Il n’y a pas de frontières entre l’islam et l’islamisme
Dans cet entretien très instructif, riche en informations et qui lève le voile sur toutes les questions sensibles liées à l’islam, sa pratique, sa pétrification par les uns et sa manipulation politique par les autres, Razika Adnani, islamologue et philosophe audacieusement engagée pour la réhabilitation de la raison, insiste sur la nécessaire réinvention de l’islam en l’adoptant aux nouvelles connaissances et exigences du monde moderne. Pour elle, la réforme de l’islam ne doit pas reposer seulement sur la réinterprétation du texte coranique ; elle doit surtout interroger les fondements de celui-ci, y compris en abroger les versets qui sont en contradiction avec l’esprit de « justice » et de « liberté » que l’on attribue à l’Islam.
1 - La pensée est, dans l’absolu, un exercice de l’esprit. Quand on parle de « pensée musulmane », qu’est-ce que cela veut dire exactement ?
Razika Adnani : La pensée est une faculté psychique de représentation et de réflexion, donc qui produit des idées. Le terme « pensée » est également utilisé pour indiquer l’ensemble des idées que la pensée a produites et la manière d’y procéder. C’est dans ce sens qu’on utilise le terme « pensée » quand on parle par exemple de « la pensée de Descartes ». L’expression pensée musulmane désigne tout ce que la pensée des musulmans a produit lorsqu’elle a pris l’islam comme objet d’étude, de recherche et de réflexion : c’est l’ensemble des idées, des théories, des concepts, des commentaires, du droit, de la théologie et des différentes méthodes élaborées dans le domaine juridique et exégétique ainsi que dans la science du hadith. La pensée musulmane révèle donc comment l’islam a été pensé par ses adeptes. À elle revient donc la manière de le comprendre et de le pratiquer. Elle est donc une partie intégrante de l’islam. L’islam tel que les musulmans le conçoivent et le pratiquent.
2 - Dans votre livre Islam : Quel problème ? Les défis de la réformes, vous parlez de « la défaite des mutazilites et du blocage de la raison ». Comment se manifestent cette défaite et ce blocage de la raison aujourd’hui ?
Razika Adnani : Les mutazilites sont les partisans d’une école théologique rationaliste qui a été très active entre les VIIIe et Xe siècles. Ils ont pris part à des discussions très animées sur la question de la pensée comme source de connaissance face à la révélation. Contrairement à leurs adversaires : les littéralistes, les salafistes, les soufis et encore les chiites imamites, les mutazilites ont pris position en faveur de la pensée. Ils ont affirmé que la connaissance était certes révélée, mais qu’elle devait également être construite par l’intelligence humaine. Cependant, pour eux, il ne suffisait pas de penser, il fallait aussi penser d’une manière juste. Ainsi, ils ont aussi pris position en faveur de la raison en tant que règles de rationalité permettant à la pensée d’éviter les erreurs de raisonnement.
La disparition totale des mutazilites vers la fin du XIIe siècle et la victoire de leurs opposants, pour qui la connaissance est révélée et transmise, signe la défaite de la pensée et de la raison ou de la pensée rationnelle dans la pensée musulmane et dans la pensée des musulmans. La pensée créatrice et rationnelle a été accusée d’être une menace pour l’islam, d’y être étrangère étant donné qu’elle était une méthode pour la philosophie importée des Grecs. Une défaite qui s’est propagée très vite aux autres domaines : la philosophie, la science, l’art.
Cette défaite se manifeste dans les théories, les concepts et les principes dominant la pensée musulmane depuis la fin du XIIe siècle qui ne sont pas en faveur de la pensée et de l’intelligence tels que le littéralisme, la théorie du Coran incréé, le salafisme, le dévoilement et la théorie des saints dans le soufisme. Quant aux principes, deux se sont particulièrement distingués : celui qui dit que « la religion est une question de cœur et non de raison »; et l’autre qui dit que « toute innovation est un égarement ».
