samedi 23 février 2019

Le mariage Béji Caïd Essebsi avec Ghannouchi, une catastrophe pour la Tunisie

Un constat prévisible après le mariage de la carpe avec le lapin et ce, dès 2016 ! Il n'a fait qu’empirer avec le temps; preuve, s'il en est besoin, que le fumeux "consensus" tant vanté et vendu par le couple BCE & Ghannouchi aux tunisiens, est une arnaque et une impasse mortelle pour la Tunisie. Chose prévisible aussi et que beaucoup de tunisiens n'avaient cessé de dénoncer et prédisaient son échec.   
R.B
Sadok Belaid et Hamadi Ben Jaballah : Proclamation au Peuple tunisine

Sadok Belaid * et Hamadi Ben Jaballah **

Proclamation au Peuple tunisien

I - VERS L'ÉCHEC DE LA ‘RÉVOLUTION

La ‘Révolution’ a éclaté contre un état de fait devenu insupportable ; elle a réclamé d’une voix ferme, unifiée et claire : ‘’Emploi, Liberté, Dignité nationale’’. Cinq ans après, le résultat décevant est le suivant:
  • Échec de la politique de sécurité et de la lutte contre le terrorisme ;
  • Détérioration de l’autorité de l’Etat et, mauvais fonctionnement des services publics ;
  • Échec de la politique économique : écroulement des secteurs clés de l’économie nationale ; déficit considérable de la balance des paiements, baisse des réserves en devises ; accroissement de la dette extérieure et, décote dramatique de l’économie tunisienne par les agences internationales de cotations. 
  • Échec de la politique sociale : Agitations sociales, grèves, débordements sociaux dans tous les secteurs de l’activité nationale ; ‘Chômage’ au même point qu’en 2011 : 15% de la population.

