vendredi 9 octobre 2015

A PROPOS DU PRIX NOBEL DE LA PAIX !

Article paru dans : Kapitalis

Ce prix Nobel de la paix attribué au Quartet est amplement justifié et le peuple Tunisien à raison de s'en réjouir et d'en être fier. Il met une nouvelle fois en évidence la singularité de la Révolution tunisienne, la seule qui est sur la voie de la réussite et qui a su éviter une forme de guerre civile cruelle et destructrice comme cela s'est passé ailleurs. La Tunisie n'a pas eu non plus besoin d'un coup de force comme en Égypte pour écarter l'islamisme violent et liberticide.

Pour comprendre ce prix, il faut se poser la question : pourquoi cette singularité tunisienne ?
La réponse tient évidemment dans la personnalité même des tunisiens : un peuple ancien, paisible, qui a connu de grandes civilisations dont il a su adopter ce qu'elles avaient, chacune, de meilleur.

Mais cette explication est insuffisante car d'autres pays touchés par les même problème et qui, eux aussi, ont vu de grandes civilisations se succéder sur leur sol, n'ont pas eu le même comportement responsable.

La Tunisie à eu la grande chance que n'ont pas eu les autres, d'être dirigée pendant trente ans par un véritable homme d'État, le Président Habib Bourguiba
Il a apporté trois choses absolument fondamentales à la Tunisie : Un État et une Administration moderne, l'Education obligatoire pour tout un peuple et la promotion, extraordinaire pour son temps et pour sa région, de la femme.
Ce faisant, il a réussi à créer une vaste classe moyenne largement éduquée et pouvant dés lors prendre part à son destin. Il ne faut en rien diminuer le mérite important du Quartet mais qu'aurait-il pu faire, sans l'appui constant, sans la lutte permanente, de cette société civile tunisienne qui s'est révélée sur le terrain mais aussi sur les réseaux sociaux à la fois éclairée, lucide et déterminée ?
Est-il besoin de rappeler les cas nombreux où le pouvoir à dû reculer face aux réactions de cette société civile qui, d'ailleurs, continue aujourd'hui encore à agir.
Les membres du Quartet honorés par ce prix prestigieux (UGTT, Utica, LTDH et Ordre des avocats), ont d'ailleurs tous salué le rôle de cette société civile.

Voilà pour les mérites. 

Mais il faut aussi attirer l'attention sur les limites de ce Prix dont chacun veut tirer à lui le bénéfice. Le Président de la République Béji Caïd Essebsi a cru y lire une approbation de sa politique; Mustapha Ben Jaâfar ex président de la Constituante, a souligné quant à lui son rôle qu'il considère comme essentiel; Ennahdha de son coté, nous dit que tout cela n'avait été possible que par sa modération, comme si la violence était sa politique normale !
Chacun se gargarise et veut une part de l'honneur, mais il faut rappeler que beaucoup dont Ennahdha, étaient d'abord, totalement hostiles à ce processus .

Certains parlent d'anachronisme en rappelant combien ce prix mérité doit être limité à la période qu'il vise expressément et pas aux dérives ultérieures que l'on peut constater. 

En fait le Prix Nobel a récompensé une action menée dans un temps précis et, à mon sens, il ne donne aucune appréciation sur la façon dont la Constitution maintenant votée et les élections maintenant intervenues, ont été utilisées par le pouvoir actuel. 
En un mot, je ne vois pas dans l'attribution de ce prix que le comité du prix Nobel ait validé la "démocratie participative" dans sa version américaine ! Entendez par là, que les partis à l'idéologie diamétralement opposée, doivent gouverner ensemble

Ce que voudraient nous faire croire les tenants de la "sainte alliance" avec les Frères musulmans, Mr Béji Caïd Essebsi en tête, qui a aussitôt tiré la couverture à lui. 

Comme l'écrit sur Facebook un excellent observateur de la politique tunisienne : 

Ce qui était admissible et même souhaitable après la grave crise née des assassinats politiques et qui était nécessaire pour parvenir à un accord sur la Constitution, ne doit pas permettre une fois la Constitution votée et les élections organisées, de trahir la volonté du peuple. 
Les Tunisiens ont dit non aux islamistes par trois fois; et il n'y avait donc pas à gouverner avec eux. Ce qui était bon en période transitoire et que le Nobel a salué, ne justifie pas toutes les trahisons et les régressions. 
En tirant à lui le bénéfice de ce Prix Nobel, Mr Béji Caïd Essebsi fait mine de croire que c'est sa politique qui est honorée ! Non, il n'y a rien de tel dans ce prix. "

Ce que j'écrivais d'une démocratie au rabais réservée seulement aux "pays arabes", soutenue par les EU & l'UE, reste toujours vrai; et ce Prix Nobel n'y change rien. 

