Palais présidentiel de
Carthage 15/12/11.
Voici
l'homme qui rassure les tunisiens sur le respect des droits de l'homme, et qui
veillera à ce que Ennahdha ne franchisse pas la ligne rouge.
Je veux
lui faire confiance, en restant critique sur toute action qu'entreprendra son
premier ministre....avec un RV dans 6 mois, pour faire un premier bilan.
Wait and see.
Wait and see.
Tout le long de
l'interview, le président Moncef Marzouki s'est montré humain, simple, sincère
et émouvant !
Son éloquence, que ce
soit en arabe littéraire ou dialectal, tranche avec celui que les tunisiens ont
"dégagé" le 14 janvier 2011, qui n'a jamais brillé sur ce plan. Ce
qui confirme sa bonne maîtrise de deux cultures en bon sadikien, puisqu'il s'exprimait
parfaitement aussi en français. Langue que Ben Ali ne maîtrisait pas.
Les 2 journalistes
étaient quant à eux, totalement à l'aise. Ils ont pu lui poser toutes les questions que les
tunisiens se posaient et lui rapporter toutes leurs inquiétudes.
Sans la flagornerie à
laquelle leurs confrères nous avaient habituée du temps de Ben Ali et
qui choquaient tant les tunisiens !
- Sur les libertés, en
tant qu'un militant des droits de l'homme, ses propos sont rassurants. Il a
bien insisté aussi sur les droits de la femme et sur le respect des acquis
qu'elle a eu depuis l'indépendance. En précisant la nécessité de l'accès au
travail, pour les femmes, ce qui doit être le premier de leurs droits.
- il rappelle que son
mandat, comme celui du gouvernement, n’excéderont pas 1 an, voir quelques mois
tout au plus, le temps pour la constituante de parachever la rédaction de la
nouvelle constitution.
- Il assure qu'il
veillera à ce que l'attribution des postes se fasse au mérite sur CV. Il prône
la méritocratie par la compétence pour rompre avec
le système "du piston" que l'ancien régime avait érigé en
système, avec ses dérives,
dont le clientélisme qui s’était généralisé.
- Quant à la polémique à
propos du terme "essafirat", qu'il avait utilisé lors de sa prestation
de serment à la chambre des députés, pour désigner les tunisiennes qui font le
choix de ne pas se couvrir le chef, il en est étonné; d'autant plus qu'il n'a aucunement l'intention
de les blesser ou de les choquer. Qui pourrait lui reprocher la réhabilitation
d’un mot de la langue arabe dans son acception d’origine que certains
voudraient dévoyer en le connotant péjorativement ?
- Il redit son intention
d'envoyer un message clair quant à la liberté vestimentaire dans le respect des
lois. En précisant que celles qui veulent se couvrir le visage, ne peuvent se
soustraire au contrôle à l'intérieur de l'administration tunisienne....
- Il demande une trêve
de 6 mois à toutes les actions corporatistes, politiques..... pour ramener le
calme et la sécurité afin de redémarrer la machine économique d'une Tunisie
exsangue.
- Il insiste sur le
retour de la sécurité et reconnait que la police nationale a été elle-même
victime du régime de Ben Ali. Si certains policiers corrompus ont abusé de la
situation, d’autres intègres ont souffert du système et ont subit l’injustice à
l’intérieur même de l’institution.
- Il a espoir que
l'économie redémarre si tout le monde participe de l'effort national, et si le patriotisme
primait sur les revendications personnelles et corporatistes.
- Il compte bien sur
l'entraide entre les tunisiens et les libyens, les deux complémentaires pour se
sortir de leurs difficultés post révolutionnaires...
- L'insigne qu'il porte
sur le revers de sa veste, n’est
autre qu’un pin’s représentant le portrait d’un martyr de la révolution, que
lui avait accroché publiquement la mère du défunt, contre la
promesse qu'il n'oubliera pas les martyres de la révolution.
Il assure qu'il
s'occupera personnellement du dossier des martyres, et que le jour où nous le
verrons plus arborer la photo que lui avait confiée cette mère, c'est qu'il
aura réglé cette question ô combien douloureuse pour les familles des martyres.
- Lors de son
investiture il portait un burnous en poil de chameau. Ce qui a interpellé
beaucoup de tunisiens. Il dit qu'il provient du village d'origine de sa
famille dans le sud tunisien Marzoukia. Il l'a porté pour rendre hommage aux traditions de notre pays en
affirmant son identité, mais aussi parce que cela lui avait beaucoup manqué
dans son exil en France.
- Devant son refus de
porter la cravate : il reconnait que c'est devenu un dilemme pour lui, qui
croit que l'élégance est intérieure, dans la personnalité, dans l'éducation et le savoir d'un
être....mais nullement dans une cravate. Ceci dit, ses filles la lui
recommandent pour le respect de la fonction. Il promet d'en mettre, si
Ghannouchi acceptait d'en mettre lui aussi. Rire sur le plateau.
J'espère que son appel
pour la trêve sera entendu par tous les tunisiens.
Il nous faut lui faire
confiance, tout en restant vigilants bien évidemment sur les actions qu'il
mènera avec son ami le premier ministre Hammadi Jebali.
Je sais qu'il faut se
méfier des discours qui peuvent être parfaits et la réalité plus contestable.
Ben Ali, lui aussi, lors
de sa prise du pouvoir avait fait un discours magnifique. Nous étions nombreux à lui
avoir pardonné son coup d'état en blouse blanche du 7/11/87, pour nous
avoir débarrassés d'un régime dictatorial dont le chef est
devenu sénile. On a vu la suite, hélas !
Il faudra donc veiller à
la réalité de l'exercice du pouvoir mais il n'y a, aucune raison à priori de ne
pas faire confiance à quelqu'un qui a été dans sa vie
un ardent défenseur des droits de l'homme.
Je rajoute que Moncef
Marzouki, doit être conscient que la seule manière d'entrer dans
l'histoire c'est de conduire ce pays vers une réelle démocratie et vers un
dynamisme économique.
Enfin je crois fortement
que la fonction dans certain cas élève la personne et je pense que nous sommes
dans ce cas.
Bon vent monsieur le
président.
Rachid Barnat
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