II - LES CAUSES DE L’ÉCHEC A VENIR

L’échec probable de la ‘Révolution’ a été programmé par la conjugaison de deux facteurs défavorables : la démarche inappropriée des partis politiques (A) ; la mauvaise ‘gouvernance’ des affaires publiques (B).
A - RÉVOLUTION ET MÉSALLIANCES PARTISANES
Tout semble avoir été objectivement ordonné de telle façon que la ‘Révolution’ tunisienne soit sciemment vouée à l’échec : dès le départ, elle a été détournée de ses objectifs et de ses attentes par le jeu des opportunismes politiciens successifs. La ‘Révolution’ autant que la société civile qui l’a déclenchée, ont été oubliées ou manipulées par les protagonistes politiques qui se sont imposés à elles, en porte-paroles ou en tuteurs. La conséquence en a été la rupture quasi-totale entre la société civile et la société politique et, la désaffection du citoyen pour la ‘chose politique’.  
a – Le mauvais départ : La Nahdha et la ‘Troïka’ 
La plus grande tromperie qui a gravement affecté l’histoire récente de notre pays a été la confiscation de la ‘Révolution’, à l’origine, purement sociale et foncièrement populaire, par un mouvement religieux, minoritaire, clandestin et, affilié à un mouvement panislamiste connu pour son archaïsme idéologique et son activisme extrémiste : la Nahdha. 
Ce Parti politico-religieux prétendait parler au nom de l’Islam et enseigner cette religion à un peuple musulman depuis déjà plus de quatorze siècles… Une hérésie comme on en a jamais vu : il a ouvert les frontières de la Tunisie, aux prédicateurs de la haine, de l’ignorance et de la violence, venus du plus profond Moyen-âge pour imposer dans ce pays de la tolérance et de la modernité, les dogmes du Wahhabisme le plus rétrograde et le plus intolérant. La Nahdha a ouvertement exprimé son appui à des groupuscules terroristes et à des prétendus ‘comités de protection de la révolution’. Nombreux sont ceux qui le soupçonnent d’avoir été complice ou d’avoir initié ou couvert des actes terroristes caractérisés, entre autres les assassinats de personnalités politiques de premier plan. Socialement parlant au moins, l’islam politique est considéré comme directement ou indirectement responsable ou complice de l’organisation des voyages par milliers des pauvres ‘despérados’ tunisiens vers les champs de batailles ‘jihadistes’ d’Irak, de Syrie et de Libye, notamment. Ses intentions politiques réelles ont été trahies par ses propres dirigeants, qui ont proclamé l’instauration du ‘sixième califat’ et la ré-institution de la Shari’a leur objectifs ultimes et incontournables. Ne convient-il pas alors de faire le point sur ces séries de malheurs qui ont frappé le pays comme par ressentiment que rien ne nous assure qu’il ne fera pas pire demain !
b – De Charybde en Scylla : La mésalliance Nidaa-Nahdha
La Nahdha a cédé le pouvoir (29-1-2014) parce que le vent s’est tourné contre elle et que le pays était, à cause de l’échec patent de sa politique hégémonique et exclusiviste, sur le point de sombrer dans le pire. Les élections législatives (26 octobre 2014) et présidentielles (29 décembre 2014), ont opposé à une Nahdha affaiblie et en déclin, le Front du Salut national, devenu par la suite le Nidaa, une nouvelle formation politique encore insuffisamment affermie en raison de ses divisions internes. Le mandat donné par la majorité de la population au nouveau parti Nidaa a fait renaître l’espoir de la reconstruction d’une Tunisie démocratique, moderniste, fidèle à sa vocation historique plusieurs fois millénaire, capable de se réengager résolument dans la voie du développement et de la justice.
C’est en tout cas, ce que ce parti et ses dirigeants ont unanimement promis et se sont engagés sans équivoque à réaliser : mettre fin au règne de la Nahdha et, ouvrir une nouvelle ère, plus conforme aux choix politiques, socio-économiques et culturels fondamentaux définis par les fondateurs de la Tunisie indépendante, dont les leaders de Nidaa se proclament les fidèles continuateurs.
C’était hélas !, sans compter avec les tractations secrètes entre les chefs des deux grands
partis lors de leur fameuse rencontre de Paris au mois d’août 2013 : une transaction qui va conduire à l’instauration d’un ‘Duumvirat’ contre-nature entre un chef islamiste jusqu’ici irrécupérable puisque, encore incapable de repentir politique et, un chef politique qui malgré sa longue expérience du pouvoir, a été laissé dans l’ombre, des années durant, entre un chef de parti religieux qui n’a rien cédé sur ses dogmes et, un chef ‘moderniste’, qui a gravement mis en danger les choix pour lesquels sa majorité a été élue.
c - Le Bilan peu glorieux  
Le résultat de la mésalliance peut être résumé dans les termes suivants : Durant le règne de la ‘Troïka’ et jusqu’au 29 janvier 2014, la Nahdha a gouverné sans partage et en ignorant tous les partis de l’opposition’ ; après cette date, le Nidaa détient en apparence le pouvoir, mais la Nahdha détient le pouvoir réel de contrôle et d’empêchement sur la conduite de toutes les affaires de l’Etat. C’est dire que la mésalliance entre les deux chefs politiques du pays s’est faite à l’avantage de la Nahdha et au détriment du Nidaa, ou de ce qui en reste…
C’est dur de le reconnaître, mais les faits sont têtus : si à l’époque de la Nahdha et de la ‘Troïka’, la Tunisie a plongé dans la crise totale, avec la mésalliance Nidaa-Nahdha, la situation a considérablement empiré : 
  • Un taux de croissance de 1,5%, ce qui veut dire que le pays, compte tenu de ses charges sociales et budgétaires record, de son endettement extérieur excessif, de la faiblesse de l’investissement national, de la baisse considérable des investissements étrangers et même, de la fuite des capitaux nationaux, de la baisse du prix du pétrole, des déficiences des secteurs touristique, industriel et minier, du commerce extérieur frappé de la perte de marchés et de clientèles difficilement récupérables, est en train de s’appauvrir. Il serait illusoire de voir notre pays remonter la pente avant cinq ans, au moins. 
