A l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, il y a eu un défilé de mode organisé à l'institut français de Tunisie ayant pour thème "Over 50 et alors ?" célébrant la féminité des femmes de 50 ans et plus, de toutes morphologies, juste pour le plaisir d'être bien dans leur peau, comme un pied de nez à l'islamisme rampant qui instrumentalise aussi la mode, que diffusent à coup de pétrodollars les pétromonarques, véhiculant par la même, le model sociétal d'Arabie et le wahhabisme qui le fonde; et ce, à travers le monde entier, Occident compris !
R.B
Marketing islamique : Quand fondamentalisme et
capitalisme s’allient contre la liberté des femmes
À l’approche de
la journée des droits des femmes, l’anthropologue Florence Bergeaud-Blacker
analyse l’émergence du marketing islamique. Selon elle, le marché contribue à
acclimater nos sociétés aux normes de l’islam fondamentaliste.
Le marketing islamique,
discipline académique aujourd’hui enseignée dans quelques-unes des plus grandes
écoles de commerce du monde, joue un rôle croissant dans la dissémination et la
légitimation de normes islamiques. La mode pudique (modest fashion)
est l’exemple d’un «marché de niche» qui, sous des allures modernes et
émancipatrices, véhicule une norme rétrograde. Celle des fondamentalistes
religieux pour lesquels le «droit des femmes» n’a aucune pertinence dans un
système théocratique indifférent à ce que les démocraties appellent les «droits
humains».
Une telle affirmation peut
paraître étrange pour qui a assisté aux défilés des fashion weeks de la mode
pudique dans les grandes capitales du monde de la mode. Ces mannequins qui
déambulent élégamment dans des tenues de luxe assez éloignées des canons
religieux, ne symbolisent-elles pas l’occident plutôt que l’islam? Ces femmes
aux voiles colorés interrogées en marge de ces événements qui revendiquent leur
liberté, leur indépendance et leur choix ne sont-elles pas plutôt l’avant-garde
féministe du monde musulman?
L’histoire du
marketing islamique suggère que ce message d’émancipation est bien celui qui
est envoyé aux investisseurs du monde et aux élites musulmanes, mais il n’a pas
vocation à atteindre le monde musulman pour lequel il figure plutôt un
«contre-modèle» contre lequel le projet fondamentaliste forge une identité
islamique universelle.
Le marketing
islamique est né du mariage arrangé entre deux visions du monde: l’une
néo-libérale qui construit la marque «islam» comme culture de consommation,
l’autre fondamentaliste, ethnocide, pour qui le marché islamique global est
porteur d’un projet califal économique mondial. Le premier ne sait pas que le
second existe, le second sait que le premier existe et tente de le mettre à son
service.
Deux visions du monde pour un même projet: le marketing islamique
Le marketing
islamique est investi par deux visions du monde que j’appelle «inclusive» pour
la première, et «ummique» (de l’Umma, la nation musulmane universelle) pour la
seconde. Deux livres ont paru en 2011 qui représentent assez bien ces deux weltanschauung.
L’un est signé par le libéral professeur Paul Temporal de l’Université d’Oxford
spécialiste du marketing, l’autre par le professeur Bakr Ahmad Alserhan de
l’Université des Émirats Arabes Unis. Ce dernier dédie ses livres académiques à
Dieu et au prophète de l’islam, ainsi qu’il est d’usage dans les universités du
monde musulman, un geste qui n’a rien d’anodin, et qui se répand dans les
universités européennes.
Les néo-libéraux
du marketing considèrent la mode islamique comme un sous-ensemble de la mode,
nécessairement changeante avec le temps et variable selon les cultures. Ils
visent la maximisation des actes d’achat. Pour eux les valeurs «éthiques» sont
des variables sur lesquelles indexer leur stratégie de vente. Ils prétendent ne
produire aucune norme ni ne véhiculer de valeurs, mais simplement s’adapter à
l’existant. Informés par les reader-digest de la littérature islamique
produites par les fondamentalistes, ils répètent que l’islam est un «mode de
vie», un ensemble de règles qui gouverne chaque geste de la vie du fidèle et
donc la consommation. Par un curieux réflexe pavlovien, ils vantent en même
temps «sa grande diversité». Ils ont besoin des «musulmans» pour valider leur
prétention à faire du marketing islamique. Certains d’entre eux pensent qu’en
faisant entrer le monde musulman dans le grand marché mondial, ils
contribueront à pacifier le monde.
