lundi 1 février 2016

A propos du fondamentalisme islamique

Il y a fondamentalisme et fondamentalisme. Ce que semble oublier Marcel Gauchet, est que le fondamentalisme qui génère le terrorisme qui touche l'Occident après qu'il ait créée le chaos dans bon nombres de pays dits "arabo-musulmans", depuis son avènement a été instrumentalisé et encouragé par l'Occident pour mieux dominer les peuples "musulmans". 
Oublie-t-il que ce fondamentalisme que semble découvrir les occidentaux, n'est autre que le wahhabisme dont se sont servi les anglais pour détruire l'empire ottoman et dessiner l'actuel Moyen Orient et dont servent de nos jours les américains pour redessiner ce même Moyen Orient ... et plus généralement le monde dit "arabo-musulman" !
En somme, les occidentaux récoltent ce que leurs responsables politiques ont semé; lesquels "responsables" sont persuadés que le nouveau cancer ne touchera que les peuples musulmans et épargnera les leurs. 
R.B

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« Le fondamentalisme islamique est le signe paradoxal de la sortie du religieux »

Le philosophe et historien Marcel Gauchet revient sur les origines de la violence terroriste.


Comment penser les attaques du 13 novembre et ce déferlement de haine ?

Marcel Gauchet. Cette violence terroriste nous est spontanément impensable parce qu’elle n’entre pas dans nos grilles de lecture habituelles. Nous savons bien sûr que c’est au nom de l’islamisme que les tueurs agissent, Mais notre idée de la religion est tellement éloignée de pareille conduite que nous ne prenons pas cette motivation au sérieux.
Nous allons tout de suite chercher des causes économiques et sociales. Or celles-ci jouent tout au plus un rôle de déclencheur.

C’est bien à un phénomène religieux que nous avons affaire. Tant que nous ne regarderons pas ce fait en face, nous ne comprendrons pas ce qui nous arrive. Il nous demande de reconsidérer complètement ce que nous mettons sous le mot de religion et ce que représente le fondamentalisme religieux, en l’occurrence le fondamentalisme islamique.
Car, si le fondamentalisme touche toutes les traditions religieuses, il y a une forte spécificité et une virulence particulière du fondamentalisme islamique. Si le phénomène nous échappe, à nous Européens d’aujourd’hui, c’est que nous sommes sortis de cette religiosité fondamentale. Il nous faut en retrouver le sens.

Les réactivations fondamentalistes de l’islam sont-elles paradoxalement des soubresauts d’une sortie planétaire de la religion ?

Marcel Gauchet. Oui, il est possible de résumer les choses de cette façon. Il ne faut évidemment pas réduire la sortie de la religion à la croyance ou à la « décroyance » personnelle des individus. C’est un phénomène qui engage l’organisation la plus profonde des sociétés.
La religion a organisé la vie des sociétés et l’originalité moderne est d’échapper à cette organisation. Or, la sortie de cette organisation religieuse du monde se diffuse planétairement.

D’une certaine manière, on pourrait dire que c’est le sens dernier de la mondialisation. La mondialisation est une occidentalisation culturelle du globe sous l’aspect scientifique, technique et économique, mais ces aspects sont en fait des produits de la sortie occidentale de la religion. De sorte que leur diffusion impose à l’ensemble des sociétés une rupture avec l’organisation religieuse du monde.

On ne voit pas immédiatement le lien entre le mod de pensée économique et scientifique et la sortie de la religion, et pourtant il est direct. Aussi ne faut-il pas s’étonner que la pénétration de cette modernité soit vécue dans certains contextes comme une agression culturelle provoquant une réactivation virulente d’un fonds religieux en train de se désagréger, mais toujours suffisamment présent pour pouvoir être mobilisé. Mais attention, fondamentalisme n’est pas ipso facto synonyme de terrorisme. Ce sont deux choses qui peuvent fonctionner séparément.

Ne pourrait-on pas voir au contraire dans ce fondamentalisme musulman un réarmement du religieux ?

Marcel Gauchet. C’est une hypothèse que l’on peut parfaitement formuler. Elle me semble démentie par les faits. Les sociétés européennes sont à la pointe, pour des raisons historiques, de la sortie de la religion. Ce sont donc elles qui devraient le plus souffrir de ce manque. Or les Européens peuvent être tourmentés à titre personnel par des questions d’ordre spirituel et beaucoup le sont, mais cette recherche ne prend absolument pas la forme d’un mouvement politique. Bien au contraire.