  • Un front social particulièrement agité et menaçant : les classes défavorisées et aussi, les ‘classes moyennes’, se sont notablement appauvries : le ‘couffin de la ménagère’ est un véritable problème social et, avec l’inflation, la montée incroyable des prix, l’incertitude qui rôde autour des prestations sociales et des organismes qui les gèrent, le chômage dont la courbe, comme ailleurs, ne tend pas à se renverser, la spirale des grèves abusives et non maîtrisées par les syndicats, les négociations sociales complètement bloquées et les menaces de débrayages généralisés, les problèmes cruciaux de l’âge de la retraite : là encore, il serait difficile de voir le pays remonter la pente, rependre sérieusement le travail, améliorer la production et la productivité et accepter des sacrifices, particulièrement difficiles à déterminer et à en négocier la répartition entre les différentes catégories sociales….
  • De surcroît, la Tunisie de la ‘Révolution’ est contaminée par des maladies particulièrement difficiles à guérir en l’état actuel des choses, notamment :                     - la ‘corruption’, généralisée, avérée, avouée, incurable dans la situation actuelle ;         - la croissance ‘canceriforme’ , ’polymorphe’, d’une économie parallèle, qui accapare près de 50% de l’économie nationale et génère des pertes économiques, financières, fiscales, irréparables ;                                                                                                        - la naissance d’une Maffia tunisienne particulièrement puissante et nocive : la Maffia a ses députés, ses hommes politiques, ses médias, ses hommes de main intouchables, ses ‘nouveaux riches’.                                                                                                        - outrancièrement riches et, elle a ses complicités et ses chasses gardées dans toutes les structures de l’Etat et de certains partis politiques et associations civiles. 
  • La population est, en grande partie, en rupture avec les partis politiques et leurs dirigeants, démobilisée politiquement, majoritairement dominée par l’abstentionnisme électoral, et foncièrement échaudée par les promesses fallacieuses et les tromperies des gouvernants : un état d’esprit particulièrement difficile à transformer, et donc, peu propice à la naissance d’une réelle démocratie. Bien au contraire, cet état d’esprit risque de perpétuer une tradition séculaire d’hostilité à la’’ chose publique’’, aux institutions nationales, au patriotisme, au civisme, et plutôt tournée vers le clientélisme, le népotisme, la corruption, l’évasion fiscale, etc. 
  • La société tunisienne est aujourd’hui, déchirée entre deux tendances politiques difficilement conciliables : d’un côté, un parti Islamiste, et qui le restera, incapable, quoi qu’il en dise, de se départir de son dogmatisme, de son exclusivisme, de son autoritarisme, et de ses penchants identitaires démagogiques ; de l’autre côté, une nuée de partis-fonds de commerce de quelques personnalités d’époque usées par leur lourd passé, dépourvus de toute crédibilité, incapables de se renouveler idéologiquement et politiquement, incapables de déployer les efforts mobilisateurs qu’exige la situation actuelle du pays, et surtout, victimes incurables de leurs égoïsmes maladifs et, dont les hostilités exacerbées rendent quasiment impossible la construction sincère d’une politique consensuelle digne de cette ‘Révolution’.– Autant que le relèvement économique, la réconciliation de la population avec le ‘politique’ sera difficile et chaotique…
B – UNE GOUVERNANCE A LA DÉRIVE 
Le pays a connu une grande instabilité politique, économique et sociale. Une avalanche d’équipes gouvernementales, depuis 2001, chacune promettant une reprise en mains de la situation, de nouvelles perspectives pour l’accomplissement des objectifs de la  ‘Révolution’ ; mais en fait, non seulement les promesses n’ont jamais été tenues, mais encore, la situation a empiré. Les gouvernements successifs étaient formés de personnalités venant d’horizons très différents et contradictoires, et dont certaines n’ont aucune connaissance de l’état des choses et de l’art de la gouvernance. On peut considérer a priori, que les chances de réussite de la ‘Révolution’ en Tunisie se sont considérablement amoindries et surtout que, comme toute transition démocratique, celle que traverse notre pays, est, de part en part, déterminée par la simultanéité des exigences, leur urgence et la contingence globale des conditions endogènes et exogènes de l’initiative politique. La ‘Révolution’ est en mal d’une ‘Gouvernance’ qui soit à la hauteur de ses ambitions, trait commun aux gouvernements qui se sont succédés depuis 2011, et ce, quelle que soit leur orientation politique.  
a – Absence de vision à long terme et règne de l’improvisation 
Il suffit d’examiner les ‘déclarations de politique générale’ de chacun de ces gouvernements pour s’en rendre compte. Elles ne comportent aucun diagnostic crédible de ‘l’Etat de la Nation’ et, elles sont vides de contenus cohérents, de projets concrets, de planification précise, de définition solide des ‘voies et moyens’ de la mise en œuvre des engagements de l’équipe gouvernementale appelée à prendre le pouvoir. 
Sans parler des gouvernements provisoires antérieurs à l’élection de l’Assemblée constituante, cette indifférence à l’égard de l’un des fondements de la gouvernance ‘démocratique’ – la formulation d’un projet de ‘contrat’ liant le gouvernement et le parlement et responsabilisant le premier devant le second sur cette base – a été inaugurée par le premier gouvernement qui a été désigné par cette dernière. – Ce n’était pas un hasard : la ‘petite constitution’ l’a dit expressément. 

