samedi 17 février 2018

DROIT, POLITIQUE ET CONVICTION

Article paru dans : Kapitalis

La Tunisie est un pays qui a d’excellents juristes dont la réputation va au-delà même du pays. Parmi eux, les frères Ben Achour dont le père fut un mufti éclairé qui a défendu les dispositions du Code du Statut Personnel, fondement de la République moderne instaurée par Bourguiba. Ces deux juristes ont joué un rôle dans l’élaboration de la Constitution et notamment le Professeur Yadh Ben Achour qui a été le Président actif de l’Instance de Transition.

Si leur compétence juridique ne peut être mise en doute; cependant, ils ont manqué soit de clairvoyance politique, soit de détermination et de conviction car on se souvient des dépassements abusifs du délai d'un an accordé aux constituants parce que Yadh Ben Achour a cru avoir affaire à un gentleman dont la parole suffisait pour respecter son engagement, alors qu'il aurait du en juriste, exiger un engagement écrit dûment signé par Ghannouchi. Il a fallu un temps interminable pour terminer la Constitution en laissant la porte ouverte à des discussions sans fin sur le sexe des anges ! De même qu'on se souvient des nombreuses mises en garde de la part de certains hommes politiques et de constitutionnalistes dont personne ne voulait tenir compte, pendant que les Frères musulmans se confectionnaient une constitution sur mesure; et dont les politiques, tous partis confondus, disaient le plus grand bien; certains affirmant même dans l'euphorie du pénible accouchement, qu'elle est la meilleure du monde.

Il aura fallu la mise à l'épreuve de cette constitution pour constater, moins de quatre ans après, que le régime retenu par les islamistes est bâtard et constitue un grand handicap pour la Tunisie. Puisque de plus en plus de voix s’élèvent et notamment celles des frères Ben Achour, pour mettre en évidence des faiblesses majeures dans cette Constitution, faiblesses que certains avaient dénoncées dès sa promulgation.

C’est ainsi que le Professeur Yadh Ben Achour a mis en évidence le fait que le texte de la Constitution est porteur de très grandes ambiguïtés car l’Assemblée Constituante, après une lutte forte entre progressistes et islamistes, a accepté des compromis qui donnent un texte ambigu, source d'interminables questions d'interprétation dont il peut tout résulter, alors qu’une Constitution, socle de la vie politique du pays, doit être claire et ne pas prêter aux discussions sans fin.

Le Professeur Yadh Ben Achour dénonce ainsi : La Constitution tunisienne de 2014, avec l’esprit de compromis qui l’anime fondamentalement, n’en est que le reflet. En réalité, la recherche du compromis systématique a pour résultat de transformer notre texte constitutionnel en un tissu d’ambiguïtés, de faux-semblants et de contradictions. Face  à cette bifurcation, laquelle des deux voies choisir ? "

Récemment son frère le Professeur Rafâa Ben Achour vient de dire clairement que le régime électoral était mauvais et qu’il faudrait en changer. Dans une déclaration à l'agence TAP, il a expliqué que : " Le mode de scrutin à la proportionnelle, adopté depuis les élections des membres de l’Assemblée Nationale Constituante (ANC), était requis pour élaborer une constitution consensuelle et permettre à la minorité de participer à l’élaboration du contrat social. Cependant, pour faire face au glissement de la monnaie nationale et pour sortir le pays de ses crises sociale et économique, nous devons faire en sorte que le parlement dégage un vrai gouvernement de législature après les élections de 2019, comme cela se voit dans les pays scandinaves et l’Italie "

Là encore cette analyse est bienvenue même si la justification que donne Rafâa Ben Achour à la solution alors adoptée, est plus que discutable. 

Il faut rajouter que cette analyse avait été faite depuis très longtemps par des tunisiens qui n’avaient pas la compétence de ces juristes de haut niveau mais qui politiquement avaient bien vu la manœuvre des Frères musulmans dont le souci n'était pas de faire progresser le pouvoir mais de pouvoir s'y maintenir.  

Cela montre que la science juridique n’est évidemment pas tout; et qu’il faut en outre, le sens politique et surtout le courage des convictions.

On a assisté, ici encore, à la fameuse théorie du compromis. Compromis qui a été boiteux qui traduisait surtout une lâcheté des progressistes face aux islamistes dont ils craignaient la violence. Alors certes, ils n'ont pas eu la violence ou en tous cas réduite, mais ils n'ont rien solutionné et le problème est devant nous, nous empêchant de progresser.