Le moment et l'action récompensés, ont permis de franchir une étape capitale mais si le pouvoir restait dans cette volonté de consensus à tout prix, il mettrait en cause le progrès du pays et contribuerait à le laisser stagner dans des demi-mesures, sans cap véritable.

Je pense au contraire que ce prestigieux prix doit être une invitation à fixer maintenant un cap clair au pays et à sortir de ces marchandages répétés et stériles. Il faut maintenant que la Tunisie ait le courage de dire l'avenir qu'elle veut et cet avenir ne peut être un mixte entre le progrès et l'obscurantisme. Les deux ne vont pas ensemble.

Ne boudons pas notre plaisir et notre fierté nationale mais restons attentifs aux évolutions.

Rachid Barnat





8 commentaires:

  1. ALLOCUTION DU Président BCE, A L'OCCASION DU PRIX NOBEL DE LA PAIX POUR LE QUARTET !

    كلمة رئيس الجمهورية بمناسبة حصول الرباعي الراعي للحوار على جائزة نوبل للسلام

    https://www.facebook.com/Presidence.tn/videos/969746123083445/

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  2. Ce qui était admissible et même souhaitable après la grave crise née des assassinats politiques et qui était nécaissire pour parvenir à un accord sur la Cosntitution ne doit pas permettre une fois la Constitution votée et les élections organisées de trahir la volonté du peuple. Les Tunisiens ont dit non aux islamistes et il n y avait donc pas à gouverner avec eux. Ce qui était bon en période transitoire et que le Nobel a salué ne justifie pas toutes les trahisons et les régressions. En tirant à lui le bénéfice de ce Prix Nobel Béji Caïd Essebsi fait mine de croire que c'est sa politique qui est honorée! Non il n y a rien de tel dans ce prix.

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  3. UN PRIX NOBEL ANACHRONIQUE !

    " En 2013, ça aurait pu avoir un sens, mais maintenant…

    Il faut bien comprendre qu’il arrive à un moment où le gouvernement [issu d’une alliance entre Nidaa Tounes, le parti du président Béji Caïd Essebsi et les islamistes d’Ennahda – ndlr] multiplie les dérives anticonstitutionnelles.
    - La loi contre le terrorisme récemment votée remet en question les libertés individuelles et collectives ;
    - La loi sur la réconciliation économique se retourne contre la justice transitionnelle et propose l’amnistie pour les anciens profiteurs et les corrompus du régime Ben Ali, qu’ils soient fonctionnaires d’État ou hommes d’affaires ;
    - Le président de la République, qui n’a pas à le faire en théorie, s’est permis de désavouer à la télévision sa ministre de la justice qui plaidait pour une dépénalisation de l’homosexualité, et il a été applaudi par Rached Guannouchi, le fondateur d’Ennahda…

    " Le paradoxe, c’est que le gouvernement issu de ce dialogue national est aujourd’hui en train de remettre en cause le processus démocratique.

    " Les contre-pouvoirs nécessaires pour une démocratie viable sont amoindris par des lois qui remettent en cause les libertés publiques.

    " L’alliance actuelle entre les représentants de l’ancien régime et les islamistes est le pire scénario pour le processus démocratique.

    http://www.mediapart.fr/article/offert/0d2856322875eeb340335e4b6e209054

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  4. Jalel Ben Abdallah

    Ce Nobel est celui de ceux qui ont frôlé l’irréparable et qui ne l’ont pas commis.
    Il est celui de ceux qui ont compris que ce pays appartient à tous les siens.
    Il est celui de ceux qui aiment la vie, malgré tout ce qu’on en dit, malgré ce que j’en dis. D’eux, pas de la vie.
    Il est celui de ceux qui refusent la facilité de l’invective et celle de la testostérone.
    Il est celui de ceux qui ne croient pas, à juste titre, au "y a qu’à !".
    Il est celui de ceux qui savent qu’on ne passe pas d’un régime musclé à une démocratie en un clin d’œil.
    Il est celui de ceux qui balayent d’un revers de main les injonctions toutes faites. Celles du genre "dans une démocratie, la majorité gouverne et l’opposition s’oppose".
    Il est celui de ceux qui ont compris que notre bébé est fragile; et qu’il nous appartient à tous, d’en faire un beau jeune homme ou une belle jeune femme. Tout cela, les miens l’ont compris. Ou à défaut de le comprendre, ils l’ont senti.
    Il est celui d’un pays dont je suis fier aujourd’hui et Dieu sait si je n’ai pas la fierté facile !

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  5. LE PRIX NOBEL A PARTAGER AVEC LES TUNISIENS,
    TOUS CEUX QUI ...