Plus grave : la Constitution de 2014 l’a définitivement instauré : d’après l’article 89 de la Constitution, le futur gouvernement est seulement tenu de ‘soumettre un programme d’action succinct à l’assemblée des représentants du peuple’ et, il n’y est même pas expressément prévu de débats ! 

De fait, tous les gouvernements successifs ont ignoré leurs déclarations devant le parlement, et ils n’en ont jamais fait mention dans leurs actions ni dans leurs interventions devant le parlement.
Ce triste constat n’a rien d’étrange : les partis politiques qui se sont succédés au pouvoir, n’ont pas de programmes précis et encore moins, des programmes d’action inspirés de la ‘Révolution’ et des attentes de la population sur cette base-là. C’est le cas de la Nahdha, à l’époque de l’assemblée constituante et aussi sous le règne de la ‘Troïka’ (I et II). C’est le cas du gouvernement intérimaire de ‘technocrates’. C’est le cas du Nidaa, bien que son chef de l’époque ait annoncé que son parti a préparé un programme politique détaillé et qu’il s’engage à le publier, à le mettre en œuvre et à en respecter les termes. Le gouvernement actuel a banalement fait mention de l’urgence du maintien de la sécurité et de l’amélioration de la propreté des villes, et il a annoncé qu’une ‘Note d’orientation d’un nouveau plan de développent quinquennal’ – qui en fait, reprend les promesses des gouvernements précédents – serait présenté ultérieurement. Mais dans ces deux cas, aucun suivi de ces proclamations n’a été assuré. 
Ainsi qu’on le voit, aucun des gouvernements de la période de la ‘Révolution’ n’a, au départ, conçu, ni mis au point, ni mis en place, une structure de réflexion et de planification d’un programme d’action cohérent directement inspiré des objectifs de cette ‘Révolution’. Ils ont tous été condamnés à ‘gouverner à vue’ ! - Très souvent, c’est la conjoncture sociale ou l’opportunité politique, ou les convenances partisanes ou encore, les diktats venant des organismes internationaux, qui font la politique du pays. 

Plus grave et pour ne citer qu’un seul cas, ces gouvernements semblent peu soucieux de tirer les leçons d’une défaillance, d’un dysfonctionnement de l’appareil étatique ou de l’administration. Les attaques terroristes de l’ambassade des Etats-Unis, du Bardo, de Sousse, de Tunis, pour ne citer que celles-là, n’auraient pas dû avoir lieu, si les gouvernements en place avaient pris les mesures nécessaires pour y faire face en sanctionnant sévèrement les déficiences impardonnables des organismes sécuritaires, douaniers ou administratifs. 
b –  Le règne de l’improvisation et de la surenchère politicienne 
Il est regrettable que l’absence d’une évaluation réaliste et pondérée de la situation actuelle du pays et de ses perspectives d’avenir entraîne les gouvernements successifs dans des entreprises aventureuses et risquées, dispendieuses et inopportunes. L’exemple typique en est la question de la ‘justice transitionnelle’. – Il n’y a pas eu pire dénaturation de la justice dans ce pays que la ‘justice transitionnelle’ actuellement mise en œuvre : organisée par une loi adoptée dans des conditions particulièrement discutables et dont la constitutionnalité est des plus douteuses, elle est actuellement mise en œuvre dans des conditions encore plus désastreuses puisqu’en dernière analyse, elle est devenue une sorte de ‘justice transactionnelle’, dont le fonctionnement et les résultats dépendent pratiquement de la volonté arbitraire d’une personne  fortement discutée par l’opinion publique.
La ‘justice transitionnelle’ de l’Instance ‘Vérité et dignité’ a suscité une autre conception de la justice ‘révolutionnaire’ tout aussi discutable : celle du projet de loi sur ‘la réconciliation dans les domaines économique et financier’. Parce qu’elle est soupçonnée de constituer un arrangement expéditif avec certains grands intérêts, elle a été vivement critiquée par l’Instance ‘Vérité et dignité’, qui y voit une sorte d’instrument de ‘concurrence déloyale’, et par divers partis politiques, qui y voient une manœuvre politique trop avantageuse pour son auteur. 
L’opportunisme atteindra son comble avec la récente initiative du chef de la Nahdha qui, lui aussi, à l’heure de l’épuisement programmé de l’Etat veut sa ‘réconciliation nationale’ et qui la veut ‘globale’ : une véritable cacophonie où il est évident que chacun de ces protagonistes veut imposer sous couvert de ‘justice’, de réels arrangements en faveur d’une clientèle déterminée. 

