Mesdames, Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs les Parlementaires et Elus,
Monsieur l’Ambassadeur,
Mes chers compatriotes,
Mesdames, Messieurs,
Pardon d’abord pour ce retard. C’est toujours la faute de l’ambassadeur, normalement, c’est sans doute aussi un peu la mienne, mais nous avons eu des entretiens plus longs que prévus, en particulier avec le président ESSEBSI.
Je suis très heureux de revenir en Tunisie. J’étais là, pas dans cet endroit mais étant un peu ailleurs, dans le voisinage, il y a un peu plus d’un an, au début d’une campagne présidentielle, et je reconnais ici beaucoup de visages. J’avais été alors frappé par l’énergie qui régnait, la volonté de changement, la responsabilité immense que la France – parce qu’on le percevait déjà alors pleinement – avait, ici aussi.
Je sais aussi ce que je dois aux Françaises et aux Français qui vivent sur cette terre et merci à vous, car au premier semestre de l’année 2017, vous avez choisi clairement, fortement.
Si je suis ici, c’est aussi parce que ce pays, la Tunisie, notre pays ami traverse un moment un peu particulier de son histoire. Et je voudrais, en quelques mots, parce qu’il ne s’agit pas de faire de longs discours après ce retard, et je veux passer un peu de temps avec vous, mais je voudrais vous dire quelques mots de la Tunisie et de notre amitié, et quelques mots de vous.
Oui, la Tunisie traverse un moment un peu particulier, sept ans après la Révolution, trois ans après une nouvelle Constitution, ce pays est pour certains une anomalie, pour d’autres une énigme, pour moi un formidable espoir : celui d’avoir construit une transition démocratique, ici, d’avoir su, dans un contexte politique où rien n’était donné, écrire une Constitution où les libertés individuelles et les droits fondamentaux sont préservés, où l’égalité entre l’homme et la femme est même, je dirais, mieux préservée encore qu’elle ne l’est dans notre propre Constitution, un pays qui a réussi cette petite révolution démocratique ; un pays qui, ces dernières années, a aussi, et ces derniers mois encore, réussi sa révolution culturelle en dessinant de manière inédite un rapport apaisé, je l’espère dans la durée, entre l’Etat, la vie civile et la religion.
Je ne mésestime rien de ce que vous connaissez parfaitement, des destins individuels, des dérives des uns et des autres et de ce qui vient aussi bousculer la société dans ses tréfonds ! Et nous le connaissons aussi en France. Mais ici, ici ce chemin a été fait durant les dernières années.
Donc, la réussite de la Tunisie, dans ce contexte, est aussi la nôtre. Et je ne viens pas ici simplement chez un partenaire ou un pays lointain qu’on viendrait aider ou à qui on fait des annonces de manière classique ! Non ! Je viens de l’autre côté du rivage de la Méditerranée, dans un pays frère, parce que notre destin est lié. Parce que si la Tunisie échoue dans ce qu’elle a amorcé, nous échouons.
Parce que si la Tunisie ne conforte pas la place de la démocratie, des libertés individuelles, de la civilité entre les hommes et les femmes, comme elle a su le faire, si la Tunisie ne réussit pas à faire réussir sa jeunesse, si la Tunisie ne réussit pas à avoir un Etat, une vie politique hors de la religion et de son emprise, laissant chacune et chacun à la liberté de conscience qui lui revient, de croire ou de ne pas croire, et de croire à l’un ou l’autre, alors nous ne réussirons pas non plus. Parce qu’il n’y a pas tant de laboratoires, et parce que tous ces risques-là, nous les avons au cœur de nos sociétés.
Si je suis venu ici, c’est pour essayer d’apporter ma pierre, la pierre de la France, la révolution économique et politique qui doit accompagner cette révolution démocratique ainsi commencée.
Je crois que le travail du président de la République et du chef du gouvernement sont absolument essentiels. J’ai fait des annonces cet après-midi je n’y reviendrai pas ici, mais nous serons aux côtés de la Tunisie aujourd’hui, demain, dans les années qui viennent, nous y serons aussi, dans le voisinage, quand il s’agit de retrouver un équilibre, une stabilité en Libye, ce qui est la condition indispensable de la sécurité ici, et de la stabilité. Parce que c’est notre histoire qui nous y oblige, parce que c’est notre responsabilité profonde, et parce que c’est ce destin que nous avons en commun.
