Il y a quelque chose de pathétique et de rafraîchissant à la fois dans le fait de se réunir pour parler de la démocratie en Tunisie. C’est un pays méditerranéen, hautement symbolique et que ses légendes rapprochent de la Grèce. Il a les dimensions dont Jean-Jacques Rousseau rêvait pour sa République idéale. Il est à l’origine de plusieurs mouvements en faveur d’une réforme de l’islam. Il est le moins violent et le plus artiste d’un Maghreb qui commence à la Mauritanie et qui finit en Cyrénaïque. Et
puis, grâce à cette rencontre étonnante entre deux hommes comme Bourguiba et Mendès France, il a plongé dans la modernité avec une priorité dans la décolonisation de l’empire français.
Bref, avec tout ce qui s’est passé depuis l’immolation de Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010, et avec la victoire des femmes sur les djihadistes, il a donné l’exemple de la démocratie. Je ne suis pas objectif en parlant de ce pays auquel m’attachent des sentiments qui ressemblent à des racines. Mais parlons de l’instauration de la démocratie, c’est-à-dire du transfert de pouvoir depuis les souverains au peuple.
Le peuple peut se révéler capable d’une immense révolution. Il l’a fait durant les sept jours de débats sur la Déclaration des Droits de l’Homme du 20 août au 26 août 1789. Mais il est aussi capable de se laisser violer par les ambitions d’un despote ou de se laisser enivrer par le fanatisme religieux. Il n’importe. La Déclaration reste un chef-d’oeuvre au même titre que les textes sacrés. D’ailleurs, c’est elle qui remplace la Foi par la Liberté.
Si l’on se réfère au discours historique prononcé par Abraham Lincoln, le 19 novembre 1863 au cimetière de Gettysburg (Pennsylvanie) on trouve la phrase décisive :
A nous de décider que le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, ne disparaîtra jamais de la surface de la terre".
Sans
doute un penseur arabe, Mohammed Arkoun, a-t-il découvert dans la pratique
religieuse des Arabes avant l’islam, qu’il n’y avait certes pas
d’élections, mais qu’il existait une consultation à laquelle même les
tyrans se soumettaient. Plus tard, lorsque un éminent historien français,
Emmanuel Le Roy Ladurie, consacrera son œuvre au 17e siècle, il découvrira
que Louis XIV se trompait lorsqu’il disait "L’Etat, c’est moi".
Non, ce n’était pas lui, puisqu'il était obligé de consulter les
représentants de l’Eglise et des parlements de provinces.
Il y a bien un transfert de pouvoir. Le pouvoir était entre les mains d’un homme qu’il fût roi, empereur ou tyran et on l’en dessaisissait pour le mettre entre les mains du peuple. Ce peuple prend la responsabilité d’assurer "la liberté, l’égalité et la fraternité". Il y a là une magie qui fait
l’Histoire et qui constitue une foi dans l’Humanité.
Il reste que le peuple ne se sent plus comme naguère représenté par les élus, à Tunis comme à Paris, par le seul principe de la consultation électorale. Il a eu besoin d’un Conseil constitutionnel, de référendums et de multiples commissions.
C’est ce que nous vivons de passionnant en Tunisie. Le peuple est consulté, mais il y a une Constitution pour l’empêcher de faire un mauvais usage de sa liberté. C’est le grand débat, non seulement en Tunisie, mais aussi en France.
Les journées de Tunis organisées par "l'Obs" ont pour thème "les défis de la démocratie". 15 et 16 juin 2015, au Palais des Congrès, avenue Mohamed V, Tunis.
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