III - SAUVER LA TUNISIE

Le remède est-il devenu plus amer que la maladie, elle-même ? - Y a-t-il encore un sens à tenter de sauver ce pays de la profonde crise dans laquelle il est plongé depuis plus de cinq ans ? - Tel est donc le défi qu’il faut relever et, en voici les principes régulateurs et constitutifs. Ils sont de trois ordres : éthiques, politique et socio–économiques.
A – LES PRINCIPES ÉTHIIQUES 
1- Les Tunisiens doivent impérativement se remettre au travail. Rien n’est désormais possible sans une éthique du devoir bien fait, si difficile que soit, par ailleurs, notre quotidien ! Travailler plus et mieux, voilà d’abord la condition de possibilité de notre salut !
2 - Sans vouloir se substituer à l’Etat National, ni d’empiéter sur ses prérogatives, la Société civile doit agir résolument en vue de la consolidation des choix politico-culturels et des options modernistes et rationalistes qui font partie intégrante du patrimoine civilisationnel de la Tunisie et ont été confirmés par la Constitution de 2014.
3 - La Tunisie a devancé un grand nombre de pays en matière d’adhésion à la doctrine universelle des droit des hommes : elle doit prendre les lois nécessaires en vue de conformer son ordre juridique national aux prescriptions du droit international auxquelles elle a souscrit.
4 - La Femme doit, sur la base de l’égalité des droits et des devoirs, accéder dans les domaines économique et politique à un rang égal à celui de l’homme et, la loi doit encourager sa réhabilitation plénière. 
4-1- La Société civile doit veiller à préserver de toutes les formes de déviances, les institutions scolaires et de formation de l’enfance et de la jeunesse, et les structures associatives dont les activités doivent se conformer aux principes de la légalité, de la neutralité, de la transparence, de la spécialité et, de l’indépendance  vis-à-vis de toutes les  obédiences, quelles qu’elles soient ; la récente loi sur les associations doit être révisée à la lumière de ces principes et, les mécanismes de contrôle et de sanction des violations de la loi doivent être renforcées.
4-2- La Société civile doit, combattre toutes les formes d’extrémisme et d’intolérance, notamment les extrémismes religieux ; elle doit favoriser la tolérance et le dialogue, et développer la culture de la modernité, du rationalisme et du progrès, garants uniques de la réalisation des objectifs de la ‘Révolution’.
4-3- La Société civile doit lutter contre les exclusivismes socioculturels, les inégalités entre les hommes, quelles qu’en soient les formes et les manifestations, et développer la culture de l’égalité, de la solidarité, de la participation, et de la justice sociale.
4-4- La Société civile doit exiger l’adoption de lois bannissant toutes les formes de corruption, de favoritisme, de népotisme, de passe-droits, de discrimination de traitement entre des situations foncièrement comparables et instituant des sanctions pénales appropriées et effectives.
4-5- La justice doit être égale pour tous, et les contrevenants à la loi doivent être strictement et également sanctionnés en fonction de la gravité de leurs forfaits ; il ne peut y avoir deux justices, celle des puissants et celle des pauvres.
B – LES PRINCIPES POLITIQUES 
1 - Plus que jamais, l’Etat doit veiller à ce que toute son autorité soit effectivement rétablie sur tout le territoire tunisien et à ce que toutes ses instances, ses services et ses lois soient scrupuleusement respectés. 
Plus que jamais, l’Etat doit tout faire, matériellement, juridiquement, moralement, pour que nos forces armées, que nous saluons ardemment, demeurent toujours à la hauteur des responsabilités impérativement exigées par la défense de la Patrie et du peuple, à l’intérieur comme à l’extérieur de nos frontières nationales.
2 - Les dispositions doivent être prises dans les meilleurs délais en vue de parfaire le système constitutionnel tel qu’il a été défini par la Constitution de 2014 ; l’accomplissement de ces obligations est la garantie du bon fonctionnement de la démocratie dans ce pays.
3 - Le fonctionnement de la gouvernance doit être révisé et précisé : le gouvernement doit être investi par le parlement sur la base non pas d’un programme ‘succinct’ mais sur la base d’une ‘déclaration de politique générale’ précise et agréée par son parti ou la coalition de partis qui le présente et qui s’engage politiquement à ses côtés, et dont le contenu doit constituer ce qu’on appelle un ‘contrat de majorité’ entre le parlement et le gouvernement, et dont l’exécution doit être régulièrement contrôlée par cette majorité.
4 - Les principes d’éthique politique inscrits dans la Constitution n’ont malheureusement pas été respectés, notamment les principes de la transparence, de la neutralité des services publics et, de la prévalence de la compétence sur toutes autres considérations : la continuation de cette insouciance à l’égard de la Constitution est hautement préjudiciable pour la démocratie.
5 - Réconcilier le Citoyen avec le ‘Politique’, c’est-à-dire le Bien général et le service du Bien général ; cela implique la culture de la ‘Citoyenneté’ et de la pratique de la ‘Démocratie-participation’ posées par la Constitution ; cela implique l’apprentissage de ces deux grandes valeurs aux divers niveaux de la scolarité ; l’apprentissage de la démocratie se fait à partir du niveau local et régional : les prochaines élections seront de la plus haute importance à cet égard. 