Cette défaite de la pensée créatrice et rationnelle se manifeste aussi par le sentiment de peur de l’intelligence et la façon de s’interdire de réfléchir et de raisonner constatée chez les musulmans dès lors qu’il s’agit de l’islam. Ils briment leur esprit critique de crainte de remettre en question le savoir des anciens ou même de sortir de la religion.
Elle se manifeste par les innombrables contradictions caractérisant la pensée musulmane et le discours religieux auxquelles la raison ne réagit pas. Quand vous dites par exemple que vous êtes à la maison et en même temps vous dites que vous êtes au bureau, c’est la raison, cette faculté cognitive de rationalité que nous portons en nous, qui vous signale que dans votre propos il y a une incohérence ou une erreur de raisonnement. Quand elle ne le fait pas, c’est qu’elle est bloquée.
Parmi les contradictions du discours religieux, la plus grave est celle qui concerne le premier principe fondateur de la religion musulmane, le principe de l’unicité. Ainsi, les musulmans affirment qu’il n’y a qu’un seul Dieu, l’être parfait, qui ne partage ses attributs avec aucune de ses créatures et, en même temps ils qualifient ou accusent d’être mécréante toute personne qui ose critiquer le discours religieux établi. Si l’on n’est mécréant que lorsqu’on contredit Dieu, cela revient à dire qu’ils considèrent que le discours religieux ou de certains religieux équivaut à la parole et au savoir de Dieu. Autrement dit, selon eux, il y a des êtres humains qui détiennent le savoir divin absolu, ce qui va à l’encontre du principe de l’unicité comme je viens de le dire.
Les musulmans affirment également que l’islam est une religion de justice et en même temps refusent, au nom de l’islam, de reconnaître aux femmes les mêmes droits que les hommes, ce qui est injuste.
3 - Il y a eu beaucoup de tentatives de réforme de l’Islam, notamment depuis la Nahdha, mais elles se sont toutes soldées par un échec. Pourquoi ? Quels sont les éléments forts et les points faibles de ces tentatives ?
Razika Adnani : La première réforme que l’islam a connue remonte à la période de Médine lorsque les versets coraniques ont pris une dimension sociale et politique alors qu’ils avaient, à la Mecque, un caractère quasi spirituel. Le message coranique a donc changé pour s’adapter aux nouvelles circonstances des musulmans à Médine; et changer, c’est réformer.
La réforme de la Nahdha appartient à l’époque contemporaine, mais entre les deux il y en a eu d’autres. La Nahdha est un mouvement de renouveau littéraire, culturel, social et politique qui avait comme objectif de permettre aux sociétés arabes d’entrer dans l’ère de la modernité et c’est en son sein qu’est né le mouvement de réforme de l’islam de cette époque-là. Cependant, si beaucoup de ces réformistes exprimaient le désir de permettre à l’islam d’être plus compatible avec la modernité, dans la réalité cette réforme de l’islam non seulement n’a pas pu se faire, mais a également été une des causes de l’échec de la Nahdha.
L’échec du réformisme musulman de l’époque de la Nahdha s’explique par le fait que ceux qui l’ont portée n’ont pas pu se libérer de tous les obstacles épistémologiques et psychologiques qui empêchaient leur pensée d’accomplir sa fonction : la réflexion et la créativité.
Ainsi, ils appelaient par exemple à l’ijtihad, qui est un travail intellectuel, mais rappelaient constamment les limites que la pensée et la raison devaient respecter, donc les zones qui devaient rester à l’écart de cet ijtihad. Sous l’emprise de l’ancienne théologie, ils ont exclu les versets et les questions qui posaient problème, donc celles qui avaient besoin de réforme. Les plus réformistes se sont contentés de la réinterprétation de certains textes à la recherche d’autres lois plus adaptées à la société nouvelle. Or, la réinterprétation à elle seule ne peut engendrer la réforme dont l’islam a besoin.