C’est pourquoi plusieurs ministres m’accompagnent, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, qui, sous différentes conditions, est revenu plusieurs fois dans ce pays ; la ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation parce que cette part donnée à la jeunesse, c’est aussi les partenariats que nous allons développer avec nos universités, au-delà de ce qui existe déjà, la place croissante que nous allons justement donner à nos coopérations en matière de Recherche et d’Enseignement supérieur ; et la secrétaire d’Etat à l’Economie et aux Finances, parce que ce que j’ai annoncé cet après-midi, c’était la capacité aussi donnée à accélérer la croissance des PME, des TPE, à développer différents secteurs économiques, avec des aides qui étaient déjà annoncées, des conversions de dettes, et un plan d’urgence tout particulier, au-delà du milliard deux sur lequel la France s’est engagée, des 500 millions d’euros sur lesquels je me suis réengagé cet après-midi, ces 50 millions de plans d’urgence pour les entrepreneurs, pour la jeunesse, pour l’activité économique, pour répondre aussi à ce dont la société a besoin.
Mais c’est pour relever aussi ce défi que plusieurs parlementaires, partie de cette délégation, et je les en remercie car à l’Assemblée nationale et au Sénat, ils sont profondément engagés dans ce combat qui est le leur et qui a parfois, je dirais, traversé leur vie intime.
Parce que, au-delà de ce combat commun et de ce moment que vit la Tunisie, il y a vous. Et quand je dis que nous avons destin lié, c’est aussi que je vous regarde. Comment pourrais-je considérer, à un moment donné, que la France pourrait complètement réussir, si la Tunisie échouait ? Il y a 700.000 Tunisiens binationaux en France, officiellement ! Si on compte vraiment les binationaux, sans doute beaucoup plus. Il y a 30.000 Françaises et Français qui vivent ici, sur le sol tunisien.
Il y a toutes ces vies, présentes entre autres et comme un échantillon dans cette salle, que l’histoire a faites, que l’amour a parfois détournées, ou leur vie professionnelle, ou le choix d’un moment et qui font que la Méditerranée n’existe presque plus pour vous ! Et d’une rive à l’autre, votre quotidien se partage entre deux pays. Et cette communauté que nous avons en partage, c’est vous. Et c’est pour cela que je souhaite aussi que nous puissions faire, des binationaux, des Français vivant en Tunisie, des Tunisiens vivant en France, une chance pour ce défi qu’il y a devant nous, en leur permettant mutuellement d’enrichir leurs expériences et en développant de manière concrète des projets nouveaux.
Ces partenariats, c’est un partenariat humain, ce sont ces vies partagées, ce sont ces expériences d’entrepreneurs, de chercheurs, d’enseignants, de jeunes, qu’au quotidien vous faites exister.
C’est pour cela que nous avons pris des décisions concrètes et que nous allons conduire plusieurs de celles-ci en matière entrepreneuriales. Et je sais toutes les attentes qu’il y a sur ce sujet.
Plusieurs chefs d’entreprise, grandes entreprises ou entrepreneurs m’accompagnent dans la délégation également et ils porteront des initiatives concrètes. ORANGE et Stéphane RICHARD sont avec nous, avec un partenaire tunisien dont nous allons régler tous les sujets dans les prochaines semaines et qui permettra à notre opérateur de pleinement retrouver dans ce contexte sa place. Xavier NIEL et là aussi qui, je le sais, portera des projets ambitieux pour le numérique, la formation et l’entreprenariat sur le sol tunisien, il y est attendu.
Mais plus largement, ce que je viens d’annoncer, ce sont des outils en quelque sorte qui sont offerts à toutes celles et ceux qui font vivre la relation. C’est ce que vous faites au quotidien. Et cette relation économique est essentielle parce que ce pays, en matière de numérique, de tourisme, d’agriculture, de développement industriel, a besoin de retrouver sa force. C’est la condition pour répondre aux défis de sa jeunesse. Et donc, pour cela, il a besoin que vous soyez aussi les acteurs de ce moment important et je veux que nous puissions vous en donner tous les moyens. Sachez à chaque instant, au-delà de vos parcours, de votre installation ici, que la France fera tout pour que vous puissiez encore plus rapidement développer ici vos initiatives, les développer de part et d’autre de la Méditerranée, être encouragés soit par nos opérateurs, soit par un partenariat encore renforcé.