6 - La Société civile doit bannir toutes les formes d’hégémonisme et d’exclusivisme idéologiques et politiques ; la loi doit déterminer dans ce domaine, les paramètres conformes à la démocratie et nécessaires pour assurer une raisonnable alternance au pouvoir.
7 - La loi doit redéfinir et compléter avec précision les droits et les obligations notamment politiques, éthiques et financières des partis politiques et des organisations syndicales comme condition préalable à leur participation à l’activité politique ; le financement des activités politiques doit être soumis au contrôle d’un organisme indépendant et être doté de pouvoirs de sanction efficaces.
8 - La Société civile doit décourager l’éparpillement des forces politiques et des partis politiques : la constitution d’un nombre raisonnable de partis politiques peut renforcer la démocratie ; la pléthore de partis politiques la rend inefficace et peut même, la détruire ; les alliances entre partis dictées par les opportunismes politiques doivent être bannies. 
C – LES PRINCIPES DE GOUVERNANCE EN ‘TEMPS DE CRISE’
La ‘Révolution’ est en crise depuis 2011 et, cette dernière n’a fait que s’aggraver de jour en jour. Les acteurs politiques et gouvernementaux, les organisations syndicales et la société civile doivent prendre conscience de la portée de ce constat et de ses lourdes implications. La dernière initiative du chef de l’Etat ajoute à ce constat de crise, que la Tunisie est au pied du mur et que l’idée d’une ‘Union nationale’ est la dernière chance pour le pays et aussi, la dernière occasion pour lui pour tirer les leçons de la malheureuse expérience des cinq années passées de crise. Les ‘Propositions citoyennes‘ suivantes constituent, de notre point de vue, la condition sine qua non, de toute tentative sérieuse pour sortir le pays de la crise
1 - Réaffirmer solennellement et proclamer dans un ‘Manifeste pour le Progrès et la Justice’ les objectifs rationalistes, modernistes, démocratiques et participationnistes, développementalistes et égalitaristes’ de la ‘Révolution’ et, reconstituer par-delà les divisions partisanes, un ‘Front National pour le Progrès et l’Equité’ (FNPE) ; 
2 - Mettre fin aux alliances ‘contre-nature’ actuellement en cours et aux compromissions auxquelles elles conduisent inévitablement ;
3 - La priorité doit être donnée à la définition dans une ‘Feuille de route’, des objectifs, de la stratégie, des voies et moyens  appropriés de la politique du nouveau Gouvernement ; cette ‘feuille de route’ doit être arrêtée par le parti ou négociée par la coalition de partis  appelé (s) à former le gouvernement ; cette ‘feuille de route’ doit être incorporée dans la ‘Déclaration de politique générale’ du futur Gouvernement et être présentée par ce dernier à la Chambre des représentants du peuple et, constituer le ‘Contrat de gouvernement’ entre les deux Pouvoirs législatif et exécutif.
4 - Ces propositions – citoyennes peuvent constituer une ‘feuille de route’ à la disposition de toute bonne volonté soucieuse de remettre le pays en marche sans passer par les convenances partisanes, comme cela a été le cas jusqu’à ce jour ; 
5 - La mise en œuvre de la ‘feuille de route’ doit être confiée à une Equipe gouvernementale formée de personnalités compétentes choisies au regard des exigences du programme établi, et non pas en fonction des prorata entre partis, une équipe dont un ‘primus inter pares’, et non pas un chef hiérarchique, assurera la coordination des actions.
6 - Etant donné l’urgence des mesures que requiert notre situation critique, La ‘feuille de route’ doit définir les objectifs et la stratégie du futur gouvernement. Dans un délai de quelques semaines, le gouvernement doit, une fois constitué, définir les priorités concrètes de la réalisation de sa politique générale, et définir pour chaque ministère, les décisions de nature législative qui doivent être prises dans l’urgence et faire l’objet, à cet effet, d’ordonnances prises par le gouvernement conformément et dans les conditions et les limites définies par la Constitution ;
7 - Le chef de l’Etat et le gouvernement, dans le cadre de leurs compétences constitutionnelles respectives et, sous le contrôle de l’autorité juridictionnelle, doivent prendre les mesures contraignantes et limitatives des activités publiques dictées par la lutte contre le terrorisme. Lorsqu’il s’agit du sort de la Nation, de la sécurité de la Partie, le chef de l’Etat est, somme toute, le premier responsable, moralement et politiquement. 
8 - Les organisations syndicales nationales, l’UGTT, l’héritière de Farhat Hached, ainsi que la société civile, doivent admettre la nécessité légitimant une meilleure rationalisation des actions revendicatives des travailleurs en fonction des priorités nationales, en sanctionner les abus et, accepter la négociation des assouplissements des activités protestataires que dicte l’état de crise profonde que traverse actuellement notre pays.
D – LES PRINCIPES ECONOMIQUES ET SOCIAUX
