dimanche 26 juillet 2015

LE SOUFISME DANS L'ÂME DES TUNISIENS

Article paru dans : Kapitalis

Si le soufisme est la célébration de l’humanité, 
le wahhabisme est sa négation !

Le remake du spectacle "El Hadhra" du talentueux Fadhel Jaziri a été l’un des grands moments du festival de Carthage.
El-Hadhra-Carthage
L’invocation des saints et la louange d’Allah 
sont une quête initiatique et une voie spirituelle menant au "trésor caché" de l’âme.

Ce qui frappe de prime abord, quand on entre dans l’amphithéâtre romain de Carthage, en cette chaude soirée du samedi 25 juillet, c’est l’immense foule disciplinée qui se dirigeait dans le calme vers ce lieu magique comme pour communier avec Fadhel Jaziri, grand adepte du soufisme, natif de la médina de Tunis, et ami d’enfance d’un autre célèbre Tunisois, l’écrivain Abdelwahab Meddeb, qui nous a quittés il y a quelques mois.
Une heure avant le début du spectacle, l’amphithéâtre antique était archi-comble de spectateurs ravis de renouer avec leur identité religieuse immémoriale, façonnée par des siècles d’islam malékite et de soufisme et sa mystique musulmane.
Ce spectacle a-t-il été programmé pour le 25 juillet par hasard ? Les organisateurs en ont-ils fixé le prix unique à 25 dinars par hasard, somme modique pour permettre aux plus grand nombre de fêter dans la joie, en ce 25 juillet, la fête de la république tunisienne, proclamée en 1957 ? On se le demande.
Feux-artifices-CarthageLes feux d’artifice du 25 juillet.
A cette occasion, les organisateurs nous ont offert un magnifique bouquet de feu d’artifice en prélude au spectacle d’ "El-Hadhra’".
Parmi les invités d’honneur, il y avait Habib Essid, chef du premier gouvernement issu des premières élections libres et démocratiques tunisiennes. Il portait la "jebba", tenue traditionnelle tunisienne, qui lui sied bien, comme pour affirmer aux Tunisiens son attachement à l’identité nationale façonnée depuis des siècles par le malékisme et le soufisme, n’en déplaise à ceux qui voudraient la remplacer par une autre venue d'Arabie.
Le spectacle se compose de chants et de danses soufis où Fadhel Jaziri a repris des thèmes puisés dans le patrimoine liturgique, musical et rythmique tunisien, lui qui a côtoyé dans son enfance les "zaouias" de la médina de Tunis, lieux de culte et de méditation, dédiés à la mémoire de saints hommes, théologiens et hommes de lettres, adeptes du soufisme. A travers ce spectacle, le metteur en scène a voulu, également, partager ses souvenirs et communier avec un public, marqué lui aussi par cette même culture.
D’ailleurs, le spectacle ne se passait pas uniquement sur scène; il était aussi sur les gradins où jeunes et moins jeunes chantaient en chœur avec la troupe et dansaient, entraînés par les rythmes des "bendirs" (percussion) indispensables pour ce genre de cérémonie religieuse appelée "hadhra", qu’on pourrait traduire par "présence", "apparition"; où, par le chant, la musique et la danse, certains entrent en transe et croient voir Allah. Foudroyés ou médusés par cette apparition, beaucoup s’évanouissent. Ce que Fadhel Jaziri traduit par la mort spirituelle du danseur qui perd connaissance et que d’autres danseurs évacuent de la scène, tel un mort, à bout de bras, après qu’il ait atteint le paroxysme de l’extase : fondre dans l’entité divine et faire un avec Allah. Car, dans le chant soufi, l’invocation des saints et la louange d’Allah, sont une quête initiatique et une voie spirituelle menant au "trésor caché" de l’âme pour en jouir.
El-Hadhra-Carthage-4Fondre dans l’entité divine et faire un avec Allah.
Dans la nouvelle version de ce spectacle, Fadhel Jaziri a pris la gageure d'innover en mariant les instruments de musique traditionnels à ceux de notre époque. Pari d’autant plus gagné que le saxophone, la batterie et la guitare électrique ont trouvé leur place dans ce spectacle traditionnel, sans le dénaturer; bien au contraire, ils en ont accentué les effets, dans le but ultime de toucher et émouvoir jusqu’à l’extase les spectateurs. Le tout servi par une scénographie moderne qui a su tirer le meilleur profit des possibilités offertes par la scène de l’amphithéâtre antique et ses équipements de son et d’éclairage.
El-Hadhra-Carthage-3
                 Une scénographie moderne qui a su tirer le meilleur profit des possibilités offertes par la scène de l’amphithéâtre antique.