Il est fort probable d’ailleurs que les menaces et le chantage à la violence et au terrorisme de la part des islamistes auraient eu beaucoup de mal à se réaliser dans un pays comme la Tunisie; et que si cela se réalisait, il aurait signé la fin des islamistes car personne n’aurait permis ni accepté leur violence dans un tel pays. 
Et, par ailleurs, si tel avait été le cas, les islamistes se seraient définitivement discrédités et cela n’aurait pas été plus mal !

La faute a donc été commise mais rien n’est irrémédiable. Il faut suivre les conseils que donnent, aujourd’hui, un peu tard, les juristes; et modifier cette Constitution en levant ses ambiguïtés et en réformant le régime électoral pour donner, enfin, la possibilité de voir émerger un pouvoir fort soumis à l’alternance et non un pouvoir mou, toujours dans le compromis; c’est-à-dire dans l’impuissance.

Va t-on, enfin, sortir de cette politique de demi-mesures qui n'aboutira à rien ?

Quel gâchis et que de temps perdu ! Et l'on ne peut que répéter que la seule solution pour sortir ce pays du marasme où il est, est de modifier le mode électoral pour permettre de dégager une réelle majorité qui pourra agir sans se soucier de compromis boiteux; et qui, si elle échoue, sera remplacée par une alternance. 
Voilà la vraie démocratie et non ce simulacre que l'on connaît aujourd'hui !

Rachid Barnat




4 commentaires:

  1. POSTURE OU IMPOSTURE DE NIDAA TOUNES ?

    Nidaa Tounes, droite libérale, et Ennahdha, droite fondamentaliste, sont la face et le revers d’une même médaille

    " L’accord implicite de non-belligérance qui a prévalu entre les deux partis dans la conduite des affaires de l’État depuis 2014 continue à brouiller les cartes.
    Car même si le parti au pouvoir a déclaré début janvier que, pour les municipales, il « sortait du consensus pour aller vers une situation concurrentielle avec le mouvement Ennahdha », selon les termes de Borhène Bsaies, chargé des affaires politiques de Nidaa Tounes, le doute persiste.

    " Nidaa Tounes, droite libérale, et Ennahdha, droite fondamentaliste, sont la face et le revers d’une même médaille

    PS : une chose est certaine, Ghannouchi comme son modèle Erdogan, joue la carte de la duperie par la pseudo ouverture de son parti (juif, homosexuels, femmes en cheveux ... ) à tout va : pourvu que les Frères musulmans prennent le pouvoir; après ils auront tout le loisir de revenir à leurs fondamentaux !
    Stratégie payante pour Erdogan que Ghannouchi escompte rééditer !

    httphttp://www.jeuneafrique.com/mag/543030/politique/municipales-en-tunisie-les-grands-duels-attendus/://www.jeuneafrique.com/mag/543030/politique/municipales-en-tunisie-les-grands-duels-attendus/

    RépondreSupprimer
  2. ISIE * : Une instance indépendante ?

    Hedi Mohamed :

    Aujourd’hui, on peut dire, sans se tromper, que l’ISIE cache les listes des candidats aux municipales pour des raisons louches.

    Je rappelle que la publication détaillée de ces lites aurait dû être faite le 4 Avril; et ce, conformément à son propre programme, établi par ses propres soins et publié, noir sur blanc, sur son site.
    Au début, j’ai pensé à un simple retard, mais visiblement ce n’est pas le cas.

    Si l'ISIE cache ces listes, ça veut dire qu’il y a des raisons pour le faire.
    Cela prouve aussi que l’ISIE participe au complot qui se trame contre les tunisiens.

    L’instance ne fait que jouer le rôle qui lui a été assigné, de légaliser les fraudes et donner une fausse impression d’indépendance et de démocratie !
    L'ISIE n'est qu'un paravent qui cache le jeu des islamistes.
    On peut donc s’attendre à toutes les magouilles de sa part !

    Si on cache soigneusement ces listes, c’est qu’on craint une réaction négative des électeurs à certains noms qui figureraient dans ces listes.

    Comme nous sommes totalement dans l’absurde et le ridicule, on peut imaginer que ces listes ne seront jamais publiées.
    On serait donc amené à voter pour un panier de vipères, dont on ne connait que la tête de liste.
    Ce qui est très possible !