1 - Bien que ‘L’économique’ soit manifestement aussi important que le ‘Politique’ pour le développement de toute société, il est à déplorer que la majorité des dirigeants politiques de notre pays, lui donnent si peu d’intérêt et que les partis politiques, à la fin de leurs congrès ou dans leurs déclarations publiques, ne consacrent à ces questions que des formules passe-partout et pratiquement vides de sens, pour la plupart. – Or, la Tunisie a besoin de rénover en profondeur son économie et de concevoir un nouveau modèle de développement qui rompe avec les modèles surannés, qui ont échoué dans un grand nombre de pays, la Tunisie incluse. 
Pour diverses raisons, nous pensons que ni les partis politiques ni les structures administratives actuelles de l’Etat ne sont en mesure de concevoir ce modèle de développement à la fois ambitieux et réaliste, cohérent et opérationnel, productif et juste, précis et flexible, à la fois, pour pouvoir s’adapter aux réalités et aux attentes économiques et sociales de notre pays. 
Un tel effort ne peut être demandé qu’à une équipe tunisienne d’experts hautement qualifiés, seuls à être suffisamment instruits des réalités, des problèmes et, des priorités nationales. De tels experts nationaux existent et, il est regrettable que, pour accomplir cette tâche éminemment sensible et déterminante pour l’avenir de notre pays, le gouvernement fasse recours à des experts étrangers qui ne peuvent, en tout état de cause, avoir la même connaissance et la même évaluation des attentes et des priorités que les experts nationaux.
2 - L’élaboration de ce nouveau modèle de développement doit avoir la priorité absolue comme condition essentielle dans la rationalisation des actions du Gouvernement dans ce domaine, dans la détermination des priorités, le respect des équilibres entre les régions, notamment, et dans la mise en œuvre de la justice dans la redistribution des fruits de la richesse nationale.
3 - La redéfinition du cadre global optimal de la mise en œuvre du nouveau modèle de développement doit aussi, être considérée comme une priorité dans l’action régulatrice de l’Etat. 
A cet effet, aussi bien la refonte d’une législation en matière d’encouragement des investissements qui soit en harmonie avec les nouvelles ambitions, l’adaptation résolue et effective des structures administratives au nouveau rythme d’activité et de décision, la garantie des droits et la précision du contenu des obligations des acteurs économiques, notamment les investisseurs nationaux et étrangers, la garantie d’un fonctionnement sans failles de l’administration de la justice, la lutte crédible et durable contre la corruption, sous toutes ses formes, l’arbitraire, le népotisme, et les abus de droit, doivent être inscrits en priorité dans les engagements des gouvernants et être des référents dans l’appréciation de leurs performances et dans la mise en jeu de leur responsabilité politique.
4 - Notre pays passe actuellement par une période de transition et même, de crise. Aussi, l’action en vue de la relance de l’économie et de la mise en œuvre du développement national est avant tout, un geste patriotique et qui implique de la part des acteurs économiques nationaux, un engagement militant. Des sacrifices exceptionnels leur seront demandés, autant du point de vue de la conformité de leurs initiatives et de leurs investissements à la loi et aux priorités du plan de développement du pays, que du point de vue de la distribution des revenus de leurs efforts pour contribuer à une meilleure justice sociale et pour une plus grande solidarité nationale. 
Cet élan patriotique ne peut se combiner avec la politique d’oubli et de pardon envers ceux qui ont enfreint à la loi et ont commis des crimes qui frôlent la trahison à l’intérêt national. Dans de pareils cas, l’Etat devrait trancher et appliquer strictement la loi, plutôt que de transiger avec les criminels. 
Par-dessus tout, il est hautement illusoire d’espérer construire la prospérité du pays par le moyen de l’argent sale : l’expérience de divers pays, dont certains dans le voisinage de notre pays, montre que l’argent sale ne peut que produire de l’argent sale et reconstruire le même milieu dans lequel il a prospéré…
5 - La justice sociale, dans toutes ses dimensions, est un impératif national. De grands efforts doivent être déployés en vue du redressement des injustices dont été victimes, les classes défavorisées, la jeunesse, la femme et plus particulièrement la femme rurale, la population de l’intérieur du pays, etc.
Cependant, autant que les acteurs économiques sont appelés à montrer une grande compréhension à l’égard des exigences du développement du pays, autant les populations laborieuses doivent accepter leur part de sacrifices et de faire preuve de retenue dans l’exercice des droits qui leur sont reconnus par la Constitution. 
Deux lignes rouges doivent, à cet égard, être respectées : la ligne ‘patriotique’, qui fait toujours prévaloir l’intérêt général sur l’intérêt personnel ou corporatif ; la ligne du ‘raisonnable’, qui dicte que dans leurs actions revendicatives, les travailleurs évitent de causer à la nation ou à leur secteur d’activité, plus de dommages que les bénéfices escomptés de leurs protestations ; il est regrettable que, dans de nombreuses occasions, autant la masse des protestataires que leurs dirigeants syndicaux, ont brisé ces ‘lignes rouges’ et adopté des comportements que l’impératif de solidarité nationale et les principes d’éthique les plus communément admis, réprouvent sans appel.