Bref, Fadhel Jaziri a réalisé ce dont rêvait son ami Abdelwahab Meddeb, le grand absent : un spectacle dont la spiritualité ancrée dans la tradition islamique s’insère sans difficulté dans une vision universelle ! Pour preuve : deux familles françaises, assises devant nous, sur les gradins, étaient ravies du spectacle : enfants et parents dansaient aux côtés des Tunisiens sur une musique qui les prenait eux aussi, aux tripes.
Fadhel-Jaziri-ministre-de-la-cultureFadhel Jaziri félicité par la ministre de la Culture Latifa Lakhdar après le spectacle.
Fadhel Jaziri nous fait voyager dans les différentes confréries soufies en visitant le répertoire très riche d'Afrique du Nord, du nord au sud de la Tunisie jusqu'au Maroc avec les instruments des chanteurs "ghnaouas" (les ghanéens) : "chkachak", sorte de castagnettes en cuivre, que les moins jeunes ont connu dans leur enfance, quand "bousadia" généralement un homme noir portant en guise de "jupe" des lanières en peaux de bêtes, passait dans les rues réveiller les jeûneurs pour prendre le "shour", leur dernier repas avant le début du jeûne durant le mois de ramadan.

Il a choisi la forme la plus ouverte du soufisme où la mixité hommes-femmes est pratiquée aussi bien pour le chant que pour la danse; et où les barrières raciales n'existent plus. D'où le mélange de danseurs noirs et de danseurs blancs arborant des tenues "stylisées" évoquant les confréries des différentes régions de Tunisie jusqu'en Turquie avec leurs derviches tourneurs. Les danseurs étaient beaux et les tableaux qu'ils nous offraient l'étaient tout autant. 

D’entendre et de voir les milliers de Tunisiens présents à ce spectacle communier avec leur patrimoine commun qu’est le soufisme, on se demande si, consciemment ou inconsciemment, ils ne rentrent pas en résistance contre le wahhabisme envahissant que les islamistes et autres Frères musulmans tentent de leur inculquer; obédience pour laquelle le chant, la danse, la poésie… sont "haram" donc interdits comme moyens d’accéder à Allah; puisque le dieu d’amour des soufis devient le "dieu La terreur" chez les wahhabites et les extrémistes de tous poils auquel ils veulent soumettre les hommes par la force, la violence et le terrorisme.
Fadhel Jaziri pense que les chants liturgiques sont une forme de célébration indispensable pour les Tunisiens et un moyen d’apaiser, le temps d’un spectacle, leurs peines du moment et de remplir leur cœur de paix et d’amour. Et il a bien raison de faire une telle piqûre de rappel à ses compatriotes pour qu’ils n’oublient jamais les racines de leur "tunisianité", constituée, sur le plan religieux, de malékisme et du soufisme, ayant façonné leur caractère si particulier !

Bravo à tous les artistes et aux organisateurs d’avoir, le temps d’un spectacle, permis aux Tunisiens présents à Carthage une immersion dans leur mémoire collective.

Rachid Barnat
La Troisième République Tunisienne: LE SOUFISME DANS L'ÂME DES ...
Magnifique, ces derviches tourneurs 
entraînant les mots d'amour dans leur ronde, les semant à tout vent ! 
Bravo à l'artiste Abderrazak Hamouda.