Très peu, comme Amine El Khûli (1895-1966), Khalafallah (1916-1991) et Taha Hussein (1889-1973) ont été au-delà en voulant questionner le statut du texte et en faire un sujet de réflexion. Ils avaient l’objectif de fonder un nouveau rapport au texte et une nouvelle théologie. C’est ce travail qu’on peut qualifier de réforme, mais la pensée de ces réformistes intellectuels n’a pas pu s’imposer, car ils étaient très peu nombreux et la riposte des conservateurs à leur égard a été très rude.
Je ne terminerai pas mon propos sur ce sujet sans évoquer Tahar Haddad qui a appelé à l’abrogation des versets dont les recommandations sont discriminatoires à l’égard des femmes. Il ne s’est pas non plus contenté de la réinterprétation.
4 - Qu’est-ce que la réforme de l’Islam selon vous ? Qu’est-ce qui doit fondamentalement changer dans notre vision de l’Islam pour le libérer, comme dirait Arkoun, des clôtures dogmatiques » qui empêchent son essor ?
Razika Adnani : Vous avez parfaitement raison de poser cette question, car le terme réforme est très lié au mouvement islahiste pour qui la réforme se limite à corriger ce qui a été abimé en islam afin de lui redonner son éclat l’antan. C’est pour remédier à cette difficulté terminologique que je précise qu’il s’agit d’une réforme qui est orientée vers l’avenir.
Pour qu’elle soit une « véritable réforme » elle doit être une rupture radicale avec une manière héritée du passé de comprendre, de concevoir et de pratiquer l’islam pour construire, à partir des mêmes textes, un nouvel islam adapté aux droits humains et aux exigences de l’époque actuelle pour plus de paix, d’égalité et de dignité humaine.
Ce qui doit donc fondamentalement changer, c’est la conception de la réforme elle-même, autrement dit son sens et son objectif. C’est une réforme qui doit créer du nouveau en islam pour permettre aux musulmans de se libérer « des clôtures dogmatiques » qui empêchent leur essor. Je dis bien « leur », car l’élément principal de cette réforme doit être l’être humain et précisément le musulman. Comment adapter sa vie, son comportement à l’époque actuelle et lui permettre d’adhérer à la modernité ? La modernité qui n’est autre que l’âge mature de l’humanité.
5 - Aujourd’hui, le visage le plus visible de l’Islam est l’islamisme. Ce visage est particulièrement hideux dans la mesure où il est négation de la raison mais aussi de tout ce qui est beau ici-bas : les arts, la littérature, la beauté, la création, l’innovation, la liberté, etc. Comment arrive-t-il toujours à mobiliser ? L’islamisme a-t-il encore de beaux jours devant lui ?
Razika Adnani : L’islamisme est un terme qui désignait au départ la religion musulmane tout comme le christianisme et le judaïsme désignaient respectivement les religions chrétienne et juive. À partir des années 1970, il a été utilisé pour désigner l’islam politique. En ce sens l’islamisme remonte à 622, lorsque le prophète est parti vivre à Médine, car c’est à ce moment-là que l’islam est devenu une religion qui ne se dissocie pas de la dimension juridique et politique.
L’histoire de l’islam montre que le profane et le sacré ont toujours été imbriqués et que la politique a toujours été pratiquée au nom de l’islam. Les « docteurs » de l’islam n’ont cessé de reprocher aux califes et aux émirs de ne pas suivre une politique conforme aux recommandations de l’islam. C’était un islam au service de la politique. La seule exception est constatée chez les premiers soufis qui revendiquaient un islam spirituel. Aujourd’hui, nous avons quelques exceptions comme la Turquie, qui est devenue laïque à partir de 1928, malgré les intentions islamistes d’Erdogan, l’Albanie à partir de 1998 et l’Indonésie qui ne déclare pas dans sa constitution de 1945 l’islam comme religion de l’État.
