Les Tunisiens se sont mobilisés massivement pour dégager les Frères musulmans d'Ennahdha; en plébiscitant à trois reprises Béji Caïd Essebsi et son parti Nidaa Tounes. Un an après, leur déception est immense de les voir dominés plus que jamais par Ennahdha ... tout comme l'étaient le CPR et Ettakatol qui formaient la troïka provisoire !
R.B
Bataille de clans à Nidaa
Tounes
Démissions, accusations, rumeurs : le parti au pouvoir vit des heures orageuses et la lutte s'étale dans les médias à deux mois du Congrès national. Décryptage.
Faut-il un dialogue national pour
réconcilier les poids lourds de Nidaa Tounes ? Alors que le quartet,
lauréat du Nobel de la paix, s'affiche à l'Élysée à l'invitation de François
Hollande, un nouveau front s'est ouvert sur le champ de bataille du pouvoir tunisien.
Au point que le chef de l'État a dû se saisir du dossier, mercredi soir au
palais de Carthage. Autour de lui : Mohsen Marzouk, secrétaire général du
parti, Hafedh Caïd Essebsi, son fils et tête de file d'un courant, Mohamed
Ennaceur, président de l'Assemblée nationale… Deux des plus hautes autorités du
pays se sont donc penchées sur le berceau du dernier-né (2012) de la politique
tunisienne. En cause : la remise en question du leadership de Mohsen
Marzouk, l'alliance avec les anciens ennemis jurés d'Ennahdha, la volonté de
plusieurs députés de « changer le mode de fonctionnement du parti »,
une contestation de l'action du Premier ministre Habib Essid... Les plateaux de
télévision et les émissions de radio fourmillent d'interviews d'élus, de
caciques, qui oscillent entre la langue de bois et l'allusion perfide. Une
crise qui s'explique par le plus vieux carburant politique : la course
pour le pouvoir.
Un millefeuille d'alliances
contradictoires
Le péché originel est lié à la
construction de Nidaa Tounes. Une coquille conçue pour donner les moyens de ses
ambitions à Béji Caïd Essebsi, c'est-à-dire remporter les élections
législatives et présidentielle. Les fondations de la bâtisse NT se dérouleront
sous la houlette de l'homme d'affaires Nabil Karoui, propriétaire de la chaîne
Nessma TV. Puisque Béji Caïd Essebsi attire sur son nom des sensibilités
diverses : gauche, centriste, anciens du RCD (le parti du dictateur Ben
Ali). Un seul mot d'ordre : TSE, Tout sauf Ennahdha. Nidaa Tounes
atteindra ses objectifs : 86 députés à l'ARP (sur 217) et victoire de Béji
Caïd Essebsi au second tour de la présidentielle. Mais le régime parlementaire
mis en place par la nouvelle Constitution exige une majorité de 109 sièges pour
pouvoir gouverner, légiférer. Malgré une campagne de six mois d'invectives à
l'égard des islamistes, un accord est scellé entre Essebsi et Rached
Ghannouchi, le leader des islamistes. Depuis, les deux partis dominent la vie
parlementaire avec 155 élus. Une colossale majorité qui stabilise le Parlement
tout en mécontentant à peu près tout le monde. Les grandes lois qui doivent
modifier en profondeur l'organisation du pays sont remises à plus tard :
la décentralisation notamment. La loi de réconciliation économique, projet qui
vise « à tourner la page du passé », selon les mots du président, n'a
toujours pas été soumise au vote malgré la certitude mathématique d'être votée.
Nidaa Tounes qui reposait sur le leitmotiv « Tout sauf Ennahdha » a
détruit son socle fondateur.
Trois clans s'affrontent
Presque un an après sa victoire aux législatives,
Nidaa Tounes se divise désormais en trois clans. L'un mené par Hafedh Caïd
Essebsi, le fils du président de la République ; le deuxième par Nabil
Karoui qui se rêve un destin politique ; le troisième par le SG du mouvement.
Sans parler de fronde, on peut constater chez certains parlementaires une
lassitude. Au pouvoir depuis un an, ils ont dû accepter le deal avec les
islamistes, première couleuvre, et observent que la situation économique ne
s'améliore pas. Certes, Béji Caïd Essebsi avait expliqué dès son arrivée au
pouvoir qu'il « faudrait au moins deux ans avant d'inverser la
tendance ». L'absence de grandes réformes au calendrier de l'ARP et
l'attente du plan quinquennal en 2016 promis par le Premier ministre Habib
Essid donnent l'impression d'un temps mort politique. La démission du ministre
chargé des Relations avec le Parlement a servi de détonateur. Sa lettre,
destinée au Premier ministre, a été publiée in extenso dans certains médias.
Lazhar Akremi y explique notamment qu'il « ne peut plus faire partie d'un
gouvernement qui n'a pas la volonté politique de faire face à la corruption ».
L'homme, originaire de Gafsa, est un membre fondateur du parti.
Régler les luttes avant la tenue
du Congrès national
Les militants de Nidaa Tounes ne sont pour l'instant
pas consultés. Mohsen Marzouk est le secrétaire général d'un parti qui détient,
même si Béji Caïd Essebsi en a démissionné sitôt élu, le palais de Carthage et
86 fauteuils à l'ARP. Rançon du succès : les ambitieux sont légion. Cette
agitation prouve que les barons et leurs vassaux souhaitent l'emporter avant le
Congrès national prévu fin décembre. Pendant ce temps, chez Ennahdha, on
observe. Et on ne bouge pas un sourcil. Les élections municipales, prévues au
mieux fin 2016, seront le premier test politique après les scrutins de 2014.
« Une contre-réunion d'une partie de Nidaa Tounes se tiendra à Djerba ce
week-end. Sous la houlette de Hafedh Caïd Essebsi. Réunion contestée ce matin
dans un palace de Gammarth par des ténors du parti réunis en bureau exécutif
sous la houlette de Mohamed Ennaceur, président de l'ARP, et de Mohsen Marzouk,
le secrétaire général de Nidaa Tounes ». Ambiance.
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