6 commentaires:

  1. LE TUNISIEN EST PÉTRI DANS LE SOUFISME !

    Sa nature, sa culture, ses traditions n'en sont que l'expression vivante !
    En est-il conscient ?
    Les hommes politiques en sont-ils conscients ?
    Pourtant ils semblent paralysés devant le wahhabisme envahissant des Frères musulmans !
    Pourquoi ?

    http://latroisiemerepubliquetunisienne.blogspot.com/2014/11/ultime-message-de-abdelwahab-meddeb.html

    http://www.leaders.com.tn/article/16647-le-soufisme-meilleur-antidote-contre-le-nihilisme-djihadiste

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  2. Nadhir BAOUAB CHANTE UN CHANT SOUFI : Mohamed, grand pére des deux Hussein

    نذير بواب : ألا قف ببابي عند قرع النوائب - يا محمد يا جدّ الحسنين

    https://www.youtube.com/watch?v=taE77icvEUk

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  3. LE SUCCÈS DE Ziad GHARSA, PROUVE S'IL EN EST BESOIN, L'ATTACHEMENT DES TUNISIENS A LEUR T-U-N-I-S-I-A-N-I-T-É; N'EN DÉPLAISE AUX ISLAMISTES DE TOUS POILS !

    Alors que les Frères musulmans d'Ennahdha, veulent leur coller une identité "saoudo-wahhabite" sous prétexte qu'ils ont perdu leur identité "arabo-musulmane" !!

    http://www.huffpostmaghreb.com/2017/07/28/zied-gharsa-hammamet_n_17613496.html?utm_hp_ref=maghreb

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  4. JULIEN JALAL EDDINE WEISS

    L'ouverture des horizons culturels !

    Alsacien par son père, suisse par sa mère, Bernard Weiss est né et a grandi à Paris.

    Il découvre l'Orient et le soufisme à travers la musique "arabe" dont il deviendra un virtuose.

    Il se convertit à l'islam et intègre la confrérie des derviches tourneurs.

    http://www.alkindi.org/francais/artistes/artistes_julien.htm

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  5. LES FRÈRES MUSULMANS EN GUERRE CONTRE LE SOUFISME ... jusqu'à effacer leurs noms de nos rues !

    Bravo Ghada Belabed, pour votre résistance à la politique menée par les Frères musulmans contre l'identité tunisienne façonnée depuis des siècles par le malékisme et le soufisme essentiellement ... et qu'ils veulent wahhabiser !

    Preuve de leur ignorance : ils exècrent les soufis et brûlent leurs mausolées; ce qui ne les empêche pas de prendre pour modèle Rabia al Adawiyya, dont le nom évoque le chiffre 4 en arabe, qu'ils brandissent en levant la main avec les 4 doigts collés en signe de ralliement entre Frères musulmans ... pour rappeler la sainte soufie !

    Bizarre non ?
    Preuve de leur obscurantisme.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Ibn_Arabi

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Rabia_al_Adawiyya

    http://kapitalis.com/tunisie/2019/03/18/tunis-ibn-arabi-reapparait-sous-le-pont-de-la-republique/?fbclid=IwAR1JEjdcP1GT9sAFKREmQ011VOpVNSN_KtPAg17-o1FYubRDqUxelOgGZfg

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  6. MOIS DE RAMADAN, MOIS DE MYSTIQUE POUR LES PRATIQUANTS !

    Et que mieux que le soufisme, pour les aider dans leur quête mystique !

    Fadhel Jaziri était l'invité hier soir de l'émission culturelle " Mouch mam'nou' " (il n'est pas interdit !) de Imed Dabbour, sur Watania 1 :

    Il confirme que le moyen d'expression par lequel il peut toucher son public et au-delà les Tunisien, reste toujours le "mezoued" (une sorte de cornemuse).

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