C’est la même chose que nous allons faire également dans le domaine culturel, linguistique et éducatif. Quand je dis que c’est une aventure humaine et que c’est ce que vous représentez, je crois profondément que la Tunisie a une chance inouïe, c’est qu’elle est aussi à la confluence de cultures, d’univers linguistiques qui lui permettront de réussir si ce tournant est pris. Il y a une jeunesse ici qui est la mieux formée de tout le Maghreb, le Machrek et le Proche et Moyen-Orient. La mieux formée parce que c’est un pari tôt pris par BOURGUIBA. Et le défi, c’est que cette jeunesse, aujourd’hui, ne trouve pas d’emploi, même quand elle est qualifiée. Et si nous savons prendre ce tournant, c’est une jeunesse qui est au milieu de la Francophonie, d’un univers arabophone et pour une bonne partie d’entre elle qui parle anglais. Elle a donc tout pour réussir.
Les acteurs économiques qui sont ici, plongés dans ce pays, ont tout pour en faire une plateforme de réussite à travers la Méditerranée et pleinement l’emporter. Et c’est ainsi que nous devons penser notre partenariat, c’est ainsi aussi à travers vous, par vous que nous devons renforcer ces liens pour aider la Tunisie à réussir plus vite.
C’est pour ça que, dès demain, nous aurons l’occasion ensemble d’inaugurer la première Alliance française mais elle sera le début d’une série de ces six Alliances françaises que nous allons ouvrir cette année et qui vont permettre, par ce partenariat vivant, par l’implication du secteur privé, de nombreux acteurs et sous l’impulsion de l’ambassadeur que je veux très sincèrement remercier pour cet engagement tout particulier, mais au-delà de ça, pour sa mobilisation et celle de ses équipes pour ce déplacement qui permettra pleinement non seulement de faire rayonner davantage la culture française, la langue française, mais de le faire dans cet esprit de partenariat.
C’est aussi pour cela que je veux que la Francophonie prenne ici plus de place. Nous allons demain présenter ce projet pour la Francophonie, pour redonner plus de dynamique à la langue française. Les Alliances seront un de ces leviers. L’engagement que nous aurons à travers une série de coopérations académiques, universitaires, techniques le sera aussi avec cette perspective de 2020 pour la Tunisie d’accueillir la Francophonie qui sera un moment très important. Et puis le faire par votre implication au quotidien à travers vos entreprises, votre vie sociale et l’enseignement.
Sur ce sujet, je sais qu’ici comme dans beaucoup de pays, il y a eu des interrogations suite à l’été dernier sur les lycées français et l’AEFE et je veux vous dire les choses très clairement, j’ai pris une décision ferme, elle a été annoncée : les crédits ne seront pas modifiés en 2018 comme en 2019. Je sais la difficulté qu’a été l’ajustement de l’été 2017, ces 30 millions qui ont touché le réseau. Je pense qu’il y a une partie des choses qui peut être faite intelligemment, mais ces difficultés ont montré quoi ? Que nous n’avions pas su totalement nous adapter aux défis. Alors je veux ici vous dire trois choses.
La première, c’est que l’enseignement du français sera une des priorités de notre action diplomatique et de notre rayonnement. Le ministre porte cet objectif mais je veux à la fois pour tous les enfants de Françaises et de Français, de binationaux, mais pour tous les enfants des pays dans lesquels nous sommes et ici, des Tunisiens, parfois même les étrangers, que ces écoles puissent accueillir l’accès à la Francophonie et l’accès à l’enseignement français, à nos méthodes pédagogiques. Cette priorité est réaffirmée.
L’engagement budgétaire que j’ai pris sera tenu pour les deux années à venir mais je souhaite que nous puissions aussi mieux associer le secteur privé, dégager de nouvelles marges de manœuvre, parfois accueillir des partenariats qui nous faciliteraient la vie et permettraient aussi de redéployer nos priorités différemment en n’augmentant jamais les collages et ce qui est demandé à celles et ceux qui emmènent leurs enfants, surtout si nous voulons cette politique de rayonnement.
C’est pour cela que j’ai demandé au ministre de l’Europe et des Affaires étrangères pour l’été de proposer un projet de réforme en profondeur de l’AEFE qui permettra de relever ce défi. L’enseignement du français, l’enseignement dans les écoles et les lycées français est une priorité de la relation et est une priorité pour justement le rayonnement de la langue, ce rayonnement éducatif, académique, culturel parce qu’avec le français, il y a tout ce que les artistes – j’en ai reconnu aussi plusieurs – portent ici et quelques-uns nous ont accompagnés avec mon épouse.