    C’est presque pareil au parlement : Hier, on nous annonce que le code des collectivités locales pourrait ne pas être prêt avant les élections, mais que ce n’est pas un facteur essentiel qui empêcherait leur déroulement normal …

    Là, il me semble qu’on touche aux questions fondamentales et épineuses sur les attributions, le financement et les limites du pouvoir des communes…

    En toute logique (d’illogiques !), ces questions là seront débattues après les élections. Je ne suis pas étonné quand j’entends ça, de la bouche de Habib Kedher, le neveu de Ghannouchi. Mais je suis très choqué quand ces thèses sont défendues par une personne comme Saïd Aïdi, un laïc qui compte changer le monde avec dix listes dans dix circonscriptions sur 350; et où il n’a aucune chance d'être élu…

    Conclusion : On demande aux tunisiens d’aller voter pour une boule noire, dont on ne connait absolument rien, ni les attributions ni les candidats !
    Il faut vraiment avoir le culot, le courage et l’audace de le faire…

    C'EST POURQUOI IL EST URGENT D'ARRÊTER CETTE MASCARADE ET D'ANNULER CES ELECTIONS !

    * Instance supérieure indépendante pour les élections

    RépondreSupprimer
  3. LA TUNISIE VICTIME DU MODE DE SCRUTIN MAJORITAIRE IMPOSÉ PAR LES FRÈRES MUSULMANS !

    La modification du mode de scrutin actuel devient nécessaire pour donner plus de stabilité au pays, car mode à la proportionnelle crée plus de problèmes qu’il n’en résout.

    L’Histoire des autres pays tels que la France et l’Italie qui ont abandonné le mode de scrutin à la proportionnelle, aurait pu nous servir d’exemple.

    Il est temps d'adopter le scrutin majoritaire à deux tours, que ce soit un scrutin majoritaire uninominal ou un scrutin majoritaire de liste.

    Il faut savoir que l’exercice démocratique ne peut réussir que dans la stabilité !
    Or la proportionnelle n’offre pas de stabilité !!

    http://www.businessnews.com.tn/les-elections-municipales-vont-aggraver-la-paralysie-de-la-tunisie,526,78203,3

    RépondreSupprimer
  4. ISIE : Machine à valider les fraudes ?

    Au service de qui ??

    Hedi Mohamed :

    On peut dire aujourd’hui, sans se tromper, que l’instance des élections ISIE est le plus grand danger pour les élections et la plus grande menace pour la démocratie naissante dans notre pays !

    Les municipales l’ont mise à nu et il s’avère, à la fin, que ce n’est qu’une institution de manipulation, de fraudes, de corruptions et de légalisation des fraudes !

    Lors des précédentes élections, elle agissait de façons plus ou moins discrètes et plus ou moins cachée, mais cette fois-ci, les masques sont tombés et l’instance agissait au grand jour, sans scrupule aucun !

    Le mensonge ne peut pas durer et notre démocratie ne doit pas rester l'otage d'une bande de canailles.

    On peut dire que tout ce qui a résulté de cette instance comme fraudes depuis sa création, la discrédite et la rend illégitime !

    Il est trop tard pour agir sur les scrutins qui ont déjà eu lieu, mais il est impératif d’arrêter la mascarade !
    L'arnaque, l'hypocrisie et la duperie ne doivent pas continuer.

    Défaire ou dégager l’instance de fraude parait une mission impossible, parcequ'elle est constitutionnelle; c'est pourquoi il faut s’attaquer à la constitution elle-même. Pour cela il faudra dissoudre le parlement et reprendre tout à zéro…

    En attendant, on pourrait envisager le remplacement de l’équipe par une autre équipe plus honnête, mais c’est aussi une cause perdue d’avance car les mêmes qui avaient désigné cette équipe, désigneront une autre équipe identique sinon pire.

    La solution serait de revoir la loi électorale !
    Revoir tous les textes, de fond en comble, déminer le terrain et surtout COUPER TOUS LES CHEMINS DE FRAUDE POUR L’INSTANCE ISISE.
    Non seulement c’est faisable, mais on a aussi tout le temps nécessaire pour le faire et toutes les chances de réussir.
    L’avantage est que tous les partis « victimes » des municipales, ont intérêt à exiger ces révisions.
    Ils ont le droit de le faire en contestant toutes les fraudes des plus petites au plus graves, validées par une ISIE complice ... et de réclamer la révision de la loi électorale !

    RépondreSupprimer