vendredi 31 mai 2019

Elections européennes, une victoire, une fausse défaite et trois enterrements

Macron a réussi son coup : après la gauche, c'est au tour de la droite "traditionnelle" d'entamer son déclin. Voilà ce qui arrive quand on court après le populisme. Quant à la gauche, ces élections ont confirmé sa mort clinique. Et dire que Melenchon se voulait l'opposant en titre à Macron : Lui comme Ruffin peuvent aller se rhabiller, leur cirque n'amuse plus grand monde ! Leur haine pour Macron, ne fait pas un programme politique ...
R.B
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Bien que je n’ignorasse point que cela revenait à éternuer dans une clarinette, j’avais pointé, ici même, l’ambivalence d’une jaune effervescence dont les grands profiteurs seraient, inévitablement, le lepénisme et le macronisme.

On y est. Bravo les blaireaux : pour un succès c’est un succès. Que dis-je, un triomphe ! Horace, blessé, confronté à trois Curiaces (PS, LFI, LR) qui lui courraient sus, a réussi, comme l’autre, à les tuer tous les trois (« ces choses-là sont rudes, il faut, pour les comprendre, avoir fait des études »). Hélas pour lui, il y en avait un quatrième. Un Curiace coriace qui lui est passé sous le nez.



Donc la droite Trocadéro se prend une branlée. On leur avait dit, à ses électeurs potentiels, « Bellamy c’est top ! ». Intéressés, ils ont jeté un œil, ils ont vu Laurent Wauquiez, le Benoît Hamon du conservatisme, l’homme qui à force d’aboyer était déjà aux abois. Epouvantés, l’œil, ils l’ont aussitôt refermé.



Mélenchon, lui, en vrille, perd son corps et ne garde que son ombre. Il y a deux ans, quatre points le séparaient de Macron, l’écart a bondi à 16 points. Désormais en danger, comme Wauquiez, sent-il le fagot ? Pas forcément : une secte sacrifie rarement son gourou.



Wauquiez comme Mélenchon, une fois de plus d’accord, ont d’ailleurs trouvé une explication à leur déconvenue : c’est la faute à Macron. Tu l’as dit bouffi ! C’est exact : notre défaite de 1940 ce fut d’ailleurs la faute des Allemands.

Les socialistes qui avaient atteint le fond de la piscine ont commencé à creuser en-dessous. Glucksmann ? Une Gluckswoman à la Taubira aurait fait mieux.

Pour faire preuve d’une telle dextérité stratégique il fallait non des Bonaparte, mais des Gamelin : on les a trouvé.

La liste Macron n’a donc reculé que d’1,5 point en deux ans (la liste de droite de 12 points) et cela bien qu’elle ait été portée par une tête de liste aussi charismatique que nos anciens profs de math, se soit dotée d’un programme hiéroglyphique, ait conduit une campagne à réendormir les morts, bien que les médias, cette fois, ne lui ait rien épargné et qu’elle ait engrangé le soutien déclamé de Bernard-Henri Lévy ce qui aurait dû être rédhibitoire.

La crise des « gilets jaunes » s’est donc non seulement soldée par un triomphe lepéniste mais elle a renforcé, en prime, la normalisation du face-à-face Macron-Le Pen dont il s’agissait de se libérer. Qui sera en mesure, en effet, d’empêcher que la prochaine élection présidentielle ne nous laisse le choix qu’entre une réélection d’Emmanuel Macron ou l’accès au pouvoir d’un néofascisme soft et relooké ?

Qui aurait imaginé, surtout, qu’en pleine radicalisation d’une révolte sociale apparente, toutes les gauches, écologistes non compris, culmineraient à 18,5 % des suffrages, l’étiage le plus bas de toute l’histoire de la République ?

Une débâcle d’une telle ampleur exigerait que les protagonistes de ce Waterloo politique regardassent enfin – enfin ! -, avant qu’il ne soit trop tard, la réalité en face : c’est-à-dire que les mini-bureaucraties moribondes qui ne se prorogent qu’en gérant des dépôts de bilan se dissolvent, que tous les petits chefs épuisés, dont les espaces d’influence ne dépassent pas celui des plateaux télé, dégagent pour permettre l’émergence d’une nouvelle force novatrice et réunificatrice. C’est-à-dire, surtout, que les gauches affrontent la cruelle énumération des fautes effarantes qu’elles n’ont cessé d’accumuler et des innombrables cadeaux dont elles ont si généreusement couvert l’extrême droite.

Ne serait-ce qu’en lui abandonnant sans combat, et presque avec jubilation, l’une après l’autre, toutes les valeurs qui constituaient le socle des grandes luttes démocrates-progressistes : la nation, la République, la laïcité, l’identité, la sécurité, la souveraineté, le travail ; en désignant compulsivement, sous l’appellation de « populisme », tout ce qui échappait à leur préjugés normatifs, donnant ainsi à croire que c’était la référence au peuple qui leur était insupportable ; en sacrifiant non seulement aux positions libertaires petites-bourgeoises, la conquête de nouvelles libertés effectives en faveur des plus défavorisés, mais également en substituant un révolutionarisme sociétal rhétorique à toute véritable réforme sociale ; en normalisant, s’agissant de la social-démocratie, le renoncement à toute confrontation avec le néocapitalisme, voire en trahissant, purement et simplement, en sa faveur ; en se refusant, par confort intellectuel, à se saisir de la question des immigrations et des migrations, quitte à en abandonner l’exploitation démoniaque aux séides de l’extrême droite et de la droite extrême ; en portant eux-mêmes, par automatisation des surenchères, des coups mortels aux causes les plus dignes d’être défendues jusqu’au bout : ainsi le féminisme en transformant « me too » en « balance ton porc ! » ou l’écologisme en le dissolvant dans le néo-anarchisme zadiste. Et, marron sur le kouglof, en soutenant sans le moindre recul critique, par démagogie ou par lâcheté, un mouvement ambigu qui s’avère, pour cette gauche, moins offrir un tremplin qu’ouvrir un tombeau.


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