Les experts
musulmans en marketing islamique ont le plus souvent une socialisation
religieuse fondamentaliste. Qu’ils soient au service d’États musulmans, de
partis islamistes ou d’entrepreneurs pieux, ils servent un projet religieux en
plus d’un projet de réussite personnel. Le marketing islamique est un
instrument qui doit permettre d’intégrer les règles du marché dans l’espace
normatif islamique pour parvenir à un grand marché commun islamique, une sorte
de califat économique. Pour eux, l’activité économique est un des domaines
d’activité humaine au service de leur enrichissement sur terre, et de leur
salut dans l’au-delà. Ils ont besoin des meilleurs experts occidentaux en
économie, culture et communication afin de se former aux dernières techniques
du marketing, mais aussi pour les faire travailler à leur service. Les
fondamentalistes savent que les Occidentaux ne considèrent leur projet califal
que comme une utopie religieuse, mais cela ne les gêne pas, bien au contraire.
Un mariage arrangé
On peut se
demander comment s’est formée cette discipline au nom unique bien que
recouvrant des visions du monde aussi adverses. La crise des caricatures
danoises (2005-2006) semble avoir été l’événement déclencheur de ce mariage
arrangé. Les firmes danoises, et toutes celles qui ne se sont pas excusées de
«l’offense» faite aux musulmans à la suite de la publication par les journaux
de leur pays de caricatures mettant en scène leur prophète, ont subi des pertes
colossales: des millions de dollars en quelques mois, laissant abasourdis les
conseillers stratégiques des plus grandes firmes du monde.
La réaction dans
les milieux d’affaires a été d’empêcher qu’une telle crise ne se reproduise.
Ils ont planché sur le problème, consulté leurs homologues musulmans qui
avaient participé à calmer le jeu au plus fort de la crise, et sont revenus
avec des recommandations managériales simples: tenir compte des caractéristiques
spécifiques des «consommateurs musulmans» auxquels une religion de salut dicte
quotidiennement les comportements, partout et pour tout.
Ainsi était
lancé, sur la base de ce simplissime message, le «marketing islamique».
Le projet califal
des entrepreneurs fondamentalistes, inscrit dans l’article 9 de la charte de
l’Organisation de la Coopération Islamique publiée en 1972: «Renforcer
la coopération économique et commerciale intra islamique, en vue de réaliser
une intégration économique devant aboutir à la création d’un Marché Commun
Islamique», allait désormais recevoir l’appui des meilleurs experts
occidentaux du marketing, issus des plus prestigieuses écoles de commerce
mondiales.
La très
réputée Saïd Business School de l’Université d’Oxford au
Royaume Uni inaugurait fièrement en 2010 le premier forum de la nouvelle
discipline avec des invités de marque: académiques comme Philip Kotler
l’inventeur du marketing moderne, du monde des affaires comme les puissantes
agences américaines Ogilvy & Mather Worldwide et J.
Walter Thompson MTT. Le Forum a ensuite débouché sur la création du Journal
of Islamic Marketing mêlant personnalités académiques, religieuses et
des affaires, défiant les segments disciplinaires et les logiques géopolitiques.
On trouvait ainsi parmi les membres du comité éditorial des professeurs
émiratis aux côtés d’un personnage comme Tariq Ramadan proche des Frères
musulmans, ami du Qatar et grand ennemi des Émirats.
Depuis lors, les
EAU derniers financent chaque année le rapport annuel sur l’économie islamique
signé par Thomson Reuters et Ogilvy pour garder la main sur
l’information économique du halal business mondial. Tous les journaux de la
planète reprennent ses chiffres sans sourciller.
La mode pudique: habituer et acclimater au fondamentalisme
La mode pudique
est un des sept secteurs du marketing islamique qui inclut, par ordre
d’importance, la finance islamique, l’industrie alimentaire halal, le secteur
du tourisme, de la mode, des médias et loisirs, l’industrie pharmaceutique et
cosmétique halal.