L’islamisme a connu un regain à partir de 1928 avec la création de la Confrérie des frères musulmans en réaction au projet de modernisation des sociétés musulmanes. Pour ses adeptes, prendre le pouvoir était le moyen le plus efficace pour instaurer un État islamique
Quant à votre question : pourquoi l’islamisme mobilise-t-il encore beaucoup de musulmans ? Cela peut s’expliquer par plusieurs raisons. La première concerne le wahhabisme qui dispose de pouvoirs financier et psychologique considérables, en plus du fait qu’il a adopté les moyens d’action des Frères musulmans comme celui d’agir sur le plan international alors qu’il était au départ cloîtré en Arabie. Aujourd’hui, les Saoudiens et les Qataris mettent beaucoup d’argent dans le domaine de la communication.
Le pouvoir du wahhabisme se traduit également sur le plan politique étant donné que tous les pays musulmans sont membres d’organismes dirigés et orientés par l’Arabie Saoudite comme l’Organisation de coopération islamique, l’Organisation islamique pour l’éducation, les sciences et la culture, et la Ligue islamique mondiale.
L’islamisme a-t-il encore de beaux jours devant lui ? Il faut savoir que presque tous les États musulmans déclarent dans leur constitution que l’islam est la religion de l’État, autrement dit, ils utilisent la religion musulmane comme un moyen pour faire de la politique. En ce sens, ce sont des États islamiques, même si au Maghreb seul le Maroc le précise dans son préambule. Cependant, l’avenir dépend des populations de ces pays. En Algérie, un grand nombre d’hommes et de femmes veulent une Algérie démocratique et nouvelle. Conscients que cela n’est possible qu’avec la modernisation de la politique, ils veulent séparer la politique de la religion. Il y a donc un désir et une demande de changement dans le domaine de la religion et de la politique qui se font sentir.
6 - Certains penseurs et intellectuels présentent souvent le soufisme comme une alternative à l’islamisme. Or, selon vous, l’islamisme et le soufisme sont les deux facettes d’une pensée radicalement antirationnelle. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Razika Adnani : Il est certain que le soufisme porte en lui des éléments positifs qui font que beaucoup de personnes y compris des non musulmans sont fascinés par cette doctrine. Ils voient en elle une solution à l’islamisme qui a provoqué la crise de l’islam et entrainé le monde dans une violence barbare notamment entre 1990 et 2015.
Parmi ces éléments, il y a le caractère spirituel du soufisme et son discours sur la tolérance et l’amour. Il s’oppose ainsi à l’islam politique qui s’intéresse davantage à l’organisation sociale et qui prône le rejet de l’autre et la violence comme moyen pour arriver au pouvoir.
Cependant, l’islam politique est fondé principalement sur la nécessité de l’application de la charia. Si c’est là que se situe le problème, il faut savoir que le soufisme ne rejette pas ce corpus législatif. Les maîtres soufis rappellent l’intérêt que leur doctrine donne aux recommandations de l’islam et cela depuis le compromis entre les soufis et les juristes qui a eu lieu aux environs du XIIe siècle. Certains comme Ruzbehan et al-Ghazali étaient des maîtres dans la jurisprudence. Le Cheikh Khaled Bentounes, le père spirituel de la confrérie soufie al Alawiya, écrit à ce sujet : « L’islam, comme toute religion, a un aspect extérieur, fait de lois, de doctrines, de préceptes, etc. Mais, les soufis ne se suffisent pas de cela. »
La cause première, comme je l’ai dit tout à l’heure, de la crise de l’islam et de la situation de l’être en islam réside dans la représentation négative de la pensée créatrice et réactionnelle qui a conduit à l’inertie de la pensée et l’apathie de la raison ; ils sont les plus grands maux qui peuvent accabler une société. Or, la théorie épistémologique du soufisme ne valorise ni la pensée humaine ni l’esprit rationnel. La preuve en est qu’entre le XIIe siècle et le XIXe siècle, la période de l’épanouissement du soufisme, le monde musulman a sombré dans la superstition et l’esprit magique. Lorsque les musulmans se sont réveillés à la fin du XIXe siècle de leur long sommeil, ils étaient abasourdis par leur retard. Voilà pourquoi, malgré les éléments positifs du soufisme, il ne peut pas être la solution dont l’islam et les musulmans ont aujourd’hui besoin. Assurément, la valeur d’une théorie ou d’une idée se mesure par ses effets sur la réalité des personnes qui croient en elle et sur leurs comportements.
