samedi 31 octobre 2015

Nidaa Tounes : ce qui devait arriver, arriva !

Les Tunisiens se sont mobilisés massivement pour dégager les Frères musulmans d'Ennahdha; en plébiscitant à trois reprises Béji Caïd Essebsi et son parti Nidaa Tounes. Un an après, leur déception est immense de les voir dominés plus que jamais par Ennahdha ... tout comme l'étaient le CPR et Ettakatol qui formaient la troïka provisoire !
R.B

Bataille de clans à Nidaa Tounes

Démissions, accusations, rumeurs : le parti au pouvoir vit des heures orageuses et la lutte s'étale dans les médias à deux mois du Congrès national. Décryptage.

Faut-il un dialogue national pour réconcilier les poids lourds de Nidaa Tounes ? Alors que le quartet, lauréat du Nobel de la paix, s'affiche à l'Élysée à l'invitation de François Hollande, un nouveau front s'est ouvert sur le champ de bataille du pouvoir tunisien. Au point que le chef de l'État a dû se saisir du dossier, mercredi soir au palais de Carthage. Autour de lui : Mohsen Marzouk, secrétaire général du parti, Hafedh Caïd Essebsi, son fils et tête de file d'un courant, Mohamed Ennaceur, président de l'Assemblée nationale… Deux des plus hautes autorités du pays se sont donc penchées sur le berceau du dernier-né (2012) de la politique tunisienne. En cause : la remise en question du leadership de Mohsen Marzouk, l'alliance avec les anciens ennemis jurés d'Ennahdha, la volonté de plusieurs députés de « changer le mode de fonctionnement du parti », une contestation de l'action du Premier ministre Habib Essid... Les plateaux de télévision et les émissions de radio fourmillent d'interviews d'élus, de caciques, qui oscillent entre la langue de bois et l'allusion perfide. Une crise qui s'explique par le plus vieux carburant politique : la course pour le pouvoir.

Un millefeuille d'alliances contradictoires

Le péché originel est lié à la construction de Nidaa Tounes. Une coquille conçue pour donner les moyens de ses ambitions à Béji Caïd Essebsi, c'est-à-dire remporter les élections législatives et présidentielle. Les fondations de la bâtisse NT se dérouleront sous la houlette de l'homme d'affaires Nabil Karoui, propriétaire de la chaîne Nessma TV. Puisque Béji Caïd Essebsi attire sur son nom des sensibilités diverses : gauche, centriste, anciens du RCD (le parti du dictateur Ben Ali). Un seul mot d'ordre : TSE, Tout sauf Ennahdha. Nidaa Tounes atteindra ses objectifs : 86 députés à l'ARP (sur 217) et victoire de Béji Caïd Essebsi au second tour de la présidentielle. Mais le régime parlementaire mis en place par la nouvelle Constitution exige une majorité de 109 sièges pour pouvoir gouverner, légiférer. Malgré une campagne de six mois d'invectives à l'égard des islamistes, un accord est scellé entre Essebsi et Rached Ghannouchi, le leader des islamistes. Depuis, les deux partis dominent la vie parlementaire avec 155 élus. Une colossale majorité qui stabilise le Parlement tout en mécontentant à peu près tout le monde. Les grandes lois qui doivent modifier en profondeur l'organisation du pays sont remises à plus tard : la décentralisation notamment. La loi de réconciliation économique, projet qui vise « à tourner la page du passé », selon les mots du président, n'a toujours pas été soumise au vote malgré la certitude mathématique d'être votée. Nidaa Tounes qui reposait sur le leitmotiv « Tout sauf Ennahdha » a détruit son socle fondateur.

Trois clans s'affrontent

Presque un an après sa victoire aux législatives, Nidaa Tounes se divise désormais en trois clans. L'un mené par Hafedh Caïd Essebsi, le fils du président de la République ; le deuxième par Nabil Karoui qui se rêve un destin politique ; le troisième par le SG du mouvement. Sans parler de fronde, on peut constater chez certains parlementaires une lassitude. Au pouvoir depuis un an, ils ont dû accepter le deal avec les islamistes, première couleuvre, et observent que la situation économique ne s'améliore pas. Certes, Béji Caïd Essebsi avait expliqué dès son arrivée au pouvoir qu'il « faudrait au moins deux ans avant d'inverser la tendance ». L'absence de grandes réformes au calendrier de l'ARP et l'attente du plan quinquennal en 2016 promis par le Premier ministre Habib Essid donnent l'impression d'un temps mort politique. La démission du ministre chargé des Relations avec le Parlement a servi de détonateur. Sa lettre, destinée au Premier ministre, a été publiée in extenso dans certains médias. Lazhar Akremi y explique notamment qu'il « ne peut plus faire partie d'un gouvernement qui n'a pas la volonté politique de faire face à la corruption ». L'homme, originaire de Gafsa, est un membre fondateur du parti.

Régler les luttes avant la tenue du Congrès national

Les militants de Nidaa Tounes ne sont pour l'instant pas consultés. Mohsen Marzouk est le secrétaire général d'un parti qui détient, même si Béji Caïd Essebsi en a démissionné sitôt élu, le palais de Carthage et 86 fauteuils à l'ARP. Rançon du succès : les ambitieux sont légion. Cette agitation prouve que les barons et leurs vassaux souhaitent l'emporter avant le Congrès national prévu fin décembre. Pendant ce temps, chez Ennahdha, on observe. Et on ne bouge pas un sourcil. Les élections municipales, prévues au mieux fin 2016, seront le premier test politique après les scrutins de 2014.  « Une contre-réunion d'une partie de Nidaa Tounes se tiendra à Djerba ce week-end. Sous la houlette de Hafedh Caïd Essebsi. Réunion contestée ce matin dans un palace de Gammarth par des ténors du parti réunis en bureau exécutif sous la houlette de Mohamed Ennaceur, président de l'ARP, et de Mohsen Marzouk, le secrétaire général de Nidaa Tounes ». Ambiance.


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