    Jalel Ben Abdallah​ :

    Ce Nobel est celui de ceux qui ont frôlé l’irréparable et qui ne l’ont pas commis.
    Il est celui de ceux qui ont compris que ce pays appartient à tous les siens.
    Il est celui de ceux qui aiment la vie, malgré tout ce qu’on en dit, malgré ce que j’en dis. D’eux, pas de la vie.
    Il est celui de ceux qui refusent la facilité de l’invective et celle de la testostérone.
    Il est celui de ceux qui ne croient pas, à juste titre, au "y a qu’à !".
    Il est celui de ceux qui savent qu’on ne passe pas d’un régime musclé à une démocratie en un clin d’œil.
    Il est celui de ceux qui balayent d’un revers de main les injonctions toutes faites. Celles du genre "dans une démocratie, la majorité gouverne et l’opposition s’oppose".
    Il est celui de ceux qui ont compris que notre bébé est fragile; et qu’il nous appartient à tous, d’en faire un beau jeune homme ou une belle jeune femme. Tout cela, les miens l’ont compris. Ou à défaut de le comprendre, ils l’ont senti.
    Il est celui d’un pays dont je suis fier aujourd’hui et Dieu sait si je n’ai pas la fierté facile !

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  6. Kamel Daoud :
    Est-ce qu’il existe une solution entre islamisme et anti-islamisme politiques dans les pays "arabes" ?

    La solution égyptienne de la lutte armée sans merci contre les islamistes, ou la solution algérienne de la «réconciliation» mais sans pardon, sans aveux, sans débat ?

    La voie égyptienne est une catastrophe mais la voie algérienne l’est aussi quand on fait le bilan, avec un islamisme social profond et une immobilisation de tout le processus de démocratisation.

    La solution algérienne a même conduit à un deal entre les deux sur le dos de la démocratie.

    Pas d’espoir, donc ?
    Que non ! La Tunisie est là, sous nos yeux.

    http://www.businessnews.com.tn/leditorial-de-liberation-au-sujet-du-prix-nobel-tunisien,520,59499,4

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  7. QUARTET : Rappels ...

    Il est important de rappeler la naissance dans la douleur, de cette coalition.
    C’était en 2013 en pleine crise politique en Tunisie.

    Au lendemain de l’assassinat de deux leaders politiques, Chokri Belaïd (6 février 2013) et Mohamed Brahmi (25 juillet 2013), le Quartet a été instauré comme solution d’urgence.

    Regroupant les principales forces du pays, qui sont le patronat, les travailleurs, les avocats et la Ligue des droits de l’Homme. Il avait pour mission et pour principal objectif de désamorcer une crise politique sans précédant et de parvenir à un consensus entre les différentes parties.

    Les assassinats politiques successifs, la crise économique et la mauvaise gouvernance de la Troïka, à l’époque, ont mis le pays dans une configuration très difficile.
    Les sit-in se sont enchaînés, appelant à la chute du gouvernement, jugé illégitime puisque non-élu, à la dissolution de l’ANC (Assemblée nationale constituante) et à l’organisation d’élections qui permettraient la mise en place d’un gouvernement « légitime ».

    http://www.businessnews.com.tn/le-prix-nobel-de-la-paix-un-honneur-pour-certains-le-deonneur-pour-dautres,519,59470,3

    http://latroisiemerepubliquetunisienne.blogspot.com/2013/08/de-quelle-legitimite-nous-parle.html

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  8. MAIS QUEL MESSAGE LE PRIX NOBEL DE LA PAIX RENVERRA-T-IL AU MONDE ?

    Synda Tajine nous rappelle la tension qu'il y eut à propos de la légitimité contestée à un parti ayant eu la majorité ! Mais laquelle ??

    S'agit-il de la légitimité juridique ?
    De la légitimité morale ?
    Ou de la légitimité politique ?

    http://latroisiemerepubliquetunisienne.blogspot.com/2013/08/de-quelle-legitimite-nous-parle.html

    Car dans les trois cas Ennahdha et ses amis de la troïka avaient perdu toute légitimité !! ... mais s'incrustaient au pouvoir en menaçant de mettre le pays à feu et à sang !

    Où est la démocratie dans tout çà ???

    Cette récompense ne veut-elle pas tout simplement dire que nous, pauvres Tunisiens du tiers monde, nous ne sommes tout simplement pas bons pour la démocratie ?

    Qu’une institution à renommée internationale réunissant un jury de pays qui ne jurent que par la démocratie et les droits de l’homme, ait consacré l’action du consensus au détriment de celle de la démocratie est plutôt sidérant !

    http://www.businessnews.com.tn/Nobel-vous-avez-dit-...,523,59498,3

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