7 - On parle aussi de « l’islam algérien » comme d’une voie de sortie de l’islamisme. Or, celui-ci est, selon ce que vous écrivez dans vos livres, majoritairement malékite, n’est ni algérien ni rationnel. Qu’est-ce que le malékisme et quels en sont les limites ?
Razika Adnani : Le malékisme a été fondé à Médine par Malek ibn Anas, ce n’est donc pas, par principe, une théorie algérienne même si cela fait des siècles qu’il a été adopté par les populations maghrébines. Ce n’est pas la raison pour laquelle je rejette l’idée qu’il puisse être une solution pour la crise de l’islam, mais pour d‘autres raisons. Tout d’abord, le malékisme est une théorie juridique qui ne sépare pas la religion de la politique. En ce sens, le malékisme est un islamisme. Comment un islamisme peut-il être une solution contre l’islamisme ?
Ensuite, le malékisme revendique la supériorité des musulmans arabes sur les autres musulmans étant donné qu’il a déclaré Médine comme modèle de société pour tous les musulmans et ses habitants ceux qui comprenaient le mieux le message coranique, car non seulement ils maîtrisaient la langue arabe, mais ils avaient également des liens de sang avec le prophète. Cette théorie adoptée par les Maghrébins explique en grande partie pourquoi les populations de cette région du monde ont rejeté leurs origines et ont prétendu être arabes. Ce rejet de soi a eu des conséquences dramatiques sur ces populations.
Enfin, le malékisme est né au VIIe siècle, croire qu’il puisse être une voie de sortie pour les problèmes du XXIe siècle, c’est encore une fois croire que toute solution ne peut venir que du passé, ce qui est le sens même du salafisme. D’autant plus que le malékisme est le premier à avoir jeté les bases du salafisme et du conservatisme, et l’islamisme (contemporain) est un conservatisme.
Les Algériens pensent que le malékisme est la solution à leur problème avec la religion, car ils restent très imprégnés du salafisme et de la valorisation du passé. Ils cherchent toujours les solutions à leurs problèmes dans le passé. Les adeptes de la Badissia et la Novembaria sont dans la même position. Aucune solution n’est possible si elle n’émane pas d’une pensée capable de procéder à une rupture épistémologique et psychologique avec le passé pour penser pragmatiquement la réalité et l’avenir.
8 - La réforme de l’islam est un projet global qui concerne tout le monde, y compris les non-musulmans ou elle peut se faire dans une partie du monde avant de se généraliser ?
Razika Adnani : Lorsque la nécessité de réformer l’islam s’est faite sentir à nouveau à la fin du XXe siècle et au début de ce XXIe siècle, après les atroces violences qui ont été commises au nom de cette religion, deux idées de réforme se sont imposées.
La première, portée par des religieux tels que Tariq Ramadan, Tareq Oubrou et Youssef al-Qaradaoui, concernait uniquement les musulmans d’Occident en tant que minorité qui ont besoin d’une jurisprudence qui leur permette de vivre et pratiquer leur religion sur une terre qui n’est pas musulmane.
Cette jurisprudence des minorités fikh-al-aqaliyattes qu’ils présentaient comme la réforme de l’islam, ne va pas, en réalité, au-delà des questions secondaires relatives aux modalités de la pratique de charia. Elle ne concerne ni la charia ni l’islam en tant que religion. Ces religieux ne croient pas à la réforme de l’islam en tant que religion. Leur réforme est liée à une circonstance bien précise qui est celle des musulmans d’Occident en tant que minorité. Autrement dit, là où ils sont majoritaires, les musulmans n’ont pas besoin de réforme.
