samedi 10 juillet 2021

Mongi Slim, ou le parcours d'un grand homme d'Etat Tunisien

Après que Sil Béhi Ladgham et Sil Mongi Slim, aient quitté leurs fonctions publiques, ils venaient souvent rendre visite à mon père Haj Boubaker Barnat chez qui ils passaient des après midi entières à se remémorer leur militantisme, leur actes de résistance, leur bravoure, leurs fréquents séjours en prison mais aussi où ils commentaient la politique du pays, l'action des différents gouvernements ou celle de tel ou tel ministre. Ce qui fait que mon père, bien que hors du pouvoir, savait beaucoup sur les hommes au pouvoir et discernait entre les grands hommes et les petits ambitieux. 
Les deux hommes ont fini par convaincre mon père d'accepter la légion d'honneur puisqu'il refusait d'intégrer l'Administration. Ce que mon père avait accepté, estimant que cela ne coûtait rien aux tunisiens qu'un hommage lui soit rendu pour tous les sacrifices consentis pour libérer son pays. Cependant, il a tenu à ce que cet insigne hommage lui soit rendu par le président Habib Bourguiba lui même. Ce qui fut fait. Mon père en était fier.
A la mort de mon père, Sil Béhi a tenu à faire l'éloge funèbre de son ami. Je découvrais à l'occasion la face cachée du résistant qu'était mon père. Sil Béhi Ladgham évoquait la pugnacité de mon père et son optimisme chevillé au corps quand il remontait le moral de ses codétenus, alors que tous étaient condamnés à mort; et se demandaient lui et Sil Mongi Slim, où leur ami puisait-il tant de courage alors qu'ils étaient désespérés et attendaient sans trop y croire dans leur cachot la grâce présidentielle ! 
Et la grâce présidentielle eut lieu : De Gaulle, grand résistant lui même, a gracié les résistants tunisiens qu'étaient mon père et ses amis. 
Le souhait de mon père, était que le drapeau de la Tunisie couvre son cercueil, insigne que la République réserve à ceux qui se sont sacrifiés pour la Tunisie. Ultime hommage que lui rendra Sil Béhi, qui le retirera lui même, juste avant la mise au tombeau de son ami.

R.B  

Mongi Slim, un orateur hors pair
Entretien avec FFK

Famille et formation 


Mongi Slim, né le 1er septembre 1908 à Tunis et mort le 23 octobre 1969 dans la même ville, est un homme politique chevronné doublé d’un brillant diplomate.

De petite taille, il est né au sein d’une famille de l’aristocratie tunisoise d’origine grecque : son arrière-grand-père Kafkalas, devenu le général Slim, est acheté sur le marché des esclaves, vendu comme mamelouk à un commerçant jerbien.


Celui-ci l’offre au bey de Tunis au début du XIXe siècle qui l’éduque, le libère et fait de lui son ministre de la Guerre. Son grand-père paternel est un caïd-gouverneur qui dirige la riche province du Cap-Bon. Sa mère appartient à la famille Bayram, une famille noble originaire de Turquie. Celle-ci avait pris de l’importance à Tunis.

Elle était célèbre dans le monde arabe pour ses érudits en droit musulman et le grand nombre de ses notables religieux. 


Mongi Slim fait ses études secondaires au sein du collège Sadiki. Puis, se rend en France d’où il revient diplômé de la faculté de droit à Paris.


Militantisme 


En 1936, il revient en Tunisie et adhère au Néo-Destour, nouvellement créé, entre autres, par Bourguiba. Sil Mongi Slim en assume la direction à la fin des années 1940 et au début des années 1950, quand ses illustres leaders étaient emprisonnés par les colonialistes.


A noter qu’une fois, Sil Mongi Slim avait même organisé clandestinement un des congrès du Néo-Destour dans le fief de sa famille à la Médina de Tunis. En 1952, il est écroué, à son tour, puis relâché au début de l’année 1954. Ce qui est jugé comme un geste d’apaisement à l’égard des nationalistes et du peuple tunisiens.


En juillet 1954, – suite à la reconnaissance par Mendès-France de l’autonomie interne de la Tunisie – il devient le négociateur en chef de la délégation tunisienne aux pourparlers de Paris menés avec le gouvernement français jusqu’en juin 1955.


Ministre et diplomate


Il devient ensuite ministre de l’Intérieur jusqu’en avril 1956. En sa qualité de ministre, il participe aux négociations de Paris qui se soldent par le protocole du 20 mars 1956 accordant à la Tunisie son indépendance.

La même année, il est nommé ambassadeur de la Tunisie auprès des Etats-Unis. À ce poste sont liés ceux d’ambassadeur auprès du Canada et de représentant permanent auprès des Nations Unies.


C’est à lui que revient, dès lors, l’honneur d’avoir inauguré la première ambassade de notre pays chez l’Oncle Sam. A ce propos, Sil Mongi était discrètement l’homme à tout faire dans la chancellerie en raison du peu de budget qui lui était alloué.


En janvier 1957 – et au vu de sa grande classe – il est élu au Comité spécial de l’Assemblée générale des Nations unies sur la question hongroise.

Il est également représentant permanent de la Tunisie au Conseil de sécurité entre janvier 1959 et décembre 1960. Il participe, ainsi, à toutes les sessions de l’Assemblée générale des Nations Unies en tant que chef de la délégation de notre pays.


En 1961, il participe à la troisième session extraordinaire de l’Assemblée générale qui traite de la crise de Bizerte appelant les ministres et les autorités de tutelle de se déplacer jusqu’à chez nous, afin de constater de visu les graves dégâts infligés par les forces d’occupation françaises, particulièrement les détachements aéroportés venus d’Algérie.


D’autre part, il est à l’origine de l’envoi du premier contingent de militaires tunisiens au Congo où une guerre fratricide s’est déclarée entre les diverses tribus de ce vaste pays que l’occupant belge a quitté avec précipitation laissant le pays au bord du gouffre.


Elu président de l’Assemblée générale de l’ONU, en février 1961, il n’occupe ce poste que quelques mois seulement quand Bourguiba, jaloux de sa grande popularité et son excellente réputation, aussi bien à l’échelle nationale qu’internationale, le fit rappeler illico-presto à Tunis.


Il est, alors, nommé ministre des Affaires étrangères. Il a été remplacé au poste de Washington par Bourguiba Jr. l’ami personnel de John Kennedy qui vient d’être élu triomphalement à la Maison-Blanche, notre raïs tenant, un tant soit peu, à satisfaire les ambitions de son fils d'autant qu’il comptait prochainement divorcer de sa mère Moufida, de son vrai nom Mathilde.


Du reste grâce à Bibi (Bourguiba Jr), Si Lahbib (Bourguiba) fut reçu avec tous les honneurs aux USA et a eu même droit à un bain de foule au cœur de Washington. Il était le premier chef d’Etat au monde à fouler le sol de la Maison-Blanche sous le mandat de Kennedy.


Après une période aux Affaires étrangères, Sil Mongi, en disgrâce, est nommé représentant personnel du président Habib Bourguiba. Puis, il refait surface en tant que ministre de la Justice entre le 5 septembre 1966 et le 6 septembre 1969. 


Il s’éteint le 23 octobre 1969 et sera inhumé au carré des martyrs du cimetière du Jellaz.


 

   

 

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