole auxquels s'ajoutent les 3000 élèves du département de Mayotte. Par contraste avec ces modestes effectifs, ce sont près de 40.000 enfants qui suivent dans le cycle primaire les cours d'arabe facultatifs qui relèvent de ce qu'on appelait les Langues et Cultures d'Origine (ELCO) et dont la mise en place, pour diverses langues, date des années 2000. Cet enseignement assuré par des personnels envoyés par les pays d’origine a longtemps échappé à tout contrôle, qu'il s'agisse de la qualification des enseignants ou du matériel pédagogique utilisé. Doté du nom nouveau de EILE (enseignements internationaux de langues étrangères), ce dispositif d'enseignement a été réformé en 2016 et sera dorénavant évalué par les inspecteurs de l'Education Nationale. C’est une bonne chose.

Mais le différentiel entre la demande sans cesse croissante d’apprentissage de l’arabe de la part des familles et la faiblesse des postes dans le service public est préjudiciable. Il faut impérativement inverser la tendance et renforcer, dans nos écoles publiques, cet apprentissage délaissé aux associations cultuelles et hors contrôle. Les expérimentations des classes bi-langues ont montré qu’il était possible d’apprendre l’anglais et l’arabe, depuis le primaire jusqu’au lycée. Ce dispositif pourrait être étendu et apporter une réponse adaptée à l’attente.

Pour tenter de comprendre la situation, il faut évoquer encore un autre point. L’enseignement de l'arabe est assuré, comme celui des autres langues étrangères, par des professeurs titulaires d'un CAPES ou d'une agrégation. Il n'empêche qu'il n'en est pas un parmi tous les enseignants titulaires et qualifiés – à commencer par moi-même – qui n'ait vécu en interne, au cours de sa carrière, des épisodes de rejet, pour ne pas dire plus, de la part de ses collègues, personnels de l'Education Nationale de tout niveau: du coursier qui refuse de transmettre les copies de concours en arabe au Ministère, au chef d'établissement qui soutient à des élèves qu’il n’y a pas d’enseignement d’arabe possible alors qu’un professeur vient justement d’être nommé chez lui, et même à un Recteur qui déclare qu’il «ne veut pas d’ayatollah dans son Académie».

Une guerre sourde et souterraine contre l’arabe

A côté de beaux exemples de soutien et de solidarité, c'est comme si une guerre sourde et souterraine était déclarée contre l'arabe, la « langue de l’islam », la « langue de la religion des autres », la langue de ceux qui ne sont pas « nous », ou encore, pour d’autres, la «langue des colonisés». On peut donc dire, et je le dis tranquillement comme un constat, que le rejet de la langue des « Arabes dont on ne veut pas » ne date pas des vingt dernières années, mais qu’il est bien antérieur à ce repli sur la langue du Coran comme lieu de refuge identitaire. On a là comme les deux faces antagonistes d'un même syndrome qui chacune fantasme le passé en se donnant des légitimations illusoires. On ne sait que trop aujourd'hui sur quelle violence peut déboucher une situation aussi malsaine.

Alors, quand bien même le redressement nécessaire des effectifs d’élèves apprenant la langue arabe a commencé à s’opérer et doit être poursuivi, un problème bien plus important reste à résoudre. Il relève des imaginaires et de la construction des représentations mutuelles entre les deux rives de la Méditerranée et au-delà, face à ce qu'il est convenu d'appeler le « monde musulman ». J'ai dit et j'ai écrit depuis longtemps que le présent peut être éclairé par le passé, en ramenant le passé à sa condition de passé et en évitant de projeter sur lui les fantasmes du présent.

C'est la fonction de l'historien de remettre les hommes et les choses à leur place dans la temporalité qui a été la leur, pour que ses contemporains puissent se prononcer et agir en toute connaissance de cause. Alors, ce n'est pas seulement de la langue arabe qu'il s'agit, mais de la reconsidération de l'histoire du monde musulman et notamment de la période de ses origines. Dans la représentation que nous avons de lui, ici et maintenant, il est urgent de faire resurgir sa dimension humaine, à travers la complexité et la diversité de son histoire en cessant de placer constamment le religieux au premier plan.

Or, que ce soit dans les manuels pour écoliers ou dans ceux de l'enseignement universitaire, je dirai qu'on est loin du compte en consacrant des leçons prétendues d'histoire aux fameux cinq piliers de l'islam (c’est comme si on faisait une leçon sur les dix commandements de Moïse en guise de cours d’histoire). Quant à la langue dite du Coran qu’on veut enseigner dans les mosquées et associations privées aux enfants pour les mettre, croit-on, dans le droit chemin, elle n'existe évidemment pas, sinon comme langue des Arabes du VIIe siècle.

Les mots du Coran voyagent inchangés quand ils ne sont pas traduits, comme le font ceux de tous les textes sacrés. Mais d'époque en époque, le sens des mots se reconstruit en fonction d'enjeux nouveaux. En ce qui concerne le corpus biblique, ce qu'on appelle la lecture critique des sources s'est attachée à découvrir la multiplicité du sens et son évolution à travers les âges. Il serait temps que les corpus sacralisés du monde musulman commencent à faire l'objet de semblables analyses.

Il faut attirer l’attention des professeurs de langue arabe sur la dimension historique. Et il faut former les professeurs d’histoire à une véritable histoire désacralisée. Arrêtons de parler de faits religieux, mais parlons de faits d’histoire.


Jacqueline Chabbi est professeure honoraire des universités. 
Historienne arabisante, elle est l’auteure de plusieurs essais sur les origines de l’Islam : 
« Le Seigneur des Tribus. L’islam de Mahomet » (CNRS, 2010), 
« Le Coran décrypté. Figures bibliques en Arabie » (Fayard, 2008), 
« Les Trois piliers de l’islam. Lecture anthropologique du Coran » (Seuil, 2014).

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Après l'expérience catastrophique de l'arabisation en Algérie imposée par les islamistes du FLN infiltré par les Frères musulmans dont Bouteflika fut un membre; si le roi du Maroc refuse de la rééditer chez lui, beaucoup de tunisiens la dénoncent depuis que les Frères musulmans d'Ennahdha veulent la généraliser dans l’enseignement en favorisant les écoles coraniques qui poussent comme des champignons au détriment des écoles de la républiques !

Lire : 
Le Maroc rejette la politique d'arabisation par les Frères musulmans 
Est-ce l'arabisation qui va apporter le progrès aux tunisiens ?
Mythe de l'arabisation
La langue arabe ... avenir de l'homme !


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