Par-dessus tout, tous les protagonistes sociaux dans un pays peu développé et plongé dans une crise nationale très grave, doivent comprendre que les pratiques abusives et contre-productives observées dans les manifestations ouvrières dans certains pays développés voisins sont particulièrement nuisibles lorsqu’elles sont transposées sans discernement dans notre propre pays.
Tunis, le mercredi 8 juin 2016

*    Sadok BELAID - Ancien doyen de la Faculté de Droit de Tunis.                                        ** Hamadi Ben JABALLAH - Ancien professeur à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Tunis.
          

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  1. UN DIAGNOSTIC CATASTROPHIQUE DE LA SITUATION TUNISIENNE, AGGRAVÉE PAR LE MARIAGE DE BCE AVEC GHANNOUCHI !

    Jean-Pierre Ryf :
    ·
    Je relaie ce formidable appel de deux personnalités tunisiennes. Le constat est implacable et vrai, vérifié par tous les Tunisiens, la critique de la classe politique est d'une vérité criante et les perspectives tracées sont les seules qui peuvent, en effet, sortir la Tunisie de la dégringolade où elle se trouve.

    Y aura-t-il une alternative électorale qui prendra ce projet et qui sera crédible ?

    Abir Moussi pourrait l'être si elle renonçait a son conservatisme arriéré.

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