La deuxième idée de réforme est née en France, son objectif était de créer un islam propre à la France ou « un islam de France » qui serait républicain et moderne. C’est une réforme de circonstance qui ne concerne ni l’islam en tant que religion ni tous les musulmans.
Son erreur est de croire pouvoir créer un islam spécifique à la France qui serait républicain et moderne alors que dans les autres pays il resterait traditionnel et archaïque. C’est une arrogance qui exprime une ignorance quant à l’islam et son histoire. La « véritable réforme » de l’islam est celle qui l’interroge en tant que religion et surtout qui l’interroge en profondeur.
9 - Quels sont les chantiers prioritaires à mettre en place pour relever avec efficacité et efficience les défis de la réforme de l’islam ?
Razika Adnani : Pour cela il faut qu’il y ait, et cela concerne ceux qui ont besoin de religion, une prise de conscience quant à la nécessité de faire cette réforme de l’islam. Qu’ils réalisent que l’évolution fait partie de la nature de l’existence et que la religion ne peut pas échapper à cette logique. Il faut que les musulmans comprennent qu’ils ne peuvent plus continuer à concevoir et pratiquer l’islam tel qu’il a été pensé et compris par les premiers musulmans, autrement dit avec des moyens culturels, psychologiques et sociologiques qui sont révolus.
Il faut tout d’abord qu’elle soit une réforme qui n’interroge pas uniquement les textes, mais aussi la théologie. Qui ne se limite pas à la réinterprétation, mais concerne aussi le rapport aux textes. Qui ne limite pas le champ de l’action de la pensée, mais au contraire la libère des obstacles qui l’ont jusque-là empêchée d’accomplir sa fonction convenablement. Cette réforme doit donc commencer par réhabiliter la pensée et rendre à la raison sa noblesse. Il faut revaloriser l’intelligence et l’humain en tant qu’être penseur afin que les musulmans n’aient plus peur de réfléchir et de raisonner.
Il faut que cette réforme libère l’islam de l’emprise de la politique qui l’instrumentalise et en finisse avec l’intrusion de la religion dans la politique. Séparer l’islam de la dimension politique pour bien distinguer ce qui revient à la religion de ce qui revient à la politique. Afin que la politique soit pensée et jugée en tant que politique et afin que la religion soit une religion qui s’occupe de la relation de l’individu avec Dieu et non une organisation sociale et juridique.
Il faut tout d’abord qu’elle soit une réforme qui n’interroge pas uniquement les textes, mais aussi la théologie. Qui ne se limite pas à la réinterprétation, mais concerne aussi le rapport aux textes. Qui ne limite pas le champ de l’action de la pensée, mais au contraire la libère des obstacles qui l’ont jusque-là empêchée d’accomplir sa fonction convenablement. Cette réforme doit donc commencer par réhabiliter la pensée et rendre à la raison sa noblesse. Il faut revaloriser l’intelligence et l’humain en tant qu’être penseur afin que les musulmans n’aient plus peur de réfléchir et de raisonner.
Il faut que cette réforme libère l’islam de l’emprise de la politique qui l’instrumentalise et en finisse avec l’intrusion de la religion dans la politique. Séparer l’islam de la dimension politique pour bien distinguer ce qui revient à la religion de ce qui revient à la politique. Afin que la politique soit pensée et jugée en tant que politique et afin que la religion soit une religion qui s’occupe de la relation de l’individu avec Dieu et non une organisation sociale.