La relation, elle se construit sur ces histoires individuelles imaginaires artistiques profondes. Je me souviens, en octobre dernier, d’une jeune femme qui m’expliquait que, même dans les pires heures, elle avait toujours rêvé à la France parce qu’elle avait vu une fois un ballet de Maurice BEJART ici et il y a tant et tant d’histoires ainsi individuelles qui sont ce lien entre nous, qui sont ce rayonnement économique, culturel, linguistique que nous devons maintenir, que vous faites vivre au quotidien.
Donc, ce travail que vous faites, cet engagement qui est le vôtre, nous devons le faciliter et nous continuerons à l’accompagner parce qu’il est, en particulier ici, en particulier aujourd’hui, un combat essentiel aux côtés de ce qu’entreprennent les Tunisiennes et les Tunisiens et l’ensemble des pouvoirs publics, un combat essentiel, celui pour nos valeurs parce qu’elles sont en partage, celui pour une histoire commune, celui pour une volonté de faire en commun.
Parce qu’au-delà de tout cela, il y a une chose, une chose qui est devant nous, c’est l’avenir de notre jeunesse, l’avenir de la jeunesse en Tunisie comme l’avenir de la jeunesse en France. Et je suis profondément convaincu d’une chose, c’est que ces jeunesse conjugueront leur avenir ensemble, plus encore que les générations présentes, parce qu’elles ont les mêmes défis, parce qu’elles ne s’imaginent plus séparées et parce qu’elles doivent avoir les mêmes réussites de part et d’autre de la Méditerranée.
Voilà, Mesdames et Messieurs, mes chers compatriotes, les quelques convictions rapides que je voulais vous livrer ce soir. Si nous sommes là pendant deux jours avec mon épouse, c’est évidemment pour affirmer cet engagement profond, cet engagement aux côtés du peuple tunisien, aux côtés des dirigeants tunisiens dans cette révolution plurielle qu’ils mènent, mais cet engagement aussi à vos côtés parce que vous faites vivre la relation, parce qu’au quotidien, vous lui donnez un visage, parce qu’au quotidien, vous lui permettez d’abolir les espaces, de faire tomber des frontières, qu’elles soient dans les têtes ou géographies, et parce qu’au quotidien, l’engagement que vous portez est toujours aussi un peu de l’engagement de la France. Aujourd’hui sans doute encore plus qu’hier, il est ici essentiel. Je vous remercie.
Vive la République et vive la France !
S'adressant aux parlementaires tunisiens, il a plaidé pour la francophonie, l'ouverture à la culture et à la langue française.
Il a mis en garde contre l'obscurantisme et la fermeture.
Il ne croit pas à l’existence d'un monde arabe : chaque pays ayant sa spécificité
Très beau discours. Macron direct et sincère comme d'hab.
PS : Ouf ! Les foulardées ont déserté l'assemblée. Tant mieux ! Sinon, quelle image aurait eu Macron de la femme tunisienne et de la Tunisie de Bourguiba !
IL FAUT CESSER DE RAISONNER EN ANCIEN COLONISÉ !
RépondreSupprimerCertains ont cru déceler dans les discours d'Emmanuel Macron du paternalisme et des relents de colonialisme.
Qu'ils se rassurent et réécoutent ses discours : il dit bien aux tunisiens qu'il les traite en frères ...
Le complexe vis à vis de l'ancien colonisateur, Bourguiba a tout fait pour que les tunisiens ne l'aient pas; contrairement au FLN qui en fait son fonds de commerce, imputant tous ses échecs à la colonisation ... plus de 60 ans après leur indépendance !
Mais voilà, par populisme les pan-islamistes et les pan-arabistes veulent transmettre leurs propre complexes au reste de la population tunisienne pour la diviser !!
Le plus curieux, c'est de voir les islamistes qui instrumentalisent l'histoire coloniale de la France en Tunisie, à la recherche de colonisateurs : après avoir flirté avec l'émir du Qatar pour lui céder la Tunisie, ils sont en train d'appeler Erdogan à reprendre l'ancienne colonie turque qu'était la Tunisie sous les Ottomans !
L'époque coloniale est révolue, il faut avancer et que chaque peuple prenne sa destinée en main car ses rapports aux autres ne sont pas qu'amicaux, il sont avant tout d’intérêts, comme disait Churchill !
http://latroisiemerepubliquetunisienne.blogspot.fr/2018/01/ghannouchi-la-girouette_25.html