De grandes
marques de prêt-à-porter comme Zara, Mango, H&M, Uniqlo ou Nike, ont été
formées au marketing islamique version inclusive. Dans les pays non musulmans,
le message est calibré pour s’adresser à une audience occidentale: mettre en
avant l’empowerment des femmes, la lutte contre les
discriminations, la paix dans le monde, etc. Il faut ainsi produire pour les
musulmanes, mais s’adresser aux Occidentaux. L’esthétique, la liberté de choix
sont donc mises en valeur plutôt que les raisons religieuses du voilement
obligatoire que sont l’impudeur du corps des femmes et la nécessité de protéger
les hommes de leur vue. Le Marketing islamique inclusif se nourrit d’études de
psycho-sociologie sur les identités, sur les discriminations, sur
«l’islamophobie», qui permettent de faire passer les effets de la contrainte
religieuse (se comporter religieusement en permanence) pour ceux de l’
adversité sociale: une société occidentale intolérante et islamophobe fermée à
la «génération M» (génération Y version musulmane) selon l’expression de
Shelina Janmohamed la directrice de la branche islamique d’Ogilvy à Londres,
une des figures médiatiques de l’islam britannique.
Le décollage de
la mode pudique est principalement dû aux ventes en ligne. The Modist par
exemple, le Net-à-porter de la mode pudique permet de ne pas sortir de chez
soi, de ne pas se déshabiller dans une cabine d’essayage.
Le Marketing
ummique essentiellement représentés par des hommes ne communique pas
directement sur la mode pudique, un domaine réservé aux femmes. Son message
passe par des «influenceuses» via les réseaux sociaux, parfois par le biais des
grands médias lorqu’ils évoquent les questions féminines ou de discrimination.
Shelina Janmohamed est régulièrement invitée sur les plateaux TV pour parler
des discriminations subies par les femmes, ce qui lui donne l’occasion
d’évoquer les «valeurs islamiques» et d’être entendues par son cœur de cible,
sans recourir à une publicité ostentatoire. Elle réaffirmera ainsi, de façon
détournée, les règles islamiques en matière de pudeur, de discrétion, de
modestie, en le présentant comme un choix de vie.
Ainsi le partage des rôles
est-il bien rodé. Le marketing inclusif habitue et acclimate aux normes dites
pudiques de l’islam fondamentalistes, pendant que le marketing ummique apporte
et relaie la substance islamique par le biais de médias tels que AJ+ qui relaie
tout ce qu’une sociologie spontanée produit d’analyses sur les discriminations,
le colonialisme, l’impérialisme occidental pour implicitement défendre les
«droits de la femme musulmane».
Beaucoup de femmes tentent de
se dévoiler dans le monde, là où comme en Iran le voile est imposé par la loi.
Dans les pays européens, cette pression ne se fait pas par la loi, mais par le
marché qui acclimate à un islam fondamentaliste que les firmes néolibérales
croient juguler, mais dont elles sont en réalité les simples exécutantes.
* Florence
Bergeaud-Blacker est chargée de recherche au CNRS et au Groupe Sociétés,
Religions, Laïcité de l’Université Paris sciences et lettres. Elle a notamment
publié Le marché halal
ou l’invention d’une tradition (Seuil,
2017).
Des filles de Bourguiba bien dans leur tête et dans leur corps, célébrant leur féminité, défilent en hommage à la Tunisienne émancipée, libre dans son corps et dans son esprit !
RépondreSupprimerÇa nous change des E.T, ces femmes complexées, honteuses de leur corps jusqu'à l'enlaidir encore plus par des accoutrements fantomatiques !
Bravo pour nos belles tunisiennes, avec mention particulière pour Maya Ksouri !
https://www.facebook.com/elwazir2/videos/657167371779987/
Institut français de Tunisie :
RépondreSupprimer"Over fifty ... et alors?"
Un défilé unique dans la joie et le partage où ni l’âge, ni le corps, ni la couleur, ni les formes n’avaient d’importance.
Seul régnait le respect. Le respect de soi et de l’autre, l’acceptation de son corps et de son reflet.
« Over fifty … et alors ? » était une grande réussite hier soir, grâce aux nombreuses participantes qui ont généreusement accepté de défiler, aux invités présents et à Nathalie Garçon, initiatrice de ce beau projet.
Vive les femmes et bonnes fête à toutes !
Un grand merci aussi aux stylistes et à ceux qui ont rejoint les femmes sur le podium !
https://www.facebook.com/IFTunisie/videos/894143257709156/