Le spirituel dans les sociétés européennes relève typiquement de la part la plus intime des individus. Il les éloigne de la visée d’une action sur la société. Alors que le vrai fondamentalisme est un projet politique d’inspiration révolutionnaire. Le projet de remettre la religion au pouvoir dans la vie des sociétés, dans le cadre de l’islam, est aisément symbolisé par le retour de la charia, loi embrassant tous les aspects de la vie collective.

Le fondamentalisme est un projet radical de société et c’est là toute la différence. C’est pourquoi certains comparent le fondamentalisme à un totalitarisme, ce qui ne me paraît pas éclairant. La religion est autre chose que les idéologies totalitaires qu’on a pu voir à l’œuvre dans notre histoire.

Il ne faut « pas faire d’amalgame », ne cesse-t-on de répéter. Or ces actes  perpétrés au cri d’« Allahou akbar »  ont-ils tout de même à voir avec l’islam et le moment historique qu’il traverse ?

Marcel Gauchet. Evidemment. Pas d’amalgame signifie qu’il ne faut pas incriminer de façon indifférenciée l’islam et accuser tous les musulmans de participer à ce phénomène. Mais, dans l’autre sens, on ne peut pas dire que l’islam n’a rien à voir là-dedans.

Je répète que le fondamentalisme n’est pas propre à l’islam, il se manifeste dans toutes les traditions religieuses du monde, sous des formes plus ou moins activistes. Toutefois, on est bien obligé de constater que le fondamentalisme islamique est particulièrement prégnant et vigoureux. C’est là que le phénomène fondamentaliste a son expression la plus forte sur la planéte aujourd’hui. Il faut donc s’interroger sur ce lien entre l’islam et ses expressions fondamentalistes. C’est quelque chose que l’on ne peut pas séparer de l’état des sociétés musulmanes et de leur situation particulière, notamment dans la région moyen-orientale.

Pourquoi l’islamisme prend-il cette forme si radicale aujourd’hui ?

Marcel Gauchet. Le premier point dont il faut se souvenir pour comprendre l’islamisme, c’est la proximité de l’islam avec nos propres traditions religieuses, juive et chrétienne. Vu d’Orient, du boudhisme et du confucianisme, l’Occident est très exotique, il est très loin, ce sont deux mondes différents.

Vu de l’islam, il est religieusement proche, et la proximité est plus dangereuse que la distance. Dans la proximité, il y a de la rivalité et de la concurrence. Or le tronc monothéiste sur lequel se greffe l’islam le met dans une position très particulière. Il est le dernier venu des monothéismes et se pense comme la clôture de l’invention monothéiste. Il réfléchit les religions qui l’ont précédé et prétend mettre un terme à ce qu’a été le parcours de cette révélation. Cette proximité le met dans une situation spontanément agnostique vis-à-vis des religions d’Occident.

Il existe un ressentiment dans la conscience musulmane par rapport à une situation qui lui est incompréhensible. La religion la meilleure est en même temps celle d’une population qui a été dominée par les Occidentaux à travers le colonialisme et qui le reste économiquement. Cette position ne colle pas avec la conscience religieuse que les musulmans ont de leur propre place dans cette histoire sacrée. Il y a une conflictualité spécifique de la relation entre l’islam et les religions occidentales.

Pourquoi ce fondamentalisme fascine-t-il tant une partie des jeunes des cités européennes paupérisées ?

Marcel Gauchet. Le message fondamentaliste prend un autre sens une fois recyclé dans la situation de nos jeunes de banlieus. Il entre en résonance avec les difficultés de l’acculturation de cette jeunesse immigrée à une culture individualiste en rupture totale avec ses repères, y compris communautaires, qui viennent de sa tradition religieuse. Une culture individualiste, qui à la fois fascine les plus ébranlés et leur fait horreur, et je pense que c’est le cœur du processus mental qui fabrique le jihadiste occidental.


C’est un converti, qui s’approprie la religion de l’extérieur et qui reste souvent très ignorant de la religion qu’il prétend s’approprier. Son aspiration par ce premier geste de rupture est de devenir un individu au sens occidental du mot, en commençant par ce geste fondateur qu’est la foi personnelle.

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