Il faut réinterpréter les versets qui ont une portée universelle et les mettre en avant et notamment les versets qui aborde la liberté de conscience tel que le verset 256 de la sourate 2, la Vache : « Nulle contrainte en matière de religion ». La non reconnaissance de cette liberté comme un droit pour tout individu est un problème majeur dans les sociétés musulmanes et dans notre société algérienne. Il faut libérer ces versets de l’ interprétation des anciens qui ont décidé que cette liberté de conscience ne concernait pas les musulmans, ceux qui ont embrassé la religion musulmane ou qui sont nés de parents musulmans, mais uniquement les non musulmans qui sont libres d’adhérer à l’islam ou de ne pas y adhérer. Je peux citer également le verset 105 de la sourate 5, la Table Servie : « Ô les croyants ! Vous êtes responsables de vous-mêmes! Celui qui s’égare ne vous nuira point si vous, vous avez pris la bonne voie ». Je trouve ce verset intéressant, car il recommande clairement à chaque musulman de s’occuper, avant tout, de ses propres affaires. Ainsi, il peut être un appui qui donne au principe des libertés individuelles une légitimité aux yeux de ceux qui ont besoin d’être rassurés sur leur religion. Le verset 70 de la sourate 17, le Voyage Nocturne : « Certes, nous avons honoré les fils d’Adam. » est un autre exemple intéressant. Il peut être sans doute un appui pour aller vers davantage d’humanisme et d’égalité entre tous les êtres humains, y compris entre les femmes et les hommes.
* Ecrivain, philosophe et islamologue. Elle est membre du Conseil d’Orientation de la Fondation de l’Islam de France, membre du conseil scientifique du Centre Civique d’Étude du Fait Religieux (CCEFR), membre du groupe d’analyse de JFC Conseil et Présidente Fondatrice des Journées Internationales de Philosophie d’Alger.
QUAND DES ARABOPHONES SE PRENNENT POUR DES ARABES !
RépondreSupprimerCurieux que certains tunisiens oublient que la Tunisie a connu dans sa longue histoire plusieurs périodes de colonisations : romaine, byzantine, arabe, espagnole, turque, française ... et que le peuple tunisiens est un melting-pot des différentes populations méditerranéennes : grecque, crétoise, siciliennes, sardes, turques et autres peuples ayant fait parti de l'empire ottoman ... ou d'Afrique noire ...
Pourquoi alors certains s'obstinent-ils à s'assimiler à leurs colonisateurs arabes venus d'Arabie ? Ce qui est sûr c'est qu'ils n'ont aucun attachement à l'identité tunisienne pour vouloir la remplacer par une identité d'emprunt qui soumettra la Tunisie à leurs maîtres d'Arabie.
Ces pseudo arabes complexés d'arabité, s'ils savaient dans quel mépris les bédouins d'Arabie les tiennent ... puisqu'ils se revendiquent seul peuple arabe pur, le reste n'étant que de la m ..., !!
Les espagnol ont mis 8 siècles pour dégager leurs colonisateurs "arabo-musulmans" et retrouver leur identité ibérique dont ils sont fiers !
Combien en faudra-t-il pour les tunisiens pour se débarrasser de ce complexe d'infériorité à vouloir se raccrocher à leurs colonisateurs bédouins d'Arabie; et revendiquer leur réelle identité : TUNISIENNE, dont la base est berbère qui s'est mélangée à tous les peuples du bassin méditerranéen !
Zakaria Bouker :
J'ai pris de mon temps pour lire plusieurs constitutions et je n'ai jamais rencontré le terme "appartenance" dans la constitution d'un pays : ni de l’Italie au Canada, ni du Japon à la Chine, ni la Grande Bretagne aux protestants, ni de la Serbie aux slavo-orthodoxes ...
Ce serait littéralement une invitation à occuper son pays par des forces étrangères que de mentionner l'appartenance à un autre Etat ou à un groupe d’États !
Même l'Union Européenne qui est un super État dans les faits, il n'existe une telle mention dans aucune constitution des pays qui la composent.
Il n'y a qu'en Tunisie qu'on se définit comme "arabe-musulman" !
Et on s’étonne que l’Arabie envahit le Yémen, que la Turquie occupe l’Irak.
A la prochaine occasion de la révision de la constitution, je demanderai de définir la Tunisie comme pays appartenant à la Tunisie; question de clouer le bec à Ghannouchi une fois pour toutes.
D'ailleurs ça donne quoi une appartenance au monde arabe ?
Il n'y a pas un seul pays arabe qui ne soit en guerre avec ses voisins arabes !