Il y a fondamentalisme et fondamentalisme. Ce que semble oublier Marcel Gauchet, est que le fondamentalisme qui génère le terrorisme qui touche l'Occident après qu'il ait créée le chaos dans bon nombres de pays dits "arabo-musulmans", depuis son avènement a été instrumentalisé et encouragé par l'Occident pour mieux dominer les peuples "musulmans".
Oublie-t-il que ce fondamentalisme que semble découvrir les occidentaux, n'est autre que le wahhabisme dont se sont servi les anglais pour détruire l'empire ottoman et dessiner l'actuel Moyen Orient et dont servent de nos jours les américains pour redessiner ce même Moyen Orient ... et plus généralement le monde dit "arabo-musulman" !
En somme, les occidentaux récoltent ce que leurs responsables politiques ont semé; lesquels "responsables" sont persuadés que le nouveau cancer ne touchera que les peuples musulmans et épargnera les leurs.
En somme, les occidentaux récoltent ce que leurs responsables politiques ont semé; lesquels "responsables" sont persuadés que le nouveau cancer ne touchera que les peuples musulmans et épargnera les leurs.
R.B
« Le fondamentalisme islamique est le signe paradoxal de la sortie du religieux »
Le philosophe et historien Marcel Gauchet revient sur
les origines de la violence terroriste.
Comment penser les
attaques du 13 novembre et ce déferlement de haine ?
Marcel
Gauchet. Cette violence terroriste
nous est spontanément impensable parce qu’elle n’entre pas dans nos grilles de
lecture habituelles. Nous savons bien sûr que c’est au nom de l’islamisme que les
tueurs agissent, Mais notre idée de la religion est tellement éloignée de
pareille conduite que nous ne prenons pas cette motivation au sérieux.
Nous
allons tout de suite chercher des
causes économiques et sociales. Or celles-ci jouent tout au plus un rôle de
déclencheur.
C’est
bien à un phénomène religieux que nous avons affaire. Tant que nous ne
regarderons pas ce fait en face, nous ne comprendrons pas ce qui nous arrive.
Il nous demande de reconsidérer complètement ce que nous
mettons sous le mot de religion et ce que représente le fondamentalisme religieux,
en l’occurrence le fondamentalisme islamique.
Car, si
le fondamentalisme touche toutes les traditions religieuses, il y a une forte
spécificité et une virulence particulière du fondamentalisme islamique. Si le
phénomène nous échappe, à nous Européens d’aujourd’hui, c’est que nous sommes
sortis de cette religiosité fondamentale. Il nous faut en retrouver le
sens.
Les
réactivations fondamentalistes de l’islam sont-elles
paradoxalement des soubresauts d’une sortie planétaire de la religion ?
Marcel
Gauchet. Oui, il est possible de résumer les
choses de cette façon. Il ne faut évidemment pas réduire la
sortie de la religion à la croyance ou à la « décroyance »
personnelle des individus. C’est un phénomène qui engage l’organisation la plus
profonde des sociétés.
La
religion a organisé la vie des sociétés et l’originalité moderne est d’échapper
à cette organisation. Or, la sortie de cette organisation religieuse du monde se diffuse planétairement.
D’une
certaine manière, on pourrait dire que
c’est le sens dernier de la mondialisation. La mondialisation est une
occidentalisation culturelle du globe sous l’aspect scientifique, technique et
économique, mais ces aspects sont en fait des produits de la sortie occidentale
de la religion. De sorte que leur diffusion impose à l’ensemble des sociétés
une rupture avec l’organisation religieuse du monde.
On ne
voit pas immédiatement le lien entre le mod de pensée économique et scientifique et
la sortie de la religion, et pourtant il est direct. Aussi ne faut-il pas
s’étonner que la pénétration de cette modernité soit vécue dans certains
contextes comme une agression culturelle provoquant une réactivation virulente
d’un fonds religieux en train de se désagréger, mais toujours suffisamment présent pour pouvoir être mobilisé.
Mais attention, fondamentalisme n’est pas ipso facto synonyme de terrorisme. Ce
sont deux choses qui peuvent fonctionner séparément.
Ne pourrait-on
pas voir au
contraire dans ce fondamentalisme musulman un réarmement du religieux ?
Marcel
Gauchet. C’est une hypothèse que l’on
peut parfaitement formuler.
Elle me semble démentie par les faits. Les sociétés européennes sont à la
pointe, pour des raisons historiques, de la sortie de la religion. Ce sont donc
elles qui devraient le plus souffrir de
ce manque. Or les Européens peuvent être tourmentés à titre personnel
par des questions d’ordre spirituel et beaucoup le sont, mais cette recherche
ne prend absolument pas la forme d’un mouvement politique. Bien au contraire.
Le
spirituel dans les sociétés européennes relève typiquement de la part la plus
intime des individus. Il les éloigne de la visée d’une action sur la société.
Alors que le vrai fondamentalisme est un projet politique d’inspiration révolutionnaire. Le projet de remettre la
religion au pouvoir dans la vie des sociétés, dans le cadre de l’islam, est
aisément symbolisé par le retour de la charia, loi embrassant tous les aspects
de la vie collective.
Le
fondamentalisme est un projet radical de société et c’est là toute la différence.
C’est pourquoi certains comparent le fondamentalisme à un totalitarisme, ce qui
ne me paraît pas éclairant. La religion est autre chose que les idéologies
totalitaires qu’on a pu voir à l’œuvre dans notre histoire.
Il ne
faut « pas faire d’amalgame »,
ne cesse-t-on de répéter.
Or ces actes − perpétrés au cri
d’« Allahou akbar » − ont-ils tout de même à
voir avec l’islam et le moment historique qu’il traverse ?
Marcel
Gauchet. Evidemment. Pas d’amalgame
signifie qu’il ne faut pas incriminer de façon indifférenciée l’islam et accuser tous
les musulmans de participer à ce phénomène. Mais, dans l’autre sens, on ne
peut pas dire que l’islam n’a rien à voir là-dedans.
Je répète
que le fondamentalisme n’est pas propre à l’islam, il se manifeste dans toutes
les traditions religieuses du monde, sous des formes plus ou moins activistes.
Toutefois, on est bien obligé de constater que
le fondamentalisme islamique est particulièrement prégnant et vigoureux. C’est
là que le phénomène fondamentaliste a son expression la plus forte sur la planéte aujourd’hui. Il faut donc
s’interroger sur ce lien entre l’islam et ses expressions fondamentalistes. C’est
quelque chose que l’on ne peut pas séparer de
l’état des sociétés musulmanes et de leur situation particulière, notamment
dans la région moyen-orientale.
Pourquoi
l’islamisme prend-il cette forme si radicale aujourd’hui ?
Marcel
Gauchet. Le premier point dont il faut
se souvenir pour comprendre l’islamisme, c’est la proximité de l’islam
avec nos propres traditions religieuses, juive et chrétienne. Vu d’Orient, du boudhisme et du confucianisme, l’Occident
est très exotique, il est très loin, ce sont deux mondes différents.
Vu de
l’islam, il est religieusement proche, et la proximité est plus dangereuse que
la distance. Dans la proximité, il y a de la rivalité et de la concurrence. Or
le tronc monothéiste sur lequel se greffe l’islam le met dans une position très
particulière. Il est le dernier venu des monothéismes et se pense comme la
clôture de l’invention monothéiste. Il réfléchit les religions qui l’ont
précédé et prétend mettre un
terme à ce qu’a été le parcours de cette révélation. Cette proximité le met
dans une situation spontanément agnostique vis-à-vis des religions d’Occident.
Il existe
un ressentiment dans la conscience musulmane par rapport à une situation qui
lui est incompréhensible. La religion la meilleure est en même temps celle
d’une population qui a été dominée par les Occidentaux à travers le colonialisme et qui le reste
économiquement. Cette position ne colle pas avec la conscience religieuse que
les musulmans ont de leur propre place dans cette histoire sacrée. Il y a une
conflictualité spécifique de la relation entre l’islam et les religions
occidentales.
Pourquoi
ce fondamentalisme fascine-t-il tant une partie des jeunes des cités
européennes paupérisées ?
Marcel
Gauchet. Le message fondamentaliste
prend un autre sens une fois recyclé dans la situation de nos jeunes de banlieus. Il entre en résonance avec les
difficultés de l’acculturation de cette jeunesse immigrée à une culture
individualiste en rupture totale avec ses repères, y compris communautaires,
qui viennent de sa tradition religieuse. Une culture individualiste, qui à la fois
fascine les plus ébranlés et leur fait horreur, et je pense que c’est le cœur
du processus mental qui fabrique le jihadiste occidental.
C’est un
converti, qui s’approprie la religion de l’extérieur et qui reste souvent très
ignorant de la religion qu’il prétend s’approprier. Son aspiration par ce
premier geste de rupture est de devenir un
individu au sens occidental du mot, en commençant par ce geste fondateur qu’est
la foi personnelle.
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